Rochon et Paradis de Chine |
2011 QCCSST 164 |
|||
COMMISSION DE LA SANTÉ
|
||||
Direction régionale Longueuil |
||||
|
||||
N o Dossier CSST : |
137009486 |
|||
|
||||
N o Plainte : |
HUL10-037 |
|||
|
||||
|
||||
Décision rendue à Longueuil, le : |
3 octobre 2011 |
|||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
DEVANT LE CONCILIATEUR-DÉCIDEUR : |
Suzanne Desjardins |
|||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
|
||||
Travailleuse : |
Mélanie Rochon |
|||
|
||||
|
||||
Employeur : |
Paradis de Chine |
|||
|
|
|||
|
||||
|
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
DÉCISION |
||||
______________________________________________________________________ |
||||
|
||||
|
||||
[1]
Le 20 août 2010, la travailleuse dépose une plainte à la Commission de
la santé et de la sécurité du travail, en vertu de l’article
[2] Elle allègue avoir été victime d’un congédiement illégal le 4 août 2010.
[3] Elle réclame que l’employeur lui verse le salaire dont elle a été privée du 4 août 2010 au 10 février 2011 et qu’il la réintègre dans son emploi à compter du 1 er mars 2012, soit à la fin de son congé parental.
[4] Le 3 août 2010, la travailleuse remet à l’employeur le Certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite (le certificat).
Version de la travailleuse
[5] Elle débute comme serveuse chez l’employeur en octobre 2008. Ses tâches incluent de servir les clients, de répondre au téléphone, de préparer les commandes à emporter et de faire la vaisselle. Elle travaille principalement sur le quart de soir, environ 35 heures par semaine.
[6] Au début du mois de juillet 2010, alors qu’elle ignore être enceinte, elle informe l’employeur, monsieur Frank Chen, qu’elle cherche un emploi ailleurs afin de pouvoir travailler le jour. Cette conversation a lieu dans la cuisine du restaurant.
[7] À la même époque, elle fait ses adieux au cuisinier, monsieur Mike Chen, avant que ce dernier ne parte en voyage pour la Chine. La travailleuse précise lui avoir dit qu’elle ne savait pas si elle allait le revoir au restaurant lors de son retour parce qu’elle était à la recherche d’un autre emploi, qu’elle avait transmis plusieurs curriculum vitae et qu’elle avait déjà eu des entrevues.
[8] Le 14 juillet 2010, elle apprend qu’elle est enceinte.
[9] Le 15 juillet, elle annonce sa grossesse à monsieur Frank Chen et lui dit qu’elle souhaite continuer à travailler comme serveuse au restaurant.
[10] Elle travaille jusqu’au 18 juillet 2010.
[11] Du 19 au 25 juillet inclusivement, le restaurant est fermé pour la période des vacances.
[12] L’employeur l’autorise à prendre une semaine supplémentaire de vacances. La travailleuse lui en avait fait la demande parce qu’elle souhaitait passer plus de temps avec son conjoint. Il est entendu qu’elle retourne au travail le 3 août.
[13] Le 28 juillet, son médecin remplit le certificat et le lendemain, il le transmet à l’employeur par télécopieur.
[14] Le 3 août, la travailleuse reçoit son certificat et le remet à l’employeur. Par la même occasion, elle lui demande de la remplacer la journée même ainsi que le lendemain 4 août. Elle éprouve des problèmes de santé depuis un certain temps et elle souhaite attendre la réponse de la CSST à sa demande de retrait préventif.
[15] Le 4 août, l’agente de la CSST lui apprend qu’elle a démissionné.
[16] La travailleuse note avoir commis une erreur sur le formulaire de plainte déposé à la CSST. La date de sanction indiquée du 11 août est erronée et doit être corrigée pour la date du 4 août 2010.
[17] Le 11 août, elle téléphone à l’employeur. Monsieur Frank Chen lui dit qu’elle a démissionné et il ajoute « si je dis que tu travailles encore pour moi, ça va me coûter quelque chose quand tu vas accoucher ».
[18] La travailleuse souligne qu’elle n’a jamais démissionné et insiste sur le fait qu’elle était prête à reprendre le travail dès le 4 août. Elle explique que l’employeur n’a pas voulu la reprendre à cette date parce qu’il avait déjà embauché quelqu’un d’autre.
[19] Étant donné la rupture du lien d’emploi, la CSST a refusé sa réclamation.
[20] Elle a été admissible aux prestations de l’assurance-emploi à compter du 4 août 2010.
[21] En contre interrogatoire, la travailleuse admet avoir travaillé au noir chez l’employeur du mois d’août au mois d’octobre 2008.
[22] Elle réfute la date du 1 er février 2009 comme étant son premier jour de travail, tel qu’indiqué sur son relevé d’emploi. Elle a porté plainte à la Commission des normes du travail (CNT) à ce sujet mais la CNT a fermé son dossier de plainte.
[23] La travailleuse témoigne que les photocopies des deux attestations d’emploi datées du 10 septembre 2009 et déposées à l’audience ont bel et bien été signées par le propriétaire monsieur Frank Chen et par la gérante, madame Danis.
[24] Elle en explique le contexte. Elle avait demandé à l’employeur de lui fournir une attestation d’emploi parce qu’elle souhaitait, à l’époque, obtenir un prêt. Elle a fourni à l’institution prêteuse une première attestation signée par monsieur Frank Chen le 10 septembre 2009. La jugeant insatisfaisante, l’institution lui a demandé une deuxième attestation sur laquelle apparaîtrait le logo de l’employeur. De là la deuxième attestation d’emploi signée par la gérante madame Danis le 10 septembre 2009. La travailleuse n’a pas l’original de ces documents.
[25] Elle réfute aussi le nombre d’heures de travail hebdomadaire apparaissant sur les feuilles de temps déposées par l’employeur. Elle rappelle qu’elle travaillait environ 35 heures par semaine et non pas 25 heures tel qu’indiqué.
[26] Toujours en contre interrogatoire, la travailleuse ne peut fournir aucune explication sur son absence du travail du 4 au 11 août 2010.
[27] Elle reconnaît qu’à trois reprises, en août et en septembre 2010, elle et son conjoint ont dénoncé à l’aide sociale l’une des serveuses, madame Danis. Elle explique que l’aide sociale ne donne pas suite à une dénonciation anonyme après un seul appel et que c’est la raison pour laquelle elle et son conjoint ont téléphoné à trois reprises.
[28] La travailleuse admet quant à elle ne pas avoir informé le bureau d’aide juridique qu’elle a un conjoint depuis environ un an.
[29] Elle reconnaît aussi que l’assurance-emploi a refusé, le 15 septembre 2010, de lui verser des prestations parce que, selon cet organisme, elle avait volontairement quitté son emploi le 18 juillet 2010. Lorsqu’elle a rempli le formulaire, elle a indiqué comme date de fin d’emploi le 18 juillet 2010 parce que c’est que l’assurance emploi lui a dit de faire.
[30] La travailleuse a fait appel de cette décision. Le 22 septembre 2010, l’assurance-emploi a annulé sa décision du 15 septembre et elle a pu ainsi bénéficier de prestations.
Version de l’employeur
Témoignage de monsieur Frank Chen
[31] Il est le propriétaire du restaurant depuis 1998.
[32] La travailleuse était à son emploi depuis le mois de février 2009. Elle était une bonne employée et leur relation était cordiale.
[33] Il se souvient avoir produit en 2009 une attestation d’emploi à la demande de la travailleuse parce que celle-ci souhaitait obtenir un prêt. Bien qu’il reconnaisse sa signature sur la photocopie du document daté du 10 septembre 2009, il affirme ne pas en être l’auteur. Le nombre d’heures de travail indiqué est erroné. Quant à la photocopie de la deuxième attestation d’emploi datée du 10 septembre 2009, il souligne que madame Danis n’a jamais été la gérante du restaurant.
[34] Vers la fin du mois de juin 2010, la travailleuse lui dit qu’elle souhaite retourner aux études mais elle ne précise aucune date. Cette conversation a lieu dans la cuisine du restaurant.
[35] Le ou vers le 5 juillet, il lui demande si elle a pris une décision quant à son avenir au restaurant. La travailleuse lui dit qu’elle quittera son emploi dans deux semaines.
[36] Il comprend alors que celle-ci a décidé de démissionner le 18 juillet, ce qui coïncide avec la fermeture du restaurant durant quelques jours pour les vacances.
[37] Il ignore à cette date que la travailleuse est enceinte.
[38] Lors de la réouverture du restaurant, il n’est pas surpris de son absence étant donné qu’elle a démissionné.
[39] Contrairement aux allégations de la travailleuse, il déclare qu’elle ne lui a jamais demandé de journées de vacances supplémentaires au-delà du 25 juillet.
[40] En outre, il n’a reçu aucun document du médecin de la travailleuse par télécopieur le 29 juillet.
[41] Le 3 août, la travailleuse lui a remis le certificat. C’est à ce moment qu’il apprend qu’elle est enceinte. La travailleuse lui explique que son médecin lui a dit de remettre ce document à l’employeur. Monsieur Frank Chen ne lit pas le français et ne comprend ni le certificat ni la démarche.
[42] Du 4 au 11 août 2010, il n’a aucune nouvelle de la travailleuse.
[43] Le 11 août 2010, une agente de la CSST lui téléphone et l’avise de la réclamation de la travailleuse dans le cadre du Programme pour une maternité sans danger (PMSD).
[44] Il informe l’agente que la travailleuse a démissionné en juillet parce qu’elle voulait retourner aux études.
[45] Par la suite, il reçoit l’appel de la travailleuse. Elle lui demande de retéléphoner à la CSST pour dire qu’elle est toujours à son emploi.
[46] Il refuse et la travailleuse se met en colère. Elle lui parle d’argent mais il ne comprend pas ce dont il est question.
[47] Puis, le père de la travailleuse lui téléphone et lui dit qu’il aura des « problèmes ».
[48] En contre interrogatoire, il précise se rappeler que l’attestation d’emploi qu’il a signée en septembre 2009 n’indiquait ni le salaire ni le nombre d’heures travaillées.
[49] Il précise aussi avoir demandé, en juillet 2010, à l’une des serveuses de téléphoner à un certain Maxime afin de voir s’il était disponible pour travailler au restaurant, étant donné le départ de la travailleuse. Mais il a été impossible de le rejoindre.
[50] Toujours en contre interrogatoire, monsieur Frank Chen explique qu’étant donné l’impossibilité de rejoindre ce Maxime, l’une des serveuses de son autre restaurant, madame Liberty, a accepté de le dépanner temporairement quelques heures par semaine.
Témoignage de monsieur Mike Chen
[51] Il est le copropriétaire du restaurant et y travaille comme cuisinier.
[52] À la fin du mois de juin 2010, il voit la travailleuse en train de discuter avec monsieur Frank Chen dans la cuisine. La discussion dure environ cinq minutes. Il n’entend pas ce qui se dit.
[53] En contre interrogatoire, il déclare qu’immédiatement après cette discussion, monsieur Frank Chen l’a informé que la travailleuse allait se trouver un autre emploi ou retourner aux études. Monsieur Frank Chen ne lui a pas dit que la travailleuse démissionnait.
[54] Toujours en contre interrogatoire, il déclare qu’avant qu’il ne quitte pour ses vacances vers le 7 juillet, la travailleuse est venue le saluer et lui a dit qu’elle ne le reverrait pas lors de son retour parce qu’elle ne travaillerait plus au restaurant.
Témoignage de madame Mylène Danis
[55] De 2003 à 2006, elle a travaillé au restaurant de l’employeur comme serveuse et réceptionniste.
[56] De 2006 au mois de juin 2010, elle n’y a travaillé que de manière très sporadique. Elle était appelée pour faire la formation des nouvelles serveuses ou encore pour effectuer des remplacements.
[57] Elle n’a jamais occupé le poste de gérante chez l’employeur.
[58] En juillet 2010, elle a recommencé à y travailler comme serveuse. Monsieur Frank Chen lui a dit que la travailleuse avait démissionné.
[59] De son côté, la travailleuse lui a dit qu’elle retournait aux études et que son horaire lui permettrait de passer plus de temps avec son ami. Elle lui a aussi dit très clairement qu’elle ne reviendrait pas au travail après ses vacances qui devaient débuter le 18 ou le 19 juillet.
[60] La travailleuse l’a aussi informée de sa grossesse peu de temps avant la fermeture du restaurant, vers le 19 juillet.
[61] Étant donné le départ de la travailleuse, monsieur Frank Chen lui a demandé de rejoindre Maxime afin de voir s’il pouvait recommencer à travailler plus tôt. Ce dernier est un étudiant qui travaille au restaurant durant l’année scolaire. Madame Danis a tenté de le rejoindre à plusieurs reprises et la travailleuse en a été témoin.
[62] Madame Danis ne reconnaît pas sa signature sur la photocopie de l’attestation d’emploi datée du 10 septembre 2009. Elle affirme ne pas avoir signé ce document. Elle rappelle n’avoir jamais occupé le poste de gérante et ce, encore moins en septembre 2009 puisqu’elle n’était pas une employée régulière du restaurant à ce moment-là.
[63] En contre interrogatoire, madame Danis témoigne que le départ de la travailleuse n’a pas été souligné par l’employeur.
[64] Quant à sa dénonciation à l’aide sociale, elle déclare avoir ignoré jusqu’à la présente audience qui l’avait dénoncée.
Argumentation de la travailleuse
[65] Le représentant de la travailleuse soumet que la travailleuse n’a pas démissionné mais qu’elle a été congédiée, selon son témoignage, le 4 août 2010 parce qu’elle a exercé un droit au sens de la loi.
[66] Il souligne qu’il n’y a aucune lettre de démission au dossier. Il rappelle que monsieur Mike Chen et madame Danis ont témoigné que la travailleuse ne leur a jamais dit qu’elle démissionnait. De plus, monsieur Frank Chen a déclaré que la travailleuse lui a dit qu’elle cherchait un autre emploi à l’époque où celle-ci ignorait qu’elle était enceinte.
[67] Est-ce que le congédiement de la travailleuse a eu lieu le 4 ou le 11 août 2010? Il fait remarquer que l’employeur n’a fourni aucune information sur ce qui s’est passé entre le 4 et le 11 août. Selon le représentant, la crédibilité des parties est au cœur du litige.
[68] Il demande à la soussignée d’accueillir la plainte et d’ordonner à l’employeur qu’il verse à la travailleuse le salaire perdu pour la période du 4 août 2010 au 10 février 2011 et qu’il la réintègre dans son même emploi à compter du 1 er mars 2012.
[69] Le représentant de l’employeur soumet que la rupture du lien d’emploi de la travailleuse résulte de sa démission le 18 juillet 2010.
[70] Il considère que les faits parlent d’eux-mêmes : la travailleuse n’est pas retournée au travail après ses vacances parce qu’elle avait bel et bien démissionné.
[71] La preuve a fait ressortir que celle-ci en avait assez de travailler sur le quart de soir et qu’elle souhaitait un horaire de travail davantage compatible avec celui de son conjoint.
[72] Il estime de plus que le témoignage de la travailleuse est cousu de fils blancs. Par exemple, lorsqu’elle fait sa demande de chômage, elle indique une fin d’emploi survenue le 18 juillet 2010. Lorsqu’elle remplit le formulaire de plainte à la CSST, elle indique avoir été congédiée le 11 août 2010. Lors de son témoignage à l’audience, elle change sa version et déclare avoir été congédiée le 4 août 2010.
[73] Il rappelle que les notes du 11 août 2010 rédigées par l’agente de la CSST sont claires et que la travailleuse ne les a aucunement réfutées : la travailleuse a démissionné et ce n’est qu’après avoir appris qu’elle était enceinte qu’elle a souhaité retourner travailler chez l’employeur.
[74] Le représentant de l’employeur rappelle aussi que les documents de l’assurance-emploi déposés indiquent que la travailleuse a volontairement quitté son emploi.
[75] Il demande à la soussignée de rejeter la plainte.
DÉCISION SUR LE FOND DU LITIGE
[76]
La soussignée doit décider si la travailleuse a été l’objet d’un
congédiement illégal, en contravention de l’article
[77] Les articles de loi pertinents au présent litige sont libellés comme suit :
227. Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'un congédiement, d'une suspension, d'un déplacement, de mesures discriminatoires ou de représailles ou de toute autre sanction à cause de l'exercice d'un droit ou d'une fonction qui lui résulte de la présente loi ou des règlements, peut recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou, à son choix, soumettre une plainte par écrit à la Commission dans les 30 jours de la sanction ou de la mesure dont il se plaint.
228. La section III du chapitre VII de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001) s’appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, à une plainte soumise en vertu de l'article 227 comme s'il s'agissait d'une plainte soumise en vertu de l'article 32 de cette loi.
La
décision de la Commission peut faire l’objet d’une contestation devant la
Commission des lésions professionnelles conformément à l’article
[78] À la lumière des témoignages recueillis et des documents déposés, la soussignée retient essentiellement ce qui suit.
[79] La plaignante est une travailleuse au sens de la loi.
[80] Sa dernière journée de travail est le 18 juillet 2010.
[81] Le 3 août 2010, elle remet à l’employeur le Certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite . Cette démarche constitue l’exercice d’un droit au sens de la loi.
[82] Lors de l’audience, la travailleuse déclare avoir été congédiée le 4 août 2010.
[83] Cela étant, la rupture du lien d’emploi résulte-t-elle de la démission de la travailleuse au plus tard le 18 juillet 2010 comme le prétend l’employeur ou équivaut-elle à un congédiement illégal le 4 août 2010 comme le prétend la travailleuse?
[84] La soussignée est d’avis que les déclarations cohérentes et crédibles des témoins de l’employeur permettent de conclure que la travailleuse a démissionné de son poste au plus tard le 18 juillet 2010.
[85] Monsieur Frank Chen a déclaré qu’à la fin du mois de juin 2010, la travailleuse lui a appris qu’elle souhaitait retourner aux études, sans toutefois en préciser la date. De son côté, monsieur Mike Chen a témoigné avoir appris de monsieur Frank Chen, à la même époque, que la travailleuse allait retourner aux études ou trouver un autre emploi.
[86] Ces témoignages laisse entrevoir l’intention de la travailleuse de quitter son emploi, autrement dit de démissionner . Celle-ci a d’ailleurs déclaré qu’elle était, à l’époque, en recherche active d’emploi : elle avait transmis son curriculum vitae à plusieurs employeurs et avait déjà eu des entrevues. On ne peut toutefois conclure à une démission à la fin du mois de juin 2010.
[87] Puis, vers le 5 juillet, selon le témoignage de monsieur Frank Chen, la travailleuse lui annonce qu’elle quitte son emploi et qu’elle ne continuera à travailler que pour les deux prochaines semaines, soit jusqu’à la fermeture temporaire du restaurant le 18 juillet 2010.
[88] Monsieur Mike Chen poursuit en déclarant que vers le 7 juillet, tout juste avant qu’il ne parte en vacances, la travailleuse l’informe qu’elle ne sera plus à l’emploi du restaurant lors de son retour.
[89] Il est à noter aussi que madame Danis a témoigné avoir appris de la travailleuse, le ou avant le 18 juillet, qu’elle ne reviendrait pas au travail après ses vacances.
[90] Ainsi, compte tenu du départ prochain de la travailleuse, l’employeur entame, avant même le 18 juillet, des démarches afin de combler son poste. La travailleuse n’a pas démenti les démarches de l’employeur pour rejoindre un certain Maxime. Aussi, les feuilles de rémunération déposées appuient la version de l’employeur concernant l’arrivée d’une autre serveuse, madame Liberty, au tout début du mois d’août 2010.
[91] Lors de la réouverture du restaurant, le 25 juillet, la travailleuse ne se présente pas au travail.
[92] Rappelons que le 3 août, elle se rend au restaurant et remet le certificat à monsieur Frank Chen.
[93] Du 4 au 11 août, l’employeur n’a aucune nouvelle de la travailleuse.
[94] Le 11 août, il reçoit un appel de la CSST concernant la réclamation de la travailleuse dans le cadre du PMSD.
[95] Tel qu’en font foi les notes de l’agente de la CSST, monsieur Frank Chen lui explique que la travailleuse a démissionné en juillet 2010 parce qu’elle avait décidé de retourner aux études ou de trouver un autre emploi.
[96] Outre les déclarations des témoins de l’employeur et les notes de l’agente de la CSST, la soussignée estime pertinent de s’intéresser à la correspondance de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (assurance-emploi).
[97] Dans sa décision du 15 septembre 2010, cette administration refuse de verser des prestations régulières d’assurance-emploi à la travailleuse à partir du 18 juillet 2010 parce qu’elle a quitté volontairement son emploi. La lettre de décision indique toutefois que la travailleuse pourrait avoir droit à des prestations spéciales de compassion, de maladie ou de maternité.
[98] La travailleuse fait appel de cette décision. Le 22 septembre 2010, l’assurance-emploi annule sa décision précédente, réaffirme qu’il y a bel et bien eu départ volontaire le 18 juillet 2010 et conclut que ce départ était justifié.
[99] Lors de l’audience dans la présente affaire, la travailleuse n’a cependant évoqué aucune circonstance, pression ou comportement répréhensible de la part de l’employeur l’ayant contraint à démissionner.
[100] Quant au témoignage même de la travailleuse relativement à son congédiement illégal le 4 août 2010, la soussignée considère qu’il n’est guère convaincant.
[101] La preuve révèle que la travailleuse n’a pas repris le travail lors de la réouverture du restaurant le 25 juillet 2010. Et même si on devait se fier à son témoignage concernant la semaine supplémentaire de vacances autorisée, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a fourni aucune explication crédible quant à son absence du 3 au 11 août 2010.
[102] D’une part, elle témoigne avec insistance qu’elle était prête à travailler le 4 août. D’autre part, elle déclare avoir demandé à l’employeur de la remplacer les 3 et 4 août, faisant vaguement allusion à des problèmes de santé pour lesquels il n’y a aucune attestation médicale.
[103] De plus, la travailleuse affirme avoir appris la rupture de son lien d’emploi de l’agente de la CSST le 4 août alors que les notes de l’agente contredisent formellement sa version des faits. La travailleuse en a plutôt été informée le 11 août.
[104] La date de la sanction du 11 août 2010 indiquée sur le formulaire de plainte déposé à la CSST de manière contemporaine aux événements correspond d’ailleurs davantage aux faits mis en preuve. La version modifiée de la travailleuse lors de l’audience apparaît pour le moins opportuniste.
[105] Par conséquent, la soussignée considère qu’il y a prépondérance de preuve à l’effet que la travailleuse a librement renoncé à son emploi au plus tard le 18 juillet 2010, et ce avant même l’exercice d’un droit prévu à la loi. La plainte étant irrecevable, la présomption en faveur de la travailleuse ne peut s’appliquer.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas fait l’objet d’un congédiement illégal, en contravention de l’article 227 de la loi, la travailleuse ayant démissionné de son emploi;
REJETTE la plainte déposée par la travailleuse le 20 août 2010 parce que non fondée en faits et en droit.
|
||
|
__________________________________ Suzanne Desjardins Conciliateur-décideur |
|
|
||
|
||
Me Pierre Brulotte |
||
Représentant de la travailleuse |
||
|
||
|
||
Me Richard Bastien |
||
Représentant de l’employeur |
||
|
||
Date d’audience : |
3 mai 2011 |
|