TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt : 2011-9276

 

Date :

30 septembre 2011

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DEVANT L’ARBITRE :

                                    M e SUZANNE MORO

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SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU, SECTION LOCALE 573

 

Association accréditée

 

Et

 

COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC

 

            Employeur

 

 

Grief de l’association accréditée :

Programme d’habilitation sécuritaire

 

 

Représentant de l’association accréditée :

M e Claude Tardif

(RIVEST SCHMIDT)

 

 

Représentant de l’employeur :

M e Luc Deshaies

(GOWLINGS)

 

 

Date de l’audience :

29 septembre 2011

 

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ORDONNANCE PROVISOIRE DE SAUVEGARDE

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SA/11/015

2011-027-P

 

 

PROCÉDURE

[1]            La présente sentence résume le contexte et confirme l’ordonnance provisoire de sauvegarde rendue verbalement à l’audience du 29 septembre 2011. Les parties ont accepté que je confirme le tout uniquement par courriel.

ADMISSIONS

[2]             Les parties admettent que l’arbitre a pleine compétence pour trancher le litige.

CONTEXTE

[3]            Le 8 avril 2011, la Commission de la construction du Québec (ci-après la CCQ) et le Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 573 (ci-après le syndicat) ont convenu de me désigner comme arbitre pour disposer du grief soumis par le syndicat le 29 mars précédent. Ce grief soutient que le Programme d’habilitation sécuritaire (ci-après le programme) contrevient aux dispositions de la convention collective et, entre autres, à la Charte des droits et libertés de la personne .

[4]            L’audience fixée au 14 avril suivant est remise de consentement des parties. À cette occasion, la CCQ convient de suspendre l’entrée en vigueur du programme jusqu’à ce que je rende une décision sur le fond.

[5]            L’audience du 27 avril suivant est aussi remise de consentement en raison de la non-disponibilité de la présidente de la CCQ. À l’audience du 29 avril 2011, la CCQ présente une demande de suspension des audiences, notamment au motif d’échanges qui ont cours entre les parties à la suite d’une demande de conciliation. J’ai accordé la remise de cette audience et convoqué les parties à une audience le 12 mai suivant, en cas d’échec des pourparlers. L’audience du 12 mai 2011 est reportée sine die en raison du dépôt du projet de loi no 15, intitulé Loi concernant la lutte contre la corruption (ci-après la Loi), loi qui fut sanctionnée le 13 juin 2011.

[6]            Le syndicat dépose à la Cour supérieure une requête en nullité des articles 61 et 68 à 72 de cette Loi au motif qu’ils violent la liberté d’association des salariés et sont inconstitutionnels, ainsi qu’une requête pour sursis et ordonnance de sauvegarde jusqu’à ce que le juge du fond rende sa décision. La Cour supérieure rejette cette requête le 25 août 2011 et, le 31 août suivant, la Cour d’appel rejette la requête pour permission d’en appeler de ce jugement.

[7]            Le 15 septembre 2011, informé que la CCQ entend mettre en force le programme le 19 septembre suivant, le syndicat lui écrit pour rappeler qu’il a été convenu qu’il ne serait pas mis en place jusqu’à ce que l’arbitre décide du grief. Le syndicat souligne que les amendements apportés à l’article  85.0.1 de Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (ci-après Loi R-20) ne modifient pas l’entente précitée. Le syndicat demande à la CCQ de modifier son programme parce qu’il requiert plusieurs informations qui ne sont pas exigées par la Loi R-20. À défaut de la CCQ de se conformer à cette demande d’ici le 16 septembre 2011 à 10 heures, le syndicat annonce qu’il demandera à l’arbitre d’entendre sa demande d’ordonnance de sauvegarde.

[8]            Par lettre datée du 27 septembre 2011, dont copie est transmise au syndicat, la CCQ indique qu’elle soumettra en preuve qu’avant l’entrée en vigueur de la Loi, elle a donné mandat au Ministère de la Sécurité publique d’effectuer des vérifications sur la base de cinq critères, qu’elle doit procéder à une évaluation de ces critères afin de vérifier s’ils répondent aux exigences légales maintenant en vigueur et se réserve le droit de rehausser à tout moment les critères d’enquête dans la mesure ou ils sont conformes aux exigences de la Loi .

[9]            Au début de l’audience du 29 septembre 2011, le syndicat explique que la CCQ ayant décidé de maintenir son programme, il désire qu’une décision soit rendue sur l’ensemble de son dossier, et ce d’ici le 14 octobre 2011. Il entend soumettre une preuve documentaire, appuyée de déclarations assermentées. Présenter cette preuve ainsi que ses représentations prendra environ 2 h 30. Il ajoute qu’il appartient à la CCQ de démontrer qu’elle a le droit de recueillir des informations qui relèvent de la vie privée des employés.

[10]         La CCQ soutient que depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’article 85.0.1 de la Loi R-20, un salarié doit répondre aux conditions qui y sont énoncées pour exercer des pouvoirs d’enquête. Être de bonnes mœurs est une notion qui doit être interprétée. Elle fera entendre deux témoins à ce sujet.

[11]         Après discussion, les parties consentent à m’accorder jusqu’au lundi 31 octobre pour rendre une décision motivée et la CCQ accepte de suspendre son programme jusqu’au 15 novembre 2011.

[12]         À l’occasion du témoignage du vice-président et secrétaire général de la CCQ, M e François Charrette, le syndicat apprend que les critères de vérification du programme seront rehaussés dans les prochains jours, passant du niveau vérification au niveau 1, ce qui a des conséquences sur la preuve qu’il entend présenter.

[13]          Puis, en fin de journée d’audience, la CCQ annonce qu’elle entend mettre le programme en vigueur pour les employés qui ont accepté de s’y conformer, et ce à compter du lundi suivant.

[14]         Dans ce contexte, le syndicat réitère sa requête pour ordonnance de sauvegarde, et demande que l’application du programme soit suspendue jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur le fond de son grief. La CCQ s’y oppose, alléguant qu’elle peut procéder à la mise en vigueur de ce programme envers les employés qui lui ont manifesté leur accord.

[15]         Après avoir entendu les représentations des parties, je rends l’ordonnance suivante :

 

ORDONNANCE

 

CONSIDÉRANT       que le syndicat est le représentant exclusif de l’ensemble des salariés;

 

CONSIDÉRANT        les dispositions de l’article 5.03 de la convention collective;

 

CONSIDÉRANT        l’urgence de la situation;

 

CONSIDÉRANT       que les relations de travail risqueraient d’être compromises et un chaos engendré par la mise en place du Programme d’habilitation sécuritaire envers une partie des employés;

 

CONSIDÉRANT       la vraisemblance qu’un préjudice sérieux serait causé aux salariés que représente le syndicat;

 

CONSIDÉRANT       que la prépondérance des inconvénients s’établit en faveur du syndicat;

 

 

 

LE TRIBUNAL

 

ACCUEILLE               la requête pour ordonnance de sauvegarde;

 

SUSPEND                  la mise en place du Programme d’habilitation sécuritaire jusqu’au 17 octobre 2011, date de la prochaine audience.

 

 

 

 

                                                                                                                                                                          

                                                           M e Suzanne Moro, arbitre