9211-1251 Québec inc. c. Champagne

2011 QCCQ 13054

JB2754

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

« Chambre civile »

N° :

150-22-008156-108

 

 

 

DATE :

13 octobre 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR LE JUGE RAOUL B. BARBE, J.C.Q.

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9211-1251 QUÉBEC INC. , 681, rue Des Pins, Arrondissement La Baie, Ville de Saguenay, G7B 3H6

 

demanderesse

c.

MARC-ANDRÉ CHAMPAGNE , […], Arrondissement La Baie, Ville de Saguenay, […]

 

défendeur

 

 

 

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Par une demande judiciaire signifiée le 14 septembre 2010, la demanderesse réclame 16 580,33 $ pour vice caché d'un terrain. Le 22 décembre 2010, le défendeur se porte demandeur reconventionnel pour poursuite de mauvaise foi. L'audition a lieu les 19 et 21 septembre 2011.

LES FAITS

[2]            La demanderesse 9211-1251 Québec Inc. est une compagnie constituée en juin 2009 pour faire de la gestion d'immeubles. En décembre 2010, son actionnaire majoritaire, administratrice et présidente est Nancy Gagné (D-1). Au moment de l'achat, M. Marc-André Lavoie est administrateur de cette compagnie.

[3]            En octobre 2008, le défendeur Marc-André Champagne projette de se marier. Son père Alain Champagne possède un grand terrain avec un dépanneur situé sur l'avenue John-Kane. Une partie de ce terrain est inoccupée.

[4]            Le 2 octobre 2008, Alain Champagne donne à son fils une partie de son terrain, soit le terrain 3 940 761 afin que son fils puisse y construire sa maison.

[5]            Mais son fils Marc-André Champagne, défendeur en l'instance, est dans l'armée et doit parfois s'absenter. Il décide de vendre ce terrain situé dans une zone résidentielle et en face de la polyvalente. Il donne un mandat de vendre au courtier La Capitale.

[6]            La demanderesse 9211-1251 (Nancy Gagné) a un conjoint Marc-André Lavoie qui est propriétaire de la compagnie 9042-5976 Québec Inc. constituée en 1996 sous le nom de Construction C.R. (D-2) et fait de la construction. M. Lavoie est intéressé à ce lot vacant pour y construire un triplex.

[7]            Le 4 décembre 2009 à 15 h 45, Nancy Gagné pour 9211-1251 signe une promesse d'achat au prix de 21 000 $. On y prévoit que l'acte notarié serait signé le 30 décembre 2009. Le 4 décembre 2009 à 16 h le défendeur vendeur accepte cette offre (D-5).

[8]            Le 7 décembre 2009, la demanderesse fait à la Ville une demande de permis de construction (D-7).

[9]            Le 30 décembre 2009, la signature n'a pas eu lieu pour des raisons d'obtention du financement.

[10]         La demanderesse et son conjoint Marc-André Lavoie se mettent au travail de planification. Le 6 janvier 2010 les plans du triplex sont produits et les logements porteront les numéros civiques 1835, 1837 et 1839 rue John-Kane (D-4).

[11]         Le 20 janvier 2010, Marc-André Lavoie fait la demande de services pour l'aqueduc et les égouts sanitaires et pluviaux. L'inspecteur en bâtiment de la Ville de Saguenay envoie à Éric Boudreau, coordonnateur voirie, la commande suivante (D-3) :

Faire entrées d'aqueduc 1 pouce ½ et d'égouts sanitaires et pluviaux (6 pcs de diamètre chacun à l'adresse suivante:

            Construction C.R.

            Marc-André Lavoie

            1835, John Kane (à côté du dépanneur de la Poly)

            (…)

Contacter Monsieur Marc-André Lavoie pour connaître l'emplacement de l'aqueduc et des égouts. Le propriétaire est au courant qu'il aura des frais à payer pour le gel.

Un chèque de 1000 $ a été encaissé

p.j. Plan

[12]         Le 27 janvier 2010, la Ville procède à l'installation des entrées d'aqueduc de 1 ½" de diamètre et des égouts sanitaires et pluviaux de 6" de diamètre. Les préposés auraient creusé à une profondeur de 10 à 12 pieds près de l'égout principal de la rue pour terminer à environ 8 pieds de profondeur vis-à-vis la boite de service (D-7). Les préposés n'ont rien signalé de particulier.

[13]         Le 28 janvier 2010, les parties s'entendent pour reporter la signature au moment du premier déboursé bancaire (P-5) mais au plus tard le 28 février 2010.

[14]         Le 3 février 2010 à 13 h 30, la notaire Gaudreau reçoit les signatures des représentants de 9211-1251 soit M me Nancy Gagné et M. Marc-André Lavoie pour la signature d'un contrat hypothécaire avec la Banque de Montréal pour la construction d'un triplex sur le terrain à acquérir du défendeur Marc-André Champagne. Par la même occasion, ils signent le contrat d'achat à intervenir avec M. Champagne.

[15]         À cause de ses activités dans l'armée, le défendeur Champagne va signer le contrat de vente le 19 février 2010 à 9 heures. Cette signature complétait la vente du terrain à la société 9211-1251 pour le lot 3 940 761 au prix de 21 000 $. Selon la notaire Gaudreau, ce rendez-vous fut d'une durée approximative  de 30 à 40  minutes (P-1 et P-7).

[16]         À la réquisition de la demanderesse, le lundi 22 février 2010, Excavation MGM entreprend les travaux d'excavation sur le terrain pour y asseoir les fondations du triplex projeté.

[17]         La demanderesse par son préposé, Marc-André Lavoie, constate que le sol est constitué de matériaux de remblaiement, débris et résidus faisant en sorte qu'aucune fondation ne pouvait être validement érigée sur un tel sol et qu'il fallait envisager des correctifs avant d'aller plus loin.

[18]         La demanderesse, par M. Lavoie communique avec l'entreprise LVM Technisol, une filiale de Dessau, spécialiste en caractérisation et réhabilitation des sols, pour que celle-ci vienne sur le chantier et lui fournisse une expertise sur les correctifs à apporter avant de poursuivre plus avant les travaux de construction.

[19]         Les ingénieurs Yohan McNicoll et Jean-François Garon viennent sur les lieux le 22 février 2010 et lui font des recommandations correctrices.

[20]         Le mardi 23 février 2010, la demanderesse va à l'hôtel de Ville pour compléter le certificat d'autorisation. Ce certificat établit qu'il s'agit d'une construction de 3 logements, qu'il y a un plan d'implantation de l'arpenteur Bruno Tremblay, des plans de construction de Modulaires. Le coût des travaux sera de l'ordre de 250 000 $; que les travaux commencent le 23 février 2010 et se termineront le 30 juin 2010 (D-7).

[21]         Le 24 février 2010, Technisol remet à la demanderesse un résumé de son intervention (P-2) :

Nous avons réalisé le 22 février 2010, une inspection au droit de la surface d'assise des fondations du futur triplex qui prendra place sur le lot #3 940 761, rue John-Kane à Saguenay, arrondissement La Baie. Cette inspection a été demandée par notre client et fait suite à la présence de remblai sur son terrain.

Lors de notre visite, nous avons constaté que les parois et le fond de l'excavation se composaient d'un remblai hétérogène majoritairement argileux comprenant beaucoup de matière organique et de débris de toute sorte : bois, béton, asphalte et plastique. Nous avons réalisé un sondage afin de déterminer la profondeur du sol naturel acceptable pour la mise en place de vos fondations. Ce dernier a été intercepté à 3,7 mètres (12 pieds) sous le niveau prévu des fondations.

Étant donné la profondeur du sol naturel, la superficie du terrain et la proximité des bâtiments sur les terrains adjacents, l'option de tout excaver le remblai et de combler les surexcavations en sable compacté serait problématique. En conséquence, nous avons recommandé la mise en place de fondation profonde de type pieux hélicoïdaux. Les pieux devront prendre appui dans le silt argileux naturel. Il est important de noter que la profondeur du sol naturel est valide à l'endroit du sondage seulement (voir plan en pièce jointe) et que la profondeur du sol naturel peut varier ailleurs sur la propriété.

Nous vous recommandons, pour la suite de vos travaux, de contrer l'effet dû du gel sur vos fondations en les enfouissant à une profondeur minimale de 1,8 mètres ou d'installer de l'isolant (selon les recommandations du fabricant). Le remblayage extérieur le long des murs de fondations devra être effectué à l'aide d'un emprunt de calibre MG-112. Les remblais extérieurs des fondations devront être compactés à un minimum de 95 % du Proctor Modifié. Aussi, la surface du terrain à l'extérieur des murs de fondations devrait être profilée en pente vers l'extérieur afin de prévenir l'accumulation d'eau près des murs de fondation.

L'ensemble des recommandations émises dans cette lettre ont été mentionnées à l'intervenant sur le chantier lors de notre visite.

[22]         La demanderesse paye 344,97 $ pour cette intervention de Technisol (P-8).

[23]         Tenant compte des recommandations de Technisol, la demanderesse a effectué les correctifs nécessaires en retenant la solution la moins coûteuse. Les travaux supplémentaires occasionnés par ce vice du terrain auraient coûté 10 980,33 $ en travaux correctifs (P-3).

[24]         En mai 2010, la demanderesse consulte un avocat concernant ce vice du sol et le 25 mai 2010, ce dernier signifie par huissier le 1 er juin 2010 au défendeur une réclamation de 10 980,33 $ (P-4) :

Le 19 février 2010, par acte notarié intervenu devant Me Raymonde Gaudreau, notaire, vous avez vendu à notre cliente un terrain situé sur la rue John-Kane dans l'arrondissement La Baie, lequel terrain était destiné à l'érection d'un triplex.

Or, peu de temps après la vente, notre cliente s'est rendu compte que le terrain en question était en grande partie constitué de matériaux de remblai hétéroclites s'étageant sur plusieurs pieds, rendant problématique l'érection de l'immeuble projeté sans correctifs importants.

Une expertise dressée par la firme LVM Technisol en date du 24 février 2010, dont vous avez déjà reçu copie antérieurement, identifie le problème et propose deux solutions. La première consistait à excaver le remblai et combler les surexcavations par du sable compacté. Cette solution nous apparaissait plus économique.

L'autre solution consistait à effectuer la mis en place des fondations du nouvel immeuble par la technique de type pieux hélicoïdaux, solution plus coûteuse. Les vérifications effectuées par notre cliente dans ce dernier cas faisaient voir des coûts avoisinant 25 000,00$.

Comme notre cliente vous tient responsable de ce vice important qu'elle n'a pu déceler en plein hiver, et qu'il en a résulté des dommages sérieux et des coûts additionnels pour bâtir l'immeuble initialement projeté, cette dernière a opté pour la solution la moins coûteuse, à savoir l'excavation du remblai, ce qui lui en a coûté 10 980,33$ tel qu'il appert d'une copie des deux factures de Excavation MGM qui vous est jointe à la présente.

Nous avons donc mandat de vous réclamer cette somme à titre de dommages, laquelle est payable par chèque certifié adressé directement à nos bureaux et libellé à l'ordre de Pierre Lévesque en fiducie, dans les (5) jours ouvrables à compter de la date de réception des présentes.

À défaut par vous d'agir dans le délai et de la façon susdite, nos instructions sont de prendre les recours appropriés devant les tribunaux et vous aurez à payer les frais générés par ledit recours.

Si par ailleurs vous désirez faire une offre de règlement raisonnable dans les circonstances, vous devrez le faire directement auprès du soussigné dans le même délai.

[25]         Le défendeur ne donne aucune suite à cette mise en demeure.

[26]         Le 14 septembre 2010, la demanderesse intente son action réclamant 16 580,33 $.

[27]         La demanderesse prétend que le défendeur vendeur connaissait cette anomalie du terrain vendu.

[28]         Le défendeur prétend que M. Lavoie savait ou ne pouvait ignorer lors de la vente du 19 février 2010, ce qu'elle prétend avoir découvert à l'égard du terrain vendu. Comme entrepreneur spécialisé, M. Lavoie devait savoir que les terrains de ce développement comportaient des risques de cette nature pour avoir vécu une réalité similaire sur une propriété située dans ce secteur en 2007 (P-6 et D-6).

[29]         Selon le défendeur, Lavoie qui agissait pour la demanderesse n'a pas agi en acheteur prudent et diligent vu l'expérience en construction qu'il a dans ce secteur.

[30]         Le défendeur s'est porté demandeur reconventionnel alléguant la mauvaise foi du demandeur et réclame tous les frais et honoraires engagés pour sa défense qui s'élèvent à 6 118,75 $.

ANALYSE ET MOTIFS

demande principale

[31]         La demanderesse fonde son action notamment sur l'article 1726 du Code civil du Québec qui édicte ce qui suit :

1726 - Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[32]         Pour réussir dans son action la demanderesse doit établir qu'il s'agit d'un vice rendant le bien vendu impropre à l'usage auquel elle destinait ou en réduisant sérieusement l'utilité, que ce vice existait lors de la vente, que ce vice n'était pas apparent, que ce vice ne pouvait être constaté par un acheteur prudent et diligent.

[33]         Les parties conviennent que le terrain était affecté d'un vice, en ce qu'il y avait du remblaiement et des débris faisant en sorte qu'une fondation pour un bâtiment résidentiel ne pouvait être érigée sur un tel sol sans envisager des correctifs.

[34]         Il est évident que l'excavation d'un terrain acheté dans le but avoué d'y ériger une construction qui révèle que le sous-sol est constitué de débris de remplissage, qui n'offre pas la consistance nécessaire pour supporter les fondations du solage du bâtiment constitue un vice et que ce vice le rend impropre à l'usage auquel il était destiné et alors que cet usage était à la connaissance du vendeur. Ce vice, la preuve l'a établi, a entraîné des déboursés additionnels et si les autres conditions sont remplies, l'acheteur est en droit de réclamer une diminution du prix équivalente à ses déboursés.

[35]         Cette première condition à savoir, rend le terrain impropre à l'usage auquel il est destiné ou en diminue sérieusement l'usage est donc remplie.

[36]         Deuxième condition, il faut que le vice existe au moment de la vente. À cet égard, l'acheteur a le fardeau de la preuve de prouver que le vice est antérieur à la vente. L'acheteur bénéficie cependant d'une présomption de fait, s'il dénonce ce vice peu de temps après la vente ou s'il prouve qu'il s'est manifesté peu après.

[37]         En l'espèce, la preuve établit que la demanderesse a acheté le terrain le 19 février 2010, que ses préposés ont commencé à creuser le 22 février et qu'ils ont découvert que le sous-sol était rempli de débris de remplissage. Donc le vice est antérieur à la vente.

[38]         Cette deuxième condition de l'existence du vice avant la vente est donc remplie.

[39]         Troisièmement, la demanderesse doit établir que ce vice ne pouvait être constaté par un acheteur prudent et diligent.

[40]         Sur ce point, il faut rappeler que le régime juridique des garanties légales du vendeur ne constitue pas un système de protection de l'acheteur imprudent ou incompétent. L'acheteur a une obligation de prudence et de diligence lors de l'achat comme le ferait toute personne raisonnable. Il a l'obligation d'apporter une attention particulière à tout indice pouvant présager un vice quelconque.

[41]         En 2007, l'entrepreneur Lavoie avait travaillé à peu de distance du terrain en litige et avait été confronté à un problème semblable (D-6).

[42]         Par ailleurs, il avait travaillé dans le même secteur et n'avait pas rencontré de problème de sol (P-6).

[43]         Mais ayant déjà rencontré un problème de sol dans ce secteur, il est évident que l'acheteur demandeur aurait dû être plus prudent et vu son expertise dans le domaine immobilier il aurait pu et même dû faire des vérifications. Si l'acheteur fait défaut d'exécuter son devoir d'inspection, le vice doit alors être considéré comme apparent et la garantie ne s'applique pas.

[44]         Cette troisième condition n'est donc pas remplie par l'acheteur.

[45]         Cette conclusion dégagée, il convient de souligner un fait qui peut expliquer le comportement de la demanderesse : on y constate une certaine précipitation : offre d'achat le 4 décembre 2009, sans réserve quant à l'inspection du terrain; 7 décembre 2009, la demanderesse fait une demande de permis de construction (D-7); le 6 janvier 2010, les plans du triplex sont prêts (D-4); 20 janvier 2010, la demanderesse demande à la ville d'installer les services d'aqueduc et d'égout; 27 janvier 2010, la Ville installe les services d'aqueduc et d'égout; le 3 février, la demanderesse va signer le contrat de vente notarié; le 19 février 2010, le vendeur va signer le contrat de vente notarié; 22 février 2020, les travaux d'excavation débutent.

[46]         La preuve établit que la demanderesse avait procédé à plusieurs étapes avant même que le contrat de vente soit notarié.

[47]         Notons aussi qu'il n'y a aucune preuve que le défendeur vendeur ait fait de fausses représentations à la demanderesse ou ait caché quelque information pertinente.

[48]         Par ailleurs, le défendeur invoque l'article 1739 du Code civil du Québec qui édicte ce qui suit :

1739 - L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

[49]         En vertu de cet article, l'acheteur qui découvre que le bien acheté est affecté d'un vice caché doit mettre son vendeur en demeure d'y remédier.

[50]         La mise en demeure est nécessaire même quand le vendeur est présumé connaître le vice, celui-ci ayant droit à une dénonciation écrite avant que les réparations soient effectuées.

[51]         Le défaut de l'acheteur de mettre son vendeur en demeure avant d'effectuer les réparations nécessitées par des vices cachés constitue une fin de non recevoir, la dénonciation écrite préalable aux réparations étant impérative. Cette mise en demeure préalable est essentielle pour permettre au vendeur de vérifier le bien fondé des prétentions de l'acheteur et le cas échéant de procéder aux réparations. L'absence d'une telle mise en demeure est fatale au recours.

[52]         La demanderesse, par Marc-André Lavoie, déclare qu'il a porté à la connaissance du père du vendeur dès le 22 février 2010, l'existence du remblaiement dans le sous-sol. À cet égard, on a déjà jugé que la constatation d'un état de fait par le vendeur ne vaut pas renonciation à son droit à une dénonciation ( Picard c. Lepage C.Q. Beauharnois, 760-22-002036-005 , 2001-12-13). En l'espèce, cette dénonciation verbale si elle a eu lieu a été faite au père du vendeur et non au vendeur lui-même.

[53]         La demanderesse invoque une situation d'urgence. La situation d'urgence, qui pourrait justifier l'absence de mise en demeure, exige l'existence d'un élément de dangerosité, de risque de détérioration ou de perte du bien nécessitant une intervention immédiate ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

[54]         En l'espèce, la preuve établit que la demanderesse a connu l'existence du vice le 22 février 2010, elle a immédiatement pris les mesures correctrices et ce n'est que le 1 er juin 2010, qu'elle dénonce le vice que le défendeur vendeur ne peut vérifier et elle réclame 10 580,33 $ pour payer les mesures correctrices qu'elle aurait prises.

[55]         Il faut juger que la demanderesse n'a pas satisfait aux conditions imposées par l'article 1739 du Code civil et qu'en conséquence l'action doit être rejetée.

DEMANDE RECONVENTIONNELLE

[56]         Le défendeur prétend que la demanderesse est de mauvaise foi : d'abord parce qu'elle a agi en acheteur imprudent et ensuite parce qu'elle a omis de dénoncer le vice et de mettre le défendeur en demeure de corriger le vice.

[57]         Autrement dit, la demanderesse ne pouvait ignorer que son action serait rejetée et qu'en conséquence le défendeur serait bien fondé de réclamer de la demanderesse tous les frais et honoraires qu'il a engagés pour sa défense et qui s'élèvent à 6 118,75 $.

[58]         En l'espèce, cette réclamation est inappropriée.

[59]         Par ailleurs, les comptes d'honoraires déposés ne répondent pas aux prescriptions des règlements du Barreau en ce que le taux horaire n'est pas indiqué et que le temps accordé à chaque vacation n'est pas spécifié. Par ailleurs, on constate que trois avocats sont intervenus au dossier : initialement, il s'agissait de M e Isabelle Simard; par la suite, il semble que le dossier ait été travaillé conjointement par M e Simard et M e Joël Brassard-Morissette qui a plaidé la cause à l'audition. Finalement, il semble que M. François Bourgeois, stagiaire, soit intervenu au dossier au mois de septembre 2011. Le taux horaire de ces deux avocats ainsi que celui du stagiaire sont certes différents vu les années d'expérience acquise et nous n'avons aucune idée du temps que chacun y a consacré.

[60]         Enfin, le total des honoraires chargés qui s'élève à 6 118,75 $ apparaît élevé pour une cause de 16 580 $. Ceci ne semble pas tenir compte du principe de la proportionnalité.

[61]         Il faut donc rejeter la demande reconventionnelle.

[62]         PAR CES MOTIFS, LA COUR :

demande principale

[63]         REJETTE la demande principale avec frais.

demande reconventionnelle

[64]         REJETTE la demande reconventionnelle avec frais.

 

 

 

 

 

 

 

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RAOUL P. BARBE, J.C.Q.

 

 

 

DESBIENS & LÉVESQUE

M e Pierre Lévesque

Avocat de la demanderesse

 

SIMARD BOIVIN LEMIEUX

M e Joël Brassard-Morissette

Avocat du défendeur