Labrie c. Caron Bérubé

2011 QCCQ 12004

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RIMOUSKI

LOCALITÉ DE

MATANE

« Chambre civile »

No :

125-32-001938-099

 

 

 

DATE :

6 mai 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MONSIEUR LE JUGE

JEAN BÉCU, J.C.Q.

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ANNE-MARIE LABRIE,

demanderesse

 

c.

 

VICTOIRE CARON BÉRUBÉ

et

PROMUTUEL DE L'EST,

défenderesses

 

 

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JUGEMENT

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[1]            La demanderesse réclame 5 000 $ à la défenderesse Bérubé et à l'assureur de celle-ci, Promutuel de l'Est, pour le préjudice subi lors d'une chute à la résidence de madame Bérubé le 4 février 2008.

[2]            Elle mentionne que Promutuel lui offre une indemnité de 1 000 $ qu'elle  refuse, exigeant 5 000 $.

[3]            Sylvain Proulx, représentant de Promutuel, confirme cette offre à la demanderesse basée sur une clause d'indemnisation volontaire pour ce montant prévue au contrat d'assurance de madame Bérubé, montant que la demanderesse  accepte en juillet 2010 mais qu'elle  refuse par la suite.

[4]            Vu les conditions particulières de cette offre, le Tribunal ne la retient pas comme une admission de responsabilité de la part des défenderesses.

[5]            Madame Bérubé ne dépose pas de contestation mais son assureur le fait au nom des deux, niant responsabilité aux motifs que son assurée n'a commis aucune faute ni négligence, que les lieux sont toujours bien entretenus et que la demanderesse les connaît parfaitement bien puisqu'elle s'y rend régulièrement : madame Bérubé est la sœur de son époux.

[6]            Le jour de l'audience, la demanderesse est hospitalisée et c'est son époux, Désiré Caron, qui agit à titre de mandataire.

[7]            Il est présent lors de l'accident.

[8]            Ce jour-là, lui et sa conjointe se rendent chez madame Bérubé pour une visite régulière.

[9]            Dans sa déclaration à Promutuel, la demanderesse situe cette visite autour de 14 h 30.

[10]         Avec son épouse, monsieur Caron descend du véhicule et se rend chez sa sœur.

[11]         Il fait beau; cette partie du stationnement est en  béton; il y a un peu de neige.

[12]         Le trajet pour se rendre de l'automobile à la maison de madame Bérubé se fait sans anicroche.

[13]         Au moment de quitter les lieux, monsieur Caron se dirige vers sa voiture et son épouse veut passer devant l'automobile puisque Nelson Bérubé, le fils de la défenderesse, a placé sa motoneige dans les environs.

[14]         En passant devant la voiture, la demanderesse fait une chute.  Son époux, qui se porte à son secours, remarque qu'elle tombe sur une plaque de glace d'environ trois pi 2 recouverte de neige.

[15]         Dans sa déclaration à Promutuel que monsieur Proulx dépose avec sa contestation, la demanderesse déclare :

Donc en ressortant, nous avons descendu la petite marche et j'ai fait quelques pas puis j'ai tombé par en avant.  Il y avait une plaque de neige vis-à-vis de la fenêtre de la cuisine mais en dessous de cette plaque de neige, il y avait de la glace que je ne pouvais pas voir  ".  (Mon soulignement)

[16]         Cette confirmation, qui fait partie de la preuve de la défense, n'est pas de nature à servir sa cause.

[17]         Peut-être que monsieur Proulx produit cette déclaration pour attirer l'attention du Tribunal sur la partie surlignée en jaune où la demanderesse relate ceci : "  Je me rends régulièrement chez Victoire peut-être une fois par mois en moyenne.  Et c'est toujours bien entretenu chez eux en général  ".  Il n'en demeure pas moins que le Tribunal doit tenir compte de l'ensemble de la déclaration, et non seulement du passage surligné par monsieur Proulx.

[18]         Il n'est pas contesté que l'endroit est généralement bien entretenu par le fils de madame Bérubé sauf que ce jour-là, il y a une plaque de glace recouverte de neige à un endroit où les gens, et la demanderesse en particulier, sont appelés à déambuler.

[19]         Aucune preuve ne suggère que cette plaque de glace s'est formée récemment et à l'insu de madame Bérubé ou de son fils Nelson.

[20]         Nelson Bérubé est à l'extérieur, affairé à sa motoneige dans l'abri d'auto.  Il a le dos tourné à la demanderesse; il ne la voit pas tomber.

[21]         Il se porte à son secours; selon lui, il peut y avoir de la neige sur la partie bétonnée du stationnement mais il ne voit pas de glace sous la neige.

[22]         Il relate que la demanderesse ne porte pas sa canne comme d'habitude, tout comme l'indique madame Bérubé dans une déclaration pour valoir témoignage du 5 novembre 2009.  Elle constate que la demanderesse "  n'avait pas sa canne et pourtant, dans ses visites précédentes elle en avait besoin, vu sa mobilité réduite  ".

[23]         Par contre, dans sa déclaration à monsieur Proulx, la demanderesse précise qu'elle ne se déplaçait pas avec une canne ou une marchette avant sa chute parce qu'elle n'en avait pas besoin.

[24]         Son époux témoigne qu'elle porte généralement cette canne en tout temps.

[25]         Peut-être que le port de sa canne aurait pu aider la demanderesse, quoi qu'il soit incertain qu'une canne sur une plaque de glace couverte de neige soit d'un quelconque secours à la victime.

[26]         Le Tribunal conclut à la présence d'une plaque de glace recouverte de neige sur le stationnement de madame Bérubé, que la demanderesse ne peut pas apercevoir, de sorte que cette partie du stationnement présente un danger engageant la responsabilité de madame Bérubé pour le préjudice subi par la demanderesse.

[27]         Une part de responsabilité, que le Tribunal fixe à 25%, est imputée à la demanderesse pour ne pas s'être munie de sa canne à cette occasion.

[28]         Lors de sa chute, la demanderesse subit une triple fracture de l'humérus gauche, traitée par le port d'une attelle durant près de deux mois, suivant sa déclaration.

[29]         Il va sans dire que l'absence d'un rapport médical décrivant la nature exacte de ses blessures et des séquelles qu'elle éprouve rend difficiles l'appréciation et l'évaluation de son préjudice corporel.

[30]         Notre collègue, madame la juge Nathalie Aubry, avait reporté ce dossier à un terme ultérieur le 19 décembre 2009 pour qu'un rapport médical soit déposé au dossier mais il ne s'y trouve pas encore à ce jour.  Le Tribunal a décidé d'entendre quand même la cause au lieu de la reporter une autre fois, quitte à évaluer arbitrairement le préjudice corporel de la demanderesse.

[31]         Non seulement cette dernière n'a pas été en mesure d'effectuer ses travaux ménagers pendant un certain temps, mais encore aujourd'hui, elle reçoit de l'aide deux fois/semaine pour son hygiène personnelle et une fois/semaine pour son entretien ménager.

[32]         Même si ces services lui sont fournis par l'intermédiaire de son CLSC, elle doit contribuer aux frais de ces aidantes.

[33]         Ses déboursés, selon les pièces versées au dossier, s'élèvent à 3 518,90 $, soit :

- clinique d'orthothérapie :                                                           55,00 $

- frais d'aide ménagère jusqu'en mai 2008 :                       2 540,00 $

- frais d'aide à domicile ;                                                           923,90 $

Total :                                                                                        3 518,90 $

[34]         S'ajoutent les frais de six voyages de Sainte-Félicité à Matane pour des traitements de physiothérapie, soit 25 km X 6 X 0,43 $ : 64,60 $.

[35]         Le total de ses dépenses s'établit à 3 583,40 $, sans compter ce qu'elle continue à payer pour ses aidantes.

[36]         Sur une réclamation de 5 000 $, il ne reste que 1 416,60 $ pour son préjudice corporel, ses douleurs, ennuis, inconvénients et privation des plaisirs de la vie, ce qui est largement inférieur à l'indemnité à laquelle elle a droit sous ces chefs de réclamation.

 

[37]         En effet, elle ressent encore de fortes douleurs à son bras; elle doit se coucher avec un oreiller sous le bras, ce qui l'empêche de se tourner comme elle le veut, encore que ces douleurs l'éveillent souvent la nuit; elle a cessé ses activités de danses et de pétanque à son Club de l'Âge d'Or; elle doit attendre son aidante pour son hygiène personnelle avec la gêne et l'inconfort que cela suscite, et sa condition n'ira certainement pas en s'améliorant sur ses vieux jours (elle est présentement âgée de 74 ans).

[38]         Puisque l'ensemble de ses dommages dépasse largement le montant de 5 000 $ réclamé, et comme le Tribunal ne peut lui allouer plus que ce qu'elle demande, il fixe son indemnité à 5 000 $.

[39]         Tenant compte du partage de responsabilité établi plus haut, la demanderesse a droit à un montant de 3 750 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[40]         CONDAMNE les défenderesses à payer à la demanderesse le montant de 3 750 $ en capital, avec les intérêts au taux de 5% et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure, le 5 mars 2009, et les frais de 157 $.

 

 

 

 

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JEAN BÉCU

Juge à la Cour du Québec

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

4 mai 2011