[1] L'appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement rendu le 30 mars 2010 par la Cour supérieure, district de Québec (l'honorable Claude-C. Gagnon), qui a accueilli en partie une requête en révision judiciaire présentée par l'intimé à la suite d'une décision prononcée par le Tribunal administratif du Québec le 4 mai 2009.
[2] Le 25 juin 1985, l'intimé, S... S..., est victime d'un accident d'automobile au cours duquel il subit de multiples blessures à la jambe gauche.
[3]
Le 16 mars 1989, l'appelante, Société de l'assurance automobile du
Québec (SAAQ), lui reconnaît un déficit anatomo-physiologique (DAP) de 13% au
chapitre des séquelles permanentes et elle l'indemnise ensuite en conséquence,
conformément au
Règlement sur certaines indemnités forfaitaires
mentionnées
à l'article
[4] Le 9 octobre 1990, l'intimé est hospitalisé. Deux jours plus tard, il subit une arthrodèse tibio-tarsienne. L'appelante reconnaît qu'il s'agit d'une rechute et ouvre un nouveau dossier.
[5] Au début de l'année 1995, l'intimé retourne au travail . Il occupe un emploi de livreur d'huile à chauffage, et ce, jusqu'en juillet 2004.
[6] Le 16 février 2000, l'appelante reconnaît à l'intimé de nouvelles séquelles permanentes entraînant un DAP de 31,5%, dont l'évaluation est faite selon le Règlement sur les atteintes permanentes (R.R.Q., c. A-25, r.0.1), entré en vigueur le 1er janvier 1990.
[7] En septembre 2004, le docteur Laval Claveau transmet à l'appelante un rapport signalant la présence d'une ostéomyélite chez l'intimé et établissant au 16 juillet 2004 le début de l'incapacité reliée à cette condition.
[8] Sur la foi de ce rapport, une deuxième rechute est reconnue par l'appelante, à une date indéterminée.
[9] À compter de 2005, la composante psychologique de l'état de santé de l'intimé commence à être documentée dans les dossiers de l'appelante.
[10] Le 20 mars 2008, celle-ci reconnaît à l'intimé un DAP de 25% pour une atteinte de la fonction psychique, tout en révisant à la baisse le DAP pour certaines blessures physiques.
[11] L'intimé demande une révision de cette décision et cette demande est rejetée, le 4 juillet 2008.
[12] L'intimé conteste, par la suite, cette décision devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ), qui rend, le 4 mai 2009, une décision dont les conclusions sont les suivantes :
CONFIRME le pourcentage de DAP de 25% reconnu pour une atteinte de la fonction psychique;
RECONNAÎT que le calcul sur les résidus successifs a été effectué conformément aux dispositions réglementaires applicables;
RETOURNE le dossier à l'intimée afin qu'elle rende les décisions qui s'imposent concernant la présence de séquelles permanentes résultant d'une aggravation de la condition orthopédique du requérant et, le cas échéant, lui verse les indemnités auxquelles il pourrait avoir droit;
RÉSERVE les droits du requérant à cet égard.
[13] Le TAQ se trouve ainsi à confirmer que l'appelante a eu raison d'appliquer le Règlement sur les atteintes permanentes et non le Règlement sur l'indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire (R.R.Q., c. A-25, r. 5.4), qui est entré en vigueur le 21 décembre 2000 et qui était invoqué par l'intimé.
[14] Ce dernier conteste cette décision du TAQ au moyen d'une requête en révision judiciaire datée du 8 juin 2009.
[15] Cette requête est entendue par la Cour supérieure le 21 septembre 2009 et celle-ci rend jugement le 30 mars 2010.
[16] Au paragraphe 2 de ce jugement, le juge de première instance résume ainsi la position de l'intimé :
[2] Il propose que cette décision est « illégale, injuste, déraisonnable et ultra vires des pouvoirs » du « T.A.Q. » pour les motifs qu’elle (sic) énonce ainsi, au paragraphe 11 de son recours :
· elle refuse illégalement de statuer sur les séquelles permanentes orthopédiques découlant de l’aggravation du 16 juillet 2004;
· elle applique illégalement le Règlement sur les atteintes permanentes alors que c’est le Règlement sur l’indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire qui doit être appliqué aux séquelles découlant de l’aggravation du 16 juillet 2004;
· elle applique illégalement et rétroactivement le calcul sur les résidus successifs;
· elle écarte illégalement l’opinion du psychiatre Claude Girard (R-6), niant par le fait même le droit du requérant d’être entendu et de faire valoir tous ses moyens;
· elle ne s’appuie pas rat ionnellement sur la preuve testimoniale et documentaire.
[17] Le juge donne raison à l'intimé en ce qui concerne les deuxième et troisième points, mais lui donne tort quant au reste.
[18] Voici quelles sont les conclusions de ce jugement :
[92] ACCUEILLE la requête en révision judiciaire;
[93] CASSE ET ANNULE la décision rendue par le Tribunal administratif du Québec le 4 mai 2009 dans le dossier portant le numéro SAS-Q-147779-0807 en ce qui touche les dispositions législatives et réglementaires applicables à l’indemnisation du requérant;
[94] RETOURNE le dossier au Tribunal administratif du Québec pour qu’il soit traité conformément;
[95] LE TOUT avec dépens contre l’intimé [le TAQ] et la mise en cause [la SAAQ].
[19] Le 29 avril 2010, l'appelante dépose une requête pour permission d'appeler de ce jugement et cette requête est accueillie par la juge Dutil, le 11 juin 2010.
[20] L'appelante soulève une seule question :
Est-ce que la Société doit appliquer pour l'évaluation de l'aggravation des séquelles permanentes dues à une seconde rechute survenue le 16 juillet 2004 le Règlement sur les atteintes permanentes [entré en vigueur le 1 er janvier 1990] ou le Règlement sur l'indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire [entré en vigueur le 21 décembre 2000]?
[21] Pour les motifs qui suivent, la Cour est d'avis que c'est le Règlement sur les atteintes permanentes qui doit s'appliquer en l'espèce et qu'il y a donc lieu d'accueillir l'appel.
[22] Il est approprié de citer ici comment le TAQ s'est exprimé sur la question des dispositions réglementaires applicables dans sa décision du 4 mai 2009 :
[61] La preuve démontre que l'accident initial
est survenu en juin 1985. Conformément aux dispositions réglementaires alors en
vigueur, les séquelles ont été évaluées en fonction du
Règlement sur
certaines indemnités forfaitaires mentionnées à l'article
[62] La preuve soumise fait état d'une certaine confusion quant à la survenue d'un nouvel accident en octobre 1990. Lors de son témoignage à l'audience, le requérant a déclaré avoir bel et bien eu un accident en octobre 1990. La preuve documentaire n'est toutefois pas à cet effet. D'une part, il n'y a pas de nouvelle demande d'indemnité. D'autre part, les rapports médicaux soumis à cette époque par l'orthopédiste traitant, Dr Gauthier, ne font aucune référence à un accident récent : le requérant est admis pour une chirurgie reliée à la présence d'une pseudarthrose. De plus, dans le rapport d'expertise produit en 1995, Dr Guay souligne qu'après révision du dossier, il appert que l'événement rapporté par le requérant se serait produit non pas en 1990, mais en novembre 1986.
[63] Quoi qu'il en soit, en octobre 1990, la Société reconnaît que la condition du requérant entraîne une incapacité au travail. Cette rechute survenant plus de deux ans après la fin de la dernière période d'incapacité, la Société ouvre un dossier « rechute ».
[64] Tel que précédemment mentionné, en vertu des dispositions de l'article 23 des mesures transitoires prévues à la Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives (1989, L.Q., c. 5), l'évaluation de l'aggravation des séquelles, qui en l'espèce, a été réalisée en 2000, est effectuée en fonction du Règlement sur les atteintes permanentes .
[65] Survient une seconde rechute en 2004.
[66] La question qui se pose est la suivante : si de nouvelles séquelles sont reconnues, doivent-elles être évaluées en fonction du Règlement sur les atteintes permanentes , comme le prétend l'intimée, ou en fonction du Règlement sur l'indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire comme le prétend la partie requérante?
[67] Après analyse de l'ensemble de la preuve, le Tribunal en arrive à la conclusion que le règlement applicable en l'espèce demeure Règlement sur les atteintes permanentes . Voici pourquoi.
[68] C'est l'article
57. Si la victime subit une rechute de son préjudice corporel dans les deux ans qui suivent la fin de la dernière période d'incapacité pour laquelle elle a eu droit à une indemnité de remplacement du revenu ou, si elle n'a pas eu droit à une telle indemnité, dans les deux ans de l'accident, elle est indemnisée, à compter de la date de la rechute, comme si son incapacité lui résultant de l'accident n'avait pas été interrompue.
Toutefois, si l'indemnité calculée à partir du revenu brut effectivement gagné par la victime au moment de la rechute est supérieure à l'indemnité à laquelle la victime aurait droit en vertu du premier alinéa, la victime reçoit la plus élevée.
Si la victime subit une rechute plus de deux ans après le moment indiqué au premier alinéa, elle est indemnisée comme si cette rechute était un nouvel accident.
[69] Rappelons que l'article 57 se retrouve au Chapitre II du Titre II de la Loi , intitulé indemnités de remplacement du revenu et autres indemnités particulières.
[70] De l'avis des soussignés, et tel que l'a souligné le Tribunal à plusieurs reprises cet article vient établir le droit du requérant à une indemnité de remplacement du revenu, visant ainsi à se rapprocher de la situation réelle de la personne accidentée au moment où elle redevient incapable de travailler. Il ne s'applique qu'à cette indemnité.
[71] Partant, cette disposition ne concerne pas l'indemnité pour séquelles permanentes, traitée dans un tout autre chapitre de la Loi , soit le Chapitre IV: indemnité pour préjudice non pécuniaire.
[72] À cet égard, il apparaît également
pertinent de rappeler les dispositions de l'article
« 44.
Les
dispositions de la Loi sur l’assurance automobile
, telles qu’édictées par
les articles 2 à 13,
15
à 17, 24 et 27 à 30 de la présente loi, et les
dispositions réglementaires prises en application
des paragraphes 12
°,
18°, 19° et 36°
de l’article
(le soulignement est du tribunal)
[73] L'article 15 de la Loi fait référence au droit à une indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire, alors que le paragraphe 12 de l'article 195 permet à l'intimée de déterminer les blessures, les séquelles d'ordre fonctionnel ou esthétique et les conditions d'admissibilité applicables à l'indemnisation du préjudice non pécuniaire, ainsi que de prescrire les règles relatives à son évaluation et celles relatives à la fixation des montants d'indemnité.
[74] Au surplus, l'article
[75] Il apparaît ainsi clairement que le requérant, qui n'a pas été victime d'un accident survenu depuis le 1 er janvier 2000, ne peut être indemnisé en vertu des dispositions de ce Règlement. En l'espèce, le Règlement sur les atteintes permanentes continue à trouver application et les séquelles sont autorisées dans le dossier ouvert en 1990.
[23] En ce qui concerne l'article 23 mentionné au paragraphe 64 de cette décision, voici comment il est rédigé :
23. Le titre I et le titre II de la Loi sur l’assurance automobile en vigueur le 31 décembre 1989, à l’exception de l’article 45, demeurent en vigueur et continuent de s’appliquer aux personnes qui subissent un dommage corporel avant le 1 er janvier 1990.
Toutefois, une personne visée au premier alinéa qui, à compter du 1 er janvier 1990, subit une rechute plus de deux ans après la fin de la dernière période d’incapacité pour laquelle elle a eu droit à une indemnité de remplacement du revenu ou, si elle n’a pas eu droit à une telle indemnité, plus de deux ans après la date de son accident, est assujettie aux dispositions de la Loi sur l’assurance automobile édictées par la présente loi et indemnisée comme si cette rechute était un nouvel accident.
(notre soulignement)
[24] Il est intéressant de comparer cet article 23 avec l'article 44 cité au paragraphe 72 de la décision du TAQ. On constate alors que la règle énoncée au second alinéa de l'article 23 de la Loi de 1989 ne se retrouve pas dans l'article 44 de la Loi de 1999 .
[25] Il s'agit là d'un des facteurs considérés par le TAQ pour arriver à sa conclusion selon laquelle c'est le Règlement sur les atteintes permanentes qui s'applique à l'indemnisation de l'intimé.
[26] Contrairement au TAQ, la Cour supérieure arrive plutôt à la conclusion que c'est le Règlement sur l'indemnité forfaitaire pour préjudice non pécuniaire qui s'applique en l'espèce.
[27] Dans un premier temps, le juge de première instance se penche sur la norme de contrôle à respecter dans l'examen de la requête en révision judiciaire dont il est saisi.
[28] À la suite d'un raisonnement bien étayé, il conclut que c'est la norme de la décision raisonnable qui s'applique.
[29] La Cour ne juge pas utile de trancher cette question, vu qu'elle conclut à la nécessité d'accueillir l'appel, que ce soit conformément à la norme de la décision raisonnable ou à la norme de la décision correcte.
[30] Poursuivant son analyse, le juge, sans le dire explicitement, arrive finalement à la conclusion que le TAQ a rendu une décision déraisonnable, puisqu'il accueille la requête en révision judiciaire.
[31] Il motive sa conclusion par trois motifs, soit le caractère aléatoire de la révision par le TAQ de la décision de l'appelante, l'interprétation stricte inappropriée de la Loi et le conflit jurisprudentiel.
[32] La Cour considère que ces motifs ne démontrent pas que la décision du TAQ était déraisonnable ou incorrecte et qu'il était alors permis de la réviser. La Cour abordera en premier lieu le motif du conflit jurisprudentiel, avant d'enchaîner avec l'interprétation inappropriée de la Loi et le caractère aléatoire de la révision par le TAQ.
[33] Voici ce que déclare le juge de première instance au paragraphe 69 de son jugement, après avoir fait état de deux courants jurisprudentiel au TAQ, l'un favorable, l'autre défavorable à la position de l'intimé :
[69] Le dualisme jurisprudentiel découlant du choix de la méthode d’interprétation de la Loi sur l’assurance automobile du Québec , relativement au régime d’indemnisation du préjudice non pécuniaire, a des conséquences inéquitables , voire injustes, pour certains accidentés dont le requérant.
[34] Concernant l'intervention d'une Cour supérieure lorsqu'il existe un conflit jurisprudentiel au sein d'un tribunal administratif, la Cour s'est déjà exprimée de la façon suivante :
[d]'autre part, notre Cour a également statué sur la
question qu'un conflit jurisprudentiel entre les membres d'un tribunal occupant
le même champ de compétence spécialisé ne constituait pas en soi un motif
autonome de contrôle judiciaire :
Commission de la santé et de la sécurité
du travail c. Fontaine
,
[35] Ce principe existe d'ailleurs depuis de nombreuses années au Canada puisqu'il a été reconnu par la Cour suprême en 1993:
Si le droit administratif canadien a pu évoluer au point de reconnaître que les tribunaux administratifs ont la compétence de se tromper dans le cadre de leur expertise, je crois que l'absence d'unanimité est, de même, le prix à payer pour la liberté et l'indépendance décisionnelle accordées aux membres de ces mêmes tribunaux. Reconnaître l'existence d'un conflit jurisprudentiel comme motif autonome de contrôle judiciaire constituerait, à mes yeux, une grave entorse à ces principes [2] .
[36] Un conflit jurisprudentiel ne pouvant être un motif autonome de contrôle judiciaire, les deux autres raisons invoquées par le juge de première instance démontrent-elles le caractère déraisonnable ou incorrect de la décision du TAQ?
[37] Après avoir examiné l'évolution de la Loi sur l'assurance automobile et avoir cité diverses autorités, le juge de première instance écrit ce qui suit :
[ 68] L’interprétation stricte des dispositions d’une loi remédiatrice, à l’encontre des enseignements de la Cour d’appel en cette matière, conduit inexorablement à des résultats qui ne respectent pas la finalité recherchée par le législateur et qui sont, en conséquence, déraisonnables.
[38] L'interprétation du TAQ conduit-elle nécessairement à des résultats déraisonnables parce qu'ils ne respecteraient pas la finalité recherchée par le législateur?
[39] Il est reconnu que la Loi sur l'assurance automobile est une loi remédiatrice et que son interprétation doit être « large et libérale » [3] , comme le souligne le juge.
[40] L'appelante soumet dans son exposé que les articles 23 de la Loi de 1989 et 44 de la Loi de 1999 visent à déterminer quel régime d'indemnisation est applicable dans une situation donnée et que le résultat monétaire différent n'est pas un facteur à considérer afin de déterminer si le traitement est équitable à l'égard des victimes. Selon elle, le traitement équitable est le fait, pour les victimes, de continuer à être régies par des règles de droit clairement déterminées par le législateur dans les dispositions transitoires.
[41] Au soutien de cette affirmation, l'appelante cite un passage d'un arrêt de la Cour suprême du Canada:
Les dispositions transitoires sont destinées à s'appliquer aux personnes qui tombent dans les brèches ouvertes par deux textes législatifs. Elles les empêchent de se trouver dans une situation juridique incertaine, au sens de ne pas savoir à quoi s'en tenir sur le plan de leurs droits et de n'être régies par aucune règle de droit. Il s'agit là du traitement équitable dont parle le juge Noël, et non d'une garantie de résultat équitable [4] .
[42] Toutefois, il faut souligner un autre passage de cet arrêt qui indique que les dispositions transitoires doivent aussi être interprétées en tenant compte de «[…]l'ensemble de l'objet, du texte et du contexte de la disposition en cause [5] .» L'interprétation des dispositions transitoires ne peut donc pas s'effectuer en isolant celles-ci des objectifs d'indemnisation reconnus de la Loi sur l'assurance automobile .
[43] Tout bien considéré, la Cour est d'avis que l'interprétation faite par le TAQ des dispositions à l'étude n'a pas été trop restrictive. L'appelante a reconnu une rechute de l'intimé qui a été indemnisé en fonction du Règlement sur les atteintes permanentes.
[44]
Tel que souligné par le TAQ et l'appelante, l'article
[45] Il est clair à la lecture des articles de ce chapitre qu'il ne vise que le remplacement du revenu. Certes, la Loi sur l'assurance automobile doit être interprétée de façon large et libérale, mais il ne faut pas non plus passer outre au texte clair de la Loi .
[46] Le TAQ n'a pas erré dans son interprétation des dispositions transitoires. Alors que la Loi de 1989 indiquait dans quelles circonstances une rechute est considérée comme un nouvel accident, la Loi de 1999 ne reprend pas cette exception. Au contraire, elle énonce que son article 15, qui remplace le chapitre IV [6] du titre II de la Loi sur l'assurance automobile, n'est applicable qu'aux accidents ou décès survenus après le 1 er janvier 2000 et non aux rechutes survenues après cette date.
[47]
Lors de l'audience, l'avocat de l'intimé a soutenu que le troisième
alinéa de l'article
[48] Il s'agit là cependant d'une conclusion erronée. En effet, le deuxième alinéa de l'article 57 vise seulement à prévoir que si une rechute a lieu dans les deux ans suivant la fin de la dernière période d'incapacité pour laquelle la victime a eu droit à une indemnité de remplacement du revenu, cette personne aura droit à l'indemnité la plus élevée obtenue selon qu'on utilise le revenu gagné au moment de la rechute ou le revenu gagné pour fixer l'indemnité antérieurement.
[49] Quant au troisième alinéa de l'article 57, il permet à la victime d'une rechute survenue plus de deux ans après la période visée au premier alinéa d'être indemnisée comme si la rechute était un nouvel accident, donc d'être indemnisée non seulement selon son revenu brut gagné au moment de la rechute, mais aussi selon les dispositions du chapitre II du titre II de la Loi sur l'assurance automobile telles qu'elles existent au moment de la rechute et non au moment de l'accident.
[50] L'effet du troisième alinéa de l'article 57 n'est donc pas le même que celui du deuxième alinéa et rien ne permet de conclure que ce troisième alinéa viserait une autre indemnité que celle de remplacement du revenu.
[51] Le juge de la Cour supérieure écrit:
[67] La victime d’un accident ne peut, en ce qui regarde le barème d’indemnisation du préjudice non pécuniaire, être à la merci de la chance et de l’espoir de pouvoir soumettre son cas à une formation du tribunal reconnue pour son interprétation libérale des dispositions ou encore que le procureur de la société désigné dans son dossier soit l’un de ceux qui favorise, dans les cas comme le sien, une indemnisation plus généreuse fondée sur les dispositions de la « Loi de 1999».
[52] Or, ce que le TAQ devait déterminer était le règlement applicable à la victime et non pas celui qui l'avantageait le plus [7] . Le TAQ était bien avisé d'interpréter ainsi le règlement, en respectant la volonté exprimée par les autorités législatives et réglementaires.
[53] La Cour réitère, par ailleurs, ce qu'elle a dit précédemment au sujet du conflit jurisprudentiel.
[54] En définitive, peu importe la norme de contrôle utilisée, la Cour est d'avis que la requête en révision judiciaire devait être rejetée et qu'il y a donc lieu d'accueillir l'appel.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[55] ACCUEILLE l'appel, avec dépens;
[56] CASSE le jugement rendu le 30 mars 2010 par la Cour supérieure;
[57] REJETTE, avec dépens, la requête en révision judiciaire.
[1]
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Commission des
lésions professionnelles
,
[2]
Domtar inc. c. Québec (Commission d'appel en matière de lésion
professionnelle)
,
[3] Tessier-Villeneuve c. Belley , [1990] J.Q. no 2022 (C.A.Q.); Dagenais c. Langlois , [1992] J.Q. no 838 (C.A.Q.); Lemay c. Productions Pram , [1992] J.Q. no 1217 (C.A.Q.).
[4]
Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)
,
[5]
Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)
,
[6] Ce chapitre traite de l'indemnité pour préjudice non pécuniaire (voir le paragraphe 71 de la décision du TAQ).
[7] Voir la note 4.