Breton c. Bolduc

2011 QCCQ 10042

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

GATINEAU

« Chambre civile »

N° :

550-32-017974-095

 

 

 

DATE :

23 août 2011

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RAOUL P. BARBE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

STÉPHANE BRETON, […], Sainte-Cécile-de-Masham (Québec) […]

demandeur

c.

STEVE BOLDUC, […], Gatineau (Québec) […]

défendeur

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            Par une demande judiciaire signifiée le 23 septembre 2009, le demandeur réclame 7 000 $ pour dommages résultant de dénonciations mensongères et exagérées.

LES FAITS

[2]            Les parties étaient des voisins : le demandeur résidant au 773 rue du Fort à Val-des-Monts; le défendeur résidant au 740 rue du Fort.

[3]            Le 30 juin 2006, le demandeur Breton signe une entente avec la St-Joseph The Baptist Parish l'autorisant à circuler et à chasser de façon exclusive sur le lot 22 du 1 er juillet 2006 au 30 juin 2007 et à empêcher toute personne à chasser et à jeter des ordures sur ce lot (P-4 b).

[4]            Le 31 août 2007, cette entente écrite est renouvelée pour la période du 1 er juillet 2007 au 30 juin 2008 (P-4 a).

[5]            Le 3 novembre 2007, au début de la saison de chasse, le demandeur s'en va avec son partenaire de chasse, Jean-Louis dans la forêt louée de la St-John The Baptist Parish avec son fusil pour chasser du gibier. Alors qu'il se promène dans la forêt, il voit un jeune cerf, mais il ne le tue pas, car il ne tue que les mâles adultes. Par la suite, il voit un animal poursuivant un jeune cerf. Comme il avait entendu hurler des loups quelques jours avant la chasse et qu'il avait vu une carcasse de chevreuil avec des traces de loup, il croyait qu'il s'agissait d'un loup qui voulait dévorer le jeune cerf, il le vise et l'atteint. Il s'approche de la bête et constate qu'il s'agit d'un chien. Une vingtaine de minutes après avoir accidentellement abattu ce chien, une personne arrive à grande vitesse avec un véhicule tout terrain (VTT). Le VTT s'arrête et il reconnaît son voisin Steve Bolduc. Excité, ce dernier lui demande si c'est lui qui a tiré il y a quelques minutes. Il lui répond positivement. Bolduc descend de son VTT et se serait précipité sur le demandeur en lui criant : « T'as tué mon chien, mon Tabarnac. J'vas te callisser une volée. J'vas t'coucher à terre, tu te lèveras pu de là ». Le demandeur déclare qu'il a eu peur, qu'il a reculé de plusieurs pas, car le défendeur semblait hors de lui. Le demandeur lui aurait dit : « C'est un accident ». Le défendeur lui aurait crié « T'es chanceux d'avoir un fusil de chasse, mon tabarnac ». Le défendeur se serait dirigé vers son VTT, l'aurait fait démarrer, l'aurait « racer » à plusieurs reprises pour que cela fasse beaucoup de bruit et aurait quitter en lui disant : « T'as pas fini avec moe mon sale; le trouble fait juste de commencer; j'te lacherai pas mon osti » et il aurait ajouté : « Y a pas juste ton chien qui va se faire tirer ». Le demandeur lui aurait dit de s'en aller et qu'il allait appeler les policiers car il était sur un terrain privé. Le défendeur aurait fait une certaine distance, environ 70 pieds, il se serait arrêté et lui aurait crié : « J'vas aller acheter mon permis de chasse pis c'est moé qui va venir chasser icitte » (P-6).

[6]            Le demandeur dépose une carte (P-5) pour expliquer où il habitait et où il chassait.

[7]            Le défendeur se rend au Service de la Sécurité publique et à 10 h 30, il fait la déclaration suivante (P-7) :

« Mon chien s'est sauvé ce matin. Et je suis parti à sa recherche. Pendant que je cherchais ma femme était à la maison et elle a entendu 2 coups de feu. Mon chien s'était sauvé avec un autre chien. J'ai retrouvé l'autre chien et j'ai essayé d'appeler mon chien et je l'ai pas vu. Vu que ma femme avait entendu un coup de feu, j'ai décidé d'aller voir où un de mes voisins chassait. Et quand je suis arrivé sur les lieux de chasse, Stéphane était là et je lui ai demandé si c'était eux qui avaient tiré et il m'a dit que oui et que c'était mon chien. Je suis débarqué de mon VTT et il a levé son arme sur moi et il m'a dit que mon chien n'avait pas à courir après les chevreuils. Et j'ai rembarqué sur mon VTT et je suis retourner à la maison.

Q. 1 :   Qu'elles ont été les paroles exactes de Stéphane lorsqu'il vous a pointé avec son arme à feu?

R. 1 :   Tu n'a pas affaire va t'en aussi où sinon je te tire

Q. 2 :   Stéphane était-il seul lors de ces événements?

R. 2 :   Oui, mais je crois qu'il avait d'autre chasseur avec lui dans le bois

Q. 3 :   Il était quelle heure lors de ces événements?

R. 3 :   10 h 05 environ le 3 novembre 2007

Q. 4 :   Pouvez-vous décrire Stéphane et où il habite?

R. 4 :   Environ 5' 9'' de grandeur. Ses cheveux court brun taille moyenne, il habite au 773 ch. Du Fort

Q. 5 :   Désirez-vous porter plainte par rapport à ces événements?

R. 5 :   Oui »

[8]            À 13 h 30 deux agents se présentent chez le demandeur et procèdent à son arrestation sans prendre sa déposition pour faire état que le défendeur Bolduc l'avait menacé. Il a été incarcéré 2 jours au Centre de détention de Gatineau.

[9]            Le demandeur a comparu le 5 novembre 2007 et il a alors signé un engagement d'être présent en Cour le 31 janvier 2008 sous réserve d'un cautionnement de 2 500 $ et des engagements suivants (P-9) :

«  1.      Ne pas troubler l'ordre public et avoir une bonne conduite.

2.         Notifier le greffe de cette Cour de tout changement d'adresse avant de changer de lieu de résidence; cette notification devra se faire par courrier recommandé dont vous garderez la preuve d'envoi, soit en venant en personne au greffe de la Cour faire consigner sur le présent engagement, par écrit, votre nouveau lieu de résidence.

3.         S'abstenir de consommer i) de l'alcool, incluant la bière dite non alcoolisée, et toute autre substance intoxicante; ii) toute drogue sauf sur ordonnance médicale. 4. Ne pas se trouver sur les lieux d'un établissement où l'on sert de l'alcool sauf les restaurants à l'occasion de repas et alors seulement pour y consommer un repas et ce sans alcool.

4.         Vous devez vous abstenir d'être propriétaire, possesseur ou porteur d'un arme, d'armes offensives ou à usage restreint, d'imitations d'une arme, y compris pistolets de départ et pistolets à plomb, d'armes à feu, d'arbalètes, d'armes prohibées, d'armes à autorisation restreinte, de dispositifs prohibés, de munitions, de munitions prohibées, de substances explosives, d'armes tranchantes ou pointues, et si vous êtes présentement en possession d'un de ces objets, le remettre d'ici le __, p.m. à

5.         a)i) S'abstenir d'être en présence physique de STEVE BOLDUC & FAMILLE (sauf en présence de votre avocat pour fin de préparation du présent procès) a)ii) Ne pas communiquer directement ou indirectement (sauf par avocat) avec STEVE BOLDUC & FAMILLE) b) Ne pas se trouver dans un rayon de mètres du 740 CH. DU FORT ou de toute autre adresse alors connue de vous où résidera STEVE BOLDUC & FAMILLE c) Ne pas se trouver sans un rayon de 100 mètres du, ou de tout autre lieu alors connu de vous où STEVE BOLDUC & FAMILLE exercera son travail ou poursuivra des études.

6.         Être présent à la Cour en personne à chaque fois que le présent dossier est appelé.  »

[10]         Le 14 novembre 2007, le demandeur dépose une plainte contre le défendeur (P-6 b).

« 25-30 minutes (environ) après avoir abattu accidentellement un chien positionné dans mon mirador et en situation de chasse, alors que je marchais dans le sentier, un homme s'est dirigé vers moi à grande vitesse avec son véhicule tout-terrain après avoir fait le contact visuel, j'ai reconnu Steve Bolduc. Il a arrêté son véhicule et a crié : « Est-ce que c'est vous autres qui avez tiré « talleur » plus tôt ». Je lui ai répondu que j'avais tiré. Il est descendu de son VTT et s'est précipité vers moi et a crié t'as tué mon chien mon tabarnac! J'vas t'callisser une volée mon tabarnac. J'vas t'coucher à terre tu te lèveras pu de d'la. J'ai eu peur et j'ai reculé de plusieurs pas car il était comme fou, hors de lui. J'ai dit que c'était un accident et il a crié  : « T'ai chanceux d'avoir un fusil de chasse mon tabarnac. Il s'est dirigé vers son VTT, l'a fait démarrer et a « raccer » le moteur plusieurs fois, ensuite il a dit : « T'as pas fini avec moe mon sale, le trouble fait juste commencer et j'te lacherai pas mon osti » et juste avant de partir il a rajouté : «  Y a pas juste ton chien qui va se faire tirer  ». Je lui ai dit de s'en aller et que j'allais appeler les policiers, car il était sur un terrain privé. Il a fait une certaine distance en VTT (environ 70 pieds) ensuite il s'est arrêté et a crié : « J'vas aller acheter mon permis de chasse pis c'est moé qui va venir chasser icitte! »

Q. 1 :   Où cet incident c'est-il produit?

R. 1 :   Sur le lot #22 - Camp St-John's Ukrainian Camp. J'ai une lettre écrite et signé que j'ai la permission d'aller chasser et d'interdire les gens de circuler sur le terrain.

Q. 2 :   Comment connaissez-vous M. Steve Bolduc?

R.2 :    Comme un voisin et j'ai fais à quelques reprises (3) de la pêche blanche avec Steve.

Q.3 :    Comment avez-vous réagi suite au menace de M. Bolduc?

R.3 :    J'ai eu peur et j'étais craintif. Après l'incident je suis allé à la rencontre de Jean-Louis et je lui ai demandé s'il avait entendu et il a répondu dans l'affirmatif (oui), après il est venu voir le chien que j'avais accidentellement abattu. Par la suite nous sommes immédiatement retourné à la maison au 773 Du Fort pour communiquer avec la MRC Des Collines - police, pour signaler l'incident et on m'a demandé ou j'étais et j'ai répondu au 773 Du Fort, ensuite on m'a dit que les policiers allaient venir me rencontrer. Quand les policiers sont arrivés chez moi - 2 autopatrouilles, j'ai sorti de la maison pour m'identifier et les 2 policiers m'ont dis que j'étais en état d'arrestation.

Q. 4 :   Avez vous peur pour votre sécurité?

R.4 :    Oui j'ai des craintes

Q. 5 :   Désirez-vous porter plainte?

R. 5 :   Oui »

[11]         Le 9 décembre 2007, M. Daniel Sigouin qui possède un chalet à proximité de la résidence du demandeur, se présente chez ce dernier vers 16 h 30. M. Sigouin demande au demandeur s'il peut lui rendre un service en l'accompagnant jusqu'à son chalet et lui donner un coup de main pour souffler la neige de son entrée à l'aide de sa souffleuse à neige. Le demandeur accepte (Photos P-8 et P-8 b).

[12]         Il passe pas loin de la résidence du défendeur avec sa souffleuse à neige. Le défendeur fait une plainte au Service policier pour bris d'engagement de garder des distances de la résidence du défendeur en contravention de l'article 145 (3) du Code criminel.

[13]         Vers 20 h 30, la conjointe du demandeur qui commençait à s'inquiéter, vient avec la voiture au chalet de M. Sigouin. Comme il venait de terminer le travail, il est reparti à la maison, en voiture avec sa conjointe alors que M. Sigouin retournait chez lui à Gatineau. À leur arrivée, une voiture de police était stationnée devant leur résidence. Le demandeur descend de l'auto et un des policiers s'approche et lui demande s'il est Stéphane Breton. Le demandeur répond affirmativement et le policier l'informe alors qu'il est en état d'arrestation pour bris d'engagement.

[14]         Le policier Jérémie Robitaille résume l'événement comme suit (P-9) :

« En date du 07-12-09 l'at. Laberge et moi-même nous sommes présentés pour y rencontrer M. Bolduc Stéphane qui est le plaignant dans ce présent dossier. Sur les lieux vers 20 h, M. Bolduc nous informe à l'effet que M. Stéphane Breton qui habite un peu plus loin sur le ch. Du Fort, soit au 773 ch. Du Fort a été en contact avec lui, malgré des conditions de la Cour suite à un dossier d'accusation pour des menaces et d'agression armée. M. Bolduc a avec lui une copie de l'engagement de M. Bolduc et nous la montre.

M. Bolduc explique qu'alors qu'il était chez lui, il a vu par la fenêtre M. Sigouin circuler en véhicule sur le ch. Du Fort. M. Sigouin habite tout près de la résidence de M. Bolduc. Le plaignant est sorti sur sa galerie donnant face au ch. Du Fort et a entendu son voisin M. Sigouin parler avec Stéphane Breton. M. Bolduc étant inconfortable avec cela a déplacé son véhicule qui se trouvait près du chemin. En déplaçant son véhicule, ses phares ont éclairé deux individus qui se trouvaient à pied en bordure du ch. Du Fort, à environ 20 pieds. M. Bolduc n'a pas vu le visage de M. Breton, mais confirme qu'il a bien entendu la voix de ce dernier. L'événement s'est produit entre 17 h 30 et 18 h. M. Bolduc mentionne que les deux individus sont demeurés à l'extérieur sur une période d'environ 20 minutes.

M. Bolduc désire porter plainte car il mentionne ne pas se sentir en sécurité depuis les événements s'étant produits le 07-11-03 (référence dos. : mdc071103-4398)

À 21 h 35 mon collègue et moi se présentons au 773 ch. Du Fort, résidence de M. Breton. Il n'y a pas de réponse sur les lieux. En quittant le stationnement du 773, une voiture s'immobilise sur la chaussée, près du véhicule patrouille. Je sors du véhicule et un homme sort de l'automobile, du côté passager avant. Je lui demande s'il est bien M. Breton et ce dernier me confirme que oui. Je me dirige vers ce dernier et l'avise du motif de notre présence. Il est avisé de la plainte pour le bris d'engagement et est arrêté à 20h40 par moi-même, suivi d'une mise en garde de ses droits. M. Breton est accompagné de sa conjointe Mme Filion. M. Breton se met à pleurer et mentionne qu'il est allé aider un voisin, soit M. Sigouin pour déblayer le stationnement de ce dernier avec une souffleuse. M. Breton est très coopératif.

Une fois au poste, M. Breton a demandé à parler avec Me Cécile. L'appel lui a été fait, mais aucune réponse au domicile de ce dernier. Un message a été laissé sur le répondeur à la demande de M. Breton. M. Breton a été placé en cellule et l'agent Laberge a pris ses empreintes digitales.

Conformément à l'art. 145 (3) du Code criminel, M. Breton a des conditions à respecter suite à son engagement. Il ne doit pas communiquer directement ou indirectement avec le plaignant et s'abstenir d'être en la présence physique de celui-ci. Lors de l'événement, M. Bolduc affirme que M. Breton se trouvait à une distance approximative de 20 pieds. »

[15]         Informé de cette arrestation par la conjointe du demandeur, le voisin Sigouin se présente au poste de police et fait la déclaration suivante (P-10) :

« Le 07-12-09 vers 17 h 30 je suis allé chez Stéphane Breton pour lui demander de m'aider à déblayer mon chemin jusqu'au chalet avec sa souffleuse, pour me permettre d'entrée avec mon « 4 runner ». Mon « 4 runner » avait une télévision à l'arrière. J'avais besoin d'un coup de main pour le transport de ma télévision 30 pouces et pour sa souffleuse.

En stationnant le « 4 runner » sur le ch. Du Fort près de la maison de M. Bolduc, le véhicule a glissé dans le fossé.

Deux camions ont arrêtés sur le chemin et m'ont offert de l'aide. Durant ce temps Stéphane Breton déblayait mon entrée avec sa souffleuse. Mon entrée se situe à peut-être 20 ou 25 pieds de l'entrée de M. Bolduc. M. Breton m'a aidé à mettre les chaînes pour sortir le « 4 runner » du fossé. Une fois le véhicule hors du fossé, Stéphane m'a aidé à nettoyer le chemin avec la souffleuse. Ça pris environ 20 minutes, 1 demi heure à déprendre le véhicule qui se trouvait dans le fossé en avant de Steve Bolduc. En aucun temps Stéphane n'a parlé à M. Bolduc. J'ai toujours été en contact avec Stéphane Breton. Je n'ai pas vu M. Bolduc sortir de sa maison. Par contre, je l'ai vu qui regardait par la fenêtre. »

[16]         Gardé en détention, le lundi 10 décembre 2007, le demandeur est amené au Palais de justice pour comparution. Le demandeur a réussi à parler à son avocat à qui il explique qu'il était allé aider son voisin, M. Sigouin, à déblayer son stationnement et que pour ce faire il devait passer prêt de la propriété du défendeur. Après discussion de son avocat avec celui de la Couronne, cette dernière n'a pas retenu l'accusation de bris d'engagement (P-11) :

« Par la présente, nous désirons vous informer que l'accusation déposée contre vous n'a pas été retenue par le procureur de la couronne. Suite à cette décision, nous procédons à la fermeture de votre dossier. »

[17]         À la suite de ce deuxième événement, le demandeur et sa conjointe ne se sentent plus en sécurité; il déclare qu'ils vivaient dans la peur, l'angoisse, le stress et la crainte de nouvelles tentatives du défendeur Bolduc de lui faire du tort. Ils décident de vendre la maison et de se relocaliser. Ils vendent leur maison en février 2008. Le demandeur dépose la publication « Baromètre MLS du marché résidentiel » pour établir que le marché résidentiel unifamilial est alors en forte baisse (P-13). Selon ses calculs, le demandeur aurait perdu 32 728,73 $ (P-12) à l'occasion de la vente de sa maison.

[18]         Le 28 avril 2009, le demandeur comparait pour répondre aux accusations, d'agression armée sur la personne de Steve Bolduc (a. 267 (a) C.cr .); d'harcèlement criminel sur la personne de Steve Bolduc (a. 264 (1)(3)(b) C.cr .); de menaces de causer la mort ou des lésions corporelles sur la personne de Steve Bolduc (a. 264.1 (1)(a)(2)(b) C.cr .); de braquer une arme sur la personne de Steve Bolduc (a. 87(2)(b) C.cr .); et de faire souffrir inutilement un animal (a. 445 (a) C.cr .). Le demandeur est acquitté (P-16).

[19]         Le demandeur a payé 3 386,25 $ à son avocat pour l'aider dans les poursuites provoquées par le défendeur (P-14).

[20]         En juin 2009, le demandeur consulte un avocat pour évaluer le préjudice subi à la suite du comportement du défendeur. Le 27 juillet 2009, le demandeur envoie au défendeur une mise en demeure réclamant 35 000 $ (P-1) :

« Notre client nous informe que le ou vers le 3 novembre 2007, vous avez déposé une plainte contre lui et ce, dans l'unique but de lui nuire. En effet, dans votre Déclaration statutaire signée devant policier à cette date, vous avez entre autres déclaré que notre client a pointé son arme à feu sur vous en vous menaçant : « Tu n'as pas d'affaire ici, va t'en où sinon je te tire ».

Suite au dépôt de cette plainte, notre client a été arrêté par des agents du Service de la sécurité publique de la MRC des Collines de l'Outaouais et conduit au centre de détention de Hull où il a été détenu pendant près de deux (2) jours. Il n'a été libéré que le 5 novembre 2007 sous promesse de comparaître et l'engagement, entre autres, de ne pas s'approcher de votre résidence jusqu'à sa comparution.

En conséquence notre client a été formellement accusé de :

1.         Article 267 A) du Code criminel : Agression armée sur la personne de Monsieur Steve Bolduc;

2.         Article 264(1)(3)B) du Code criminel : Harcèlement criminel sur la personne de Monsieur Steve Bolduc;

3.         Article 264.1(1)A) (2)B) du Code criminel : Proférer des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles sur la personne de Monsieur Steve Bolduc;

4.         Article 87 (2)B) du Code criminel : Braquer une arme à feu sur la personne de Monsieur Steve Bolduc;

5.         Article 445 (A) du Code criminel : Faire souffrir inutilement un animal;

Le ou vers le 28 avril 2009, notre client a subi son procès et a été acquitté de toutes les accusations portées contre lui, vu l'insuffisance de la preuve présentée par la poursuite.

D'ailleurs, le ou vers le 10 décembre 2007, le procureur de la Couronne n'avait pas non plus retenu l'accusation de bris d'engagement que vous aviez déposée contre notre client relativement aux événements ayant eu lieu le ou vers le 9 décembre 2007. Cependant, suite au dépôt de votre accusation de bris d'engagement, notre client avait tout de même été conduit au centre de détention de la MRC des Collines où il a été détenu à nouveau pendant plus d'une journée, jusqu'à la décision du procureur de la Couronne.

Vous avez porté de fausses accusations contre notre client dans le but de lui nuire, de porter atteinte à sa réputation et de le détruire. Vos allégations sont diffamatoires, calomnieuses et manifestement mal fondées. D'autant plus que vous vous trouviez sur un terrain privé où il vous était défendu de passer, tel que de nombreux écriteaux accrochés aux arbres vous l'indiquaient.

Sachez que vos déclarations mensongères et vos agissements ont provoqué plusieurs dommages à notre client.

Par exemple, notre client a dû consulter médecins et spécialistes, suivre une psychothérapie, prendre de la médication. Il a souffert de dépression et d'insomnie. Il a dû débourser des sommes considérables pour retenir les services d'un avocat, se défendre et intenter des procédures judiciaires.

De plus, notre client s'est senti humilié, dégradé, et injustement traité quant il a été arrêté, détenu et accusé d'actes criminels qu'il n'avait pas commis. Notre client, ainsi que sa conjointe, ont vécu une détresse important lors de ces événements.

La réputation de notre client a été gravement atteinte par tous ces événements et ses droits fondamentaux, tels que le droit à la vie, le droit à la liberté et le droit à la sécurité, ont été brimés.

Qui plus est, le projet d'adoption internationale de notre client et de sa conjointe a été indûment retardé. Vivant constamment dans la peur, l'angoisse et le stress, notre client a dû vendre sa résidence et déménager de quartier. Ses armes à feu ont été saisies pendant plus de vingt (2) mois, il a été privé de deux (2) saisons complètes de chasse en 2007 et 2008 et il a perdu son terrain de chasse.

Notre client a donc été gravement affecté au plan économique, physique et moral par ces événements.

Vous êtes responsable des dommages et préjudices que notre client a subis par votre faute et mauvaise foi.

Notre client a donc droit à des dommages-intérêts de trente-cinq mille (35 000 $) dollars pour compenser les atteintes psychologiques, les douleurs, souffrances et inconvénients qu'il a subis, la perte de jouissance de la vie et l'humiliation dont il a souffert, de même que les autres dommages et inconvénients subis sur le plan économique suite à son arrestation, incluant la perte de temps résultant de ses présences répétées à la Cour ou en centre de détention, les frais qu'il a déboursés pour acheter de la médication, payer les honoraires professionnels de ses avocats et la perte de valeur nette lors de la vente de sa résidence.

De plus, sachez que les nombreux préjudices aux droits de notre client consacrés dans la Charte des droits et libertés du Québec donnent ouverture à des dommages punitifs et exemplaires en vertu de l'article 49.

Par conséquent, nous vous mettons formellement en demeure de payer à notre client la somme de TRENTE-CINQ MILLE (35 000,00 $) DOLLARS. Le paiement de la somme susmentionnée devra se faire par la remise à la soussignée d'un chèque certifié au montant de TRENTE-CINQ MILLE (35 000,00 $) DOLLARS, libellé au nom de « Noël & Associés, s.e.n.c.r.l. en fidéicommis  » et ce, dans les dix (10) jours suivant la réception des présentes.

Advenant votre défaut d'effectuer le paiement de la somme susmentionné dans les dix (10) jours de la signification des présentes, nous avons le mandat d'entreprendre contre vous toutes les procédures judiciaires nécessaires afin de récupérer ladite somme et de faire valoir tous les droits et intérêts de notre client et ce, sans autre avis ni délai. »

[21]         Le défendeur ne donne aucune suite à cette mise en demeure.

[22]         Le 23 septembre 2009, le demandeur intente son action réclamant 7 000 $.

[23]         À l'audition le demandeur déclare avoir subi des préjudices moraux : plus de 4 jours en détention totale (84 hres). Ce séjour l'aurait traumatisé; il a dû subir 14 sessions de traitement en psychologie à l'Hôpital de Wakefield. Il a vécu des moments d'insécurité et d'injustice. Il avait peur de circuler sur la route qui passait devant la maison du défendeur pour se rendre chez lui. Sa conjointe et lui ont dû retarder un projet d'adoption.

[24]         Au plan économique, il a vendu sa maison à perte en tenant compte des travaux de rénovation qu'il avait faits et du marché déprécié des résidences. Il a manqué des journées de travail; il a manqué deux saisons de chasse.

[25]         Le demandeur a payé 3 386,25 $ de frais d'avocat pour se défendre contre les poursuites criminelles provoquées par le défendeur (P-14) et 1 667,17 $ pour sa poursuite au civil (P-15).

[26]         Le demandeur dépose des photos de pancartes indiquant qu'il s'agissait d'un terrain de chasse privé et qu'il y était défendu de passer (P-2 a).

ANALYSE ET MOTIFS

[27]         Le principe général et fondamental de la responsabilité extracontractuelle est énoncé à l'article 1457 du  Code civil du Québec qui édicte ce qui suit :

1457.  Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

 

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

 

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.

[28]         Pour réussir dans son action, le demandeur doit établir la faute du défendeur, le préjudice subi et un lien de causalité.

La faute

[29]         Quant à la faute, le demandeur doit établir que le défendeur a eu un comportement non conforme aux standards généralement acceptés. Il y a faute quand un individu transgresse le devoir général de ne pas nuire à autrui. Cette transgression est due à une conduite que n'aurait pas eue une personne raisonnable.

[30]         L'erreur de conduite doit être appréciée par rapport à la norme générale d'un comportement humain socialement acceptable.

[31]         En l'espèce quelles ont été les fautes du défendeur?

[32]         La première faute du défendeur est celle d'avoir pénétré sur un terrain de chasse privé. La preuve établit que le défendeur a pénétré sur le lot 22A alors qu'on indiquait « Privé - défense de passer - chasseur à l'affût (P-2 a) »; le sentier forestier était même fermé par une chaîne avec un tissu rouge (P-2 b).

[33]         La deuxième faute du défendeur est celle d'avoir laissé son chien errer dans un endroit ou l'on trouve du gros gibier contrairement à la Loi sur la conservation et à la mise en valeur de la faune (L.R.Q. c. C-61.1 a. 61). La preuve est tout à fait claire à cet égard.

[34]         La troisième faute est d'avoir induit les policiers en erreur lors de ses dénonciations. Le défendeur leur a déclaré que le demandeur avait levé son arme sur lui (P-7). La preuve est contradictoire à cet égard, mais une preuve prépondérante et crédible établit que cette déclaration était inexacte : il n'y avait pas eu menace de causer la mort, ni agression armée sur la personne du défendeur et il n'y avait pas eu de braquage d'arme à feu sur la personne du défendeur. Il en est de même de la déclaration où le défendeur prétend que le demandeur aurait dit « va-t-en ou sinon je te tire » (P-7). Une personne raisonnable n'aurait pas fait de telles déclarations mensongères qui ont provoqué l'arrestation et la mise en accusation du demandeur.

[35]         La quatrième faute du défendeur résulte de la déclaration du défendeur le 9 décembre 2007 qu'il a accusé faussement d'avoir brisé les conditions de sa mise en liberté. Il y a version contradictoire des parties sur ce point, mais il y a lieu de retenir la version du demandeur comme plus crédible, prépondérante et plus vraisemblable, et ce, notamment en se basant sur le témoignage du témoin Sigouin que l'on retrouve dans la pièce P-10. Ce témoin a aussi témoigné à l'audition et est apparu fort crédible. D'ailleurs, l'accusation déposée par le défendeur n'a pas été retenue par la Couronne (P-11).

[36]         Ces quatre fautes constituent une indication d'une certaine mauvaise foi d'une intention de nuire, d'un esprit de malveillance. La preuve établit donc que le défendeur a porté de fausses accusations dans le but de lui nuire. Ces accusations mensongères ont provoqué des préjudices que l'on verra ultérieurement.

[37]         Par ailleurs, le présent procès civil se tient après un jugement rendu en matière pénale par la Juge Lynne Landry qui a acquitté le demandeur sur les cinq chefs d'accusation. Ce jugement avait la même trame factuelle. Quelle autorité faut-il accorder à ce jugement?

[38]         Certes les régimes de responsabilité extracontractuelle et de responsabilité pénale sont distincts. Ils sont régis par des règles de fond, de preuve et de procédures différentes. La maxime « le criminel tient le civil en état » n'existe pas en droit québécois. Par contre, la jurisprudence ( Ali c. Cie d'assurance Guardian , J.E. 99-1153 (C.A.)) reconnaît que le jugement rendu en matière pénale constitue, dans une instance civile, un fait juridique important. Bien que le jugement pénal n'ait pas une autorité de droit, la jurisprudence majoritaire lui confère une autorité de fait. Baudouin et Deslauriers, dans leur ouvrage La responsabilité civile (E. Blais, 7 e éd., 2007) écrivent :

«  Autorité de fait - Le jugement pénal reste cependant un fait juridique important.  Il apparaît difficilement concevable qu'un juge civil puisse l'ignorer complètement, ne lui accorder aucune foi, surtout au prix d'une contradiction flagrante entre les deux jugements.  Ainsi, il serait curieux d'admettre, après un procès pénal où l'accusé a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité, mais a été reconnu coupable et a été condamné, par exemple, pour négligence criminelle, qu'un juge civil déclare subséquemment que l'individu, sur le plan de sa responsabilité civile et à propos des mêmes faits, s'est conduit en personne prudente et diligente . (…)

La majorité des arrêts reconnaît une autorité de fait au jugement pénal, selon les circonstances particulières de l'espèce et selon le but dans lequel le jugement pénal est invoqué . Certains arrêts, se plaçant sur le seul terrain de l'admissibilité en preuve, ne permettent pas que la procédure du procès civil se réfère au résultat du procès pénal et donc, sur requête à cet effet, ordonnent de retrancher des procédures civiles l'allégation d'un verdict ou d'un plaidoyer pénal. D'autres en sens contraire ont, à notre avis, raison, puisqu'elles permettent, dans le cadre du procès civil, d'introduire un élément de preuve important. (…)

Le jugement pénal n'a donc pas d'autorité de droit sur le jugement civil. Toutefois, eu égard aux circonstances et aux fins particulières pour lesquelles il est mis en preuve, il peut se voir reconnaître une autorité de fait et donc avoir une influence, soit quant à son résultat, soit quant à certains éléments de son contenu.

(Le Tribunal souligne) »

[39]         Cette autorité résulte de la préoccupation des tribunaux d'éviter les contradictions entre des jugements découlant de faits identiques ( Salomon c. P.G. du Québec , J.E. 2008-1911 (C.A.)).

[40]         L'autorité de fait du jugement pénal peut donc s'étendre au-delà du verdict de culpabilité ou d'acquittement et s'appliquer également aux motifs, conclusions et commentaires du juge de l'instance pénale ( Vennat c. P.G. du Canada , J.E. 2005-619 (C.S.)). Cette autorité crée une présomption simple de fait qui est essentiellement réfragable.

Le préjudice

[41]         L'existence d'un préjudice effectivement subi par la victime est une condition sine qua non de la responsabilité civile. Le préjudice doit être réparé intégralement.

[42]         Le but principal de l'action en responsabilité civile est de permettre à la victime d'obtenir une juste compensation pour le préjudice subi. La première caractéristique de la réparation du préjudice est d'être compensatoire.

[43]         À cet égard, les plaintes malveillantes du défendeur ont obligé le demandeur à retenir les services d'un avocat et la preuve établit que le demandeur a dû payer 3 386,25 $ (P-14) et 1 667,17 $ (P-15) pour un total de 5 053,42 $.

[44]         À la suite de ces événements, le demandeur a pris la décision de vendre sa maison pour éviter de passer devant la maison du défendeur lorsqu'il allait travailler. Le demandeur prétend avoir fait une perte de 32 728,73 $ (P-12 et P-13). Il n'est pas nécessaire d'analyser en détail le bien-fondé de cette réclamation, puisque l'action est limitée à 7 000 $.

[45]         Le demandeur réclame également une indemnisation pour les préjudices moraux. Cette évaluation, malgré les difficultés inhérentes à son appréciation, doit être faite.

[46]         À cet égard, le demandeur a été sous écrou plus de 4 jours, soit 84 heures; il est évident qu'il y a perte de jouissance de vie. Le demandeur a passé par une période difficile du 3 novembre 2007 jusqu'à la déclaration de non-culpabilité le 28 avril 2009, soit durant 18 mois.

[47]         La survenance de ces événements a incité le demandeur à vendre sa maison située à proximité de celle du défendeur et à suspendre un projet d'adoption.

[48]         De plus, le demandeur a manqué deux saisons de chasse.

[49]         À la suite des événements de novembre 2007, le demandeur a dû être traité pendant plusieurs mois; après sa libération, il a commencé une thérapie à l'Hôpital de Wakefield avec Robert Doucet.

[50]         Le demandeur réclame également des dommages exemplaires ou punitifs sur la base de l'alinéa 2 de l'article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q. c. C-12). Il faut alors démontrer l'existence d'une intention illicite et intentionnelle de causer un dommage qui découle d'une conduite fautive.

[51]         La preuve établit que le défendeur lui a dit qu'il lui ferait du « trouble », qu'il ne « lâcherait » pas, et qu'il ne verrait pas la fin de ce qui lui arrive (P-6). Le défendeur est reparti avec son VTT à vivre allure, il a communiqué avec la police de la MRC et leur a fait une fausse déclaration (P-7) dans le but de nuire au demandeur. De plus, la preuve établit par le deuxième événement, soit celui du 9 décembre 2007, que le défendeur avait vraiment une intention de nuire au demandeur. Il y a donc lieu d'accorder des dommages punitifs; il n'est pas nécessaire de fixer le quantum exact puisque les dommages compensatoires, les dommages moraux et les dommages exemplaires dépassent 7 000 $ mais ce montant sera limité à 6 999,99 $.

Il n'y a pas litige quant au lien de causalité.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur 6 999,99 $ plus l'intérêt au taux légal de 5 % l'an, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la signification de l'action, soit le 23 septembre 2009, plus des frais judiciaires de 157 $.

 

 

 

__________________________________

Raoul P. Barbe, J.C.Q.

 

 

 

 

Date de l’audience :

27 avril 2011