Alarme Sherbrooke inc. c. Collège de l'Estrie inc. CDE Solutions

2011 QCCQ 9328

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

SHERBROOKE

« Chambre civile  »

N° :

450-32-014918-106

 

 

 

DATE :

31 août 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN DÉSY, J.C.Q.

 

 

 

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ALARME SHERBROOKE INC. , ayant un établissement au 2525, chemin des Pèlerins, Sherbrooke (Québec) J1H 0C6

 

                                                 Partie demanderesse

 

c.

 

COLLÈGE DE L'ESTRIE INC. CDE SOLUTIONS , ayant un établissement au 37, rue Wellington Nord, Sherbrooke (Québec) J1H 5A9

 

                                                 Partie défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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Nature du litige

[1]            La présente affaire concerne un recours en résolution d'un contrat d'entreprise et de services, et en remboursement des sommes versées pour l'exécution dudit contrat par le donneur d'ouvrage.

[2]            Pour préciser quant à la nature du litige ici à l'étude, le Tribunal fait référence à un texte écrit à ce sujet par l'auteur en droit Jacques Deslauriers où il mentionne :

« Le contrat d'entreprise ou de service se distingue du contrat de vente. La vente a pour effet de transférer la propriété d'un bien à l'acheteur. Il peut s'agir d'un bien futur, mais le contrat de vente n'a pas pour objet la fabrication d'un bien, car le vendeur s'engage à fournir un bien et non pas à le réaliser. Les recours de l'acheteur ont des fondements différents : l'absence de délivrance, la non-conformité du bien délivré et les défauts cachés. Les recours du client d'un entrepreneur ou d'un prestataire de services sont fondés sur le défaut d'exécuter le travail attendu, le non-respect des règles de l'art, le non-respect des plans et devis et les malfaçons. » [1]

Objet du litige

[3]            La demanderesse réclame de la défenderesse la somme de 7 000 $ à titre de remboursement des sommes versées à cette dernière pour la conception, l'installation et la mise en marche d'un logiciel informatique devant servir aux opérations commerciales d'Alarme Sherbrooke inc., ici demanderesse.

[4]            En outre, la demanderesse requiert la résolution du contrat d'entreprise et de services, et elle offre de remettre à la défenderesse le logiciel reçu comme livrable.

[5]            Bien que la demanderesse ait versé à la défenderesse à ce jour la somme de 11 422,05 $ pour l'exécution de ce contrat [2] , elle accepte de réduire le montant de sa réclamation à 7 000 $ afin de permettre l'audition de la présente affaire devant la Division des petites créances.

[6]            En plus du montant ci-devant réclamé, la demanderesse réclame de la défenderesse des intérêts légaux, ainsi que le montant des frais payés au greffe de la Cour pour pouvoir y produire sa réclamation.

[7]            La défenderesse conteste les sommes réclamées par la demanderesse, et elle allègue que le logiciel a été conçu et livré suivant les ententes convenues avec la demanderesse.

[8]            Elle reproche toutefois à la demanderesse des délais encourus et des travaux additionnels occasionnés par les exigences ajoutées par cette dernière.

[9]            La défenderesse a d'ailleurs produit une demande reconventionnelle dont le Tribunal a décliné juridiction car cette réclamation ne pouvait se qualifier en Division des petites créances, vu la teneur de l'article 953 du Code de procédure civile du Québec .

« 953.  Les sommes réclamées dans une demande portant sur une petite créance, c'est-à-dire:

a)  une créance qui n'excède pas 7 000 $, sans tenir compte des intérêts;

b)  qui est exigible par une personne, une société ou une association, en son nom et pour son compte personnels ou par un tuteur, un curateur ou un mandataire dans l'exécution du mandat donné en prévision de l'inaptitude du mandant ou par un autre administrateur du bien d'autrui;

ne peuvent être recouvrées en justice que suivant le présent livre.

Il en est de même de toute demande qui vise la résolution, la résiliation ou l'annulation d'un contrat lorsque la valeur du contrat et, le cas échéant, le montant réclamé n'excèdent pas chacun 7 000 $.

Une personne morale , une société ou une association ne peut, à titre de créancier, se prévaloir des dispositions du présent livre que si, en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, elle comptait sous sa direction ou son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail . »

 

Le droit et analyse

[10]         Les articles du Code civil du Québec auxquels il faut référer pour décider cette affaire sont 2098, 2100, 2103, 2110, 2111, 1590 et 2803 qui se lisent comme suit :

« 2098.  Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer. »

« 2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure. »

« 2103.  L'entrepreneur ou le prestataire de services fournit les biens nécessaires à l'exécution du contrat, à moins que les parties n'aient stipulé qu'il ne fournirait que son travail.

Les biens qu'il fournit doivent être de bonne qualité; il est tenu, quant à ces biens, des mêmes garanties que le vendeur.

Il y a contrat de vente, et non contrat d'entreprise ou de service, lorsque l'ouvrage ou le service n'est qu'un accessoire par rapport à la valeur des biens fournis. »

«   2110.  Le client est tenu de recevoir l'ouvrage à la fin des travaux; celle-ci a lieu lorsque l'ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine.

La réception de l'ouvrage est l'acte par lequel le client déclare l'accepter, avec ou sans réserve. »

«  2111.  Le client n'est pas tenu de payer le prix avant la réception de l'ouvrage.

Lors du paiement, il peut retenir sur le prix, jusqu'à ce que les réparations ou les corrections soient faites à l'ouvrage, une somme suffisante pour satisfaire aux réserves faites quant aux vices ou malfaçons apparents qui existaient lors de la réception de l'ouvrage.

Le client ne peut exercer ce droit si l'entrepreneur lui fournit une sûreté suffisante garantissant l'exécution de ses obligations. »

« 1590.   L'obligation confère au créancier le droit d'exiger qu'elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard.

Lorsque le débiteur, sans justification, n'exécute pas son obligation et qu'il est en demeure, le créancier peut, sans préjudice de son droit à l'exécution par équivalent de tout ou partie de l'obligation :

1° Forcer l'exécution en nature de l'obligation;

2° Obtenir, si l'obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative;

3° Prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en œuvre de son droit à l'exécution de l'obligation. »

« 2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

 

[11]         Or, le Tribunal a entendu à l'audition les représentations de la demanderesse, ceux de la défenderesse, ainsi que leurs témoins respectifs.

[12]         Il appert de la preuve que le contrat confié à la défenderesse le 11 août 2009 était défini dans un écrit, pièce P-1, et il devait avoir été complété au plus tard le 28 décembre 2009, voir la pièce D-2.

[13]         Or, rendu au 1 er avril 2010, le logiciel informatique n'était toujours pas fonctionnel, une première mise en demeure des procureurs de la demanderesse fut donc nécessaire, pièce P-2, suivie d'engagements des représentants de la défenderesse d'installer le logiciel dès que possible sans frais, les corrections nécessaires devant être effectuées sans frais pour une période de 90 jours, voir lettre pièce P-3, datée du 12 avril 2010.

[14]         Or, le 8 juin 2010, la demanderesse faisait parvenir une seconde mise à la défenderesse car le logiciel n'était toujours pas fonctionnel. Le procureur de la défenderesse requérait alors du temps additionnel pour pouvoir rencontrer les représentants de sa cliente le 17 juin 2010, et faire le point sur le dossier, voir la pièce P-9.

[15]         Or, le 29 juin 2010, le procureur de la demanderesse écrivait [3] à celui de la défenderesse afin de l'informer que la demanderesse exigeait maintenant la résolution du contrat et le remboursement des sommes versées vu que le logiciel n'était toujours pas fonctionnel, ni fiable, qu'elle ne pouvait s'en servir pour ses opérations commerciales, et que visiblement elle ne pouvait penser pouvoir commercialiser ce logiciel dans les circonstances malgré ses projections du début.

[16]         La preuve entendue à l'audition a démontré de façon prépondérante qu'à la fin juin 2010, le logiciel n'était toujours pas fonctionnel, ni opérationnel chez la demanderesse pour ses opérations commerciales.

[17]         M me Nancy Gauvin, travaillant pour la défenderesse, a témoigné à l'effet que durant la deuxième demie de juin 2010, elle a utilisé une console empruntée chez la demanderesse pour des essais, et qu'avec un sous-programme qu'elle a conçu, elle pouvait communiquer avec la console.

[18]         Qu'est-ce que cela aurait donné comme résultat au moment d'utiliser l'ordinateur et la console chez la demanderesse, personne ne le sait, car la demanderesse a décidé entre-temps de mettre fin à leur relation d'affaires en invoquant les délais indus et le fait qu'elle n'avait plus confiance que la défenderesse allait pouvoir rendre fonctionnel le logiciel qu'elle a conçu.

 

[19]         La preuve entendue à l'audition ne démontre aucune autre démarche effectuée tant de la part de la défenderesse que de la demanderesse suite à cette mise en demeure du 29 juin 2010, si ce n'est le présent recours introduit devant la Cour le 2 novembre 2010.

[20]         La notion de la perte de confiance envers le débiteur d'une obligation a été étudiée dans la cause Brideau c. Pneus Carignan inc. [4] où le juge écrit :

« Le vendeur dispose d'un certain temps et d'un certain nombre de tentatives pour régler les problèmes. S'il n'y parvient pas, le client n'est pas tenu d'attendre indéfiniment que la chance tourne. Si le vendeur ne règle pas les problèmes, il ne doit pas se surprendre que la confiance de l'acheteur soit affectée, tout comme sa propre crédibilité. Le client devient de moins en moins sûr qu'on va pouvoir régler son problème et qu'on pourra le faire dans un temps raisonnable, de façon raisonnable et adéquate. C'est ce qui s'est passé ici. Après avoir été déçus trois fois, les demandeurs n'avaient plus confiance que les défenderesses sauraient régler leurs problèmes, au surplus dans un temps raisonnable et de façon adéquate . »

[21]         Dans le cas présent, le logiciel devait être livré et opérationnel pour la fin décembre 2009, c'est ce que les parties avaient convenu.

[22]         Or, à la fin juin 2010, six mois plus tard, ledit logiciel ne fonctionnait toujours pas de façon continue et sécuritaire, ce que la preuve a démontré.

[23]         L'entreprise de la demanderesse consiste à recevoir des appels d'urgence pour des alarmes feu ou vol qui surviennent, et c'est ce que le logiciel devait gérer entre l'ordinateur et la console, donc il faut que le service soit fonctionnel et sécuritaire.

[24]         Après six mois d'attente, suite à l'échéance convenue, la demanderesse était bien fondée, estime le Tribunal, à demander la résolution de cette vente et le remboursement des sommes versées pour ce projet.

[25]         Le recours de la demanderesse sera accueilli pour un montant de 7 000 $, la vente sera résolue, la demanderesse va devoir remettre le logiciel reçu, et elle aura droit aux frais judiciaires comme le veut la règle.

[26]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]         ACCUEILLE le recours de la demanderesse;

[28]         RÉSOUT à toutes fins que de droit l'entente de services intervenue le 11 août 2009 entre la demanderesse et la défenderesse, pièce P-1;

[29]         DONNE ACTE à l'offre de la demanderesse de remettre à la défenderesse le logiciel reçu de cette dernière en relation avec le présent contrat de services et d'entreprise, et ce, au plus tard dans les 5 jours de la réception des sommes ci-après;

[30]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de SEPT MILLE DOLLARS (7 000 $) plus l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis le 29 juin 2010, date de la dernière mise en demeure;

[31]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 207 $ qu'elle a dû payer au greffe de la Cour pour pouvoir y produire sa réclamation.

 

 

 

 

ALAIN DÉSY, J.C.Q.

 

Date d'audience :

22 août 2011

 

NOTE : Tous les soulignements et accentuations dans ce jugement sont du Tribunal

 

RETRAIT ET DESTRUCTION DES PIÈCES

 

            Les parties doivent reprendre possession des pièces qu'elles ont produites, une fois l'instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l'acte mettant fin à l'instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement.

 

            Lorsqu'une partie, par quelque moyen que ce soit, se pourvoit contre le jugement, le greffier détruit les pièces dont les parties n'ont pas repris possession, un an après la date du jugement définitif ou de l'acte mettant fin à cette instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement. 1194, c. 28, a. 20.

 

 



[1]     Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d'entreprise ou de service , Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 579; et voir Emballages Alpha inc. c. Industries Rocand inc. , 2011 QCCA 1114 par. 75

[2]     Voir la preuve des paiements, pièce P-5

[3]     Mise en demeure à la défenderesse 29 juin 2010, pièce P-10

[4]     REJB 1998-05786 , par. 69 (C.S.), confirmé par la Cour d'appel le 1 er mai 2001, C.A. Montréal, n 500-09-006518-981; et au même effet, Emballages Alpha inc. c. Industries Rocand inc. , J.E. 2009-951 , 23 avril 2009, par. 201 (C.S.)