TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt

2012-0154

 

Date :

2 novembre 2011

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

                                    M e SUZANNE MORO

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SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU, SECTION LOCALE 573

 

Association accréditée

 

et

 

COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC

 

            Employeur

 

Grief de l’association accréditée :

Programme d’habilitation sécuritaire

 

 

Représentant de l’association accréditée :

M e Claude Tardif

(RIVEST SCHMIDT)

 

 

Représentant de l’employeur :

M e Luc Deshaies

(GOWLINGS)

 

 

Représentante du Procureur général :

M e Marie-Ève Mayer

 

 

Date de l’audience :

 

Dates de production des notes et autorités :

17 octobre 2011

 

21 et 26 octobre 2011

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SENTENCE ARBITRALE INTERLOCUTOIRE

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SA/11/017

2011-027-P

 

 

[1]    Le Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 573 (ci-après le syndicat), par grief soumis le 8 avril 2011, soutient que le Programme d’habilitation sécuritaire (ci-après le programme) de la Commission de la construction du Québec (ci-après la CCQ) contrevient aux dispositions de la convention collective et, entre autres, à la Charte des droits et libertés de la personne            (L.R.Q. c. C-12, ci-après la Charte des droits et libertés ).

[2]    Le Procureur général du Québec demande d’intervenir au dossier concernant l’application de l’article 85.0.1 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20) et également pour prêter assistance aux employés du ministère de la Sécurité publique appelés à témoigner par la CCQ.

ADMISSIONS

[3]           Le syndicat et la CCQ ont admis que l’arbitre a pleine compétence pour trancher le grief.

HISTORIQUE DU DOSSIER

SUSPENSION DU PROGRAMME

[4]           La première journée d’audience fixée au 14 avril 2011 est remise de consentement des parties. À cette occasion, la CCQ convient de suspendre l’entrée en vigueur du programme jusqu’à ce que je rende une décision sur le fond.

[5]           L’audience du 27 avril suivant est aussi remise de consentement, la présidente de la CCQ étant dans l’impossibilité de se présenter. À l’audience du 29 avril 2011, la CCQ présente une demande de suspension des audiences, notamment au motif d’échanges qui ont cours entre les parties à la suite d’une demande de conciliation. J’accorde la remise et convoque les parties à une audience le 12 mai suivant, en cas d’échec des pourparlers.

LOI CONCERNANT LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

[6]           L’audience du 12 mai 2011 est reportée sine die en raison du dépôt du projet de loi no 15, intitulé Loi concernant la lutte contre la corruption , laquelle est sanctionnée le 13 juin suivant.

CONTESTATION DEVANT LA COUR SUPÉRIEURE

[7]           Le syndicat dépose à la Cour supérieure une requête en nullité des articles 61 et 68 à 72 de la Loi , au motif qu’ils violent la liberté d’association des salariés et sont inconstitutionnels, ainsi qu’une requête pour sursis et ordonnance de sauvegarde jusqu’à ce que le juge du fond rende sa décision. La Cour supérieure rejette la requête pour sursis et ordonnance de sauvegarde le 25 août 2011 et la Cour d’appel rejette la requête pour permission d’en appeler de ce jugement le 31 août suivant.

DEMANDE D’ORDONNANCE DE SAUVEGARDE

[8]           Informé que la CCQ entend mettre en force le programme le 19 septembre suivant, le syndicat, par lettre datée du 15 septembre 2011, lui rappelle qu’il a été convenu qu’il ne serait pas mis en place jusqu’à ce que l’arbitre décide du grief. Le syndicat souligne que les amendements apportés à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20, ci-après Loi R-20 ) ne modifient pas l’entente précitée.

[9]           Le syndicat demande à la CCQ de modifier son programme parce que celui-ci requiert plusieurs informations qui ne sont pas exigées par la Loi R-20 . À défaut par la CCQ de se conformer à cette demande, le syndicat annonce qu’il demandera à l’arbitre de se prononcer sur sa demande d’ordonnance de sauvegarde.

[10]        Par lettre datée du 27 septembre 2011, dont copie est transmise au syndicat, la CCQ indique qu’elle soumettra en preuve devant l’arbitre qu’avant l’entrée en vigueur des modifications apportées à la Loi R-20 , elle a donné mandat au ministère de la Sécurité publique (ci-après le ministère) d’effectuer des vérifications sur la base de cinq critères, qu’elle doit procéder à une évaluation de ces critères afin de vérifier s’ils répondent aux exigences légales maintenant en vigueur et se réserve le droit de rehausser à tout moment les critères d’enquête dans la mesure où ils sont conformes aux exigences de la Loi .

AUDIENCE DU 29 SEPTEMBRE 2011 ET ORDONNANCE DE SAUVEGARDE

[11]        Au début de l’audience du 29 septembre 2011, le syndicat explique que la CCQ ayant décidé de maintenir son programme et de le mettre en vigueur, il demande qu’une décision soit rendue concernant le grief d’ici le 14 octobre 2011. Il soumettra une preuve documentaire, appuyée de déclarations assermentées. Présenter cette preuve ainsi que ses représentations prendra environ 2 h 30. Il rappelle qu’il appartient à la CCQ de démontrer qu’elle a le droit de recueillir des informations qui relèvent de la vie privée des employés.

[12]        La CCQ soutient que depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’article 85.0.1 de la Loi R-20 , un salarié doit répondre aux conditions qui y sont énoncées pour exercer des pouvoirs d’enquête, dont celle d’ être de bonnes mœurs, une notion qui doit être interprétée. Elle fera entendre deux témoins à ce sujet, soit un représentant de la CCQ et un représentant du ministère.

[13]        Après discussion, les parties consentent à m’accorder jusqu’au 31 octobre pour rendre une décision motivée et la CCQ accepte de suspendre son programme jusqu’au 15 novembre 2011.

Les témoignages

[14]        Le vice-président Affaires juridiques et secrétaire général de la CCQ, M e François Charrette, explique que l’analyse de sensibilité des postes identifiés comme détenant des pouvoirs d’enquête par la résolution du 31 janvier 2007 débute par une analyse écrite qu’il complète avec le directeur de l’inspection et le directeur des ressources humaines de la CCQ. Cette analyse identifie les éléments sensibles des postes au moyen de la grille transmise par le ministère et examine l’exercice concret des fonctions.

[15]        Ces informations sont ensuite transmises au ministère. Ce dernier est d’avis qu’une enquête de niveau 1 est appropriée pour ces postes. Mais la CCQ décide plutôt qu’une enquête de niveau vérification est suffisante. Toutefois, à la suite de l’entrée en vigueur de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 , la CCQ revient sur sa décision et détermine qu’une enquête de niveau 1 doit être tenue.

[16]        Par résolution adoptée vers le 28 septembre 2011, le conseil d’administration de la CCQ désigne une liste des postes avec pouvoirs d’enquête selon les articles 7, 7.1, 7.3 paragraphes e et f du premier alinéa de l’article 81.0.1 de la Loi R-20 . Cette liste, qui annule la désignation faite en 2007, se fonde sur l’analyse de la sensibilité des postes effectuée par la CCQ en collaboration avec le ministère.

[17]        Deux représentants du ministère ayant assisté au témoignage du vice-président Affaires juridiques et secrétaire général de la CCQ sont d’avis qu’il y a lieu de fournir au tribunal des précisions concernant les enquêtes de sécurité. L’analyste enquêteur explique ce processus à l’audience à l’aide d’une présentation PowerPoint.

Ordonnance de sauvegarde

[18]        Le syndicat apprend à l’audience du 29 septembre 2011 que les critères de vérification du programme seront rehaussés dans les prochains jours. Il affirme que ce changement de niveau de vérification a des conséquences sur la preuve qu’il entend présenter au soutien de son grief.

[19]        Puis, en fin de journée d’audience, la CCQ annonce qu’elle entend mettre le programme en vigueur le lundi suivant pour les employés qui ont accepté de s’y conformer.

[20]        Le syndicat réitère alors sa requête pour ordonnance de sauvegarde et demande à l’arbitre de suspendre l’application du programme jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur son grief. La CCQ s’y oppose, alléguant qu’elle peut procéder à la mise en vigueur de ce programme envers les employés qui ont manifesté leur accord.

[21]        Après avoir entendu les représentations des parties, je rends verbalement l’ordonnance suivante, laquelle sera confirmée dans une ordonnance écrite le 30 septembre 2011 :

CONSIDÉRANT           que le syndicat est le représentant exclusif de l’ensemble des salariés;

 

CONSIDÉRANT           les dispositions de l’article 5.03 de la convention collective;

 

CONSIDÉRANT          l’urgence de la situation;

 

CONSIDÉRANT           que les relations de travail risqueraient d’être compromises et un chaos engendré par la mise en place du Programme d’habilitation sécuritaire envers une partie des employés;

 

CONSIDÉRANT           la vraisemblance qu’un préjudice sérieux serait causé aux salariés que représente le syndicat;

 

CONSIDÉRANT           que la prépondérance des inconvénients s’établit en faveur du syndicat;

 

LE TRIBUNAL

 

ACCUEILLE                 la requête pour ordonnance de sauvegarde;

 

SUSPEND                    la mise en place du Programme d’habilitation sécuritaire jusqu’au 17 octobre 2011, date de la prochaine audience.

AUDIENCE DU 17 OCTOBRE 2011 - DEMANDE D’INTERVENTION DU PROCUREUR GÉNÉRAL ET ORDONNANCE DE SAUVEGARDE

[22]        Au début de l’audience du 17 octobre 2011, une représentante du Procureur général du Québec (ci-après le Procureur général) annonce avoir des représentations à soumettre dans la présente affaire :

·         D'une part, le Procureur général requiert de pouvoir prêter assistance aux employés du ministère de la Sécurité publique appelés à témoigner par la CCQ concernant la demande du syndicat de produire le Rapport d’évaluation de la sensibilité des postes à la CCQ.

·         D’autre part, le Procureur général souligne que l’article  85.0.1 de la Loi R-20 est valide et constitutionnel et doit donc s’appliquer. Il affirme que l’ordonnance de sauvegarde équivaut à suspendre l’application de la Loi R-20 , car il devient impossible d’effectuer les vérifications qui y sont énoncées.

[23]        Les représentations soumises par le Procureur général à l’audience sont résumées à la prochaine section de la présente sentence.

[24]        Le syndicat n’est pas en mesure de répondre à ces demandes d’intervention du Procureur général, n’ayant appris que le matin de l’audience qu’elles allaient être présentées.

[25]        Les parties conviennent de soumettre des représentations écrites concernant les demandes d’intervention du Procureur général.

Ordonnance de préserver la confidentialité d’un document et d’en restreindre la diffusion

[26]        À la demande de la CCQ, j’émets une ordonnance de préserver la confidentialité et de restreindre la diffusion du formulaire intitulé Programme civil de filtrage de sécurité. Le syndicat déclare qu’il en a transmis copie à deux personnes. L’ordonnance précise que le formulaire ne doit être transmis à aucune autre personne que les deux auxquelles il l’a déjà été.

Ordonnance de sauvegarde

[27]        À l’audience du 17 octobre 2011, le syndicat demande le renouvellement de l’ordonnance de sauvegarde émise le 29 septembre précédent. Il rappelle qu’il ne conteste pas la validité de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 , pas plus qu’il ne demande la suspension de cette loi. Ce qu’il conteste est l’interprétation que fait la CCQ de cet article 85.0.1 de la Loi R-20 , interprétation qui va au-delà de ses exigences et viole la Charte des droits et libertés . Il demande la suspension du Programme d’habilitation sécuritaire de la CCQ, dont le formulaire de consentement à la divulgation de renseignements personnels est maintenant plus exigeant et plus intrusif dans la vie privée qu’il l’était au départ. La suspension du programme est nécessaire puisque les droits des employés ne sont pas susceptibles d’être réparés a posteriori.

[28]        La CCQ s’oppose au renouvellement de l’ordonnance de sauvegarde en alléguant qu’il est important qu’elle puisse procéder à la mise en vigueur de ce programme envers les employés qui lui ont manifesté leur accord. Ces derniers subissent un préjudice du fait de ne pouvoir avoir accès aux promotions créées à la suite de l’entrée en vigueur des modifications à la Loi R-20 .

[29]        Après avoir entendu les représentations des parties, je fais droit, séance tenante, à la demande de renouvellement de l’ordonnance de sauvegarde, laquelle est confirmée par écrit le 18 octobre 2011 :

La validité de la Loi R-20 n’est pas contestée par le syndicat;

 

Ce qui est contesté par le syndicat est essentiellement les modalités d’application du Programme d’habilitation sécuritaire de la CCQ au motif qu’elles sont contraires à la convention collective et à la Charte des droits et libertés de la personne, et ce en raison de la nature et de l’étendue des vérifications que la CCQ veut effectuer dans le cadre de son application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 , soit ce qui se lit notamment à la pièce E-8, volume 2.

 

CONSIDÉRANT           qu’il n’est pas ici question de suspendre l’application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 ;

 

CONSIDÉRANT           que les parties ont reconnu que j’avais pleine compétence pour trancher le litige;

 

CONSIDÉRANT           qu’il est vraisemblable qu’un préjudice sérieux et qui pourrait être irréparable soit causé aux salariés que représente le syndicat si leurs droits fondamentaux, tels qu’énoncés à la Charte des droits et libertés de la personne , devaient être affectés par la mise en place du Programme d’habilitation sécuritaire;

 

CONSIDÉRANT           que les relations de travail risqueraient d’être compromises et un chaos engendré par la mise en place du Programme d’habilitation sécuritaire envers une partie des salariés, alors que le syndicat est le représentant exclusif de l’ensemble des salariés;

 

CONSIDÉRANT           l’article 5.03 de la convention collective;

 

CONSIDÉRANT           que la prépondérance des inconvénients s’établit en faveur du syndicat;

 

LE TRIBUNAL

 

ACCUEILLE                 la demande de renouvellement de l’ordonnance de sauvegarde soumise par le syndicat;

 

SUSPEND                    la mise en place du Programme d’habilitation sécuritaire jusqu’à ce qu’une décision finale intervienne concernant le présent grief.

 

Par ailleurs, étant persuadée qu’il en va de leurs meilleurs intérêts, j’invite les parties à s’engager dans un processus de médiation en vue de convenir entre elles des modalités d’application du Programme d’habilitation sécuritaire.

 

D’ici là, dans l’éventualité où un tel processus n’interviendrait pas et vu l’urgence de la situation, j’invite les parties à fixer dès à présent les dates d’audience du grief et je me déclare prête à les entendre au plus tôt.

REPRÉSENTATIONS CONCERNANT LA DEMANDE D’INTERVENTION DU PROCUREUR GÉNÉRAL

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

[30]        Les représentations du Procureur général soumises à l’audience du 17 octobre 2011 se résument comme suit :

·         Sur la demande d’intervention du Procureur général portant sur l’application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20

[31]        Le Procureur général soumet que, depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées à l’article 85.0.1 de la Loi R-20 , le 1 er septembre 2011, les salariés visés de la CCQ doivent être de bonnes mœurs . En raison de cette exigence qui découle de la loi et non de la convention collective, ces postes doivent faire l’objet d’une enquête.

[32]        Le Procureur général ajoute qu’il faut être vigilant concernant l’ordonnance de la suspension du Programme d’habilitation sécuritaire. Cette suspension est problématique si elle signifie la suspension de l’application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 , alors que la validité de cette loi n’est pas attaquée et qu’elle doit donc s’appliquer.

·         Sur la demande du Procureur général de prêter assistance aux employés du ministère de la Sécurité publique

[33]        Le Procureur général allègue que le ministère a transmis le Rapport d’évaluation de la sensibilité des postes (ci-après le rapport d’évaluation) à titre confidentiel à la CCQ. Ce caractère confidentiel est un élément essentiel au maintien des relations entre le ministère et la CCQ.

[34]        Le Procureur général soutient que le programme d’évaluation de la sensibilité des postes mis en place par le ministère, utilisé aussi pour d’autres ministères et d’autres organismes que la CCQ, pourrait être mis en péril si ce rapport d’évaluation devenait public. Le rapport d’évaluation contient des informations confidentielles : il révèle la façon de faire du ministère, énonce des méthodes d’enquêtes, identifie les éléments qui seront vérifiés, indique des circonstances ou des lieux qui peuvent être problématiques et relate des méthodes de cueillette des informations sensibles.

[35]        Le Procureur général prétend que si ce rapport d’évaluation devenait public, il serait susceptible de tomber entre de mauvaises mains. Une fois les règles connues, des personnes pourraient essayer de les contourner en posant des gestes pour mettre à l’abri ou camoufler certaines informations et développer des techniques pour parer à une éventuelle enquête.

[36]        Le Procureur général ajoute que le fait que le syndicat indique qu’il pourrait transmettre ce rapport à un expert dont on ignore l’identité soulève des inquiétudes. Les services d’enquêtes de sécurité fournis par le ministère ont un aspect commercial qui doit être protégé. Il serait regrettable que des compétiteurs aient accès à sa façon de faire.

[37]        Le Procureur général soumet en outre que, si la demande du syndicat de produire le rapport d’évaluation avait été formulée dans un contexte d’accès à l’information, il y aurait trois motifs de s’opposer à sa transmission, à savoir :

1.     il s’agit d’un renseignement commercial dont la divulgation risquerait de procurer un avantage appréciable à une autre personne (article 22 , paragraphe 2, de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels , L.R.Q. c. A-2.1, ci-après la Loi sur l’accès );

2.     que la transmission de ce document serait susceptible de révéler une méthode d’enquête destinée à prévenir les infractions aux lois (article 28 . 3 0 de la Loi sur l’accès );

3.     que la divulgation de ce document aurait pour effet de réduire l’efficacité d’un programme destiné à la protection d’un bien ou d’une personne (article 29 , paragraphe 2 de la Loi sur l’accès ). 

[38]        Bien que la Loi sur l’accès ne trouve pas application dans la présente affaire, le Procureur général prétend que l’arbitre devrait avoir la même préoccupation que celle du législateur, soit celle de préserver la confidentialité d’un document dans ces mêmes circonstances.

[39]        Selon le Procureur général, il appartient au syndicat de démontrer non seulement la pertinence du dépôt de ce rapport d’évaluation, mais également que cette pertinence l’emporte sur sa confidentialité.

LE SYNDICAT

[40]        Par lettre datée du 21 octobre 2011, le syndicat soumet ses représentations concernant les demandes d’interventions du Procureur général. On y lit notamment :

(…) concernant la demande du Procureur général d’intervenir en fonction de l’article 99 du Code de procédure civile , L.R.Q. chapitre C-25, nous soumettons que cette demande doit être rejetée. L’article 99 C.p.c. se lit comme suit :

99. Dans toute instance touchant l'application d'une disposition d'ordre public, le procureur général peut, d'office et sans avis, participer à l'enquête et à l'audition comme s'il y était partie.

 

Suivant l’article 100.2 du Code du travail , L.R.Q. chapitre C-27, l’arbitre peut procéder à l’instruction du grief selon la procédure et le mode de preuve qu’il juge appropriés. L’arbitre de griefs est ainsi généralement reconnu comme étant « maître de la preuve et de la procédure », et ce, tant par la doctrine que par la jurisprudence.

 

Précisons tout de suite que nous n’admettons pas que l’article 85.0.1 de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (Loi R-20) soit une disposition d’ordre public. Il s’agit d’une question complexe, car la notion d'ordre public est essentiellement relative et variable. En l’absence de dispositions expresses, le tribunal doit analyser la terminologie et le but visé pour en tirer des indices quant à l’intention du législateur. Nous jugeons que cette question nécessiterait une analyse poussée qui n’est pas nécessaire et ce pour les motifs ci-après exposés.

 

-       BAUDOUIN et JOBIN, Les obligations , 6 e ed., Éditions Yvon Blais, p. 203 et ss.

 

Les dispositions du Code de procédure civil ne lient pas l’arbitre au niveau de la procédure à suivre, bien que ce dernier puisse s’en inspirer pour déterminer la procédure applicable dans certains cas. L’arbitre est limité seulement par les dispositions de la convention collective, les Chartes, les règles de justice naturelle et les dispositions d’ordre public du Code civil du Québec , si elles sont compatibles avec les relations du travail.

 

-       Louise VERSCHELDEN, La preuve et la procédure en arbitrage de griefs , Wilson Lafleur, p. 7-8 ;

 

-       Robert P. GAGNON, Le droit du travail au Québec, 6e Éd., Éditions Yvon Blais, par. 715 ;

 

-       À titre d’exemple, voir : For-Net inc. et Union des employés et employées de service, section locale 800 , 2000T-558 , arbitre Rodrigue Blouin ;

 

-       Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc ., 2006 CSC 2 .

 

L’article 99 C.p.c. s’applique dans le contexte civil lorsqu’une disposition d’ordre public est en jeu. Nous soumettons que cette disposition n’est pas applicable en matière arbitrale et serait même incompatible avec le contexte des règles d’arbitrage prévues au Code du travail et avec l’économie des délais et de la procédure prévue par le législateur. Ces règles ont préséance sur le droit commun.

 

-       Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c . Syndicat national des employés de garage du Québec inc ., 2006 CSC 2 .

 

Le Code de procédure civile aménage des règles formelles et strictes pour l’administration de la preuve afin d’accélérer le processus judiciaire, tout en respectant le droit d’être entendu des parties. En arbitrage de grief, le législateur n’impose pas un tel formalisme. La procédure se veut moins rigide pour favoriser l’accessibilité à l’arbitrage et tenir compte aussi du caractère continu des relations de travail. L’arbitre ne doit pas appliquer des règles aussi strictes de procédure civile lesquelles, dans le contexte du système judiciaire, répondent à une logique bien précise et ont été jugées nécessaires par le législateur. Si le législateur ou les parties à la convention collective veulent établir une procédure aussi stricte, ils peuvent le faire. Pour sa part, l’arbitre a pour rôle de décider d’un grief. Il doit procéder de façon diligente, en assurant le respect du droit d’être entendu des parties à la convention collective.

 

Rappelons que la sentence arbitrale n’aura l’autorité de la chose jugée qu’à l’égard des parties à la convention et à l’égard des salariés visés par l’accréditation. Il s’ensuit que dans le cadre d’un arbitrage, les seules personnes qui peuvent normalement démontrer un intérêt juridique suffisant, soit un intérêt juridique direct et personnel, né et actuel, sont l’employeur et le syndicat ainsi que tout salarié concerné.

 

L’ajout d’autres participants ne peut qu’alourdir le processus, augmenter les frais des parties à la convention collective et soulever de nouvelles problématiques.

 

-       Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec c. Paquet , 2005 QCCA 109 .

 

Notons que l’arbitre demeure compétent afin de permettre l’intervention d’un tiers qui démontre un intérêt suffisant. Toutefois, l’intervention de tiers doit demeurer exceptionnelle.

 

-       Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec c. Paquet , 2005 QCCA 109 .

 

En l’espèce, nous soumettons que l’intervention du Procureur général n’a aucune utilité. Nous ne demandons pas que des dispositions d’une loi du Québec soit déclarées inapplicables constitutionnellement ou inopérantes; nous ne remettons pas en doute la constitutionnalité des dispositions applicables, mais contestons plutôt la politique de l’employeur visé. Il s’agit d’un litige privé et la Couronne n’est nullement intéressée.

 

Subsidiairement, nous soumettons que la participation du Procureur général doit être limitée à son intérêt. L’article 99 du Code de procédure civile prévoit un mécanisme d’intervention dans lequel l’intervenant n’acquiert pas la qualité de partie et se contente de faire des représentations lors de l’enquête et de l’audition.

 

-       Séverine Menétray , L’immixtion de tiers amicaux dans le mécanisme juridictionnel , 2004 C. de D. 45, no 4, 729, p. 745.

 

Il revient au Tribunal de délimiter l’étendue des droits du Procureur général.

 

-      Pharmascience inc. c. Québec , 2007 QCCA 1425 , page 7.

 

Nous soumettons que le Procureur général a déjà fait part de ses représentations dans son champ d’intérêt lors de l’audience concernant le renouvellement de l’ordonnance de sauvegarde, soit la constitutionnalité de la Loi R-20, ce que nous ne contestons pas de toute manière, et que le Procureur général n’a plus d’intérêt pour continuer au dossier.

 

Dans un second temps, nous nous opposons à ce que le Procureur général intervienne pour représenter le témoin du ministère de la Sécurité publique.

 

Le droit à la représentation par avocat ne peut être accordé à un témoin que lorsque le témoin démontre qu’il existe des possibilités sérieuses, aux yeux de la personne raisonnable, que sans représentation ses droits ne seront pas complètement protégés.

 

-      Archambault c. Doucet , [1993] R.J.Q. 2389 C.S.  

 

L’article 34 de la Charte ne vise qu’à assurer à une personne que ses droits et son intérêt dans un litige soient protégés et c’est uniquement pour ce faire qu’elle peut avoir droit à la représentation d’un avocat.

Nous soumettons que les droits du témoin pourraient être suffisamment protégés par l’assistance à l’avocat, en l’occurrence M e Deshaies, procureur de l’employeur, l’ayant assigné comme témoin, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la représentation par avocat.

 

Au surplus, dans ses représentations, le Procureur général n’a soulevé aucun motif autre que la confidentialité de documents d’un point de vue d’un intérêt commercial important et de l’intérêt du public. Ainsi, le témoin, en plus de n’avoir aucun intérêt personnel dans le litige, ne se trouve pas dans une situation où il verrait ses droits affectés.

 

Quant à la supposée confidentialité des documents, nous ne nous opposons pas à ce que ces documents soient déposés sous le sceau de la confidentialité selon les règles à établir par l’arbitre dans une ordonnance de confidentialité. L’arbitre dispose de larges pouvoirs à cet effet.

 

Nous soumettons néanmoins que la confidentialité ne doit être permise qu’exceptionnellement, sur preuve que l’intérêt public le requiert ou que les renseignements visés ont un caractère confidentiel. Le caractère public des audiences doit prévaloir conformément au principe fondamental de la publicité des débats de justice. Aussi, nous soumettons que l’arbitre doit favoriser la divulgation partielle à la confidentialité totale.

 

-      Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances) , 2002 CSC 41 .

 

Nous réitérons qu’il est nécessaire d’obtenir ces documents qui démontrent ce sur quoi l’employeur s’est basé pour fonder sa décision de requérir plusieurs informations privées des salariés. Rappelons qu’en l’espèce ce qui est en jeu ce sont les droits fondamentaux de quelques 300 salariés.

 

En somme, nous soumettons que le témoin n’a pas droit à la représentation par avocat dans le présent litige.

 

(…)

 

(Soulignements ajoutés.)

LA CCQ

[41]        Par lettre datée du 26 octobre 2011, la CCQ fait valoir que :

 

1.         S'agissant de la question du statut d'intervenant du procureur général du Québec, qu'il suffise de rappeler le libellé de l'article  99 du Code de procédure civile ainsi que le caractère d'ordre public de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l'industrie de la construction L.R. Q., chap. R-20 et plus particulièrement de l'article 85.0.1 qui crée une obligation légale de vérification pour la Commission de la construction du Québec à l'égard de ses salariés qui occupent des fonctions d'enquête.

2.         S'agissant du dépôt de l'étude complétée par le Ministère de la sécurité publique sur le niveau de sécurité qui doit être conduit, un bref rappel s'impose :

·          Le programme d'habilitation sécuritaire dont il est question au grief du syndicat n'a certes plus la même pertinence depuis l'entrée en vigueur de l'article 85.0.1 qui crée une obligation légale pour l'employeur de s'assurer que les conditions qui y sont prévues soient respectées;

·          La Loi ne crée pas de distinction parmi les salariés qui ont des pouvoirs d'enquête et ceux-ci sont énumérés à la liste déposée par Me François Charrette à l'audience. Le Ministère de la sécurité publique ne peut s'assurer des conditions prévues à 85.0.1 qu'avec la signature d'un consentement qui a été déposé sous la cote E-8. Dans ces circonstances, l'étude complétée avant l'entrée en vigueur de la Loi par le Ministère de la sécurité publique et les opinions qui s'y trouvent ont perdu substantiellement de pertinence dans le contexte actuel.

3.         S'agissant finalement de la confidentialité de ces documents, l'employeur n'a certes pas de difficulté à respecter les obligations que le Tribunal imposera quant à sa confidentialité et sa communication.

(…).

RÉPONSE DU PROCUREUR GÉNÉRAL

[42]        Par lettre datée du 26 octobre 2011, le Procureur général répond ainsi aux représentations du syndicat et de la CCQ :

En ce qui concerne notre intervention portant sur l’application de l’article 85.0.1. de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d'œuvre dans l'industrie de l a construction , L.R.Q., c. R-20, il nous apparaît incontestable qu'il s'agit d'une disposition d'ordre public qui ne peut faire l’objet de négociations entre les parties à la convention collective.

Conséquemment et conformément à l’article 99 du Code de procédure civile , le Procureur général du Québec peut intervenir dans toute instance touchant l’application d'une disposition d'ordre public, ce qui inclut un arbitrage de grief lorsqu'une telle disposition est en cause.

Par ailleurs, en ce qui a trait aux représentations qui vous ont été faites quant au caractère confidentiel du document préparé par le ministère de la Sécurité publique concernant l’évaluation des postes à la Commission de la construction du Québec , rappelons que le témoin qui a été entendu concernant ce document est assigné dans le présent dossier à cause des fonctions qu'il occupe au sein du Ministère. II n'est pas un témoin de faits au sens classique où on l’entend généralement, mais plutôt un témoin institutionnel.

Le document auquel réfère ce témoin dans le cadre de son témoignage et qui fait l’objet de la présente objection est un document appartenant à l’institution de laquelle relève le témoin et non au témoin lui-même. Dans ces circonstances, le Ministère a intérêt à intervenir et réitère l’ensemble des motifs qui vous ont été soumis lors de l’audience du 17 octobre dernier quant au caractère confidentiel de ce document.

Par ailleurs, nous souscrivons à la position de l’employeur voulant que, depuis l’adoption de l’article 85.0.1., le document actuellement en litige ne possède plus de pertinence substantielle permettant de justifier la levée de sa confidentialité.

En terminant, nous tenons à préciser que la question de la confidentialité d'un document n'est pas liée aux règles entourant le principe de la publicité des débats. Le caractère confidentiel d’un document demeure, malgré l’aspect public des audiences.

(…)

(Soulignements ajoutés.)

DÉCISION ET MOTIFS

Demande d’intervention du Procureur général portant sur l’application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20

[43]        S’il est vrai qu’en vertu de l’article 99 du Code de procédure civile le Procureur général peut participer d’office et sans avis à l’enquête et à l’audition dans toute instance touchant l’application d'une disposition d'ordre public, il demeure qu’aucune disposition de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction n’énonce expressément son caractère d’ordre public ni celui de l’article 85.0.1. En l’absence d’une telle disposition expresse, comme le souligne le syndicat, le tribunal doit analyser la terminologie et le but visé pour en tirer des indices quant à l’intention du législateur .

[44]        En l’espèce, d’une part, le syndicat n’admet pas que l’article 85.0.1 de la Loi R-20 est d’ordre public. D’autre part, la CCQ comme le Procureur général se limitent à la seule affirmation du caractère d’ordre public de cette loi, sans l’appuyer.

[45]        Ceci étant, dans les circonstances du présent cas, je suis d’avis qu’une telle détermination n’est pas requise. Il y a lieu de rappeler que le syndicat ne met pas en doute la constitutionnalité de l’article 85.0.1 de la Loi R-20, mais conteste le programme de la CCQ élaboré à cet égard . Il s’agit d’un litige privé comme l’exprime le syndicat dans ses représentations écrites. De plus, la sentence arbitrale n’aura l’autorité de la chose jugée qu’à l’égard des parties à la convention et à l’égard des salariés visés par l’accréditation.

[46]        Par ailleurs, le Procureur général a déjà communiqué à l’arbitre ses représentations concernant l’application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20. Ces représentations sont essentiellement une invitation à faire preuve de vigilance dans son examen de la demande de renouvellement de l’ordonnance de suspension du Programme d’habilitation sécuritaire en raison des conséquences possibles sur l’application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 . Or, cette invitation a déjà été considérée avant que je décide, à la lumière de la preuve et des représentations des parties à ce sujet, qu’il y avait lieu de renouveler l’ordonnance de sauvegarde. Dans ces circonstances, la demande d’intervention du procureur général portant sur l’application de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 n’a plus d’intérêt et elle est rejetée.

Demande du Procureur général de prêter assistance aux employés du ministère de la Sécurité publique appelés à témoigner par la CCQ

[47]        L’article  34 de la Charte des droits et libertés édicte que :

Toute personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d’en être assistée devant tout tribunal.

[48]        Comme le rappelait la Cour supérieure dans l’affaire Archambault c. Doucet [1993] R.J.Q. 2389 , aux pages 2393, 2394 et 2396 :

(…)

Le droit à la représentation par avocat devant tout tribunal ne devrait être reconnu qu’aux personnes qui sont parties au litige. Une interprétation différente entraînerait un bouleversement radical des règles de procédure relatives à l’intérêt requis (…) d’intervenir (…).

(…) il ne suffit pas à un témoin non partie au litige de démontrer simplement qu’il serait soumis à un interrogatoire pour obtenir automatiquement le droit à la représentation par avocat parce qu’un tel droit est prévu à la charte québécoise, (…) Ce témoin doit démontrer qu’il n’est pas « adéquatement équipé pour faire valoir ses moyens à l’appui de ses prétentions » si elle ne jouit pas de la représentation par avocat.

(…)

(…) il était du devoir de celui qui demande de se voir reconnaître le droit à la représentation par avocat, selon l’article  34 de la Charte, de démontrer la situation particulière dans laquelle il se trouve. Il est bien évident qu’il ne s’agit pas d’une démonstration hors de tout doute raisonnable, ou même par prépondérance de preuve, de l’existence d’un préjudice réel. Il s’agit, comme la Cour Suprême l’a énoncé dans l’affaire Kane c. Conseil d’administration de l’Université de Colombie-Britannique , de (23)  :

(…) la possibilité ou la probabilité qu’aux yeux des gens raisonnables, il existe un préjudice.

____________

(23) (…) (1980) 1 R.C.S. 1105 , 1113.

[49]        En l’espèce, le Procureur général demande de pouvoir prêter assistance aux employés du ministère de la Sécurité publique appelés à témoigner par la CCQ afin de préserver la confidentialité du Rapport d’évaluation de la sensibilité des postes en raison de l’intérêt commercial du ministère et de l’intérêt du public.

[50]        Or, d’une part, le syndicat est prêt à accepter que le rapport d’évaluation soit déposé sous le sceau de la confidentialité, selon les règles à être établies par l’arbitre. D’autre part, la CCQ se déclare prête à respecter les obligations que le tribunal pourrait imposer quant à sa confidentialité et sa communication. Dans ces circonstances, pour reprendre les termes de la Cour Suprême dans l’affaire Kane précitée, il est peu probable qu’aux yeux de gens raisonnables, il existe un préjudice pour le ministère si ses employés ne sont pas représentés par avocat lorsqu’ils sont appelés à témoigner par la CCQ à ce sujet, cette dernière étant l’organisme pour lequel ils ont complété ce rapport. Les droits de ces témoins apparaissent d’ailleurs bien protégés jusqu’ici par le procureur chevronné de la CCQ qui les a assignés et rien ne laisse présager qu’il pourrait en être autrement à l’avenir. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande du procureur général de prêter assistance aux employés du ministère de la Sécurité publique appelés à témoigner par la CCQ.

Production du rapport d’évaluation

[51]        Afin que l’arbitre puisse trancher le présent grief, il importe que la CCQ démontre au tribunal la démarche qu’elle a suivie pour en arriver à sa décision voulant qu’il lui faille obtenir les informations qu’elle requiert des employés qu’elle a désignés afin de répondre aux exigences de l’article 85.0.1 de la Loi R-20 . Par le témoignage de son vice-président aux Affaires juridiques et secrétaire général, la CCQ a expliqué que le Programme d’habilitation sécuritaire et le niveau de vérification nécessaire ont été déterminés dans la foulée de l’analyse de la sensibilité des postes effectuée par le ministère, à partir des éléments de sensibilité qu’elle a elle-même préalablement identifiés. Dans un tel contexte, la pertinence du Rapport d’évaluation de la sensibilité des postes ne fait aucun doute et il doit être produit.

[52]        Le témoignage de l’analyste du ministère a démontré que ce dernier utilise la même méthode de travail sur laquelle se base son rapport à la CCQ pour d’autres organismes et d’autres ministères. De plus, compte tenu du contexte de lutte contre la corruption dans lequel s’inscrivent les amendements apportés à la Loi R-20 , il apparaît prudent de protéger les méthodes et procédés qui ont pour but d’atteindre cet objectif.

[53]        J’invite donc le syndicat et la CCQ à convenir de mesures particulières afin d’assurer que le contenu du Rapport d’évaluation de la sensibilité des postes ne soit connu que des seules parties immédiates en cause et que sa diffusion leur soit limitée. À défaut d’une telle entente, le tribunal décidera du traitement à apporter à ce rapport après avoir entendu leurs représentations à cet égard.

DISPOSITIF

[54]        Pour les raisons qui précèdent, après avoir étudié la preuve, la jurisprudence, soupesé les arguments des procureurs et sur le tout délibéré, le tribunal :

 

REJETTE                   les demandes d’intervention soumises par le Procureur général du Québec.

                                                          

 

                                                                                                                                                           

                                                           M e Suzanne Moro, arbitre