COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AQ-2000-8381, (AQ-2001-2860)

Cas :

CQ-2011-4349

 

Référence :

2011 QCCRT 0456

 

Québec, le

3 octobre 2011

 

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Hélène Bédard, juge administratif

 

 

Syndicat des employés de Camtruck

 

Requérant

 

c.

Camtruck

 

Employeur

 

et

Syndicat national des employés de garage du Québec inc. (CSD)

 

Intimé

 

 

DÉCISION

 

 

 

[1]            Le 16 août 2011, le Syndicat des employés de Camtruck (l’association requérante) dépose une requête en accréditation,dans le délai prévu à l’alinéa c) de l’article 22 du Code du travail (L.R.Q., c. C-27), pour représenter :

« Tous les salariés au sens du Code du travail, à l’exception des employés de bureau, des cadres et de ceux exclus en fonction de la Loi ».

De Camtruck pour l’établissement Camions Sterling de Lévis inc.

[2]            Cette requête est déposée alors que le Syndicat des employés de garage du Québec inc. (CSD) est accrédité depuis le 28 février 2007 pour représenter le même groupe de salariés.

[3]            Cette requête est déposée au bureau de la Commission par Douglas Sykes qui est accompagné de Jacquelin Brisson, un des mandataires de l’association requérante.

[4]            Au moment du dépôt, une agente de relations de travail effectue avec monsieur Sykes les vérifications préliminaires d’usage de la requête et des pièces jointes.

[5]            Peu après, elle apprend que monsieur Sykes agit comme représentant de l’employeur lors des négociations de la convention collective avec l’association accréditée.

[6]            En conformité de l’article 29 du Code , l’agente ne procède pas à l’accréditation, car elle a des raisons de croire que l’article 12 n’a pas été respecté. Une audience est tenue le 23 septembre 2011.

Les faits

[7]            À l’audience, monsieur Brisson, le mandataire de l’association requérante, confirme avoir déposé la requête en accréditation au bureau de la Commission en compagnie de monsieur Sykes. Tout comme il reconnaît que l’agente a vérifié les documents avec monsieur Sykes.

[8]            Monsieur Brisson précise qu’il a complété lui-même la requête sur le formulaire prévu à cette fin, mais puisqu’il ne connaissait pas la procédure de dépôt il a demandé à monsieur Sykes de l’accompagner à la Commission. Il connaît ce dernier depuis environ sept ans, il le côtoie et le considère comme un ami.

[9]            Ensuite, les cartes d’adhésion à l’association requérante et les démissions de l’association accréditée ont été transmises à celle-ci par monsieur Sykes lui-même à partir de son propre télécopieur. Le tout accompagné de la constitution et des règlements de l’association requérante et du procès-verbal de l’assemblée l’autorisant à déposer la présente requête.

[10]         Monsieur Brisson explique que c’est parce qu’il ne dispose pas d’un télécopieur qu’il a convenu avec monsieur Sykes que ce dernier transmettrait les documents à sa place.

[11]         Monsieur Brisson dit qu’il ignorait que son ami, monsieur Sykes, était le représentant de l’employeur lors des négociations de la convention collective avec le Syndicat intimé.

[12]         Le statut de représentant de l’employeur de monsieur Sykes est confirmé par deux lettres qu’il signe le 1 er octobre 2010 et le 1 er mars 2011.

[13]         La première est adressée au Syndicat intimé, et monsieur Sykes y écrit entre autres :

J’ai été mandaté par Camions Sterling de Lévis inc. afin de représenter l’employeur au cours des négociations. À cet effet je vous indique mes coordonnées :

Douglas Sykes 

Tel : (418) ….

(…)

[14]         Ce numéro de téléphone utilisé par monsieur Sykes est identique à un des numéros qui apparaît à l’entête de la lettre transmise à la Commission par monsieur Brisson, au nom de l’association requérante, le 17 août 2011.

[15]         La seconde lettre est datée du 1 er mars 2011 et est adressée au ministère du Travail avec copie conforme au Syndicat intimé. Monsieur Sykes identifie Camions Sterling de Lévis inc. - l’établissement visé par la présente requête - comme étant «  sa cliente  ».

Motifs

[16]         Les articles 12 et 31 du Code du travail s’appliquant dans la présente affaire prévoient ce qui suit :

[12]  Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d'employeurs, ne cherchera d'aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d'une association de salariés, ni à y participer.

[…]

[31] La Commission ne peut accréditer une association de salariés s'il est établi à sa satisfaction que l'article 12 n'a pas été respecté.

Lorsqu'elle a à statuer sur une requête en accréditation, la Commission peut soulever d'office le non respect de l'article 12.


[17]         Il s’agit ici d’un cas où l’employeur a participé étroitement aux activités de formation d’une association. Cette participation constitue une contravention à l’article 12 du Code. Le rôle actif du représentant de l’employeur, Douglas Sykes, vicie totalement le processus d’accréditation.

[18]         Non seulement Douglas Sykes dépose la requête et collabore avec l’agente à sa vérification, mais il a aussi accès à des documents hautement confidentiels selon l’article 36 du Code, qui révèlent l’allégeance des salariés à une association. Il va même jusqu’à se charger de transmettre ces documents à l’association accréditée à la place de monsieur Brisson.

[19]         Et puis, les liens entre ces deux individus sont très étroits; monsieur Brisson considère qu’ils sont amis et ils partagent un même numéro de téléphone professionnel. C’est pourquoi sont invraisemblables les explications de monsieur Brisson voulant qu’il ne savait pas que son ami était le représentant de l’employeur à la table de négociation.

[20]          La jurisprudence est formelle, la domination est «  un vice absolu  » qui empêche une association de représenter des salariés en regard du Code du travail . (Voir entre autres, L’union canadienne des travailleurs unis de brasseries, farines céréales et liqueur douce,  local 302 c. Brasserie Molson du Québec (1977 TT 235); TUAC section locale 500 et als. c.   Provigo distributions inc. ( 2003 QCCRT 0236 )).

[21]         Dans Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP) section locale 197 c. Solive ajourée 2000 inc. ( 2007 QCCRT 0582 ), la Commission écrit :

[55] L’ingérence de l’employeur dans les affaires d’une association de salariés, s’il en vient à dominer, entraver ou à financer la formation ou les activités ou encore s’il y participe, rend toute opération de cette association radicalement nulle, puisqu’une association de salariés ainsi contrôlée par l’employeur ne peut prétendre exercer les droits prévus au Code .

[56] En matière d’accréditation, l’ingérence qui atteint ce niveau rend nulles ou prive d’effet juridique les adhésions à cette association. (…)

[22]         En raison du rôle actif du représentant de l’employeur dans le processus d’accréditation, la requête est évidemment rejetée et  les adhésions des salariés à l’association requérante sont nulles tout comme le sont les démissions de l’association accréditée.


EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      la requête en accréditation.

 

 

__________________________________

Hélène Bédard

 

M. Jacquelin Brisson

Représentant du requérant

 

M e Pascale Racicot

POUDRIER BRADET AVOCATS

Représentante de l’intimé

 

Date de la dernière audience :

23 septembre 2011

 

/it