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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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No de dossier : |
2628-7433 |
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No du rôle : |
31.a-C-11 |
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Date : |
23 août 2011 |
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DEVANT : |
Monsieur Robert Généreux, vice-président |
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L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » |
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DÉCISION |
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[1] L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » est titulaire d’une licence d’entrepreneur de construction. Monsieur Paul Chartré agit à titre de dirigeant et de répondant de ladite entreprise.
MOTIFS DE LA CONVOCATION
[2]
L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a été déclarée coupable
de l’infraction prévue à l’article
[3] Après analyse des éléments au dossier, la Régie a avisé l’entreprise « GESTION PACHAR INC. », le 3 août 2010, qu’elle devait décider si elle doit maintenir, annuler ou suspendre sa licence d’entrepreneur de construction pour le motif ci-haut mentionné.
[4] À cet effet, monsieur Paul Chartré, de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. », a été convoqué devant la Régie, le 24 août 2011, au 545, boul. Crémazie est, 4 e étage à Montréal afin de lui permettre de présenter ses observations.
[5] Suite à quelques reports d’audiences, et ce, pour diverses raisons motivées, l’audience a été reportée péremptoirement au 9 août 2011.
[6] Me Mélisa Thibault, représentante dûment autorisée de monsieur Paul Chartré, s’est présentée à la date fixée.
ENQUÊTE DE LA RÉGIE
[7] L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » est titulaire d’une licence d’entrepreneur de construction de la Régie du bâtiment du Québec, depuis le 26 septembre 1990.
[8] Le 25 septembre 2008, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a été reconnue coupable de l’infraction fiscale suivante : (référence : Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (500-73-003027-089);
Chef d’accusation no. 1
« À Montréal,
district de Montréal et ailleurs au Québec, entre le 1
er
octobre
2001 et le 31 mars 2006, a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a
participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans des déclarations
produites ou faites en vertu de l’art.
Cette infraction fiscale est reliée aux activités que le titulaire de la licence exerce dans l’industrie de la construction en ce qu’elle fait partie d’un stratagème d’accommodation visant à éluder la remise de taxe percevable sur les activités commerciales de l’entreprise, lesquelles consistent en des activités liées à l’industrie de la construction.
Le paragraphe 2°
de l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
[…]
2° ne remplit plus l’une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence;
Les conditions requises
pour obtenir une licence sont prévues à l’article
60. Une licence est délivrée à une société ou personne morale qui satisfait aux conditions suivantes :
[…]
6° elle-même,
l'un de ses dirigeants ou, si elle n'est pas un émetteur assujetti au sens de
la
Loi sur les valeurs mobilières
(chapitre V-1.1), l'un de ses
actionnaires n'a pas été déclaré coupable, dans les cinq ans précédant la
demande, d'une infraction à une loi fiscale ou d'un acte criminel et qui sont
reliés aux activités que la personne entend exercer dans l'industrie de la
construction ni d'un acte criminel prévu aux articles
[…]
Pour l’application du paragraphe 6° du premier alinéa relativement à une infraction à une loi fiscale, la Régie refuse de délivrer une licence lorsqu’elle estime que la gravité de l’infraction ou la fréquence des infractions le justifie.
La déclaration de culpabilité à une infraction fiscale fait en sorte que Gestion Pachar inc. ne remplit plus l’une des conditions requises par la Loi sur le bâtiment pour obtenir une licence.
TÉMOIGNAGES
[9] Au début de la rencontre, Me Maxime Seyer-Cloutier, procureur de la Régie, présente sommairement les pièces formant la preuve documentaire.
[10] À ce sujet, en P-1, la licence d’entrepreneur de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a été émise le 26 septembre 1990. Le seul et unique répondant pour tous les domaines est monsieur Paul Chartré. Finalement, la licence comporte 31 sous-catégories.
[11] Puis en P-2, selon la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ), il est indiqué que le 25 septembre 2008, un plaidoyer de culpabilité, à la Loi sur la taxe d’accise selon l’article 327 (1) a) a été enregistré au nom de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. ». La sentence qui a été rendue dans ce dossier fut une amende de 16 828,10 $ payable dans les 30 jours.
[12] Ensuite, le procureur de la Régie présente la pièce P-3, la sommation en regard au dossier 500-73-003027-089 qui indique que l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » est convoquée au palais de justice de Montréal, le 25 septembre 2008.
[13] De plus, le procureur de la Régie fait remarquer que la période durant laquelle s’est déroulée les déclarations fausses ou trompeuses a été de 4 ans et 8 mois, soit du 1 er octobre 2001 au 31 mai 2006.
[14] En P-4, le procès-verbal informatisé indique que l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a plaidé coupable dans le dossier 500-003027-089 et que l’amende qui a été imposée est de 16 828,10$ soit 50% du montant de taxe nette qui a été éludé; soit la sentence minimum dans les circonstances.
[15] En P-5, l’ordonnance du paiement de l’amende du Ministère de la Justice du Québec indique que l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » doit payer une amende de 16 828,10% soit 50% du montant de taxes qu’elle a éludé et le tout payable dans les 30 jours.
[16] À la pièce P-6, selon le registraire des entreprises, il est admis que le seul et unique dirigeant, administrateur et répondant de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » est monsieur Paul Chartré. De plus, selon le CIDREQ, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » œuvre dans la section 4011, soit : Entrepreneur en construction. Selon le registre, il est également inscrit que l’entreprise emploi entre 11 et 25 travailleurs.
[17] Finalement, aux pièces P-7 et P-8, il est démontré que l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » œuvre strictement dans le domaine de la construction. En effet, monsieur Paul Chartré présente son entreprise comme étant un entrepreneur général spécialisé en réfection de béton ayant son siège social au 390, boul. Henri-Bourassa Ouest, Montréal.
PLAIDOIRIE DE LA RÉGIE
[18]
Le procureur de la Régie débute sa plaidoirie en signifiant que selon le
paragraphe 2
o
de l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
[…]
2° ne remplit plus l’une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence;
[19] Il poursuit en évoquant que les conditions requises pour obtenir une licence sont prévues à l’article 60 de cette même Loi, en ce qui concerne les société ou personnes morales. Le paragraphe 6 o de l’article 60 de cette loi se lit comme suit :
60. Une licence est délivrée à une société ou personne morale qui satisfait aux conditions suivantes :
[…]
6° elle-même,
l'un de ses dirigeants ou, si elle n'est pas un émetteur assujetti au sens de
la
Loi sur les valeurs mobilières
(chapitre V-1.1), l'un de ses
actionnaires n'a pas été déclaré coupable, dans les cinq ans précédant la
demande, d'une infraction à une loi fiscale ou d'un acte criminel et qui sont
reliés aux activités que la personne entend exercer dans l'industrie de la
construction ni d'un acte criminel prévu aux articles
[…]
Pour l’application du paragraphe 6° du premier alinéa relativement à une infraction à une loi fiscale, la Régie refuse de délivrer une licence lorsqu’elle estime que la gravité de l’infraction ou la fréquence des infractions le justifie.
[20] Ainsi, la déclaration de culpabilité à une infraction à une loi fiscale dans les cinq ans précédant la demande fait en sorte que l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » ne remplit plus l’une des conditions requises par la Loi sur le bâtiment pour obtenir une licence.
[21] En effet, le 25 septembre 2008, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a été reconnue coupable de l’infraction fiscale suivante : (référence : Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (500-73-003027-089);
Chef d’accusation no. 1
« À Montréal,
district de Montréal et ailleurs au Québec, entre le 1
er
octobre
2001 et le 31 mars 2006, a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a
participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans des déclarations
produites ou faites en vertu de l’art.
[22] À cet égard, Me Cloutier énonce que les faits reprochés sont bien en lien avec les activités exercées par l’entreprise dans l’industrie de la construction.
[23] Maintenant que ces faits sont établis, il s’agit de déterminer la gravité de l’infraction, et ce, dans le but de pouvoir déterminer la sanction applicable, et ce, en fonction de la nature de l’infraction, de sa durée, de son importance relative, de ses impacts directs et indirects et en tenant compte des facteurs aggravants et atténuants.
[24]
Comme l’acte reproché l’a été en vertu de l’article
327. (1) Toute personne qui :
a ) a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans une déclaration, une demande, un certificat, un état, un document ou une réponse produits ou faits en vertu de la présente partie ou d’un règlement d’application,
(…)
Ainsi commettant une infraction à l’alinéa 327 (1) a) à cette loi, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » encoure sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine prévue à l’alinéa 327 (1) f) ou 327 (1) g) de cette loi.
Dans les faits, les sanctions applicables sont :
f ) soit une amende minimale de 50 % et maximale de 200 % de la taxe ou taxe nette qu’elle a tenté d’éluder ou du remboursement qu’elle a cherché à obtenir ou, si le montant n’est pas vérifiable, une amende minimale de 1 000 $ et maximale de 25 000 $;
g) soit une telle amende et un emprisonnement maximal de deux ans.
[25]
Afin d’établir le niveau de gravité en regard avec la nature de telles
infractions à l’article
[26] Ainsi, dans les faits, on peut donc comprendre qu’en plaidant coupable à cette infraction l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » reconnaît avoir agi « volontairement » et reconnaît, par le fait même, avoir agi en toute connaissance de cause dans cette affaire.
[27]
C’est pourquoi, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a reçu la
sentence prévue à l’article
[28] Le procureur de la Régie énumère les facteurs aggravants et atténuants sur lesquels, il propose au régisseur de s’appuyer lors de sa décision.
[29] Ainsi, le facteur aggravant qui incite une peine plus sévère, selon le procureur de la Régie, est :
§ La durée de l’utilisation du stratagème soit 4 ans et 8 mois (1 er octobre 2001 au 31 mai 2006).
[30] Par ailleurs, le procureur de la Régie énumère les facteurs atténuants soient :
§ Aucun antécédent judiciaire en la matière;
§ Amende minimale de 50% du montant de taxe éludé;
§ Historique de l’entreprise (+ de 20 ans en affaires et sans antécédents avec la Régie).
[31] Finalement, le procureur de la Régie termine sa plaidoirie en soulignant que la sanction de la Régie a un double objectif soit de faire en sorte que l’entreprise sanctionnée ne recommence plus et que la sanction ait aussi un effet dissuasif pour les autres détenteurs de licences.
PLAIDOIRIE DE ME MÉLISA THIBAULT
I- La sanction imposée ne doit pas équivaloir à une peine ou une amende
[32] La Régie n’est pas habilitée à imposer une suspension de licence de l’entreprise «GESTION PACHAR INC. » dans le principal but de la punir.
§ Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale, précis de droit des institutions administratives, 3 e édition, Cowansville, Yvon Blais, 2009, pp. 978-979 ;
Un premier type de sanction administrative porte sur l’autorisation elle-même : l’autorité qui l’a délivrée et qui surveille l’activité du titulaire peut dans certaines situations décider la suspension ou la révocation de l’autorisation. L’effet punitif réside alors dans la perte, temporaire ou définitive, de la possibilité de se livrer à l’activité autorisée et par conséquent, d’en tirer des avantages matériels. La punition du contrevenant n’est cependant pas le principal but visé : en forçant - sous peine de sanctions pénales, cette fois - le contrevenant à l’interrompre son activité, il s’agit avant tout de préserver l’intérêt public qui a présidé à la mise en place du dispositif d’autorisation (aménagement de l’espace, restriction des mouvements, etc.
[33] De plus, conformément à l’objectif de la Loi sur le bâtiment et à sa mission, la Régie doit plutôt rechercher à assurer la sécurité du public et la qualité des travaux de construction, notamment en contrôlant la qualification des entrepreneurs.
§ Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c. B-1.1, articles 1 et 110 - 111
1. La présente loi a pour objets :
1 o d’assurer la qualité des travaux de construction d’un bâtiment et, dans certains cas, d’un équipement destiné à l’usage du public, d’une installation non rattachée à un bâtiment ou d’une installation d’équipement pétrolier;
2 o d’assurer la sécurité du public qui accède à un bâtiment ou à un équipement destiné à l’usage du public ou qui utilise une installation non rattachée à un bâtiment ou une installation d’équipement pétrolier.
(…)
110. La Régie a pour mission de surveiller l’administration de la présente loi, notamment en vue d’assurer la protection du public.
111. Pour la réalisation de sa mission, la Régie exerce notamment les fonctions suivantes :
1 o vérifier et contrôler l’application de la présente loi et le respect des normes de construction et de sécurité;
2 o contrôler la qualification des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires de façon à s’assurer de leur probité, leur compétence et leur solvabilité;
(…)
[34] Afin d’atteindre ces objectifs, les dispositions de l’article 70 de la Loi autorise la Régie à imposer des sanctions administratives à savoir de suspendre ou révoquer des licences des entrepreneurs en construction.
[35] Ce pouvoir de suspendre une licence d’entrepreneur est discrétionnaire et, par conséquent, il doit être exercé dans les limites imposées par la loi habilitante.
[36] En l’espèce, cela signifie que la suspension d’une licence doit viser les objectifs d’intérêts public énoncé à la Loi, soit la sécurité du public et la qualité des travaux de construction.
[37] Or, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a réduit l’ampleur de ses activités et elle respecte désormais ses obligations légales. L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » serait également prête à se plier à toutes autres mesures de contrôle raisonnables jugées nécessaires par la Régie.
[38] En effet, la Régie a le pouvoir et exerce fréquemment un suivi et un contrôle serré de la conduite des entrepreneurs afin de s’assurer que deux-ci respectent leurs engagements et mettent en place les mesures correctives nécessaires.
[39] De cette manière, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » soumet que les objectifs de la Loi seront atteints et que la suspension de la licence n’aurait aucune utilité en l’instance. Si une suspension de la licence était ordonnée dans les circonstances, l’entreprise soumet qu’il s’agirait alors d’une mesure purement répressive visant à punir ou pénaliser l’entrepreneur, ce qui outrepasse la compétence de la Régie.
[40] Or, la suspension de la licence d’entrepreneur ne peut être ordonnée dans l’unique but d’imposer une peine, étant donné que la Régie n’a pas compétence pour ce faire.
[41] En effet, contrairement à certains organismes administratifs, tels l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Loi n’accorde à la Régie aucun pouvoir de répression.
[42] Ainsi, la Régie n’est pas autorisée à imposer des amendes, qui sont des sanctions purement punitives.
[43] Le choix du législateur de ne pas instituer la Régie en poursuivant et de ne pas l’autoriser à imposer des sanctions purement punitives, telle une peine ou une amende, est un indice clair du caractère non répressif de sa mission.
[44] Bien que l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » n’a pas de chantier en cours à l’heure actuelle, une suspension aurait pour effet de priver l’entreprise de la possibilité de répondre à des appels d’offres.
[45] Ainsi, la Régie ne peut imposer une suspension, puisque les conséquences financières d’une telle mesure auraient un impact beaucoup plus étendu dans le temps que la suspension elle-même et s’apparenteraient de ce fait à une amende de plusieurs centaines de milliers de dollars.
[46] Or, d’une part, l’amende est une pénalité prévue uniquement dans le cas de certaines infractions particulières à la Loi sur le bâtiment, dont l’article 60 ne fait pas partie, et dépasse par conséquent la compétence de la Régie.
[47] D’autre part, une amende aussi importante relève du droit pénal, ce qui dépasse la compétence de la Régie, tel que mentionné précédemment.
[48] Dans cette optique, la Régie n’a pas compétence pour imposer une suspension de la licence d’entrepreneur de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » dans l’unique objectif de punir. En l’espèce, une telle ordonnance constituerait un exercice totalement arbitraire du pouvoir discrétionnaire accordé à la Régie en vertu de l’article 70 de la Loi.
II. La suspension de la licence de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » est une sanction excessive et déraisonnable
[49] Jusqu’à tout récemment, la jurisprudence de la Régie confirmait que la suspension est une mesure exceptionnelle imposée dans les rares cas où la non-conformité est temporaire et peut être rectifiée par un acte positif.
[50] Ainsi, la suspension vise à accorder à l’entrepreneur le délai nécessaire pour se conformer à la Loi.
[51] La jurisprudence récente de la Régie démontre que celle-ci a adopté un courant décisionnel favorable à la ratification des engagements et/ou à des mesures correctrices mise en place par des entrepreneurs ayant démontré leur désir de corriger leur comportement.
[52] La suspension de la licence d’entrepreneur de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » serait donc, à toutes fins pratiques, inutile en l’instance.
[53] Au surplus, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » n’a aucun chantier de construction en cours actuellement et la suspension aurait donc pour effet de la priver de la possibilité de répondre à des appels d’offres. Étant ainsi privée de la possibilité de soumissionner, les conséquences financières de la suspension auront potentiellement des effets importants pour l’avenir.
[54] Cette sanction est également déraisonnable et la Régie se doit de tenir compte de l’ensemble des circonstances, soit le fait que l’entreprise est en opération depuis 1990 et qu’il s’agit de sa première infraction.
III. Subsidiairement, la gravité de l’infraction ne saurait justifier une suspension de la licence
[55] Au surplus, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » soumet que la gravité de l’infraction fiscale en l’espèce ne justifie pas qu’une suspension de sa licence d’entrepreneur soit imposée.
[56] L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » soumet que dans l’appréciation de la gravité d’une infraction fiscale, la Régie doit se rallier à l’appréciation donnée par la Cour du Québec qui transparaît notamment dans la détermination de la peine imposée à l’entrepreneur délinquant.
[57]
L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a enregistré un plaidoyer
de culpabilité à l’infraction fiscale prévue au sous-paragraphe
[58] Dans le cas de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. », la peine imposée par la Cour du Québec fut l’amende minimum dans les circonstances, soit 50% du montant de taxe éludé.
[59] Il va de soi que l’appréciation de la gravité par la Régie ne peut diverger considérablement de celle donnée par le tribunal compétent dans l’appréciation de la gravité des infractions fiscales.
[60] Par conséquent, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » soumet que l’imposition d’une suspension, qui aura pour effet de la priver de ses revenus alors que celle-ci a déjà versé l’amende jugée suffisante, constituerait ni plus ni moins une seconde peine et ne saurait se justifier en l’instance.
Conclusion
[61]
Pour ces motifs, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » soumet
respectueusement que la Régie ne peut suspendre ou annuler sa licence en vertu
de son pouvoir édicté à l’article
[62] En conformité avec la ligne jurisprudentielle développée, la Régie doit considérer simplement d’exiger des engagements de la part de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. ».
[63] Enfin, la Régie ne peut suspendre la licence de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » uniquement comme une mesure de pénalité, étant donné que l’imposition d’une peine dépasse la compétence de la Régie et n’est pas conforme aux objectifs de la Loi sur le bâtiment en ce qui concerne la suspension de licence.
[64] Subsidiairement, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » soumet que l’ordonnance de suspension devrait se limiter à une suspension de 15 jours, sans quoi celle-ci serait excessive et déraisonnable.
Motifs de la décision
[65]
L’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a été déclarée coupable à
une infraction à une loi, selon l’article
[66]
Selon le paragraphe 2
o
de l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
[…]
2 o ne remplit plus l’une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence;
[67]
Les conditions requises pour obtenir une licence sont prévues à
l’article
60 Une licence est délivrée à une société ou personne morale qui satisfait aux conditions suivantes :
[…]
6
o
elle-même, l’un de ses
dirigeants ou, si elle n’est pas un émetteur assujetti au sens de la Loi sur
les valeurs mobilières (chapitre V-1.1), l’un de ses actionnaires n’a pas été
déclaré coupable, dans les cinq ans précédant la demande, d’une infraction à
une loi fiscale ou d’un acte criminel et qui sont reliés aux activités que la
personne entend exercer dans l’industrie de la construction ni d’un acte
criminel prévu aux articles
Pour l’application du paragraphe 6 o du premier alinéa relativement à une infraction à une loi fiscale, la Régie refuse de délivrer une licence lorsqu’elle estime que la gravité de l’infraction ou la fréquence des infractions le justifie.
[68]
Dans ce cas, il s’agit de définir la gravité de l’infraction prévue à
l’article
[69] Selon l’enquête de la Régie et les témoignages recueillis lors de l’audience, il appert qu’effectivement l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a bien plaidé coupable de 25 septembre 2008 à la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, en référence au dossier (500-73-003027-089) au chef d’accusation no. 1 suivant :
Chef d’accusation no. 1
« À Montréal,
district de Montréal et ailleurs au Québec, entre le 1
er
octobre
2001 et le 31 mars 2006, a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a
participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans des déclarations
produites ou faites en vertu de l’art.
[70] À noter, que cette infraction fiscale est reliée aux activités que le titulaire de la licence exerce dans l’industrie de la construction.
[71] Selon le chef d’accusation no. 1, il appert que l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a utilisé un stratagème d’accommodation visant l’utilisation de fausses facturations. Se faisant, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » n’a pas déclaré des montants de taxe nette positive s’élevant au total à 33 656,10$.
[72] Pour son geste, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a reçu comme sanction, l’amende minimale dans les circonstances soit un montant équivalent à 50% du montant de taxe éludé, c’est-à-dire 16 828,10$ payable dans les 30 jours de la sentence.
[73]
Comme cette infraction à une loi fiscale est en lien avec les activités
d’entrepreneur en construction de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. »,
alors cette dernière ne respecte plus les conditions nécessaires pour le
maintien en vigueur de sa licence d’entrepreneur, et ce, en fonction de
l’article
[74]
Se faisant, la Régie selon l’article
Concernant la gravité des infractions
[75] À cet égard, il est important de se rappeler qu’il existe (3) trois types d’infractions pénales, et ce, en regard de leurs gravités. En effet, en référence à un jugement de la Cour Suprême du Canada dans le dossier impliquant La Reine c. Sault Ste-Marie [1978], le juge Dickson a conclu qu’il existe trois catégories d’infractions.
1) Mens rea
Les infractions dans lesquelles il y a « mens rea », consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit comme l’intention, la connaissance, ou encore l’insouciance.
Cet état d’esprit doit être prouvée par la poursuite soit;
Ø qu’on puisse conclure à son existence vu la nature de l’acte commis;
Ø par preuve spécifique.
2) Responsabilité stricte
Les infractions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que la poursuite prouve l’existence de la « mens rea» ;
L’accomplissement de l’acte comporte une présomption d’infraction, laissant à l’accusé la possibilité d’écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires.
Ceci comporte l’examen de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. La défense sera recevable si l’accusé croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent ou si l’accusé avait pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement en question.
3) Responsabilité absolue
Les infractions de responsabilité absolue où il n’est pas loisible à l’accusé de se disculper en démontrant qu’il n’a commis aucune faute.
En conclusion, le juge évoque les infractions criminelles dans le vrai sens du mot tombent dans la première catégorie soit : les infractions de type « mens rea».
Alors, que les infractions contre le bien public sont généralement du type responsabilité stricte. Elles ne sont pas assujetties à la présomption de « mens rea» proprement dite. Une infraction de ce genre tombera dans le seul cas où l’on trouve des termes évoquant une certaine intention dans la disposition créant l’infraction.
Finalement, les infractions de responsabilité absolue seront celles pour lesquelles le législateur indique clairement que la culpabilité suit la simple preuve de l’accomplissement de l’acte prohibé.
[76]
Ceci étant dit, il s’agit maintenant de déterminer si cette déclaration
de culpabilité à cette infraction fiscale aura des conséquences sur la
détention de la licence pour l’entreprise « GESTION PACHAR INC. », et
ce, tel que le prévoit l’article
1. La présente loi a pour objets :
1 o d’assurer la qualité des travaux de construction d’un bâtiment et, dans certains cas, d’un équipement destiné à l’usage du public, d’une installation non rattachée à un bâtiment ou d’une installation d’équipement pétrolier;
2 o d’assurer la sécurité du public qui accède à un bâtiment ou à un équipement destiné à l’usage du public ou qui utilise une installation non rattachée à un bâtiment ou une installation d’équipement pétrolier;
(…)
[77] De plus, il importe de rappeler le contenu des articles 110 et 111 qui illustre bien la mission de la Régie.
110. La Régie a pour mission de surveiller l’administration de la présente loi, notamment en vue d’assurer la protection du public.
111. Pour la réalisation de sa mission, la Régie exerce notamment les fonctions suivantes :
1 o vérifier et contrôler l’application de la présente loi et le respect des normes de construction et de sécurité;
2 o contrôler la qualification des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires de façon à s’assurer de leur probité, leur compétence et leur solvabilité;
(…)
[78] Le mot important à souligner ici, est le mot « probité ». En effet, la probité se définit comme étant : « une vertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l’honnêteté et la justice ».
[79] À cet égard, il ne fait pas de doute que la condamnation de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » à une infraction à une loi fiscale fait en sorte d’entacher la licence d’entrepreneur de construction de l’entreprise.
[80] Est-ce que le fait d’imposer une suspension de licence équivaut à une peine ou à une amende ?
[81] Dans les faits, la Régie suspend la licence d’entrepreneur normalement dans le but de permettre au titulaire de se régulariser, et ce, suivant le jugement de la Régie.
[82] Dans le cas, où le titulaire est en licence et que sa situation est jugée normale, est-ce que l’imposition d’un délai de suspension de licence doit être jugée déraisonnable ?
[83] Selon les pouvoirs conférés à la Régie par la Loi sur le bâtiment, l’application de l’article 70 permet à la Régie de suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire ne répond pas à toutes les conditions préalables à la délivrance d’une telle licence.
[84] Dans les faits, le plaidoyer de culpabilité enregistré au dossier de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » à une loi fiscale constitue un manquement à sa « probité » en temps que titulaire d’une licence d’entrepreneur en construction.
[85] Ainsi, la Régie afin de s’assurer du respect des règles de la morale sociale, des devoirs imposés par l’honnêteté et la justice par les titulaires d’une licence d’entrepreneur en construction impose, dans ces cas particuliers, une sanction de suspension seulement quand elle le juge nécessaire et aussi quand elle considère que les actes reprochés sont tels qu’ils ne peuvent faire l’objet de récidive.
[86] De plus, il importe de noter que la sanction de suspension de licence de la Régie à un double objectif soit de faire en sorte que le titulaire d’une licence sanctionnée ne recommence plus les gestes répréhensibles et que la sanction imposée ait aussi un effet dissuasif pour les autres détenteurs de licences.
[87] En conclusion, le fait de suspendre la licence d’entrepreneur de construction d’un titulaire, et ce, suite à un plaidoyer de culpabilité à une infraction à une loi fiscale, doit être vu comme une conséquence pour le titulaire, et ce, en vue de changer un comportement non désiré.
[88] En aucun temps, la suspension de licence ne doit être interprétée comme étant une simple punition ou encore comme une amende « déguisée ».
[89] Est-ce que la suspension de la licence de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » est une sanction excessive et déraisonnable ?
[90] Selon Me Thibault, cela semble le cas, alors que selon Me Cloutier ce ne l’est pas.
[91] Selon Me Thibault : « La suspension de la licence d’entrepreneur de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » serait donc, à toutes fins pratiques, inutiles en l’instance ».
[92] Est-ce que la gravité de l’infraction justifie une suspension de la licence d’entrepreneur ?
[93]
Encore une fois, cette question nous amène à l’article
[94] Toutefois, le législateur mentionne que pour l’application du paragraphe 6 o du premier alinéa de l’article 60 relativement à une infraction à une loi fiscale, la Régie refuse de délivrer une licence lorsqu’elle estime que la gravité de l’infraction ou la fréquence des infractions le justifie.
[95] Comme le législateur l’indique, la Régie doit s’assurer que la gravité ou encore la fréquence des infractions à une loi fiscale justifie le non-respect de l’article 60(6).
[96] Dans ce cas, la Cour du Québec a jugé d’imposer une sanction selon l’article 327 (1) f) soit l’amende minimum dans les circonstances correspondant à 50% du montant de taxe nette positive qui a été éludé.
[97] Se faisant, il va de soi que l’appréciation de la gravité de l’infraction par la Régie sera sensiblement la même que celle de la Cour du Québec.
[98] Finalement, il s’agit maintenant de statuer sur les conséquences qu’aura la sentence sur la validité de la licence d’entrepreneur de construction de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. ».
[99] Selon le jugement qui a été rendu par la Cour du Québec, l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » a été condamnée selon l’article 327 (1) f) à payer l’amende minimale équivalant à 50% du montant de taxe éludé soit 16 828,10$. Ce qui est considéré comme un facteur atténuant dans les circonstances.
[100] Il importe également de rappeler que les évènements reprochés se sont produits sur une période continue d’environ 56 mois, soit d’octobre 2001 à juin 2006. Ce qui est considéré comme un facteur aggravant dans les circonstances.
[101] Afin d’établir la sanction, les facteurs atténuants suivants ont été considérés :
§ Aucun antécédent judiciaire en la matière;
§ Amende minimale de 50% du montant de taxe éludé;
§ Historique de l’entreprise (+ de 20 ans en affaires et sans antécédents avec la RBQ).
[102] La sanction à imposer à l’entreprise qui a été reconnue coupable d’une infraction à une loi fiscale doit être en lien avec la gravité de ses actes.
[103]
Afin d’établir le niveau de gravité, en regard avec la nature d’une
telle infraction à l’article
[104] Donc puisque l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » savait, c’est donc dire qu’elle a agi avec un état d’esprit conscient et par conséquent la « Mens Rea» s’applique.
[105] Comme le disait le juge Dickson dans un jugement de la Cour Suprême du Canada dans le dossier impliquant La Reine c. Sault Ste-Marie [1978], le juge évoque que les infractions criminelles dans le vrai sens du mont sont des infractions de type « Mens REA » .
[106] Ceci étant dit, avant d’établir la sanction a imposé à l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » il importe de rappeler que celle-ci a un double objectif soit de faire en sorte que l’entreprise sanctionnée ne récidive pas et que la sanction ait un effet dissuasif pour les autres détenteurs de licence.
[107]
PAR CES MOTIFS, la Régie suspendra la licence d’entrepreneur de
construction de l’entreprise « GESTION PACHAR INC. » pour une période
de 15 jours, soit du
27 septembre 2011 au 11 octobre 2011
inclusivement.
De plus, la Régie demande spécifiquement à l’entreprise d’apporter une
attention particulière au respect de l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
1 o a été déclaré coupable d’une infraction à la présente loi, à la Loi sur la protection du consommateur (chapitre P-40.1), à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20) et à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), si la gravité ou la fréquence des infractions justifie la suspension ou l’annulation;
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ROBERT GÉNÉREUX Vice-président |
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