Section des affaires économiques

 

 

Date : 22 août 2011

Référence neutre : 2011 QCTAQ 08375

Dossier  : SAE-Q-170141-1012

Devant les juges administratifs :

GILLES RENY

FRANÇOIS BOUTIN

 

BISTRO LES BEAUX DIMANCHES

Partie requérante

c.

RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 


 


Objet du recours

[1]               La requérante, Bistro Les Beaux Dimanches, conteste la décision 40-0003961 de la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie), rendue le 1 er décembre 2010, à son dossier 40-0362087-001.

Décision de la Régie

[2]               La Régie conclut ainsi sa décision :

 

«  SUSPEND

pour une période de 7 jours , le permis de bar (spectacles sans nudité) numéro 9310780 dont Bistro Les Beaux Dimanches 2006 inc. est titulaire, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin;

 

 

ORDONNE

la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée. »

[transcription conforme]

Les faits

[3]               Le 8 juin 2010, le constable Michel Gagné, du Service de police de Sherbrooke et trois de ses collègues font l’inspection du commerce de la requérante. À cette occasion, ils saississent les contenants de boissons alcooliques suivants :

-      10 bouteilles de bière de 341 millilitres de marque Coors Light

-      12 bouteilles de bière de 330 millilitres de maque Carlsberg

-      16 bouteilles de bière de 341 millilitres de marque Budweiser

-      15 bouteilles de bière de 341 millilitres de marque Molson Ex

-      19 bouteilles de bière de 660 millilitres de maque D’Achouffe (brune)

-      7 bouteilles de bière de 660 millilitres de marque D’Achouffe (blonde)

-      12 bouteilles de bière de 660 millilitres de marque Lochness

-      9 bouteilles de bière de 660 millilitres de marque Barbar

[4]               Ces contenants n’étaient pas marqués (mention CSP ou timbre). Ils ont été trouvés sur les tablettes et dans des caisses à l’intérieur du réfrigérateur derrière le bar. Le total en litres des contenants est de 48,961 litres [1] .

[5]               Le 30 septembre 2010, la Régie convoque M. Jean Bergeron, personne responsable désignée auprès de la Régie et propriétaire de l’établissement, à une audience par conférence téléphonique. Cette audience s’est poursuivie à Québec le 15 novembre 2010, suite à la requête de M. Bergeron d’assigner le constable Michel Gagné du Service de police de Sherbrooke afin d’y rendre un témoignage et de vérifier si les 12 bouteilles de bière de marque Carlsberg étaient bel et bien des bouteilles ne portant pas la mention CSP.

[6]               MM. Bergeron et Gagné étaient donc présents à cette audience.

[7]               Les paragraphes [4] à [19] de la décision contestée résument brièvement les témoignages de MM. Bergeron et Gagné.

[8]               Tant à l’audience devant la Régie qu’à l’audience du 8 juin 2011 devant le Tribunal, M. Bergeron admet la présence de bouteilles de bière non timbrées de marque Coors Light, Budweiser et Molson Ex, mais précise qu’elles étaient destinées uniquement aux ouvriers lors des travaux de rénovation de l’établissement effectués entre le 29 et le 31 mai 2010. Il fait valoir que l’établissement était fermé lors des travaux.

[9]               Le total en litres de ces contenants saisis le 8 juin 2010 totalise 13,981 litres.

[10]            M. Bergeron invoque, tant devant la Régie que devant le Tribunal, qu’il doute que les bouteilles de bière de marque Carlsberg ne portent pas la mention CSP.

[11]            Quant aux bouteilles de bière de marque D’Achouffe, Lochness et Barbar, il indique qu’elles ont été acquises auprès de Les brasseurs GMT inc. du Groupe Brasseurs RJ. Comme elles sont timbrées à la main par le brasseur, il prétend qu’il s’est produit une erreur humaine de la part du brasseur et que les bouteilles n’ont pas été timbrées.

[12]            Pour soutenir ces prétentions, la requérante a assigné à l’audience M me Anne Létourneau, directrice des ventes du Groupe Brasseurs RJ. Cette dernière confirme que la requérante est cliente à son entreprise pour l’acquisition de bières et notamment pour les bières de marque Carlsberg, D’Achouffe, Lochness et Barbar.

[13]            M me Létourneau explique qu’à la période de la saisie, son entreprise a vécu plusieurs problèmes d’étiquetage pour les produits Carlsberg, D’Achouffe, Lochness et Barbar et qu’il y a tout lieu de croire que les bouteilles de bières saisies faisaient partie des lots de bouteilles non timbrées à cause d’une erreur humaine survenue sur les lieux de distribution .

[14]            D’ailleurs, la requérante a produit des factures démontrant l’acquisition des produits saisis auprès du Groupe Brasseurs RJ.

[15]            Le constable Michel Gagné a, quant à lui, témoigné sur la saisie qu’il a effectuée dans les locaux de la requérante et il a produit la caisse de bières Carlsberg litigieuse.

[16]            Le Tribunal a pu constater, lors de l’audience, que cette caisse de bières Carlsberg portait l’identification S, ce qui signifie que les bouteilles qui y étaient incluses devaient être timbrées CSP. M. Gagné a exhibé les bouteilles de bière de marque Carlsberg contenues dans la caisse à l’audience devant le Tribunal et au moins une de ces bouteilles était timbrée, alors que ce dernier avait affirmé devant la Régie qu’une double vérification avait été faite et qu’il avait affirmé catégoriquement que les bouteilles de bière Carlsberg ne portaient pas la mention CSP.

[17]            Le Tribunal conclut plutôt à une erreur humaine de la part des policiers, puisqu’une seule bouteille n’est concernée.

Analyse et motifs du Tribunal

[18]            Le Tribunal tient son pouvoir général d’intervention des articles 14 et 15 de la Loi sur la Justice administrative [2]   :

«  14.    Est institué le ״ Tribunal administratif du Québec ״ .

           Il a pour fonction, dans les cas prévus par la loi, de statuer sur les recours formés contre une autorité administrative ou une autorité décentralisée.

           Sauf disposition contraire de la loi, il exerce sa compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel. »

«  15.    Le Tribunal a le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

           Lorsqu'il s'agit de la contestation d'une décision, il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et, s'il y a lieu, rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu. »

[19]            En l’espèce, l’intimée reproche à la requérante une infraction aux dispositions de l’article 72.1 de la Loi sur les permis d’alcool [3] ainsi qu’aux dispositions de l’article 82.1 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [4]  :

«  72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.

[…] »

«  82.1. Sous réserve des droits qui lui sont conférés par la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), à titre de titulaire de permis de production artisanale ou de producteur artisanal de bière, un titulaire de permis ne peut garder, posséder ou vendre dans son établissement :

[…]

  3°       de la bière qui n'a pas été achetée directement de la Société, d'un titulaire d'un permis de brasseur ou de distributeur de bière délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec ou d'un agent d'un titulaire de permis de brasseur ou de distributeur de bière.

[…] »

[20]            La preuve révèle que la requérante a acheté les produits saisis, à savoir : 12 bouteilles de bière de 330 millilitres de marque Carlsberg, 19 bouteilles de bière de 660 millilitres de marque D’Achouffe (brune), 7 bouteilles de bière de 660 millilitres de marque D’Achouffe (blonde), 12 bouteilles de bière de 660 millilitres de marque Lochness et 9 bouteilles de bière de 660 millilitres de marque Barbar de Les Brasseurs GMT inc., faisant partie du Groupe Brasseurs RJ.

[21]            La preuve révèle également, par le témoignage de M me Létourneau, que ce distributeur a connu des ratés pour ce qui est du timbrage des bouteilles de bière Carlsberg, D’Achouffe, Lochness et Barbar. La preuve démontre que la caisse de bouteilles de bière de marque Carlsberg en carton portait bien la mention S, indiquant que ces bouteilles devaient porter l’étiquetage du code CSP.

[22]            M me Létourneau indique qu’elle a dû intervenir à plusieurs reprises lors de saisies chez des tenanciers clients pour des bouteilles de produits déficientes au niveau du timbrage .

[23]            L’intimée n’a fourni aucun élément de preuve permettant de mettre en doute les témoignages et les documents mis en preuve par la requérante, le rapport de saisie et le témoignage du constable Gagné constituant l’unique preuve de l’intimée.

[24]            La preuve prépondérante est à l’effet qu’outre les bouteilles de marque Coors Light, Budweiser et Molson Ex, les 48 bouteilles de bière saisies proviennent de caisses achetées du distributeur Les Brasseurs GMT inc. du Groupe Brasseurs RJ, que l’absence de l’empreinte du code CSP sur lesdites bouteilles, à l’exception d’une, soit due à une erreur humaine produite chez le distributeur.

[25]            Considérant les circonstances, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas d’infraction aux dispositions citées concernant les 48 bouteilles de bière saisies.

[26]            Considérant que la requérante admet qu’elle a introduit 13,981 litres de contenants de boissons alcooliques ne portant pas la mention CSP.

 

[27]            PAR CES MOTIFS , le Tribunal

ACCUEILLE partiellement le recours de la requérante;

INFIRME en partie la décision 40-0003961, au dossier 40-0362087-001, rendue par l’intimée le 1 er décembre 2010, constatant que l’infraction ne porte que sur une quantité de 13,981 litres de contenants de boissons alcooliques ne portant pas la mention CSP;

MODIFIE la période de suspension imposée à la requérante;

SUSPEND, pour une période de 3 jours, le permis de bar (spectacles sans nudité) n o 9310780 dont Bistro Les Beaux Dimanches 2006 inc. est titulaire, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin; et

ORDONNE la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée.

 


 

GILLES RENY, j.a.t.a.q.

 

 

FRANÇOIS BOUTIN, j.a.t.a.q.


 

Firlotte, Asselin, avocats

Me Gabriel Bervin

Procureur de la partie intimée


 



[1]     Extrait de la décision en contestation, p. 2, par. [2].

[2]     L.R.Q., c. J-3.

[3]     L.R.Q., c. P-9.1.

[4]     L.R.Q., c. I -8.1.