Demian c. Teesdale

2011 QCCS 4686

JG1793

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N°:

500-17-046888-080

 

DATE :

  1 er SEPTEMBRE 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CLÉMENT GASCON, J.C.S.

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THÉRÉSA MOUSSA DEMIAN

Demanderesse

c.

ERIKA TEESDALE

et

FONDS D'ASSURANCE RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE DE LA CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

Défenderesses

 

et

ERIKA TEESDALE

Demanderesse en garantie

c.

YOUNAN DEMIAN

Défendeur en garantie

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JUGEMENT

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INTRODUCTION

[1]            Thérésa Moussa Demian réclame au notaire Erika Teesdale et au Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec une somme de 412 265,35 $ [1] .

[2]            La réclamation se compose, d'une part, d'un montant de 164 808,50 $ US (227 770,91 $ CA) que Mme Demian aurait confié à Me Teesdale en mai et juin 2004 et, d'autre part, d'un montant de 184 484,44 $ représentant les intérêts au taux de 18 % l'an accumulés depuis juin 2005 sur la première somme.

[3]            D'entrée de jeu, il convient d'écarter sommairement le deuxième volet de la réclamation.  Aucune entente verbale ou écrite ne l'appuie.  Il y a donc absence de fondement juridique à la revendication.  L'avocat de Mme Demian n'insiste pas sur ce point en argument.

[4]            Quant au premier montant, Mme Demian reproche d'un côté à Me Teesdale de s'être accaparée sans droit des sommes confiées.  Elle les aurait de fait transférées sans autorisation à la compagnie d'un tiers, Michel Nader.   De l'autre côté, Mme Demian tient le Fonds responsable des fautes professionnelles commises par Me Teesdale en sa qualité de notaire.

[5]            Me Teesdale nie d'abord que Mme Demian ait été sa cliente à quelque moment que ce soit.  En tout temps pertinent, elle n'aurait reçu des instructions que du frère de Mme Demian, Younan Demian, le seul qui soit son client.  Me Teesdale plaide avoir toujours agi selon les directives de ce dernier.  Il serait d'ailleurs bien au fait de tous les agissements de Me Teesdale, et ce, depuis au moins juin 2004.  L'action de Mme Demian, qui date de novembre 2008, serait donc manifestement prescrite [2] .

[6]            À tout événement, Me Teesdale soutient ensuite n'avoir commis aucune faute puisqu'elle a agi selon les instructions de son client, M. Demian.  Du reste, si cela s'avérait inexact et qu'elle avait, par inadvertance, illégalement transféré des sommes appartenant à Mme Demian, Me Teesdale se porte demanderesse en garantie et demande à son frère de l'indemniser de toute condamnation [3] .

[7]            M. Demian conteste le recours en garantie entrepris contre lui par Me Teesdale [4] .  Selon ses prétentions, il ne l'aurait jamais autorisée à faire ce qu'elle a fait. 

[8]            Pour sa part, le Fonds demande le rejet de la réclamation de Mme Demian à son endroit [5] .  À ses yeux, si Me Teesdale dit vrai, le recours de Mme Demian est sans justification.  Si, au contraire, la version de Mme Demian doit prévaloir, il s'agirait alors d'agissements frauduleux de la part du notaire.   Or, la police d'assurance pertinente exclut la couverture de tels gestes.

QUESTIONS EN LITIGE

[9]            Quatre questions doivent être tranchées en l'espèce :

1.         Y a-t-il un lien de droit entre Mme Demian et Me Teesdale ?

2.         Le recours de Mme Demian est-il prescrit ?

3.         La preuve prépondérante appuie-t-elle la prétention voulant que Me Teesdale se soit accaparé sans justification des sommes transférées pour les remettre unilatéralement à un tiers ?

4.         Dans la mesure où une fraude peut être reprochée à Me Teesdale, le Fonds peut-il en être tenu responsable ?

[10]         Aussi bien le dire dès à présent, le Tribunal est d'avis que le recours de Mme Demian est sans fondement.

[11]         D'abord, il y a absence de lien de droit entre elle et Me Teesdale.  La relation notaire-client dont elle s'autorise n'est simplement pas établie.

[12]         Ensuite, le recours est manifestement prescrit.  M. Demian est au courant de la problématique en litige depuis au moins le mois de juin 2004.  Au pire, il s'agit du client de Me Teesdale; au mieux, il était le mandataire de sa sœur et sa connaissance des faits peut donc être imputée à cette dernière.

[13]         Par ailleurs, la preuve prépondérante n'appuie pas la prétention voulant que Me Teesdale ait agi unilatéralement et sans autorisation.  En toute vraisemblance, elle a plutôt procédé sur la foi des instructions reçues à l'époque de M. Demian.

[14]         Enfin, le recours contre le Fonds est mal fondé.  Les reproches faits à Me Teesdale ne sont pas établis.  Quant à la police d'assurance applicable, elle aurait exclu toute couverture si les agissements frauduleux invoqués à l'encontre de Me Teesdale avaient été prouvés.

[15]         Avant d'élaborer sur les raisons qui appuient ces réponses aux quatre questions en litige, il convient d'abord de résumer le contexte factuel pertinent.

CONTEXTE FACTUEL

[16]         Au printemps 2004, M. Demian est un client de Me Teesdale depuis un certain temps.  À cette époque, à la demande de son frère, Mme Demian, qui habite en Égypte, transfère deux sommes d'argent à Me Teesdale. 

[17]         Au moment de ces transferts, Mme Demian et Me Teesdale ne se connaissent pas.  Elles ne se sont jamais parlé ou écrit.  Elles ne se sont jamais vues.

[18]         Le transfert des sommes d'argent se fait en deux temps.  Un premier transfert a lieu le 16 mai 2004.  Un second s'effectue le 2 juin 2004.  Les transferts transitent par une banque à New York.  Le montant exact du premier est 75 000 $ US, et celui du second, 89 808,50 $ US [6] .

[19]         Les documents afférents aux transferts renvoient à Me Teesdale et à sa succursale bancaire.  Si la notaire confirme avoir bien reçu les sommes dans son compte en fidéicommis, elle affirme n'avoir jamais vu ces documents de transfert.

[20]         Mme Demian explique avoir obtenu les données relatives aux transferts de la part de Me Teesdale elle-même, et ce, par le biais d'un courriel daté du 22 avril 2004 qu'elle lui aurait envoyé [7] .  Ce document est fortement contesté.  Me Teesdale en nie l'authenticité.  Elle insiste à l'audience pour le dépôt de l'original.  Mme Demian n'est pas en mesure de l'exhiber.  Seules des copies sont offertes.

[21]         Devant l'objection soulevée, il y a lieu de rejeter cette preuve du dossier. Me Teesdale est en droit d'insister sur le dépôt de l'original de ce document dont elle nie être l'auteure.  Selon son témoignage non contredit, le courriel n'est pas de son cru.

[22]         Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il comporte des incongruités manifestes à sa face même. 

[23]         D'un côté, il est clair qu'il comporte deux types de typographie.  L'adresse du destinataire, address-o-data@bellnet.ca, n'est pas du même caractère que le reste du document.   De l'autre côté, deux versions différentes du courriel sont déposées au dossier [8] .  Enfin, le courriel renvoie à un montant global de 230 000 $ que ni la preuve, ni la logique ne peuvent expliquer.

[24]         Vu la contestation du notaire, il appartenait à Mme Demian de faire une preuve valable de l'authenticité de ce document.  Elle n'a pas rempli le fardeau qui lui incombe à ce sujet.

[25]         Toujours est-il qu'en début juin 2004, les sommes en question transférées par Mme Demian se retrouvent dans le compte en fidéicommis de Me Teesdale.  Elles sont portées au crédit de M. Demian dans la comptabilité de Me Teesdale [9] .

[26]         À ce chapitre, il semble acquis que les sommes transférées se retrouvent ainsi au bon endroit.

[27]         La lettre du 22 juin 2006 [10] de Me Kushnir, le premier avocat de Mme Demian, confirme que les sommes étaient destinées à l'usage de son frère.  De même, le mandat confié par Mme Demian à Me Kushnir souligne que le transfert des sommes, par l'entremise d'un «  courrier agency run by Mrs. Erika Teesdale  », se voulait pour le bénéfice de son frère.

[28]         Dès réception des sommes, Me Teesdale les acheminent du compte en fidéicommis qu'elle détient pour M. Demian à une autre entité, 9096-2556 Québec inc.  Il s'agit de la compagnie de M. Nader, un individu que M. Demian connaît bien.  C'est un entrepreneur avec qui il fait alors affaires.  Il construit, semble-t-il, la résidence que M. Demian acquiert finalement vers la fin décembre 2005 [11] .

[29]         Dès que l'ensemble des sommes reçues par Me Teesdale de Mme Demian sont ainsi transférées à la compagnie de M. Nader, M. Demian en est avisé par son notaire.  Cela se situe au cours de la première semaine de juin 2004. 

[30]         À l'audience, M. Demian se dit étonné de l'apprendre.  Toutefois, à l'époque, il ne réagit pas.  Il ne s'en plaint pas à Me Teesdale.  Il n'en dit mot à sa sœur.  Il ne fait que s'en plaindre, semble-t-il, auprès de M. Nader au motif que les sommes ne devaient pas lui être remises.  Ce dernier est cependant absent au procès.  On ignore tout de sa version des faits.

[31]         En outre, entre juin 2004 et décembre 2005, soit pendant près de 18 mois, ni la sœur, ni le frère ne discutent entre eux du sort des sommes transférées.  Bien qu'au courant du fait que Me Teesdale les a remises à la compagnie de M. Nader, M. Demian n'en parle pas à sa sœur.  Bien qu'ils aient plusieurs échanges téléphoniques au fil des mois, aucun ne porte sur le sujet.

[32]         De la même manière, durant toute cette période, Mme Demian ne parle pas, ni n'écrit à Me Teesdale pour s'enquérir du sort des sommes.  Elle ne l'a d'ailleurs jamais vue avant l'audience tenue devant le Tribunal.  Durant tout ce temps, Mme Demian ne reçoit aucune note d'honoraires de sa part.  Elle ne lui en a de fait jamais versé.

[33]         En décembre 2005, M. Demian signe devant Me Teesdale l'acte de vente par lequel il acquiert sa résidence de la compagnie de M. Nader à qui les sommes ont été transférées [12] . À cette occasion, il signe également une espèce de feuille d'ajustement intitulée « Distribution des fonds du (sic) l'acquéreur ».  Les trois dernières lignes, dactylographiées et ajoutées au formulaire type, indiquent ceci [13] :

« Je, soussigné, confirme que j'ai autorisé irrévocablement Erika Teesdale, notaire, à remettre à 9062556 Québec inc. mes argents totalisant 223 065,74 $ que j'ai transférés de l'Égypte dans son compte in trust . »

[34]         La signature de M. Demian suit.  Elle est directement collée sur ces trois lignes.  Elle semble se trouver en partie par-dessus cette section dactylographiée.

[35]         À l'audience, un débat se soulève sur l'authenticité de ce document.   Cette fois, l'original est dûment déposé au dossier de la Cour.  M. Demian prétend par contre qu'il s'agit d'un faux.  Selon lui, les lignes dactylographiées reproduites auraient été ajoutées par-dessus sa signature.  Aucun affidavit conforme à l'article 89 C.p.c . n'appuie sa position.

[36]         Pour sa part, Me Teesdale nie catégoriquement la fabrication alléguée.  Elle a vu M. Demian signer le document tel quel.  Selon elle, l'ajout de ces lignes visait simplement à traiter des sommes reçues en regard de cette transaction au moment de la finalisation de l'acte de vente.

[37]         Là aussi, les parties ont fortement débattu l'objection à la preuve portant sur ce document.  À ce stade-ci, il convient d'en confirmer le rejet.  L'original est produit.  Aucune preuve permettant de mettre en doute son authenticité n'est offerte.  Quoique M. Demian, par ses avocats, ait fait part à maintes reprises de son intention de faire expertiser ce document, il ne l'a pas fait.  Aucune expertise d'écriture n'est déposée pour remettre en question l'authenticité du document.

[38]         Le fardeau d'établir la falsification alléguée reposait sur les épaules de M. Demian.  Il ne s'en est pas déchargé. Le document est admissible en preuve dans son état actuel.  Sa valeur probante et son authenticité sont établies.

[39]         Cela étant, après la signature de ce document de décembre 2005, M. Demian se rend en Égypte et, entre autres, y rencontre sa sœur.  Selon ses dires, il la met alors au courant du fait que les sommes qu'elle aurait transférées ne lui sont jamais parvenues; elles furent plutôt remises à la compagnie de M. Nader.  À l'audience, Mme Demian dit être en état de choc. 

[40]         Qu'à cela ne tienne, étonnamment, il y a absence de réaction immédiate tant de sa part que de son frère.

[41]         De fait, ce n'est que quelques mois plus tard, soit en juin 2006, que Me Kushnir, le premier avocat de Mme Demian, réagit pour la première fois auprès de Me Teesdale.  Il fait état du transfert des sommes par la sœur à l'usage de son frère.  Il se plaint du fait qu'elles auraient été transférées à un dénommé Michel.  Il demande des explications.

[42]         Après quelques échanges infructueux et certains délais imputables au fait que Me Teesdale soit alors en congé de maternité, Me Kushnir s'adresse à la Chambre des notaires du Québec en octobre 2006 [14] .  La syndic adjoint fait une enquête et confirme en juin 2007 ne pouvoir conclure que Me Teesdale a été avisée que Mme Demian lui avait personnellement transféré des sommes [15] .

[43]         S'ensuivent alors certains échanges relatifs au courriel du mois de mai 2004 contesté par Me Teesdale [16] et au renvoi par la Chambre des notaires à l'attestation signée par M. Demian le 9 décembre 2005 voulant qu'il ait autorisé irrévocablement Me Teesdale à transférer les argents en litige à 9096-2556 Québec inc. [17] .

[44]         Les échanges entre le Fonds et Me Kushnir se terminent sur une note révélatrice.  Celui-ci dit qu'il a l'intention de donner mandat à des experts pour analyser l'authenticité du document signé par M. Demian le 9 décembre 2005.  À l'audience, Me Kushnir explique qu'il est alors conscient que le débat se retrouve dans une impasse.  Les versions sont diamétralement opposées sur l'authenticité du document. Seule une expertise pourrait permettre de faire la lumière sur la question.

[45]         Bien que les avocats de Mme Demian évoquent cette possibilité à quelques reprises [18] , cette expertise ne sera jamais effectuée.

[46]         Ce n'est que plus d'un an après que l'affaire refait surface.  Le nouvel avocat de Mme Demian s'adresse à nouveau à la Chambre des notaires en octobre et novembre 2008 [19] pour soulever encore des questions sur le document du 9 décembre 2005.  Devant les réponses insatisfaisantes reçues, la requête introductive d'instance est déposée et signifiée à la fin novembre 2008.

[47]         Plus de trois ans et demi se sont alors écoulés depuis les transferts des sommes d'argent de Mme Demian à Me Teesdale, leur remise par Me Teesdale à la compagnie de M. Nader et la connaissance acquise de la situation par M. Demian.

ANALYSE

1. Le lien de droit

[48]         Dans un premier temps, la preuve prépondérante n'établit pas une relation notaire-cliente entre Me Teesdale et Mme Demian.  Il n'y a aucune démonstration de l'existence d'un mandat verbal ou écrit de la cliente au notaire, encore moins d'un mandat tacite de quelque nature que ce soit.

[49]         Pour pouvoir reprocher une faute professionnelle à Me Teesdale, Mme Demian devait, au minimum, établir l'existence de cette relation professionnelle.  Elle ne l'a pas fait.

[50]         La seule relation client-notaire établie par la preuve est celle qui existait entre M. Demian, le frère de madame, et Me Teesdale.  C'est la teneur du témoignage de Me Teesdale sur l'état de la situation.  C'est, du reste, ce qu'affirme le premier avocat de Mme Demian dans sa lettre initiale de juin 2006 [20] où il fait état du transfert des sommes de sa cliente qui «  étaient destinées à l'usage de son frère Younan Demian  ». 

[51]         En outre, dans l'énoncé de la situation, le mandat écrit confié par Mme Demian à son avocat au printemps 2006 [21] parle d'un transfert des sommes à l'attention de son frère Younan Demian par l'entremise d'un «  courrier agency  » opéré par Mme Erika Teesdale.

[52]         L'on constate de ces documents que la compréhension de tous était la suivante : le client de Me Teesdale était M. Demian, le frère de Madame.  Cette dernière ne faisait que transférer des sommes à son attention et pour son usage.  Le tout, par l'entremise de Me Teesdale, sans plus.

[53]         Les agissements de Me Teesdale sont en conformité avec cette compréhension.

[54]         Elle affirme n'avoir jamais su que les sommes transférées provenaient de Mme Demian.  Les documents contemporains qu'elle reçoit attestent d'ailleurs qu'elle ne peut le savoir.  Elle ne voit pas les documents de transferts qui indiquent la provenance des fonds [22] .  Me Teesdale dépose de fait les sommes reçues dans son compte en fidéicommis, au nom et pour le bénéfice de M. Demian.  Les documents préparés de façon concomitante aux faits le confirment [23]

[55]         Bien sûr, Me Teesdale n'ouvre jamais de compte en fidéicommis pour ou au nom de Mme Demian.  Cette dernière ne fut sa cliente à aucun moment.  Pas un honoraire ne lui a été facturé.  Elle n'en a jamais payé.

[56]         Somme toute, si, comme tous en conviennent, l'argent transféré s'est retrouvé en définitive au bon endroit et dans le bon compte, M. Demian est celui qui aurait dû intenter le recours, et non sa sœur.  L'absence de lien de droit entre Mme Demian et Me Teesdale entraîne à elle seule le rejet de l'action.

[57]         Mais, ce n'est pas tout.  Il y a, en l'espèce, beaucoup plus.

2. La prescription du recours

[58]         Dans un deuxième temps, au-delà de l'absence de lien de droit, tout recours qui aurait pu exister ici serait, de toute façon, éminemment prescrit.

[59]         En effet, aux paragraphes 39 de la requête originale et 40 de la procédure amendée, le reproche fait est bien circonscrit :  Me Teesdale se serait illégalement emparée ou aurait illégalement disposé des sommes confiées. 

[60]         Or, la preuve établit que dès juin 2004, M. Demian savait que Me Teesdale avait transféré les sommes reçues de sa sœur auprès de la compagnie de M. Nader.  M. Demian le reconnaît clairement à l'audience dans son témoignage.

[61]         Si M. Demian est le client et que, selon ses dires, cela aurait été fait sans son autorisation, il se devait de réagir au mieux dans les trois ans de la connaissance de ce transfert non autorisé, c'est-à-dire, au plus tard en juin 2007.

[62]         De la même manière, si la cliente de Me Teesdale était plutôt Mme Demian agissant par l'entremise de son frère, la connaissance acquise de ce dernier à titre de mandataire de sa sœur était imputable autant à cette dernière qu'à lui.  Là encore, si tant est que Mme Demian était la cliente de Me Teesdale, elle se devait de réagir au transfert dit non autorisé dans les trois ans de la connaissance acquise de celui-ci, soit avant juin 2007.

[63]         La requête introductive d'instance date de novembre 2008.  Sa signification et sa production au dossier de la Cour également.  À ce moment, tout recours en dommages contre Me Teesdale pour faute professionnelle dans le transfert non autorisé de ces sommes était prescrit depuis plus d'un an.

[64]         Au même titre que l'absence de lien de droit, cela suffirait également à rejeter sommairement le recours intenté par Mme Demian en l'espèce.

3.  La faute alléguée de Me Teesdale

[65]         Quoi qu'il en soit, au-delà des problèmes insolubles que posent l'absence de lien de droit et la prescription du recours, la preuve prépondérante n'établit pas la véracité des reproches formulés par Mme et M. Demian à l'endroit de Me Teesdale. 

[66]         Pour tout dire, les transferts non autorisés reprochés à Me Teesdale ne sont pas prouvés.  Selon toute vraisemblance, Me Teesdale a plutôt agi en tout temps selon les instructions de M. Demian, à sa connaissance et avec son accord. 

[67]         Tant la preuve testimoniale et documentaire que le comportement contemporain des parties l'établissent.

[68]         Le témoignage de Me Teesdale sur le sujet est clair.  Jamais n'a-t-elle eu de contact avec Mme Demian.  C'est son frère qui a fait les arrangements pour que les sommes lui soient transférées.  Elle n'a que reçu dans son compte en fidéicommis les sommes qui ont transité par une banque à New York.  Jamais avant 2007 n'avait-elle vu les documents de transfert.  Il ne s'agissait pas d'une question qui la concerne, mais plutôt d'un arrangement entre M. Demian et sa sœur.

[69]         Sur réception des sommes, elle les a transmises à la compagnie de M. Nader avec l'autorisation de M. Demian et à sa connaissance.  D'ailleurs, dit-elle, après juin 2004, M. Demian n'a jamais réagi de quelque manière à l'encontre de ces transferts.  Il ne s'en est jamais plaint auprès d'elle.  Il ne lui a jamais écrit à ce sujet.  Qui plus est, en décembre 2005, il a signé un document clair qui confirme la réception des sommes et le traitement dont elles ont fait l'objet.

[70]         En tout temps, cette version de Me Teesdale est demeurée inchangée.  Dès que l'avocat de Mme Demian s'est adressé à elle et que la Chambre des notaires a procédé à son enquête, elle a soutenu que les sommes ne provenaient pas de Mme Demian, mais bien de M. Demian, son seul client. 

[71]         Elle a toujours dit avoir eu l'autorisation de ce dernier pour faire les transferts.  Pour elle, il n'y avait rien d'incongru à de tels transferts.  Une relation d'affaires existait entre M. Nader et M. Demian.  Bien que Me Teesdale ait aussi eu une relation d'affaires avec M. Nader dans certains projets, cela suffit difficilement à teinter sa crédibilité ou à la placer en conflit d'intérêts.  Aucune preuve ne soutient qu'elle aurait pu tirer un quelconque avantage de cette situation.

[72]         À l'opposé, les versions offertes tant par M. Demian que par sa sœur soulèvent de sérieuses interrogations.  Leur dénégation d'une quelconque autorisation de la remise des sommes à la compagnie de M. Nader se heurte à la version contraire de Me Teesdale et à la confirmation signée par M. Demian en décembre 2005 [24] .

[73]         Qui plus est, la crédibilité de Mme et M. Demian est loin d'être absoute de toute critique, et ce, à plusieurs égards.

[74]         En ce qui concerne M. Demian, sa dénégation de l'authenticité du document de décembre 2005 est plutôt étonnante.  Bien qu'il ait, par ses avocats, soulevé maintes fois son intention de procéder à une expertise du document pour en démontrer la non-fiabilité, il n'offre aucune preuve à ce sujet.  Il est pourtant bien conscient que l'original existe et que la position de Me Teesdale est tout à fait contraire à la sienne.

[75]         Il ne nie pas qu'il ait signé le document.  Il soutient qu'il y a eu fabrication de preuve par l'ajout de trois lignes par-dessus sa signature.  L'accusation est sérieuse.  Malgré cela, rien ne l'étaie.

[76]         De même, son absence de réaction pendant près de 18 mois, alors qu'il sait que les transferts décriés et prétendument faits sans son autorisation bénéficient à la compagnie de M. Nader depuis le mois de juin 2004, est révélatrice.  Si tant est qu'il s'agisse de transferts sans autorisation de sommes d'argent dont il avait, dit-il, un besoin criant, le sens commun aurait commandé qu'il réagisse promptement et rapidement.  Il ne l'a pas fait. 

[77]         Ses explications nébuleuses quant au motif de son inaction ne convainquent pas.  Que M. Nader l'ait prétendument « endormi » explique difficilement qu'il n'ait pas réagi.  Ses explications tiennent encore moins la route lorsque l'on retient de la preuve qu'il a parlé à sa sœur près d'une dizaine de fois entre juin 2004 et décembre 2005, sans lui glisser mot de cette problématique pourtant importante. 

[78]         D'ailleurs, en réponse aux questions de l'avocat du Fonds, il affirme même à l'audience qu'il était d'accord avec le transfert des sommes d'argent de Me Teesdale à M. Nader.  Lorsqu'il réalise l'incongruité du propos tenu sur ce sujet, il offre une version différente en réponse cette fois aux questions de son avocat.

[79]         La crédibilité de Mme Demian n'est guère plus reluisante. 

[80]         À l'audience, elle dit n'avoir pris connaissance des documents de transferts émanant de la banque new-yorkaise qu'en août 2007, et pas avant.  Pourtant, il est clair qu'elle en connaissait la teneur dès juin 2006.  Elle ne pouvait avoir donné le mandat à Me Kushnir sans connaître le détail précis des sommes en jeu que seuls ces documents de transferts révèlent [25]

[81]         Le mandat qu'elle donne à Me Kushnir réfère aux montants exacts transférés, tout comme la lettre de ce dernier à Me Teesdale [26] .  La seule façon de connaître ces montants exacts était d'avoir en sa possession les documents de transferts.  Or,  Me Kushnir affirme les avoir reçus de Mme Demian elle-même, ce qui est incompatible avec la version de cette dernière à l'audience.

[82]         De la même manière, Mme Demian témoigne qu'au moment où elle transfère ces sommes d'argent pour le bénéfice de son frère, elle n'a aucune idée du rendement qu'elle doit obtenir sur ces sommes qui doivent servir à des investissements dans certaines des affaires de son frère. 

[83]         Pourtant, dans ses procédures écrites, elle renvoie à un rendement garanti de 15 % sur ces sommes.  De plus, dans le mandat qu'elle remet à son avocat au printemps 2006 [27] , elle indique que son frère devait lui repayer ces sommes avec un même intérêt de 15 %. 

[84]         Là aussi, les versions qu'elle offre sont contradictoires, ce qui n'aide pas sa crédibilité sur la justesse de son souvenir des faits.

[85]         Par ailleurs, à l'audience, elle dit avoir appris lors d'une rencontre avec son frère en Égypte que les sommes qui devaient lui être acheminées avaient été transférées à M. Nader.  Pourtant, dans le mandat écrit qu'elle donne à son avocat au printemps 2006, elle indique plutôt avoir appris les événements lors d'une conversation téléphonique avec son frère. 

[86]         Là encore, sur des éléments factuels importants dans la chaîne des événements, ses versions varient selon le moment auquel on se place.

[87]         Enfin, sur les explications relatives aux deux transferts effectués, le Tribunal note que les versions des faits offertes par Mme Demian sont quelque peu nébuleuses.  À l'audience, elle dit qu'il y a eu deux transferts parce que les sommes émanaient de deux dépôts à terme venant à échéance à des moments distincts.  En interrogatoire préalable, elle n'en fait pas état. 

[88]         Au surplus, lors du procès, elle explique que les montants proviennent de deux comptes distincts, alors que les documents bancaires déposés relativement aux transferts [28] ne renvoient qu'à un seul compte.

[89]         En somme, les versions offertes en témoignage tant par Mme Demian que par M. Demian soulèvent plusieurs questionnements.  Placées devant la version des faits de Me Teesdale que la preuve documentaire et les agissements des parties impliquées corroborent, ces versions ne font simplement pas le poids. 

[90]         Ainsi, la preuve prépondérante veut qu'en toute vraisemblance, le seul client de Me Teesdale soit M. Demian en tout temps.  C'est lui qui demande à sa sœur de transférer les sommes à son attention.  C'est ce qui explique pourquoi Me Teesdale les reçoit dans son compte en fidéicommis.

[91]         Sur réception, le transfert des sommes à la compagnie de M. Nader se fait avec l'accord et à la connaissance de M. Demian.  Il en est dûment informé.  Son absence de réaction quelconque à l'endroit de Me Teesdale confirme que les agissements de cette dernière sont faits avec son autorisation.  Le délai inexpliqué de 18 mois avant de s'en plaindre auprès de sa sœur en décembre 2005 ne se justifie d'aucune façon.  Ce silence corrobore plutôt l'autorisation que Me Teesdale dit avoir reçue de M. Demian en ce sens.

[92]         Le document que M. Demian signe par la suite en décembre 2005 s'inscrit dans la foulée de ces comportements.  Il donne beaucoup de crédibilité à la version des évènements de Me Teesdale. 

[93]         En outre, le délai additionnel de six mois entre le mois de décembre 2005 et la première réaction de l'avocat de Mme Demian de juin 2006 va dans le même sens. 

[94]         À vrai dire, la décision de Mme Demian de blâmer Me Teesdale et le Fonds semble le fruit d'une arrière-pensée.  Si la situation était réellement de la teneur de ce que Mme et M. Demian soutiennent, elle aurait commandé une réplique concomitante et spontanée autrement plus rapide.

[95]         D'ailleurs, pour donner foi à la version des faits qu'ils proposent au Tribunal, il faudrait, d'un côté, conclure à une faute intentionnelle de Me Teesdale, soit d'avoir sciemment pris l'argent destiné à M. Demian pour le transmettre sans autorisation à M. Nader, un prétendu tiers.  D'un autre côté, il faudrait également conclure à une falsification intentionnelle du document de décembre 2005 par Me Teesdale afin, semble-t-il, de camoufler sa fraude intentionnelle de juin 2004.

[96]         Autrement dit, pour retenir la version des faits que proposent M. et Mme Demian, il faudrait conclure à l'existence de deux fautes lourdes et intentionnelles de la part de Me Teesdale.

[97]         Avec égards, une telle version est peu vraisemblable et peu crédible devant les conséquences majeures qui en découleraient pour Me Teesdale à titre de notaire.  En effet, si cette version était véridique, les agissements reprochés auraient probablement entraîné une sanction sévère de la Chambre des notaires à l'endroit de Me Teesdale, voire une radiation.

[98]         Voilà qui rend peu plausible cette hypothèse mal soutenue par la preuve, particulièrement devant la balance des témoignages et documents qui supportent l'autre version des faits avancée par Me Teesdale.

[99]         Cela dit, les autres arguments que font valoir M. et Mme Demian ne permettent pas au Tribunal de conclure différemment.

[100]      D'abord, il est vrai que Me Teesdale n'a pas respecté la réglementation adoptée en vertu de la Loi sur le notariat portant sur la remise à son client d'un reçu en bonne et due forme pour les transferts faits de son compte en fidéicommis [29] .   Me Teesdale est incapable d'exhiber les documents que les dispositions applicables lui imposent de fournir à son client et de conserver à son dossier.

[101]      Toutefois, ces manquements, s'ils semblent bien établis, n'ont pas de lien de causalité avec le dommage prétendument subi, que ce soit par Mme ou M. Demian.  Les manquements reprochés à cet égard sont d'ordre déontologique.  Ils concernent Me Teesdale et son ordre professionnel.  Ils ne permettent pas de conclure que Me Teesdale a pour autant fait un transfert sans autorisation ou falsifié des documents pour le camoufler.

[102]      Ensuite, l'argument mis de l'avant par l'avocat de Mme Demian sur l'existence d'un contrat de dépôt entre elle et Me Teesdale est sans fondement.  Les articles du Code civil du Québec à ce sujet sont inapplicables.  Il est clair que les argents transférés par Mme Demian n'ont jamais été déposés dans un compte à son nom.  La preuve est incontestable sur le titulaire du compte en fidéicommis où les argents furent déposés.  Il s'agit du compte en fidéicommis de Me Teesdale pour et au nom de M. Demian.

[103]      De fait, la documentation versée au dossier, notamment les relevés du compte en fidéicommis de Me Teesdale [30] , confirme que les argents reçus ont été déposés au bon endroit.  La problématique en l'espèce ne découle pas d'un dépôt au mauvais endroit des sommes, mais bien d'une polémique sur la sortie des sommes du compte où elles se trouvaient.

[104]      Enfin, les allégations de Mme Demian sur un prétendu conflit d'intérêts de Me Teesdale compte tenu de sa relation avec M. Nader ne sont pas convaincantes. Au-delà de vagues soupçons découlant de cette relation d'affaires avec M. Nader, ni Mme Demian, ni M. Demian n'établissent quelque reproche que ce soit en regard des agissements de Me Teesdale à ce chapitre.

4.  Le recours contre le Fonds

[105]      Puisque le Tribunal conclut au rejet du recours de Mme Demian contre Me Teesdale, il s'ensuit que son recours contre le Fonds doit subir le même sort.

[106]      De toute façon, l'argument subsidiaire avancé par le Fonds est lui aussi bien fondé.  Si Mme Demian avait établi l'utilisation sciemment illégale des sommes reçues par Me Teesdale et leur détournement intentionnel sans autorisation du client, il se serait alors agi d'une situation couverte par les exclusions de la police d'assurance applicable en l'espèce [31] .  Cela aurait exonéré le Fonds de toute responsabilité.

[107]      Il n'y a pas lieu d'épiloguer plus longuement sur cet aspect du débat qui ne soulève aucune problématique.

CONCLUSIONS

[108]      Par conséquent, le Tribunal estime que le recours de Mme Demian contre le Fonds doit être rejeté avec dépens vu son absence totale de fondement.

[109]      Quant au recours contre Me Teesdale, le Tribunal considère que dans les circonstances de ce dossier, il doit être rejeté sans frais.

[110]      En effet, si Me Teesdale avait respecté les dispositions de la réglementation applicable et transmis immédiatement la documentation requise faisant état à la fois de la réception des sommes dans son compte en fidéicommis et de leur traitement après transmission à la compagnie de M. Nader, ce litige et tout le débat qui l'a entouré auraient vraisemblablement pu être évités.

[111]      Pour tout dire, si cette documentation requise par la loi avait été préparée et transmise de façon concomitante aux faits, on aurait sans doute écarté toute ambiguïté sur ce qui s'est passé.  Personne n'aurait pu soulever à nouveau, des mois voire des années plus tard, les problématiques que ce jugement analyse.

[112]      Devant ce constat, le Tribunal estime à propos de ne pas accorder de dépens en faveur de Me Teesdale.

[113]      Puisque le Tribunal rejette ainsi le recours principal de Mme Demian sans frais, il convient que le recours en garantie de Me Teesdale contre M. Demian soit traité de façon identique.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[114]      REJETTE la requête introductive d'instance de Thérésa Moussa Demian contre Me Erika Teesdale, SANS FRAIS ;

[115]      REJETTE la requête introductive d'instance de Thérésa Moussa Demian contre le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec, AVEC DÉPENS ;

[116]      REJETTE l'action en garantie de Me Erika Teesdale contre Younan Demian, SANS FRAIS .

 

 

__________________________________

CLÉMENT GASCON, J.C.S.

 

Me Sami Iskandar

Avocat de la demanderesse

 

Me Jean Trottier

Avocat de la défenderesse et demanderesse en garantie, Erika Teesdale

 

Me Claude Desmeules

Siskinds, Desmeules

Avocats de la défenderesse, Fonds d'assurance responsabilité de la Chambre des notaires du Québec

 

Me Sami Iskandar

Avocat du défendeur en garantie

 

Dates d’audience :

 6, 7, 8 et 9 juin 2011

 



[1]     Requête introductive d'instance (amendée) en paiement de sommes déposées en fidéicommis et intérêts datée du 28 novembre 2008, mais produite au greffe le 27 avril 2011.  La requête introductive d'instance originale date du 28 novembre 2008 et est produite au greffe le même jour.

[2]     Défense de Me Erika Teesdale datée du 2 juin 2009.

[3]     Requête introductive d'instance en appel en garantie de Me Erika Teesdale datée du 3 février 2009.

[4]     Défense amendée du défendeur en garantie, Younan Demian, datée du 16 avril 2011.

[5]     Défense de la défenderesse, Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec, datée du 28 juillet 2009.

[6]     Pièce P-2.

[7]     Pièces P-1 et P-1A.

[8]     Pièces P-1 et P-1A.

[9]     Pièce R-8.

[10]    Pièce P-4.

[11]    Pièce R-2.

[12]    Pièce R-2.

[13]    Pièce P-17.

[14]    Pièce P-8.

[15]    Pièce P-14.

[16]    Pièce P-15.

[17]    Pièces P-16 et P-17.

[18]    Voir à ce sujet pièces P-15, P-16, P-19 et P-21.

[19]    Pièces P-21 et P-22.

[20]    Pièce P-4.

[21]    Pièce P-25.

[22]    Pièce P-2.

[23]    Pièce R-8.

[24]    Pièce P-17.

[25]    Pièce P-2.

[26]    Pièces P-4 et P-25.

[27]    Pièce P-25.

[28]    Pièce P-2.

[29]    Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires , R.R.Q., c. N-3, r. 5, art. 20, 21 et 22.

[30]    Pièce R-8.

[31]    Pièce DF-1.