Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2011 QCTAQ 09186
Dossier : SAS-Q-172961-1103
ANDRÉE DUCHARME
CAROLINE GONTHIER
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Le requérant conteste la décision en révision du bureau de l’évaluation médicale rendue le 1er mars 2011. Par cette décision, la partie intimée maintient la suspension de son permis de conduire en raison de problèmes physiques et cognitifs.
[2] Le Tribunal dispose de la preuve documentaire, du témoignage du requérant et des représentations de la procureure de la partie intimée.
Les faits tels que reconnus au dossier
[3] Le requérant, âgé de 79 ans, présente une atteinte neurologique des membres inférieurs découlant d’une compression médullaire/radiculaire au niveau de la colonne lombaire. L’atteinte est plus importante au membre inférieur droit, si bien que son utilisation pour actionner les pédales d’un véhicule est compromise. Deux solutions s’offrent :
· Adapter le véhicule pour qu’il puisse conduire avec le membre inférieur gauche, encore suffisamment compétent.
· Adapter le véhicule pour que la conduite ne nécessite que l’usage des membres supérieurs (véhicule à commande manuelle)
[4] Cependant, le requérant a été évalué au niveau des fonctions perceptuelles et cognitives. Des atteintes ont révélé: une pauvre performance des fonctions Visio-spatiales, de l’attention et des fonctions exécutives. Des épreuves ont été passées en salle et sur la route avec des véhicules adaptés pour sa condition.
[5] Les différentes épreuves (menées par 2 ergothérapeutes différents) ont démontré que les atteintes cognitives du requérant ne lui permettent pas d’intégrer l’utilisation des adaptations nécessaires.
« L’évaluation des fonctions perceptuelles et cognitives met en évidence des atteintes des praxies, de l’attention et du jugement.
Le client a eu quatre cours pratiques et dit qu’il ne comprend toujours pas comment fonctionne la commande manuelle. La persévération (répétition d’une même manœuvre ou d’un même geste de façon inappropriée), un problème de détection des erreurs par le client, des lacunes importantes de flexibilité et un manque de planification sont notés et compatibles avec une atteinte des fonctions exécutives ».
[6] Le permis ne peut qu’être suspendu puisque sa condition vise l’article 58.2 du Règlement.
58.2 La présence de plusieurs atteintes, maladies ou déficiences dont l’ensemble constitue un risque pour la sécurité routière est relativement incompatible avec la conduite d’un véhicule routier.
[7] La seule façon de pouvoir repasser les tests de conduite, pouvant démontrer une habileté retrouvée, est de soumettre un rapport médical attestant de l’amélioration des déficits objectivés en 2010-2011.
Témoignage du requérant
[8] D’emblée, le requérant admet ses échecs aux tests imposés par les ergothérapeutes. Il déplore du même souffle que les ergothérapeutes n’auraient pas réussi ce qu’ils lui demandaient en raison de l’appareillage (conduite manuelle et adaptation pour le test de rapidité au freinage) « J’étais jamais capable »
[9] Le requérant est convaincu de ne pas souffrir de trouble de la mémoire.
[10] Il croit avoir récupéré de sa perte de force au niveau de la jambe droite. Il la juge suffisamment rétablie pour lui permettre de conduire sans encombre.
[11] Il n’a pas conduit de voiture depuis environ 5 ans. C’est sa femme qui le véhicule.
[12] Le requérant dépose deux courtes notes de son médecin traitant. La première de février 2011 atteste de la stabilité de sa condition et la deuxième (août 2011) de la volonté du requérant de le convaincre d’une récupération, qu’il n’a pas lui-même constatée.
[13] Le requérant veut suivre des cours de conduite et aimerait avoir l’autorisation pour le faire. Il se refuse à revoir un ou une ergothérapeute, puisqu’il ne comprend pas certaines de leurs questions « d’université ».
[14] Enfin, le requérant trouve injuste cette suspension, puisqu’il a conduit pendant 45 ans, sans contravention ni point de démérite.
Qu’en est-il?
[15] Le Tribunal ne peut se convaincre de l’utilité de renverser la décision de l’intimée. La preuve médicale et la preuve apportée par les ergothérapeutes sont unanimes. Le requérant a non seulement perdu les capacités physiques de conduire de façon sécuritaire (atteinte de sa jambe droite, ralentissement dans l’exécution des commandes), mais il présente aussi une atteinte cognitive (Visio-spatiale, planification, etc.) qui l’empêche d’intégrer de nouvelles techniques dans le but d’acquérir une conduite sécuritaire. De plus, il est improbable que sa condition s’améliore dans les mois/années à venir.
[16] Pour sa sécurité et celle du public, la suspension doit être maintenue.
Pour tous ces motifs, le Tribunal
Confirme la décision du 1er mars 2011
Rejette le présent recours
Dussault, Mayrand
Me Karine Giroux
Procureure de la partie intimée