COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
102194 |
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Cas : |
CM-2011-3027 |
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Référence : |
2011 QCCRT 0426 |
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Montréal, le |
15 septembre 2011 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Louise Verdone, juge administrative |
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Dyane Deschamps
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Plaignante |
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c. |
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Gouvernement du Québec
Ministère du Tourisme
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Gouvernement du Québec Direction des relations professionnelles
Conseil du trésor
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Intimé |
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DÉCISION |
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[1]
Le 31 mai 2011, Dyane Deschamps dépose une plainte selon les articles
[2] L’employeur prétend avoir suspendu madame Deschamps en mai 2011 en raison de manquements. La durée de la suspension s’expliquerait par la gradation du processus disciplinaire engagé envers celle-ci depuis un certain temps.
[3] Il est convenu, en audience, que rien d’autre ne se produit sur le plan de mesures, sanctions, représailles ou suspensions au cours des 30 jours précédant le dépôt de la présente plainte. La Commission instruit les parties que sa décision portera uniquement sur la suspension en mai 2011. Toutefois, elle décide que les parties peuvent présenter le contexte qui a pu mener à cette suspension.
[4] Madame Deschamps travaille comme préposée aux renseignements depuis 1990 au centre Infotouriste au centre-ville de Montréal. Madame Labrecque, sa supérieure immédiate, est la coordonnatrice du centre depuis environ huit ans. Madame Asselin, la supérieure hiérarchique de madame Deschamps, est la directrice de l’accueil et de l’hébergement touristique depuis cinq ans. Elle est responsable des sept centres Infotouriste du ministère du Tourisme à travers le Québec. Son bureau se situe au centre de Montréal, un centre important qui constitue le premier point de contact pour une clientèle touristique internationale. La qualité, la fiabilité et la rapidité des services de renseignements aux touristes importent afin que ceux-ci fassent la promotion du Québec au retour dans leur pays.
[5] Le centre compte environ 20 employés. Il est ouvert de 9 h à 19 h pendant la haute saison touristique, les mois d’avril à septembre, et de 9 h à 17 h pendant la basse saison, les mois d’octobre à mars.
[6] Durant la basse saison, madame Deschamps travaille de 9 h à 17 h comme tous les préposés aux renseignements. L’établissement de l’horaire de travail en haute saison tient compte des préférences et des besoins des préposés aux renseignements. Madame Deschamps et une de ses collègues travaillent, selon leur préférence, de 11 h 15 à 19 h 15 du mardi au samedi avec des congés le dimanche et le lundi. Selon une entente particulière, les deux travaillent cinq jours par semaine contrairement aux autres préposés aux renseignements qui en travaillent sept. Les préposés travaillent 6 h 30 par jour sans compter l’heure de repas et deux pauses de 15 minutes.
[7] Les préposés aux renseignements doivent fournir une prestation de qualité, maintenir leurs connaissances à jour et être assidus. Ils doivent répondre aux clients après un temps d’attente moyen de trois minutes après la prise d’un billet. Les préposés aux renseignements doivent participer à des activités de formation continue : lectures; conférences; sorties de familiarisation d’entreprises, de services et d’expositions, entre autres; questionnaires à compléter.
[8] Un système informatique permet de gérer la file de clients : afficher les numéros de clients à servir sur des écrans; établir l’achalandage quotidien et le nombre de clients non servis qui quitte le centre. La coordonnatrice du centre obtient un rapport informatique quotidien qui lui donne, pour chaque préposé aux renseignements, le temps d’attente des clients, la durée de l’acte de renseignements aux clients et leur occupation du temps. Le préposé se connecte au système pour indiquer qu’il est prêt à recevoir un client. Le client est dirigé vers un préposé au comptoir avec un système de prise de numéro. Après l’acte de renseignement, le préposé inscrit les codes appropriés au système pour indiquer la nature des services donnés et qu’il est prêt à recevoir un autre client. Les préposés doivent se connecter et se déconnecter du système à tout moment où ils ne sont pas disponibles à recevoir les clients au comptoir.
[9] L’horaire de travail est établi en fonction de l’achalandage au centre par le passé en plus des pauses, des absences, des activités de formation continue et d’autres besoins des préposés. Toutes demandes d’absences, de congés, de retards, de départs hâtifs et de modifications de l’horaire doivent être autorisées par la coordonnatrice du centre afin de répartir le travail équitablement.
[10] Le manuel des préposés aux renseignements prévoit un uniforme obligatoire fourni par l’employeur. Les préposés doivent l’entretenir convenablement et éviter les vêtements non compatibles. Le but du port de l’uniforme est de projeter une image de sécurité et de compétence et de faciliter l’identification des préposés par la clientèle. Les préposés permanents doivent commander les composantes à renouveler de leur uniforme une fois par année. Dans le cas des préposés permanents comme madame Deschamps, l’uniforme comprend un veston, un polo bleu, une blouse bleue, un pantalon ou une jupe, des t-shirts promotionnels, entre autres. Madame Asselin fait des rappels annuels de l’importance du code vestimentaire et avise les préposés lors de manquements.
[11] Par une lettre d’avertissement du 24 mars 2010, madame Asselin reproche à madame Deschamps un comportement irrespectueux, la veille, envers la coordonnatrice devant ses collègues et les clients. Madame Asselin lui reproche aussi d’avoir quitté le travail sans informer la coordonnatrice et sans son autorisation. Elle lui rappelle l’obligation d’assiduité et du travail en équipe. Elle lui signifie que des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la suspension suivront en cas de récidive.
[12] Le 30 mars 2010, madame Asselin signifie à madame Deschamps les attentes écrites suivantes : avoir une attitude exemplaire envers ses collègues et la coordonnatrice du centre; être assidue; respecter son horaire de travail; porter toutes les composantes de l’uniforme réglementaire. Elle lui signifie que tous écarts à ces attentes seront sanctionnés.
[13] Madame Asselin réprimande madame Deschamps dans une lettre du 12 juillet 2010. Par un courriel du 9 juillet 2010, la coordonnatrice avise les préposés de libérer un poste de travail pour le rendre disponible en tout temps à la clientèle à mobilité réduite. Le même jour, la coordonnatrice trouve madame Deschamps à ce poste de travail et l’informe du courriel. Madame Deschamps occupe ce poste de travail le lendemain. Madame Asselin lui signifie que son comportement est un acte d’indiscipline inacceptable qui manifeste une insouciante à l’égard de la clientèle à mobilité réduite. Elle l'informe que toute récidive pourrait mener à des mesures disciplinaires allant jusqu’au congédiement.
[14] Le 25 août 2010, madame Asselin rencontre madame Deschamps en présence du directeur des ressources humaines. Il est question de plaintes contre elle au sujet de mauvaises informations communiquées à des clients. On lui reproche aussi de prolonger ses pauses et son heure de repas et de négliger de se déconnecter du système informatique lors d’absences de son poste.
[15] Par une lettre du 8 décembre 2010, madame Asselin suspend madame Deschamps pour une journée, le lendemain, considérant les événements depuis la lettre d’avertissement du 24 mars précédent. La lettre énumère des irrégularités au cours de 13 jours du 3 novembre au 1 er décembre 2010. On lui reproche de ne pas respecter son horaire de travail, soit plusieurs retards ou prolongations de pauses et de périodes de repas sans informer la coordonnatrice ou sans obtenir son autorisation. On lui reproche aussi de ne pas bien remplir ses demandes d’autorisation d’absences de sorte qu’elle compte 139 minutes d’absences non motivées ou non autorisées qui seront réduites de son traitement. Il est question de manque de respect envers un client et de l’utilisation du poste de travail dédié à la clientèle à mobilité réduite. On l'avise qu'elle ne se déconnecte pas du système informatique lorsqu’elle quitte son poste de sorte qu'il la compte comme y étant toujours. Ceci accroît le temps d’attente des clients et augmente la charge de travail de ses collègues. On lui reproche une mauvaise qualité de services à la clientèle en raison d’une attitude irrespectueuse. Enfin, madame Asselin lui signifie que toute récidive sera susceptible de sanctions pouvant aller jusqu’au congédiement.
[16] Le 20 janvier 2011, madame Asselin et un représentant des ressources humaines rencontrent madame Deschamps qui est accompagnée d’un représentant syndical. On lui remet un avis pour refus de se conformer aux directives au sujet de l’assiduité, du respect de l’autorité et de la collaboration.
[17] Par une lettre du 4 mai 2011, madame Asselin impose à madame Deschamps une suspension de trois jours, les 5, 6 et 7 mai 2011, considérant la journée de suspension en décembre 2010, la rencontre du 20 janvier 2011 et de nouvelles contraventions aux attentes signifiées en 2010.
[18] Sur le plan du code vestimentaire, madame Asselin reproche à madame Deschamps de porter, les 26, 27 et 28 avril 2011, une camisole marine, soit un vêtement non conforme à l’uniforme réglementaire. De plus, elle lui reproche d’avoir modifié ce vêtement qui est la propriété du ministère du Tourisme et dont elle est responsable de l’entretenir convenablement.
[19] Au sujet de cet élément, madame Asselin voit, de la fenêtre de son bureau, madame Deschamps avec la camisole sous son veston. Elle informe madame Labrecque vers 17 h 13, le 26 avril 2011, afin que celle-ci fasse le suivi. Madame Asselin n’intervient pas parce que madame Deschamps relève de madame Labrecque et qu’une journée sans porter l’uniforme ne constitue pas nécessairement un manquement à sanctionner.
[20] Madame Labrecque ne voit pas les préposés aux renseignements de son bureau. Elle n’a pas le temps de s’occuper de la situation le lendemain. Toutefois, madame Asselin l’informe qu’elle voit encore madame Deschamps avec la même camisole. Le 28 avril 2011, madame Labrecque se place pour voir madame Deschamps et constate qu’elle porte la camisole. Elle l’en avise. Sans demander son autorisation, madame Deschamps lui annonce qu’elle quitte le travail sur-le-champ pour aller se changer chez elle. Madame Deschamps la place ainsi devant un fait accompli sans égard aux conséquences sur l’horaire de travail et la répartition du travail.
[21] Le 28 avril 2011, madame Labrecque envoie un courriel à madame Asselin pour l’informer qu’elle vient d’aviser madame Deschamps qu’elle ne respecte pas le code vestimentaire pour la troisième journée consécutive en portant une camisole marine. Selon ce courriel, madame Deschamps l’informe qu’elle a ajouté un tissu à la camisole pour la prolonger sous le nombril.
[22] Selon madame Deschamps, elle portait, les jours en question, un t-shirt promotionnel qu’elle avait modifié. Elle note que les t-shirts promotionnels font partie de l’uniforme selon le manuel des employés. Dans les circonstances, une suspension de trois jours constitue un abus du droit de direction, de son point de vue. Mesdames Asselin et Labrecque auraient avisé une autre préposée dans la même situation dès la première journée afin qu’elle se corrige immédiatement. Madame Labrecque ne le fait pas dans son cas parce qu’elle ne lui parle pas en raison d’un conflit de personnalités.
[23] Madame Asselin reconnaît que des t-shirts sont fournis aux préposés aux renseignements à l’occasion de promotions. Toutefois, celui que madame Deschamps portait datait de plus de cinq ans. De plus, il est interdit de porter un t-shirt modifié qui n’est pas de l’année courante et l’uniforme ne comprend pas une camisole.
[24] Par ailleurs, madame Asselin ajoute que madame Deschamps renouvelle, moins que la moyenne, les composantes de son uniforme. Elle lui demande de les renouveler sans succès.
[25] Selon madame Deschamps, madame Asselin lui dit à l’occasion de quatre ou cinq rencontres qu’elle lui fait honte parce qu’elle ne porte pas le veston réglementaire. Madame Asselin nie lui avoir dit qu’elle lui fait honte. Elle lui dit, une fois, qu’elle a honte parce que son veston, le même qu’elle porte en audience, est usé aux coudes alors qu’elle peut en avoir un neuf sans frais. Devant l’exemple présenté par madame Deschamps au sujet d’une préposée étudiante avec des leggings et un tatouage, madame Asselin explique que l’uniforme des étudiantes est différent de celui des préposés permanents. Cependant, elles doivent s’habiller convenablement et, sinon, elles sont avisées. Quant aux tatouages, cela relève du droit à la vie privée et elle ne peut pas intervenir. Selon la politique, un étudiant doit porter un pantalon ou une jupe noir ou marine, sans excentricités, qu’il fournit lui-même.
[26] Sur le plan de l’assiduité, la lettre de suspension mentionne que madame Deschamps devait être en période de lecture le 27 avril 2011 de 10 h 15 à 11 h 15 au poste de travail dédié à cet effet (de sorte que tous savent où trouver la préposée en cas de besoin, explique madame Asselin). Toutefois, elle n’y était pas et personne ne savait où la trouver bien qu’elle soit connectée au système informatique. Elle est revenue à son poste de travail à 11 h 5 alors qu’elle devait être au poste de lecture jusqu’à 11 h 15. La lettre mentionne aussi qu’elle quitte le travail sans autorisation pour aller changer ses vêtements le 28 avril alors qu’elle a été avisée souvent de ne pas décider seule de son horaire de travail et de ne pas quitter son poste comme bon lui semble.
[27] Madame Asselin vérifie chaque semaine les données du système informatique avec madame Labrecque. En cas d’anomalies, tous les préposés aux renseignements subissent le même traitement : réduction du traitement en cas de retards; avis ou rencontres en cas de problèmes. Selon l’horaire de travail du 27 avril 2011, madame Deschamps est en période de lecture de 10 h 15 à 11 h 15. Elle travaille au comptoir à la clientèle de 11 h 15 à 15 h 15 avec une pause de 15 minutes et une période de repas d’une heure. Elle est en formation de 15 h 15 à 16 h 30 et au comptoir de 16 h 45 à 18 h 15. Par contre, selon les données du système informatique, madame Deschamps se connecte comme étant disponible au comptoir de 10 h 13 à 18 h 7. Il arrive fréquemment, explique madame Asselin, que madame Deschamps ne se déconnecte pas du système informatique.
[28] Madame Labrecque constate que madame Deschamps devait être en période de lecture selon l’horaire de travail, mais qu’elle était connectée au système informatique comme étant prête à recevoir un client. Ainsi, un client est dirigé à son comptoir à 10 h 39 et attend environ cinq minutes avant qu’un autre préposé le serve. Madame Labrecque va au poste de lecture pour parler à madame Deschamps, mais elle n’y est pas. À sa demande, un chef d’équipe va à sa recherche et la trouve dans la salle des employés. Madame Deschamps se présente au comptoir à 11 h 5 de son propre chef.
[29] Selon madame Deschamps, le système informatique n’est pas sans failles. Elle se connecte au système parce que cela constitue la seule façon de démontrer qu’elle est au travail à l’heure. Sinon, ses supérieures ne savent pas où elle est et la réprimandent. Elle n’est pas au poste dédié à la lecture parce qu’il est trop bruyant. Comme elle l’a souvent fait par le passé, elle va à la salle des employés pour lire à tête reposée. Ne trouvant pas un chef d’équipe, elle en informe un collègue de travail. Personne ne lui fait de reproches auparavant et il n’existe pas une interdiction écrite à ce sujet. Lorsqu’elle termine sa lecture ce jour-là, elle se rend à son poste au comptoir avant le temps prévu par souci de professionnalisme et parce qu’il s’agissait de la période des pauses.
[30] Sur le plan de l’assiduité et du code vestimentaire, madame Asselin est moins exigeante envers les autres préposés aux renseignements, déclare madame Deschamps. Ses efforts à ces égards ne sont pas reconnus par ses supérieures.
[31] Dans la lettre de suspension, madame Asselin reproche à madame Deschamps une attitude hostile et irrespectueuse envers elle-même, ses collègues et sa coordonnatrice depuis son retour de vacances le 22 avril 2011. Elle lui reproche aussi de démontrer du mépris envers son entourage en ne répondant pas à de simples salutations en arrivant au travail en plus de ses silences et de son comportement non verbal. Elle lui signifie qu’elle doit avoir une attitude civilisée en tout temps au travail.
[32] Madame Asselin affirme n’entretenir aucune animosité envers madame Deschamps. Elle salue tous les employés, y compris madame Deschamps, lorsqu’elle les croise. Elle va saluer madame Deschamps à son retour d’un congé de maladie au printemps dernier. Elle tente souvent d’engager un dialogue avec celle-ci. Toutefois, madame Deschamps ne la salue jamais et évite son regard.
[33] Sans préciser une date, madame Labrecque rencontre madame Deschamps pour l’informer d’une modification. Or, celle-ci ne s’arrête pas et ne l’écoute pas. Madame Labrecque trouve difficile d’avoir des échanges avec madame Deschamps parce que celle-ci ne reconnaît pas sa présence et évite son regard.
[34] Selon madame Deschamps, elle est suspendue de façon injustifiée parce qu’elle dénonce, dans le respect, l’ambiance au travail afin d’améliorer les conditions de tous. Au lieu d’engager un dialogue avec elle pour régler des conflits, ses supérieures la surveillent étroitement pour la trouver en défaut. Elle fait l’objet d’un acharnement administratif depuis plus d’un an dans le but de la congédier parce qu’elle dérange. Il existe un conflit de personnalités entre elle et ses supérieures depuis longtemps. Aucun dialogue n’est possible entre elles. Elle ne fait pas partie de leur clan. Elle a peur de parler à madame Asselin, sa harceleuse. Celle-ci la réprimande sans arrêt pour quelques petits manquements. Après de nombreuses années de loyaux et bons services, elle ne fait plus l’affaire soudainement. La main-d'œuvre dans la fonction publique rajeunit et on veut se débarrasser des plus anciens comme elle. Il lui est difficile de garder le sourire dans ce combat de David contre Goliath.
[35]
Selon les articles
S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le salarié exerce un droit qui lui résulte du présent code, il y a présomption simple en sa faveur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui à cause de l'exercice de ce droit et il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou mesure à l'égard du salarié pour une autre cause juste et suffisante.
[36]
La Commission doit déterminer si l'autre cause invoquée par l'employeur est un prétexte ou une
cause sérieuse qui constitue la cause véritable de la sanction ou de la mesure
(
Lafrance et autres
c.
Commercial Photo
,
[37] Les parties admettent que madame Deschamps dépose sa plainte à l’intérieur du délai prescrit, qu’elle est une salariée au sens du Code, qu’elle exerce un droit qui résulte du Code en déposant un grief le 22 décembre 2010 et qu’elle fait l’objet d’une suspension les 5, 6 et 7 mai 2011.
[38] L’employeur demande à la Commission de déterminer l’existence d’une concomitance entre l’exercice du droit et la suspension. Il s’écoule un peu plus de quatre mois entre les deux événements, mais madame Deschamps prend des vacances en avril 2011. L’exercice du droit et la suspension présentent une concomitance suffisante; la période de temps entre eux est à l’intérieur de limites convenables. Les faits qui établissent la présomption simple sont donc réunis.
[39] L'employeur réussit à repousser la présomption voulant que madame Deschamps ait été suspendue au début mai 2011 en raison de l'exercice d'un droit qui résulte du Code, soit le dépôt d'un grief à la fin décembre 2010. Il démontre, de façon prépondérante, la réalité des manquements relatifs au code vestimentaire, à l'assiduité et à l'attitude qui sont invoqués au soutien de la suspension et que ceux-ci en sont la cause véritable et sérieuse, non pas un prétexte.
[40] Sur le plan des manquements relatifs au code vestimentaire, madame Deschamps reconnaît qu'elle porte la camisole en question les 26, 27 et 28 avril 2011, soit un ancien t-shirt promotionnel qu’elle a modifié. Il est vrai que les t-shirts promotionnels sont une composante de l'uniforme. Toutefois, il semble évident, comme l'invoque l'employeur, qu'il doit s'agir de t-shirts de promotions contemporaines. Forcément, la politique ne vise pas un ancien t-shirt d'autant plus modifié par madame Deschamps. Rien de probant ne démontre que des préposés ont le droit de porter des t-shirts de promotions passées. Madame Deschamps, une employée de longue date, devait nécessairement savoir qu'elle n'était pas censée porter ce vêtement.
[41] Madame Deschamps reproche à l'employeur de laisser perdurer l'infraction pour mieux justifier une sanction. Madame Asselin signale l'infraction à madame Labrecque à la fin de la journée de travail, le 26 avril 2011. Madame Labrecque ne fait pas de suivi le lendemain parce qu'elle est autrement occupée. D'ailleurs, lorsqu'elle se rend au poste dédié à la lecture pour parler à madame Deschamps d'un autre problème, elle ne l'y trouve pas. Madame Labrecque prend le moyen de constater si madame Deschamps porte toujours la camisole le jour suivant, le 28 avril, pour l'aviser. Rien n'indique une intention malveillante de madame Labrecque envers madame Deschamps dans la chaîne des événements mise en preuve.
[42] Par ailleurs, madame Deschamps affirme que mesdames Asselin et Labrecque auraient avisé une autre préposée dans la même situation dès la première journée afin qu’elle se corrige immédiatement. Pourtant, elle leur reproche, de façon contradictoire, de ne pas sanctionner d'autres préposés aux renseignements qui contreviennent à la politique sur l'uniforme obligatoire ou d'être moins exigeantes à leur égard en cette matière. Rien de probant ne démontre tous ces éléments.
[43] De plus, madame Deschamps prétend que madame Labrecque ne l'avise pas dès le 26 avril parce que celle-ci ne lui parle pas en raison d’un conflit de personnalités. Pourtant, madame Labrecque lui parle le 28 avril et, la veille, se rend pour lui parler au poste dédié à la lecture bien qu'elle ne l'y trouve pas. Elle lui parle aussi, à tout le moins, le 9 juillet 2010 au sujet de la directive de libérer le poste de travail dédié à la clientèle à mobilité réduite.
[44] En ce qui concerne l'assiduité, madame Deschamps reconnaît son absence au poste dédié à la lecture le matin du 27 avril 2011 et qu’elle informe seulement un collègue, non pas une personne en autorité, qu'elle allait lire dans la salle des employés. Elle reconnaît aussi qu'elle retourne à son poste au comptoir avant l'heure prévue à l'horaire de travail et qu'elle ne s'est pas déconnectée du système informatique pendant son temps de lecture. Elle ne demande pas l'autorisation pour agir ainsi. Le 28 avril 2011, il est établi que madame Deschamps quitte le travail sur-le-champ et sans autorisation pour aller chez elle se changer lorsque madame Labrecque l'avise au sujet de la camisole.
[45] Madame Deschamps sait pertinemment qu'elle doit lire au poste dédié à la lecture. En effet, c'est parce qu'elle le trouve trop bruyant qu'elle décide de son propre chef d'aller lire à la salle des employés. Elle invoque qu'elle l’a souvent fait par le passé et que personne ne le lui a reproché. On ne sait pas si ses supérieures en étaient au courant. Quoi qu'il en soit, madame Labrecque s'en rend compte cette fois-ci parce qu'un client dirigé au comptoir de madame Deschamps pendant son absence, étant donné qu'elle était toujours connectée au système informatique, doit être servi par un autre préposé. Madame Labrecque va au poste de lecture pour lui parler, mais elle n’y est pas.
[46] Madame Deschamps se défend en disant, sans aucune démonstration, que le système informatique n’est pas sans failles. Pourtant, de façon contradictoire, elle dit se connecter au système à son arrivée au travail le 27 avril parce que cela constitue la seule façon de démontrer qu’elle est au travail à l’heure. Par ailleurs, il n'existe aucune preuve probante que ses supérieures sont moins exigeantes envers les autres préposés aux renseignements sur le plan de l’assiduité ou qu'elles les traitent différemment en cas de manquements. Enfin, madame Deschamps reconnaît des manquements sur les plans de l'assiduité et du code vestimentaire parce qu'elle dit faire des efforts à ces égards, efforts non reconnus par ses supérieures, prétend-elle.
[47] Quant à l’attitude, la lettre de suspension invoque une attitude hostile et irrespectueuse de la part de madame Deschamps envers ses collègues et ses supérieures depuis son retour de vacances le 22 avril 2011. Madame Deschamps ne nie pas les affirmations de mesdames Labrecque et Asselin voulant qu'elle ne retourne pas leurs salutations, qu'elle détourne le regard quand elle les croise et qu'elle ne répond pas à madame Labrecque lorsque celle-ci lui parle. Madame Deschamps prétend qu'il est difficile d'être conviviale en raison du suivi disciplinaire dont elle fait l'objet depuis mars 2010, suivi qu'elle qualifie de harcèlement et d'abus du droit de direction. Pourtant, elle parle aussi d'un confit de personnalités de longue date avec mesdames Labrecque et Asselin.
[48] La durée de la suspension, trois jours, ne pointe pas non plus à un prétexte. Il s'agit d'une gradation de sanctions dans le contexte du processus disciplinaire engagé depuis un certain temps par l’employeur à l’endroit de madame Deschamps. Des manquements similaires à ceux invoqués au soutien de la présente suspension ont fait l'objet d'autres mesures ou sanctions depuis la fin mars 2010. Madame Deschamps a été avisée de façon claire à plusieurs occasions que des récidives mèneraient à des sanctions plus sévères. D'ailleurs, elle a déjà été suspendue un jour en décembre 2010 pour des manquements semblables. Une suspension de trois jours semble une suite logique.
[49] Enfin, il n’existe aucune preuve que l’employeur tente de dissuader madame Deschamps de déposer des griefs ou d’exercer des activités syndicales. Rien ne démontre que ses griefs ont été pris en considération par l'employeur pour imposer de la présente suspension. En fait, madame Deschamps dit avoir été suspendue parce qu’elle dénonce l’ambiance au travail et qu'elle dérange. Toutefois, rien n'indique que cela découle d'un rôle syndical quelconque qu'elle exercerait.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la plainte.
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__________________________________ Louise Verdone |
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M e Annick Dupré |
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CREVIER, ROYER (JUSTICE-QUÉBEC) |
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Représentante de l’intimé |
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Date de l’audience : |
29 août 2011 |
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