Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2011 QCTAQ 10571
Dossier : SAS-M-181782-1103
ANNE LEYDET
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Il s’agit d’un recours introduit le 7 mars 2011 par le requérant à l’encontre d’une décision rendue le 20 janvier 2011 par la partie intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec. Par cette décision, l’intimée indique au requérant qu’il doit, pour obtenir un nouveau permis de conduire, se soumettre à une évaluation complète auprès d’un centre de réadaptation reconnu par l’Association A (A).
[2] Le tout fait suite au rapport d’évaluation sommaire transmis par la Fédération en date du 16 janvier 2011, lequel conclut que le comportement du requérant face à la consommation d’alcool représente encore un risque pour la sécurité routière.
[3]
Il ressort du dossier que le requérant a été déclaré coupable le 16
avril 2009 d’une infraction de conduite avec facultés affaiblies commise le 2
mars 2007, (article
[4] Il s’agissait pour le requérant d’une première sanction en matière d’infraction au Code criminel reliée à l’alcool au cours des 10 dernières années.
[5] Une sanction antérieure existait, mais elle remontait au 27 janvier 1999 [2] .
[6] En vertu des dispositions applicables du Code de la sécurité routière , le requérant avait la possibilité d’obtenir un nouveau permis de conduire restreint à compter du 16 avril 2010 à certaines conditions, à savoir se soumettre à l’évaluation sommaire de l’ACRDQ, et suivre le programme d’éducation Alcofrein.
[7] Le rapport d’évaluation sommaire a été complété le 16 janvier 2011 par F. L., évaluateur auprès de l’Association A. Il y a lieu de citer l'extrait suivant de ce rapport :
«Mr. [le requérant] is 52 years old, married and lives with his spouse and children. He completed a seventh grade education and had been working in industrial maintenance for the last 18 months.
In accordance with the request by the Société de l’assurance automobile du Québec, Mr. (…) registered and was met on January 5th 2011 for a summary assessment by virtue of article 76. This assessment was conducted in order to assess the current compatibility of his alcohol and drug consumption with the safe driving of a road vehicle.
At the time of the initial evaluation, his record stated an arrest for driving under the influence on March 2 nd , 2007 at the age of 48 with a blood alcohol level of 180mg/100ml of blood. Mr. [le requérant]’s record does not reveal any other sanction against his driver’s permit in the last two years. He reports however a previous arrest for impaired driving in 1998.
Concerning his alcohol consumption, Mr. [le requérant] reported that he consumed about 4-5 drinks in total in the last 35 days, on one occasion. He stated that he usually consumes about 3-4 times per month, generally 2-3 drinks per occasion, sometimes more (about 5-6 times per year at parties - up to 7-8 drinks), and this since always. When he does have a drink, he reports doing so in 4 possible locations, at home, at friends/family homes, in restaurants and in bars. Concerning drugs, Mr. [le requérant] said that he consumed marijuana about 5 times in the last 35 days. He said that for the last 18 months, he has been smoking marijuana on Saturday nights befoire going to bed to help him sleep because he works at night on other days. He said that before that, he used to smoke about once per month since the age of 23 and almost daily before that.
Although Mr. [le requérant] did not report that his alcohol consumption led to negative consequences in the last 12 months, the results of the evaluation and the self-report questionnaires revealed that Mr. [le requérant]’s alcohol consumption led to a moderate amount of negative consequences in the past.
During the evaluation, Mr. [le requérant] collaborated well and seemed to answer the questions of the evaluator with honesty. He completed the evaluation, understood the questions and answered appropriately. According to the protocol elaborated by Association A and the information gathered, mainly the presence of some negative consequences of his alcohol consumption in the past, the high alcohol level the night of his arrest and a previous arrest for driving while impaired, the results of the evaluation reveal that Mr. [le requérant]’s profile presents certain risk factors for drinking and driving. In summary, the evaluation led to a non favourable recommendation and a follow-up is suggested in order to minimize the risk of driving under the influence and insure the compatibility of his alcohol and drug consumption with the safe driving of a vehicle. Mr. [le requérant] was told that a copy of this report would be sent to him as well as to the SAAQ.
(…)»
[8] Dans sa requête introductive du recours, le requérant reproche à l’évaluation le fait que les questions posées aient été suggestives, lui aient été préjudiciables et que les réponses qu’il a données à ces questions lui ont été préjudiciables.
[9] Il s’en prend également au fait que son évaluation a eu lieu en décembre 2010, et que la plupart des gens consomment plus à cette époque de l’année, s’agissant de la période des Fêtes.
[10] Le requérant soumet que l’évaluateur a mal compris certaines des réponses qu’il a données, ou du moins qu’il a consigné ces réponses incorrectement dans son rapport, donnant ainsi l’impression que le requérant avait une attitude négative, ce qui n’était pas le cas.
[11] Dans sa requête, le requérant reproche également à l’évaluateur d’avoir posé plusieurs fois la même question, sous des formes différentes, comme s’il n’était pas satisfait des réponses données. Le requérant prétend que l’évaluateur a persisté dans ses questions jusqu’à ce qu’elles finissent par révéler un comportement inadéquat envers l’alcool et justifient ainsi une recommandation défavorable.
[12] Le requérant donne des exemples des inexactitudes ou faussetés relevées dans le rapport de l’évaluateur :
· il n’a pas dit à l’évaluateur qu’il buvait 3 à 4 fois par mois et consommait 2 à 3 verres à chaque occasion. Il lui a dit qu’il ne buvait pas tous les mois, et qu’il pouvait s’écouler plusieurs mois sans qu’il ne consomme de l’alcool;
· le requérant précise que lorsqu’il boit dans un mois donné, il boit alors 3 à 4 consommations dans ce mois;
· le requérant précise que lorsqu’il boit, c’est à raison d’une, parfois deux consommations en une occasion;
· s’il est vrai qu’il lui est arrivé de consommer 5 à 6, voire 7 à 8 consommations s’il est à une fête, il a également précisé que ce genre d’événements n’excédait pas deux occasions par année;
· le requérant mentionne que l’évaluateur n’a pas semblé le croire lorsqu’il lui a dit qu’il n’avait pas consommé d’alcool le Jour de l’An. Il lui a également demandé ce qu’il avait bu au cours de la semaine de l’évaluation et le requérant lui a répondu qu’il n’avait pas bu. C’est alors que l’évaluateur a sorti un calendrier pour vérifier la consommation du requérant en reculant jusqu’à Noël, puis le reste du mois de décembre et également le mois de novembre. Le requérant a bien spécifié qu’il n’avait pas bu du tout, qu’il ne buvait pas à tous les mois, qu’il détenait un emploi auprès de la compagnie (…) et que la sobriété faisait parti de son éthique de travail;
· le requérant réitère avoir dit à l’évaluateur que durant les mois où il lui arrive de boire, ce n’est qu’à 3 ou 4 reprises qu’il le fait. Il a également dit à l’évaluateur que lorsqu’il consomme, cela va d’une à trois consommations.
[13] Le requérant conclut sa requête en soumettant que sa consommation s’apparente à une consommation modérée et acceptable selon les standards de la communauté. Les réponses qu’il a données à l’évaluateur ne devraient pas générer, selon lui, une recommandation défavorable.
[14] Le requérant témoigne à l’audience et réitère chacun des points soulevés dans sa requête.
[15] Les documents qui ont servi à l’évaluation sommaire ont été produits à l’audience sous ordonnance de non-publication et non-divulgation [3] .
[16] Il ressort de ces documents que le processus d’évaluation sommaire comporte diverses étapes. La première étape consiste à expliquer l’évaluation à la personne qui va s’y soumettre, à obtenir son consentement sur le formulaire d’usage et à lui demander de produire le relevé des infractions antérieures de même que le certificat de technicien qualifié relatif au prélèvement d’échantillons d’haleine fait à la date de l’infraction.
[17] La seconde étape consiste en une entrevue structurée, lors de laquelle sont colligées les informations générales relatives à la personne, son historique de consommation, son dossier d’infractions. Aux réponses données correspond un certain pointage prédéterminé par le protocole de l’Association A.
[18] Une autre étape consiste à faire remplir trois questionnaires ou tests standardisés par la personne évaluée (test Mast, test MFQ, test AUDIT). Les réponses données aux tests ne font l’objet d’aucune interprétation que ce soit par l’évaluateur : à chaque réponse donnée («oui» ou «non») correspond encore une fois un pointage prédéterminé par le protocole de l’Association A.
[19] Dans le cas présent, l’aspect de l’évaluation relatif aux données relatives à la personne (total partiel A relatif à l’éducation, l’emploi, l’état civil) n’a aucunement été déterminant dans le résultat de l’évaluation (coté à 2, alors qu’une évaluation complète ne sera possiblement suggérée que lorsque coté à 4, selon l’arbre de décision prévu par le protocole de l’Association A [4] ).
[20] Également, l’aspect de l’évaluation relatif à la consommation d’alcool pendant le mois précédant (total partiel C) n’a pas non plus été déterminant (coté à 2, alors qu’une évaluation complète ne sera possiblement suggérée que lorsque coté à 3, selon l’arbre de décision).
[21] Passons maintenant aux trois tests standardisés. Au résultat obtenu pour chaque test correspond une cote. Par exemple, le requérant a obtenu un résultat de 9 points au test MAST ce qui donne une cote de 2; un résultat au test MFQ qui a donné une cote de 0; et un total au test Audit qui donne également une cote de 0. Le total (total partiel B) est donc de 2.
[22] Le Tribunal a passé en revue les réponses données par le requérant au test MAST et ne relève aucune erreur. Le requérant en convient lui-même à l’audience. Quant aux tests MFQ et AUDIT, le requérant les a passés avec succès, faisant en sorte que leur cote est de 0. Le total partiel B doit dont demeurer à 2.
[23] Les infractions au Code de la sécurité routière sont considérées dans le total partiel D. Il est tenu compte du taux d’alcoolémie constaté dans le sang lors de l’infraction. En l’occurrence, un taux de 0,18 donne un pointage de 1, selon le protocole établi par l’ACRDQ. Sont également prises en compte toutes les infractions antérieures de conduite avec facultés affaiblies au cours de la vie de la personne. Le dossier démontre une infraction antérieure en 1998. Dans le cas d’une infraction antérieure, le pointage selon le protocole de l’Association A est de 2. L’addition des deux pointages fait en sorte que le total partiel D est de 3.
[24] Or, l’arbre de décision au protocole de l’Association A énonce que si le total partiel B est de 2 mais que le total partiel D est égal à 3 ou plus, la personne évaluée doit se soumettre à une évaluation complète.
[25]
La décision rendue par l’intimée est fondée sur l’article
« 76.1.2. Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.
La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:
1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;
2° au moyen d'une évaluation complète, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s'est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool.
La personne qui échoue l'évaluation sommaire doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa au moyen d'une évaluation complète.
La personne qui réussit l'évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d'éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue.»
[26] Le Tribunal, comme la partie intimée avant lui, ne dispose d’aucune discrétion : s’il y a échec au niveau de l’évaluation sommaire, la personne doit se soumettre à une évaluation complète.
[27] Le requérant a soulevé des aspects du rapport d’évaluation qui lui ont soit déplu, ou qui encore lui apparaissent inexacts.
[28] De fait, le Tribunal retient que le requérant ne buvait pas tous les mois, que lorsqu’il consommait durant un mois, il buvait 3 ou 4 consommations dans le mois, et ce, à raison d’une à deux consommations par fois.
[29] Ceci étant dit, ces précisions ne changent strictement rien au résultat de l’évaluation sommaire, dont on a vu qu’elle est strictement fondée sur des tests standardisés et des résultats chiffrés, sans qu’il n’y ait quelque place à une interprétation des tests de la part de l’évaluateur.
[30] Dans le cas présent, le taux d’alcoolémie dans le sang lors de l’infraction, de même que l’existence d’une infraction antérieure ont joué un rôle déterminant dans ces résultats chiffrés (total partiel D), lorsque juxtaposés aux résultats obtenus au test standardisé MAST.
[31] En effet, les résultats chiffrés des totaux B et D commandent, selon le protocole établi par l’Association A, que le requérant se soumette à une évaluation complète.
[32] Une revue des tests et des calculs effectués dans le cas du requérant n’autorise donc qu’une seule conclusion : le requérant a échoué à l’évaluation sommaire.
[33] Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours.
[34] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL,
REJETTE le recours.
Me Michelle Audrey Avoine
Procureure de la partie intimée
[1] L.R.Q., c. C-24.2
[2]
Page 3 du dossier. Le permis de conduire du requérant avait été révoqué le 17
janvier 1999 à la suite de sa déclaration de culpabilité le 27 janvier 1999 en
relation avec une infraction commise le 5 novembre 1998 à l’article
[3] Pièce I-1
[4] pages 40 et 41 de la pièce I-1