Gestion Jugements Québec inc. c. Brousseau

2011 QCCQ 10482

JA 0585

 
 COUR DU QUÉBEC

«Division de pratique»

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile  »

N° :

500-02-181181-111

 

 

 

DATE :

Le 6 septembre 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

ARMANDO AZNAR, J.C.Q.

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GESTION JUGEMENTS QUÉBEC INC.

 

Demandeur

c.

 

MARIO BROUSSEAU

Et.

SIMON BROUSSEAU OUELLETTE

 

Défendeurs

Et.

 

CAISSE POULAIRE DESJARDINS DE BRANDON

 

           Tierce saisie

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JUGEMENT SUR REQUETE

EN OPPOSITION DE SAISIE

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[1]            Le Tribunal est saisi d'une requête du défendeur, Simon Brousseau Ouellette, en opposition au bref de saisie-arrêt après jugement émis à la demande et pour le bénéfice de la demanderesse, Gestion Jugements Québec Inc.

[2]            À la requête en opposition, le défendeur, Simon Brousseau Ouellette, allègue entre autres ce qui suit :

« 1.       Le ou vers le 23 août 2011, les défendeurs Simon Brousseau Ouellette et Mario Brousseau ont appris que le demandeur Gestion Jugements Québec Inc. a saisi le compte du défendeur Simon à la Caisse Populaire de St-Gabriel de Brandon;

2.          Or, le demandeur Ahmed Fayez a cédé une créance pas encore valide à la compagnie Gestion Jugements Québec Inc., et ce, sans en avoir signifié les défendeurs Brousseau;

(…)

4.          Les défendeurs s'oppose donc à la saisie et demande au tribunal de l'annuler en vertu des articles 165(2)(3) & (4). En effet, Gestion jugements Québec Inc. n'étant pas demandeur à la Régie du logement, n'a pas la capacité, ni la qualité pour ester dans cette cause;

5.          Le demandeur Gestion jugements Québec Inc. n'a pas pour le moment d'intérêt dans la cause, et ce, jusqu'à la notification de la cession;

(…) » (sic)

[3]            L'étude du dossier ainsi que l'étude des pièces déposées en preuve révèlent que, par décision de la Régie du logement rendue le 6 avril 2011, le défendeur, Simon Brousseau Ouellette, ainsi que Mario Brousseau ont été condamnés solidairement à payer au locateur, Ahmed Fayez, la somme de 3 060 $ avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. et les dépens.

[4]            En date du 11 mai 2011, Ahmed Fayez a cédé à la demanderesse, Gestion Jugements Québec Inc., tous ses droits, titres et intérêts dans la créance résultant de la décision prononcée par la Régie du logement le 6 avril 2011.

[5]            La preuve documentaire révèle que l'avis de cession de créance invoqué par la demanderesse, Gestion Jugements Québec Inc., pour justifier son titre de créance n'a pas été valablement signifié au défendeur, Simon Brousseau Ouellette, et ce en ce que ledit avis de cession de créance lui a été signifié au greffe de la Cour du Québec, chambre civile, district judiciaire de Montréal.

[6]            Au soutien de cette façon de procéder, la demanderesse, Gestion Jugements Québec Inc., invoque l'article 123 alinéa 5 C.p.c. qui prévoit ce qui suit :

« 123(5) Lorsque le destinataire n'est pas représenté par procureur, la signification de tout acte de procédure autre que la procédure introductive d'instance peut se faire conformément à l'article 140. Si cette personne n'a ni domicile ni résidence connus au Québec, la signification peut être faite au greffe du tribunal. »

 

[7]            Or, en l'espèce, la signification de la cession de créance, en laissant copie de ladite cession au greffe du tribunal, ne constitue pas une communication valide de la cession de créance puisque ladite cession de créance n'est pas «acte de procédure autre que la procédure introductive d'instance…» au sens du Code de Procédure Civile.

[8]            En ce qui concerne l'opposabilité de la cession de créance au débiteur et aux tiers, l'article 1641 C.c.Q. prévoit ce qui suit :

« 1641 . La cession est opposable au débiteur et aux tiers, dès que le débiteur y a acquiescé ou qu'il a reçu une copie ou un extrait pertinent de l'acte de cession ou, encore, une autre preuve de la cession qui soit opposable au cédant.

Lorsque le débiteur ne peut être trouvé au Québec, la cession est opposable dès la publication d'un avis de la cession, dans un journal distribué dans la localité de la dernière adresse connue du débiteur ou, s'il exploite une entreprise, dans la localité où elle a son principal établissement. »

[9]            De plus, sur ce sujet, l'auteur Vincent Karim écrit [1] :

« Les exigences de l'article 1641 C.c.Q., doivent être respectées pour que la cession puisse être opposable au débiteur. Dans le cas où ce dernier ne reçoit aucune copie ou extrait de l'action de cession, celle-ci ne peut être mise en preuve dans les procédures, à moins d'y annexer une copie. C'est le cessionnaire qui a le fardeau général de prouver à quel titre il agit devant la Cour et donc de prouver la cession et son opposabilité au débiteur et aux tiers. Le cessionnaire doit prouver la réception par le débiteur d'une de ces trois choses: copie de la cession, extrait pertinent de L'acte de cession ou autre preuve de la cession qui soit opposable au cédant. Il est clair que l'article parle maintenant de réception et non de signification. La simple connaissance ne suffit pas. »

[10]         Or, la preuve révèle qu'au moment de la signification de la saisie-arrêt, soit le 24 août 2011, l'avis de cession de créance n'avait pas été communiqué au défendeur, Simon Brousseau Ouellette, conformément aux dispositions de l'article 1641 C.c.Q.

[11]         De plus, la preuve ne révèle pas que le défendeur, Simon Brousseau Ouellette, avait, au moment de la signification de la saisie, acquiescé ou reçu copie de l'acte de cession.

[12]         Vu ce qui précède, le Tribunal est donc d'avis qu'au moment de la signification de la saisie-arrêt, la cession de créance obtenue par la demanderesse, Gestion Jugements Québec Inc., n'était pas opposable au défendeur, Simon Brousseau Ouellette, pas plus qu'à la tierce saisie.

[13]         La demanderesse, Gestion Jugements Québec Inc., n'avait donc pas l'intérêt juridique requis pour faire émettre en son nom et contre le défendeur, Simon Brousseau Ouellette, le bref de saisie-arrêt. Ceci étant, il y a donc irrégularité de la saisie au sens de l'article 596 alinéa 1 C.p.c. ce qui justifie que la requête en opposition de la saisie-arrêt soit accueillie.

[14]         À la requête, le défendeur, Simon Brousseau Ouellette, demande au Tribunal de déclarer que la saisie est abusive. La preuve ne permet pas au Tribunal de conclure ainsi.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la requête en opposition du défendeur, Simon Brousseau Ouellette.

ANNULE le bref de saisie-arrêt émis en l'instance en date du 18 août 2011.

LE TOUT, avec dépens lesquels sont limités aux déboursés judiciaires encourus par le défendeur, Simon Brousseau Ouellette, s'il en est.

 

 

 

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ARMANDO AZNAR, j.c.q.

 

 

Date d’audience :

Le 31 août 2011.

 



[1] Vincent KARIM, Les Obligations , Volume 2, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 2002, p. 651