CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
MONSIEUR MAXIME VAILLANCOURT
et
BELL EXPRESSVU LIMITED PARTNERSHIP
Objet : Arbitrage en vertu de la Section XIV de la Partie III du Code canadien du travail - Plainte de congédiement injuste de monsieur Maxime Vaillancourt contre Bell Expressvu Limited Partnership, Dorval, Québec
Le Plaignant : M. Maxime Vaillancourt
Pour l’Employeur : Me Jacques S. Vézina
Arbitre : Marcel Guilbert
Montréal, le 7 septembre 2011
[1] Monsieur Maxime Vaillancourt formulait une plainte de congédiement injuste, le 5 juin 2010, en vertu de l’article 240, de la section XIV, de la partie III du Code canadien du travail. Cette plainte soumise en E-4 fut reçue le 14 juin 2010 par « Ressources humaines et Développement des compétences Canada ». Monsieur Vaillancourt ne précise pas sa réclamation dans le formulaire E-4, « Enregistrement de la plainte », mais il indique posséder les documents pertinents à l’appui de sa demande.
[2] En E-4, on relève, entre autres, les informations suivantes :
ENREGISTREMENT DE LA PLAINTE
Nom du plaignant : Maxime Vaillancourt
Nom de l’Employeur : Bell Expressvu Limited Partnership
Genre d’entreprise : Télécommunications
Titre du poste : Agent de rétention
Premier jour de travail avec cet employeur : 17 mars 2007
Dernier jour de travail avec cet employeur : 27 mai 2010
[3] Qui plus est, monsieur Vaillancourt mentionne en E-4 avoir démissionné de son poste d’agent rétention et aussi avoir été congédié par son employeur.
OBJECTION DE L’EMPLOYEUR
[4] L’Employeur soumet une objection voulant que le tribunal n’a pas compétence pour entendre la plainte de congédiement injuste telle que formulée par monsieur Maxime Vaillancourt contre Bell Expressvu Limited Partnership, le 5 juin 2010 (E-4).
[5] De fait, en plus d’avoir démissionné de son poste d’agent de rétention, monsieur Vaillancourt indique en E-4 (« Enregistrement de la plainte ») avoir été congédié par son employeur Bell Expressvu.
[6]
Conséquemment,
le recours prévu pour « toute personne qui se croit injustement
congédiée » à l’article
POSITION DES PARTIES
L’Employeur
[7] L’Employeur fait valoir que monsieur Vaillancourt a le fardeau de démontrer que la démission de son emploi qu’il a fait parvenir par courriel, à partir de sa résidence, à sa directrice d’équipe madame Linda Laplante, le 27 mai 2010 à 17h07, était invalide (E-1) :
Objet : Lettre de démission
Linda Laplante,
À titre de Directrice Fidélisation et Loyauté, je vous informe de ma démission à effet immédiat de Bell ExpressVu LP.
Je ne souhaite même pas vous laissez savoir pour quelques motifs je prends cette décision, ayant perdu tout respect pour cette administration.
Veuillez en informez les ressources humaines, me faire transféré tout mes avoir dû dans le plus brefs délai.
Merci
(Sic).
[8] Dans la même journée du 27 mai 2010, à 21h22, il a aussi fait parvenir, à partir de sa résidence, un courriel d’adieu à ses collègues de travail (E-2) :
À : Expressvu - ZZ - Linda Laplante
Objet : Cya sucka !
Cya sucka !
Glad to have meets some of you and disappointed for some others…
Don’t get scare !
FIGHT THE POWER ! (Sic)
[9] Lorsque monsieur Vaillancourt a transmis les deux courriels E-1 et E-2, il n’avait pas encore reçu la lettre de son congédiement E-6 du 27 mai 2010. Monsieur Vaillancourt a d’ailleurs admis dans son témoignage avoir reçu par courrier recommandé la lettre de son congédiement, le 31 mai 2010.
[10] L’Employeur mentionne que monsieur Luc Fortier, directeur des opérations et madame Julie Jomphe, directrice des ressources humaines chez Bell Expressvu avaient rencontré le 27 mai 2010, pendant près d’une heure (midi à 13h00), monsieur Vaillancourt pour faire le point sur certains événements survenus au travail dans les semaines précédentes. « On voulait des explications de la part de monsieur Vaillancourt », de dire madame Jomphe. Il n’a pas été question de démission ni de congédiement pendant toutes les discussions. « Pas de pression pour qu’il démissionne. Je n’ai pas demandé la démission de monsieur Vaillancourt. Monsieur Fortier n’a pas suggéré, mis de la pression pour qu’il démissionne », de préciser madame Jomphe.
[11] Et à la fin de la rencontre, monsieur Vaillancourt fut informé par madame Jomphe qu’il était suspendu avec solde afin de permettre à l’entreprise d’étudier tout le dossier avant de prendre une décision.
[12] La lettre de congédiement a été rédigée après la rencontre et fut expédiée par courrier recommandé sur la fin de l’après-midi du 27 mai 2010, selon le témoignage de madame Jomphe.
[13]
Ainsi, la
preuve révèle que la démission de monsieur Vaillancourt a été faite de façon
libre et volontaire. Il n’y a pas eu de menace ni de pression indue de
l’Employeur. Le tribunal n’a donc pas compétence pour entendre la plainte de
congédiement injuste de monsieur Vaillancourt E-4 formulée en vertu de
l’article
[14] À l’appui de sa position, l’Employeur soumet la doctrine et la jurisprudence ci-dessous :
· Le congédiement en droit québécois : en matière de contrat individuel de travail. Volume 1, Heenan Blaikie, 3 e édition, les Éditions Yvon Blais inc., 1991;
· Collège François-Xavier-Garneau c. Syndicat des professeures et professeurs du Collège François-Xavier-Garneau, Cour d’appel, le 6 décembre 2007;
· Union des employés et employées de service, section locale 800 (FTQ) et madame Line Simard c. Me Carol Girard et 3008-321 Canada inc. et Société en commandite le Saguenay, Cour supérieure, l’Honorable Michel Caron, j.c.s., le 13 octobre 2005.
Le Plaignant, monsieur Maxime Vaillancourt
[15] Pour sa part, monsieur Vaillancourt admet avoir participé à la rencontre du 27 mai 2010 avec la directrice des ressources humaines, madame Julie Jomphe et le directeur des opérations, monsieur Luc Fortier, et il admet également que ces derniers n’ont pas exercé de pression pour qu’il démissionne de son poste d’agent de rétention chez Bell Expressvu.
[16] Il mentionne aussi être l’auteur des deux courriels du 27 mai 2010 rédigés chez lui dans lesquels il fait part de sa démission auprès de sa directrice d’équipe, madame Linda Laplante (courriel E-1 de 17h07) et de ses collègues de travail (courriel E-2 de 21h22).
[17] D’autre part, monsieur Vaillancourt reconnaît qu’il n’avait pas reçu sa lettre de congédiement E-6 du 27 mai 2010 quand il a rédigé et envoyé les courriels E-1 et E-2. Il indique avoir reçu E-6 par courrier recommandé à sa résidence, le 31 mai 2010.
[18] Il souligne avoir écrit sa lettre de démission sous l’effet d’événements antérieurs survenus dans le cadre de son emploi et de l’émotion ressentie, car « Je ne voulais pas donner à Bell Expressvu le plaisir de me congédier même si c’était déjà fait. Se faire retirer sa carte d’accès, escorter à l’extérieur par la sécurité, aller chercher ses effets personnels, j’étais congédié à ce moment-là. Par la suite, j’ai choisi de faire la lettre de démission. »
ANALYSE DE LA PREUVE ET DÉCISION
[19] Il ressort clairement de la preuve que monsieur Maxime Vaillancourt a librement et volontairement démissionné de son poste de travail agent de rétention, le 27 mai 2010.
[20] Lorsque monsieur Vaillancourt a été convoqué par son employeur à la rencontre du 27 mai 2010 qui a eu lieu entre midi et 13h00, laquelle a porté sur « certaines problématiques au travail »(E-6), il n’a pas du tout été question de démission ou de congédiement selon madame Julie Jomphe, directrice des ressources humaines. D’ailleurs, monsieur Vaillancourt a confirmé le témoignage de madame Jomphe en disant que son employeur n’a pas exercé de pression pour qu’il démissionne de son poste d’agent de rétention.
[21] Cependant, à la fin de la rencontre, madame Jomphe informa monsieur Vaillancourt qu’il était suspendu de ses fonctions avec solde, afin de permettre à l’Employeur de faire une étude exhaustive de son dossier avant de prendre une décision.
[22] Et c’est après la tenue de la rencontre, soit sur la fin de l’après-midi du 27 mai 2010 que l’Employeur fit parvenir, par courrier recommandé, la lettre de congédiement E-6 mettant fin à l’emploi de monsieur Vaillancourt avec Bell Expressvu.
[23] Dans son témoignage, monsieur Vaillancourt indique avoir reçu à sa résidence la lettre de son congédiement E-6, le 31 mai 2010.
[24] Toutefois, avant de prendre connaissance de son congédiement, le 31mai 2010, monsieur Vaillancourt avait déjà fait parvenir par courriel, le 27 mai 2010, 17h07, la démission de son emploi d’agent de rétention à la directrice de son équipe, madame Linda Laplante (E-1).
[25] Cette décision de démissionner a été prise librement, volontairement par monsieur Vaillancourt. C’est une décision réfléchie. Il n’y a pas eu de menace, ni de pression indue entourant la démission de monsieur Vaillancourt.
[26] Tout compte fait, monsieur Vaillancourt, qui assumait le fardeau de la preuve, n’a pas démontré que sa démission était invalide ou « entachée d’un vice de consentement ». (Le congédiement en droit québécois, volume 1, Heenan Blaikie, 3 e édition, 1991)
[27]
En
l’instance, monsieur Vaillancourt ne peut donc se prévaloir du recours prévu à
l’article
DISPOSITIF
[28]
Par ces
motifs, le tribunal déclare qu’il n’a pas compétence pour se prononcer, en
l’instance, sur une plainte de congédiement injuste déposée en vertu de
l’article
[29] La plainte déposée en E-4 par monsieur Maxime Vaillancourt doit être rejetée à toutes fins que de droit.
Montréal, le 7 septembre 2011
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Marcel Guilbert
Arbitre