RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

 

 

NUMÉRO DU DOSSIER

:

40-0362988-001

[ACCES]

DATE DE L’AUDIENCE

:

2011-05-19 à Montréal ( conférence téléphonique)

RÉGISSEURE

:

M me Jocelyne Caron

TITULAIRE

:

LAFLAMME, Marc

RESPONSABLE

:

M. Marc Laflamme

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Au Brasier

ADRESSE

:

689, rue de Roxton

Acton Vale (Québec)  J0H 1A0

PERMIS EN VIGUEUR

:

Restaurant pour vendre

1 er étage  (80 personnes)

N o 9714742

NATURE DE LA DÉCISION

:

Contrôle de l’exploitation

DATE DE LA DÉCISION

:

2011-08-1 6

NUMÉRO DE LA DÉCISION

:

40-0004269

 

 

 

DÉCISION

 

[1]                Par avis du 28 janvier 2011 et avis de report le 30 mars 2011, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) convoquait la titulaire afin d’examiner les allégations de faits portées à sa connaissance et d’enquêter pour savoir s’il y a eu manquement à ses obligations légales.
LES FAITS

[2]                Les allégations de faits se résument ainsi à l’avis de convocation :

 

[ Transcription conforme ]

Contenant(s) non timbré(s)

Le 29 juillet 2010, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 1) :

-     1 bouteille(s) de vin blanc de 1 litre(s) de marque Wallaroo Trail , 13 % alc./vol.

-     1 bouteille(s) de vin rouge de 1 litre(s) de marque Wallaroo Trail , 13 % alc./vol.

-     1 bouteille(s) de boisson(s) alcoolique(s) de 750 millilitre(s) de marque Vodka              Moskovskaya , 40 % alc./vol.

Le timbre de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce(s) contenant(s).

Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) sur la table, à côté du four, dans la cuisine.

Total en litres du (des) contenant(s) non timbré(s) : 2,75 litre(s).

autres informations pertinentes

Vous êtes autorisé(e) à exploiter cet établissement depuis le 28 mai 2008.

La date d'anniversaire du(des) permis est le 28 mai.

 

 

[3]                L’audience s’est tenue le 19 mai 2011, au Palais de justice de Montréal, en présence de M e Judith St-Cyr, procureure de la Direction du contentieux de la Régie et par conférence téléphonique avec M. Marc Laflamme, titulaire.

 

 

 

Preuve de la Direction du contentieux

 

[4]                M e St-Cyr présente la preuve documentaire au dossier (document 1).

 

[5]                Deux (2) bouteilles de vin et une (1) bouteille de boissons alcooliques ont été saisies, le 29 juillet 2010, sur la table, à côté du four dans la cuisine.

 

[6]                Ces trois (3) contenants n’étaient pas timbrés.


Preuve de la titulaire

 

[7]                M. Laflamme nous explique que les boissons saisies sont des vins de cuisson salés, de marque Bon Chef. Ces vins dénaturés sont utilisés pour la préparation des sauces et des pâtes.

 

[8]                Ces contenants se vendent en 20 litres seulement et il doit les transférer dans des contenants plus petits pour cuisiner.

 

[9]                Les contenants de 20 litres en carton, à côté du four, constitueraient un risque d’incendie.

 

[10]            Il a donc mis les vins de cuisson dans trois (3) anciennes bouteilles d’alcool vissables qu’il a conservées de son ancien permis de restaurant pour servir.

 

[11]            Ces contenants sont beaucoup plus pratiques pour cuisiner car il ne peut aller chercher du vin de cuisson du contenant de 20 litres chaque fois qu’il en a besoin.

 

[12]            Il doit donner son numéro de permis d’alcool pour acheter ces vins dans son magasin d’alimentation et ils ne se vendent pas à la SAQ.

 

[13]            Ces vins de cuisson ne peuvent se boire, c’est beaucoup trop salé. Il précise qu’aucun timbre n’apparaît sur les contenants de 20 litres.

 

 

Représentations de M e Judith St-Cyr

 

[14]            M e St-Cyr demande un délai de deux (2 ) semaines pour faire des recherches sur les vins dénaturés.

 

[15]            Un délai est accordé jusqu’au 7 juin 2011 pour les observations écrites.

 

[16]            M e St-Cyr les transmet le 3 juin 2011.

 

 

Représentations de M. Marc Laflamme

 

[17]            M. Laflamme s’engage à transmettre à la Régie des factures d’achat de vin de cuisson d’ici le 7 juin 2011.

 

[18]            Il souhaiterait connaître la réglementation pour les vins de cuisson car personne ne peut l’informer adéquatement.

 

[19]            M. Laflamme transmet le 27 mai 2011, deux (2) factures datées respectivement du 6 janvier 2011 et du 24 février 2011.

 

[20]            Observations écrites supplémentaires de M e Judith St-Cyr :

[ Transcription conforme ]

Les reproches sont à l’effet que le titulaire aurait eu en sa possession, le 29 juillet 2010, 3 bouteilles de boissons alcooliques non acquises conformément à son permis, pour un total de 2,75 litres.

La défense du titulaire repose essentiellement sur le fait que ces 3 bouteilles proviendraient de son ancien permis de restaurant pour servir, qu’elles étaient vides et qu’il aurait mis du vin de cuisson à l’intérieur de celles-ci.

Dans un premier temps, il convient de soumettre que l’article 72.1 LPA s’applique : « Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence des boissons alcooliques acquises conformément à son permis… »

Dans le cas qui nous occupe, il y a absence de timbre de droit sur les bouteilles, donc présomption qu’elles n’ont pas été acquises conformément. Je vous soumets que le titulaire n’a pas réussi à renverser cette présomption.

Dans un premier temps, il appert de la preuve que trois contenants différents ont été saisis. Si l’on analyse l’ensemble des factures soumises, seulement deux contenants (un de vin blanc et un de vin rouge) de 20 litres de vin dénaturé ont été achetés. La troisième inscription de vin dénaturé a été vendue dans six contenants de 2 litres seulement. Un contenant de 2 litres est facile à manipuler et il n’y pas de raison de vouloir en transférer le contenu. Que contient le troisième contenant de boisson dans ce cas?

Le titulaire affirme que les bouteilles saisies sont des bouteilles de clients qui proviennent d’un ancien permis de restaurant pour servir. Par contre, avec ce type de permis, il est interdit aux clients d’apporter des spiritueux tels que la vodka, item saisi le 29 juillet. Donc la bouteille de vodka ne peut pas provenir de l’établissement sous un ancien permis de restaurant pour servir. Qui plus est, le titulaire est actuellement en possession d’un permis pour vendre et en ce sens, toutes les boissons alcooliques de l’établissement se doivent d’être timbrées , ce qui n’est pas le cas.

Dans un établissement, l’on s’attend à ce que toutes les boissons alcooliques soient timbrées et surtout, que le produit à l’intérieur de la bouteille corresponde à ce qui est écrit sur l’étiquette. L’étiquette fait foi du produit sur la bouteille. Dans le cas contraire, on induit les clients et les autorités compétentes en erreur. Surtout, une autres substance ne doit, en aucun temps, être ajoutée dans une bouteille de boisson alcoolique auquel cas, nous sommes en présence d’une infraction pénale prévue à l’article 84.1 de la LIMBA.

Relativement aux factures soumises par le titulaire, nous vous soumettons qu’elles ne sont pas contemporaines aux évènements et par conséquent, ne peuvent pas être prises en considération. La première facture est du 6 janvier 2011 et la seconde du 24 février 2011. Tout ce que cela vient démontrer, c’est qu’à deux occasions en 2011, le titulaire a acheté du vin dénaturé.

Aucun élément ne nous permet de croire qu’au moment des événements, il y avait du vin dénaturé et encore moins, que les bouteilles saisies contenaient ce type de vin. Et si effectivement une autre substance avait été ajoutée aux bouteilles et que nous avions des condamnations pénales, nous serions en présence d’une infraction supplémentaire.

Nous vous soumettons que nous sommes en présence de trois contenants de boisson alcoolique non timbrés et qu’il y a une présomption que le produit à l’intérieur de celles-ci est bien l’alcool mentionné sur l’étiquette, parce que le titulaire n’a pas réussi à renverser la présomption. Le titulaire n’a pas soumis de facture d’achat concernant la bouteille de vin blanc Wallaroo Trail, la bouteille de vin rouge Wallaroo Trail ainsi que de la bouteille de Vodka Moskovkawa. Qui plus est, le titulaire admet ne pas avoir acheté ces bouteilles conformément à son permis d’alcool en affirmant qu’elles proviennent de clients.

Pour tous ces motifs, nous soumettons que le titulaire n’a pas acquis de façon conforme trois boissons alcooliques le 29 juillet 2010 et qu’en conséquence la Régie doit suspendre le permis d’alcool.

 

[21]            Factures supplémentaires et observations de M. Marc Laflamme :

[ Transcription conforme ]

Suite au rapport de Maître Judith St-Cyr le 3 juin 2011, voici quelques observations, ainsi que 8 factures de 2008 (ouverture du restaurant) à 2011, prouvant l’achat de vin dénaturé chez Alim Plus.

·    Facture 00416789 du 01 janvier 2008 , ligne 18, vin cuisson rouge en 20 L.

·    Facture 00417911 du 04 septembre 2008 , ligne 9, vin cuisson blanc en 20 L.

Vous remarquerez que sur ces 2 factures notre numéro de permis était 111111 puisque notre permis à ce moment là, était « pour servir ».

Sur les factures suivantes, notre numéro de permis a été changé pour 9714742, car nous sommes devenus «pour vendre »

·    Facture 00437497 du 18 décembre 2008 , ligne 17, vin cuisson rouge en 20 L.

·    Facture 00482864 du 27 août 2009 , ligne 27, vin cuisson rouge en 20 L.

·    Facture 00472999 du 09 juillet 2009 , ligne 15, vin cuisson blanc en 20 L.

·    Facture (coupé en photocopiant) du 04 mars 2010 , ligne 09, vin cuisson blanc en 20 L.

·    Facture 00524780 du 22 avril 2010 , ligne 17, vin cuisson rouge en 20 L.

·    Facture 00572810 du 06 janvier 2011 , ligne 09, vin cuisson blanc en 20 L., et ligne  11, vin rouge en 20 L.

De plus, j’aimerais porter votre attention, que dans le rapport de Maître St-Cyr datant du 3 juin 2011, elle fait mention à la page 2, deuxième paragraphe, que la troisième inscription de vin dénaturé a été vendu dans 6 contenants de 2 litres. Cette affirmation est fausse, puisque les vins dénaturés sont vendus seulement qu’en format de 20 L. et les contenants de 2 L. sont plutôt du porto dénaturé.

Voici les factures à l’appui :

· Facture 00524780 du 22 avril 2010 , ligne 08, alcool dénaturé porto rouge en 2 L.

· Facture 00580937 du 24février 2011 , ligne 04, alcool dénaturé porto rouge en 2 L.


LE DROIT

 

[22]            Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :

Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)

 

84.  Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie.

[ ]

 

Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)

 

72.1.  Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.

[ ]

86.   [ ] La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:

[ ]

4° le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;

[ ]

La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l'article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants:

 a) la quantité de boissons alcooliques ou d'appareils de loterie vidéo;

 b) le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaise qualité ou impropres à la consommation;

 c) le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;

 d) le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1 dans les cinq dernières années;

 e) le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu'elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).

ANALYSE

 

[23]            M e Judith St-Cyr et M. Marc Laflamme ont respecté les délais accordés lors de l’audience.

 

[24]            L’article 72.1 de la LPA oblige le détenteur de permis d’alcool à acheter les bouteilles de boissons alcooliques conformément à ses permis.

 

72.1.  Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.

[ ]

 

[25]            Concernant les boissons alcooliques dénaturées, nous devons nous référer à la directive numéro P-51291-A 220, émise par la Régie, le 5 décembre 1991.

 

[26]            Cette directive précise que « tout détenteur d’un permis d’alcool permanent émis en vertu de la Loi sur les permis d’alcool et décrit à la section 1 du chapitre III sur les permis, sauf un détenteur de permis de réunion a, s’il le désire, l’autorisation d’acheter de telles boissons alcooliques dénaturées ; il doit fournir son numéro de permis d’alcool à chaque commande qu’il place à un distributeur. Ces boissons alcooliques dénaturées ne sont pas timbrées » .

 

[27]            Ces boissons alcooliques dénaturées doivent être achetées d’un détenteur de permis permanent de distributeur dûment reconnu dans la  « liste des distributeurs autorisés de boissons alcooliques dénaturées, colligées par la SAQ ».

 

[28]            Les factures déposées par M. Laflamme démontrent qu’il achète régulièrement du vin dénaturé chez Alim Plus inc. à Québec, distributeur autorisé, dûment reconnu par la SAQ.

 

[29]            Les boissons alcooliques dénaturées ont donc été achetées conformément au permis d’alcool détenu par la titulaire.

 

[30]            Le problème réside dans le fait que la titulaire a transvidé ces boissons dénaturées dans des bouteilles de boissons alcooliques.

 

[31]            Tel que mentionné par M e St-Cyr dans ses observations écrites supplémentaires « une autre substance ne doit en aucun temps, être ajoutée dans une bouteille des boissons alcooliques » même si cette bouteille ne contient plus de boissons alcooliques.

[32]            L’article 84.1 de la LIMBA précise cette interdiction principalement dans la première partie de son alinéa 2 et je cite :

 

« Tant que ces contenants portent la marque ou étiquette qu’ils portaient lors de leur livraison, il est défendu d’y mettre aucune autre substance …»

 

[33]            De plus, en vertu de l’article 84 de la LIMBA, il est défendu à un titulaire de permis de garder dans son établissement un contenant de boissons alcooliques sur lequel n’est pas apposé le timbre de la Société des alcools.

 

[34]            Le contenant de 20 litres de vin dénaturé étant peu pratique pour cuisiner, le titulaire doit mettre cette préparation pour cuisiner dans un contenant de verre ou de plastique autre qu’une ancienne bouteille de boissons alcooliques afin de ne pas contrevenir aux articles 84 et 84.1 de la LIMBA.

 

[35]            Dans le présent cas, le titulaire n’a pas contrevenu à l’article 72.1 de la LPA.

 

[36]            La Régie n’a donc pas l’obligation de suspendre ou de révoquer le permis du titulaire tel que l’exige l’article 86, 4 o de la LPA lorsqu’il est démontré que la titulaire a contrevenu à l’article 72.1.

 

[37]            Dans le présent cas, la Régie n’interviendra pas contre le titulaire puisqu’il a acquis ces vins dénaturés conformément à son permis d’alcool.

 

[38]            Le titulaire a contrevenu aux articles 84 et 84.1 de la LIMBA. Ces faits n’étant pas reprochés à l’avis de convocation, la Régie n’interviendra pas.

 

[39]            Cependant, la Régie avise le titulaire qu’il doit modifier sa manière d’utiliser ses vins dénaturés en les mettant dans des contenants de verre ou de plastique qui n’ont aucun lien avec des contenants de boissons alcooliques afin de respecter les articles 84 et 84.1 de la LIMBA.

 

PAR CES MOTIFS,

 

N’INTERVIENT PAS

 

la Régie des alcools, des courses et des jeux :

 

dans cette affaire.

 

 

 

 

                                                           _____________________________

 

                                                           JOCELYNE CARON

 

                                                           Régisseure

 

 



[1] L.R.Q., c. I-8.1

[2] L.R.Q., c. P-9.1