Transports en vrac de Kamouraska inc. c. Sintra inc. |
2011 QCCS 5985 |
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JO 0291
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE KAMOURASKA |
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N° : |
250-17-000757-109 |
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DATE : |
4 novembre 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
PIERRE OUELLET, j.c.s. (JO0291) |
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LES TRANSPORTS EN VRAC DE KAMOURASKA INC.
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Demanderesse |
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c. |
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SINTRA INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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introduction
[1] La demanderesse, détentrice d'un permis de courtage en vrac émis par la Commission des transports du Québec, poursuit la défenderesse, un entrepreneur général, ayant une place d'affaires à Rivière-du-Loup, et lui réclame la somme de 129 100 $ réduite à 94 400 $ à la fin de l'enquête.
[2] Elle allègue qu'en vertu du contrat d'entreprise générale intervenu entre la défenderesse et la Municipalité de Rivière-Ouelle, ses camionneurs abonnés et elle bénéficient d'une stipulation pour autrui prévoyant qu'un certain pourcentage des transports de matériaux de déblais et de remblai doit être attribué aux camionneurs regroupés dans le poste d'affectation du comté de Kamouraska.
[3] Elle allègue plus particulièrement que :
Ø Après avoir obtenu l'adjudication du contrat, la défenderesse a fait parvenir, conformément au cahier des charges, le formulaire prescrit en indiquant que pour la durée des travaux, deux ans, 85 % des transports de matériaux seront effectués par des camionneurs artisans affectés par le poste de Kamouraska; en contrepartie, elle accordait à l'entrepreneur un escompte de 3 % sur les tarifs publiés par le ministère des Transports.
Ø L'entrepreneur a contrevenu à ses engagements, tant en 2006 qu'en 2007, en retenant les services de camionneurs non affectés par la responsable du poste de courtage et qu'en 2007, il a utilisé ses propres camions sans respecter la proportion de 85 % selon la méthode de calcul décrite dans le document P-3.
Ø Se prévalant de la stipulation pour autrui, elle réclame, à titre de dommages-intérêts liquidés en application de la clause pénale, 200 $ par camion par jour pour chacun des voyages effectués en contravention des règles applicables.
[4] La défenderesse allègue que :
Ø Contrairement à la prétention de la demande selon laquelle le processus dit «par défaut» a été suivi, une entente est intervenue avec les administrateurs du poste de courtage, conformément au processus prévu aux conditions générales, entente valable que pour l'année 2006.
Ø En 2007, les parties n'ont pu en venir à une entente.
Ø Devant le refus de ses propositions, elle a enclenché le processus prévu au cahier des charges, le poste de courtage n'a pas répondu, de sorte que les exigences minimales ont été respectées, les camionneurs ont été payés selon la tarification du ministère des Transports, en contrepartie elle n'a pas bénéficié d'un escompte.
Ø Enfin, elle soulève quelques moyens additionnels de faits et de droit :
§ Elle n'a jamais été mise en demeure.
§ La demanderesse n'a pas d'intérêt légal pour réclamer la pénalité, compte tenu que des voyages ont été effectués par des camionneurs non abonnés au poste de courtage de Kamouraska.
§ L'association des camionneurs a contrevenu à ses obligations en vertu du cahier des charges.
[5] Pour faciliter la lecture du présent jugement, le Tribunal utilisera les expressions ou acronymes suivants :
Ø Poste de courtage, l'association, les camionneurs artisans : Les Transporteurs en Vrac de Kamouraska inc.
Ø BML, entrepreneur général : Sintra inc., faisant affaires sous la dénomination sociale de Construction B.M.L. Rivière-du-Loup; M. Maxime Mercier y occupe la fonction de directeur régional.
Ø CCDG, cahier des charges : le cahier des charges et devis généraux, édition 2003, publié par le ministère des Transports du Québec (P-1).
Ø MTQ : ministère des Transports du Québec.
Ø Clauses administratives : les clauses administratives générales incorporées au contrat d'entreprise générale intervenu entre la Municipalité et l'entrepreneur général (P-22).
Ø Municipalité : Municipalité de Rivière-Ouelle, comté de Kamouraska-Témiscouata.
Ø CTQ : Commission des transports du Québec instituée par la Loi sur les transports, L.R.Q. c. T-12.
Ø Région 03 : Transporteurs en Vrac région 03, détentrice d'une licence de courtage émise par la CTQ, regroupant quatorze postes de courtage de camionneurs en vrac dont celui de Kamouraska (P-11, feuille 2).
Ø Directrice de courtage, Josée Charest * : cette fonction est occupée par Mme Josée Charest qui s'occupe des réquisitions des entrepreneurs et affecte les camionneurs artisans, membres du poste de courtage conformément aux règlements généraux (P-9) et au Code de déontologie (P-10).
Ø ANCAI : Association nationale des camionneurs artisans inc. qui regroupe tous les postes de courtage du Québec regroupés dans des associations régionales comme celle de la région 03.
Ø Garon, Transport en vrac St-Denis : 21710751 Québec inc. dont l'administrateur est M. Marco Garon.
les faits
[6] BML est un important entrepreneur de construction dans le domaine des travaux de génie civil dont ceux d'aqueduc, d'égout et de pavage.
[7] Elle obtient de la Municipalité de Rivière-Ouelle un contrat d'envergure (de l'ordre de 20 millions) pour l'exécution de travaux sur son territoire dans le Kamouraska.
[8] Comme il est usuel dans le domaine, le contrat réfère à toute une série de documents tant techniques qu'administratifs.
[9] Bien qu'il n'y ait qu'un seul contrat d'entreprise, une partie des travaux est sous la responsabilité du ministère des Transports, dans l'axe de la route 132, et l'autre sous celle de la Municipalité.
[10] Il est non contesté que le cahier des charges du MTQ (CCDG) s'applique dont les clauses relatives au transport de matières en vrac [1] .
[11] L'on retrouve des dispositions au même effet dans les clauses administratives générales et particulières du cahier des charges faisant partie du contrat d'entreprise [2] .
[12] Peu importe la nature des travaux et l'endroit où ils sont exécutés, un surveillant de chantier au sens de la documentation contractuelle est désigné par la firme d'ingénieurs, BPR, et possède les attributions du surveillant en vertu du cahier des charges.
[13] Au printemps 2006, BML a besoin de camionneurs pour transporter des matériaux en vrac, se doit d'accorder aux camionneurs artisans un pourcentage des voyages et, de toute façon, désire en attribuer une quantité additionnelle vu que seulement quelques-uns de ses camions sont disponibles.
[14] Maxime Mercier, le directeur régional de BML à Rivière-du-Loup, est responsable des relations avec les postes de courtage des camionneurs artisans dont ceux de Kamouraska, Rivière-du-Loup et Témiscouata (KRTB).
[15] Le 4 mai 2006, il rencontre des représentants du poste de Kamouraska.
[16] À l'audience, Mercier mentionne que ces derniers expriment des réserves quant à la durée de l'entente : le prix du carburant est volatil et ils veulent éviter de subir des hausses de coût importantes.
[17] Pour lui, une entente intervient pour l'année 2006 seulement, tant pour le pourcentage des transports qui seront effectués par des artisans (85 %) que sur l'escompte qui lui sera accordé par rapport aux taux édictés par le MTQ [3] .
[18] Les représentants du poste de courtage présentent une version différente du contenu de cette rencontre et nous y reviendrons lors de notre analyse.
[19] Le 26 mai 2006, BML fait parvenir la Partie 1 du formulaire préparé par le MTQ intitulé « Application des dispositions par défaut compte tenu de l'absence d'entente de prestation de service » [4] et nous traiterons de son contenu ultérieurement.
[20] Le 30 mai 2006, Josée Charest remplit la Partie 2 du formulaire [5] et la fait parvenir à l'entrepreneur; elle confirme également qu'elle expédie au surveillant du chantier, M. Claude Jobin, copie des deux documents (Partie 1 et Partie 2), et ce, afin que les travaux puissent débuter.
[21] S'agissant d'un chantier de grande importance, le contremaître de BML communique à chaque jour avec Josée Charest pour indiquer le nombre de camions dont il a besoin pour le lendemain ainsi que l'endroit où chacun doit se présenter.
[22] La directrice tient un registre journalier des camions qu'elle a affectés et sa compilation démontre des inscriptions qui vont de trois camions pour atteindre certaines journées plus de 30, et ce, entre le 30 mai et le 15 décembre 2006.
[23] La compilation [6] déposée par l'entrepreneur est non contestée et démontre qu'il y a eu 2 073 camion/jour en 2006 affectés par le poste de courtage représentant 95 % de l'ensemble des déplacements de camions.
[24] Josée Charest témoigne avoir communiqué avec le contremaître Harton concernant certaines irrégularités, mais la preuve révèle que seulement une plainte [7] formelle est transmise à la fin novembre concernant les constats faits au cours de la semaine du 20 au 24 novembre ainsi que les 27 et 28 novembre 2006.
[25] En 2007, considérant que l'entente de 2006 est expirée, Mercier demande à rencontrer les représentants du poste de Kamouraska comme il le fait d'ailleurs à chaque printemps avec les associations de son territoire, et ce, pour indiquer ses besoins au cours de l'année et convenir d'une répartition des transports qui seront accordés à chacun des postes de courtage.
[26] Mercier transmet une proposition qu'il confirme par courriel [8] .
[27] Suite à une assemblée générale de l'ensemble de ses membres tenue le 12 avril 2007, le poste de courtage [9] avise BML que les dispositions qui étaient en vigueur en 2006 s'appliquent toujours en 2007, à savoir les documents Partie 1 et Partie 2 avec l'escompte de 3 %.
[28] Il s'ensuit des échanges de correspondance entre l'entrepreneur, le poste de courtage, le chargé de projet du ministère des Transports s'en mêle.
[29] BML, considérant qu'il n'y a plus d'entente, transmet les documents dans le cadre du processus de non-entente et nous y reviendrons ultérieurement.
[30] Malgré sa perception différente de celle de l'entrepreneur quant à la nature de leur relation contractuelle, le poste de courtage affecte des camionneurs artisans tout au cours de la saison 2007; ils effectueront 81 % des transports de matériaux (2 191 sur 2 694) [10] .
[31] Les camionneurs, membres du poste, sont conscients du litige et à chaque soir ils communiquent avec Josée Charest pour lui indiquer la présence de camions de BML ou de sous-traitants ainsi qu'en certaines occasions, la nature du matériel transporté; Mme Charest produit un cahier «Canada» [11] contenant sur treize pages ses inscriptions journalières entre le 23 avril et le 19 novembre 2007.
[32] Ayant en main les feuilles [12] comportant les camions requis de son poste pour chaque jour, elle rédige chaque jour une lettre destinée à BML décrivant la journée, le nombre de camions en contravention et y applique la clause pénale de 200 $/jour/camion :
Ø Du 2 mai au 31 mai 2007, la réclamation s'élève à 23 400 $ [13] .
Ø Du 4 juin au 19 novembre 2007, la réclamation s'élève à 60 100 $ [14] .
[33] À cela, la demanderesse ajoute une réclamation de 45 600 $ représentant des transports effectués par Transport en vrac St-Denis en 2006 (114 jours) au moyen de camions qui ne détenaient pas un permis de camionnage en vrac émis par la CTQ et non affectés par le poste de courtage; toutefois, ce n'est que le 31 mai 2007 que Josée Charest transmet cette réclamation à BML [15] .
[34] Afin d'éviter l'administration d'une preuve longue et fastidieuse, devant l'évidence que la base de calcul retenue par la demanderesse quant au nombre de camions était contestée, le Tribunal a invité les deux avocats à se rencontrer en compagnie de leurs clients en vue d'échanger toute la documentation au soutien de leur position respective.
[35] Les représentants des parties se sont mis au travail, certains ont travaillé durant une bonne partie de la nuit qui a suivi; elles se sont entendues sur le nombre de camions de Garon ou de BML qui font l'objet de la réclamation, tant en 2006 qu'en 2007 [16] .
[36] Un tableau produit à la fin de l'enquête démontre que la réclamation concerne 244 camions de BML et 228 camions de Transport St-Denis pour une somme de 94 400 $.
questions en litige
[37] Qualification de la relation juridique consacrée dans les documents P-2 et P - 3?
[38] La durée de cette relation : pour la saison 2006 ou pour toute la durée du chantier, à savoir deux ans?
[39] Si la prétention de BML selon laquelle les documents P-2 et P-3 ne concernent que la saison 2006 est bien fondée, quelles règles régissent les parties en 2007 pour le transport en vrac des matériaux?
[40] Tout dépendant des réponses à ces questions :
Ø La demanderesse est-elle fondée à réclamer une pénalité de 200 $ par camion par jour en 2006, et en 2007?
Ø Si oui, quelle méthode de calcul doit être retenue pour appliquer les pourcentages réservés aux camionneurs artisans?
analyse
I. Relation juridique entre BML et le poste de courtage en 2006
[41] Il n'y a pas de contestation quant au fait que le contrat d'entreprise entre BML et la Municipalité contient des exigences quant à l'utilisation des services des camionneurs artisans selon le processus décrit au CCDG du MTQ [17] .
Les deux avenues prévues au CCDG : entente ou non-entente
[42] Le CCDG [18] , édition 2003, prévoit deux avenues que peuvent emprunter l'entrepreneur et le détenteur d'un permis de poste de courtage.
§ Article 7.7.1.1 : «Entente de prestations de services entre l'entrepreneur et le titulaire d'un permis de courtage»
ü Les deux parties conviennent d'une entente écrite de prestations de services, et ce, avant le début des travaux.
ü Les parties peuvent négocier différentes clauses, mais les sujets qui doivent être compris de façon minimale y sont énumérés dont le calendrier, la quantité et la nature des matériaux, les proportions de camions affectés par le poste de courtage, les tarifs pour chacun des types de transport…
ü Enfin, le transport de matériaux en vrac ne peut débuter que lorsque le surveillant a reçu une copie de l'entente signée par les parties et autorisé le début de ces opérations.
§ Article 7.7.1.2. : «Disposition à défaut d'une entente de prestation de services.»
ü Si les parties n'ont pas emprunté la première avenue, l'entrepreneur doit transmettre au surveillant une confirmation d'absence d'entente et le CCDG, aux différents paragraphes qui suivent (7.7.1.2.1 et ss), prévoit la procédure à suivre et les dispositions qui doivent obligatoirement lier l'entrepreneur et le poste de courtage.
ü Dans le jargon des gens du milieu, l'on utilise l'expression « une non-entente ».
ü Pour enclencher le processus, l'entrepreneur doit transmettre un certain nombre d'informations au poste de courtage.
ü Le MTQ met d'ailleurs à la disposition des entrepreneurs et des postes de courtage deux formulaires.
[43] Dans une première étape, l'entrepreneur transmet la Partie 1 [19] et ce document contient comme éléments importants pour notre discussion les suivants :
Ø Identification du contrat : travaux pour la Municipalité de Rivière-Ouelle.
Ø Début des travaux : 29 mai 2006 s'échelonnant sur deux ans.
Ø Proportion des travaux de transports que l'entrepreneur entend confier au courtier : « En plus de la proportion de 50 % accordée au courtier, l'entrepreneur convient de lui confier 85 % de l'ensemble des transports. Un escompte de 3 % sur le tarif horaire et/ou 3 % sur le tarifs t/km s'appliqueront sur l'ensemble du transport correspondant aux travaux de terrassement. Par contre, aucun escompte ne sera accordé pour les travaux de pavage. »
Ø Sous sa signature, le représentant de BML a ajouté la clause suivante : «* Ce contrat n'est valide que pour l'année 2006. Par contre, celui-ci peut être résilié avec un avis d'une semaine .»
Ø En annexe, il joint deux tableaux décrivant les bancs de sable et de gravier d'origine, le type de matériaux et les quantités approximatives pour chacun de ceux-ci.
[44] Conformément au processus décrit au CCDG, le poste de courtage remplit la Partie 2 [20] « Déclaration et engagement du courtier » qui réfère aux différentes dispositions des articles 7.7.1.2.
Ø L'article 2 contient l'engagement suivant du courtier sous la mention : «fournir les camions demandés par l'entrepreneur dans les proportions suivantes.»
Ø Dans l'espace prévu au formulaire, Josée Charest inscrit de façon manuscrite la mention suivante : « Le courtier accepte de fournir, chaque jour, 85 % des camions nécessaires et aux tarifs proposés. Conformément au ccdg 2003, le courtier comprend qu'il affectera, chaque jour, les six (6) premiers camions sur le chantier avant que l'entrepreneur puisse affecter un (1) premier camion. (6/7 = 85 %). Les réquisitions devront être signifiées avant 18 h 30 la veille ».
Ø À l'audience, cette dernière confirme qu'elle a bien reçu la Partie 1, complétée par l'entrepreneur, qu'elle a vu la mention qui suit l'astérisque après la signature de l'entrepreneur, qu'elle n'a pas communiqué avec BML à ce sujet, enfin qu'elle a transmis au surveillant des travaux ainsi qu'à BML, tant la Partie 1 que la Partie 2.
[45] Toute la thèse du poste de courtage repose sur la prémisse que les documents, partie 1 et partie 2, s'inscrivent dans le cadre du processus de « non-entente », que les formulaires et les dispositions du CCDG sont spécifiques quant au contenu dans un tel cas des obligations de chaque partie, à savoir la durée, les pourcentages de transports accordés au poste de courtage… et qu'en conséquence, l'on ne peut y déroger.
[46] La thèse de l'entrepreneur repose sur une prémisse tout à fait différente :
Ø Il y a eu une entente pour l'année 2006 seulement.
Ø Il a employé le formulaire Partie 1 même s'il y avait entente parce que c'était sa façon de procéder dans les années antérieures, méthode connue des postes de courtage de la région dont celui de Kamouraska et que les camionneurs artisans avaient intérêt à ce que ce formulaire soit utilisé.
[47] Dans sa défense, BML allègue clairement qu'il y a eu entente, tel qu'il appert des paragraphes suivants :
«25. Conformément à ses obligations et avant de débuter les travaux visés par la présente requête, la défenderesse a négocié avec la demanderesse une entente pour les services de transport de matières en vrac à être rendus;
26. Contrairement à ce qu'allègue la demanderesse, l'entente alors intervenue était pour une seule année, et ce, à la demande expresse de la demanderesse;
27. En effet, la demanderesse refusait de s'engager pour une période au-delà de la saison 2006 à cause des fluctuations importantes à la hausse du prix du carburant;
28. Les parties ont donc convenu d'une entente applicable pour la seule saison 2006, tel qu'il appert de la Pièce P-2 transmise intégralement à la demanderesse;
29. La défenderesse a alors préparé et transmis à la demanderesse le document contenant les termes de l'entente discutée et convenue avec les représentants de la demanderesse avant le début des travaux de la saison 2006;
30. C'est la demanderesse elle-même qui exigeait que la défenderesse utilise le formulaire par défaut pour concrétiser les ententes de services à intervenir entre les parties, formulaire que la représentante de la demanderesse avait elle-même transmis à la défenderesse;»
[48] À l'audience, Maxime Mercier fait part de ce qui suit :
Ø À chaque printemps, il rencontre les responsables des postes de courtage de la région du KRTB pour discuter de ses besoins pour les transports de matériaux en vrac eu égard aux contrats de son entreprise, et ce, pour négocier des ententes.
Ø Le 4 mai 2006, à ses bureaux de Rivière-du-Loup, il rencontre la directrice du courtage, Josée Charest, de même que trois administrateurs du poste de Kamouraska : J.P. Bossé, T. Lévesque et Y. Pelletier : pour le contrat de Rivière-Ouelle, il aura besoin de beaucoup de camions vu que BML ne peut affecter que très peu de ses propres camions.
Ø Les camionneurs artisans sont préoccupés par la volatilité des prix du carburant alors que le chantier doit s'étendre sur deux ans.
Ø Il leur propose de ne s'engager que pour un an et qu'en 2007 l'on réévaluerait la situation.
Ø Il ajoute que vu l'incertitude quant au prix du carburant, il est prêt à annuler l'entente sur avis même d'une semaine si une hausse importante du prix du carburant survient.
Ø Ce sont les représentants du poste de courtage qui ont proposé l'escompte de 3 % alors que lui désirait un escompte de 5 %.
Ø Il reconnaît qu'il a effectivement utilisé la partie 1 du formulaire, processus de non-entente, parce que c'était sa façon usuelle de procéder avec les postes de courtage de la région et que, de toute façon, ces derniers en obtenaient un avantage : la possibilité d'ajustement des tarifs à cause d'une augmentation subite du prix du carburant.
[49] Devant un témoignage livré de façon structurée, sans hésitation et contradiction quant à l'existence d'une entente spécifique valable pour l'année 2006 seulement, le Tribunal doit faire les constats suivants :
Ø Dans un contre-interrogatoire d'une durée de 1 h 10, l'avocat du poste de courtage n'a posé aucune question à M. Mercier quant à ce volet de ce témoignage, sujet pourtant annoncé dans la défense.
Ø Josée Charest, tant dans son témoignage en demande principale que lors de la courte contre-preuve, n'en a pas soufflé mot.
Ø Les trois membres du conseil d'administration du poste qui accompagnaient Mme Charest lors de la rencontre du 4 mai n'ont pas témoigné.
[50] La demande a aussi fait entendre M. Stéphano Bolduc qui est le directeur général de Transporteurs en Vrac Région 03 dont le poste de Kamouraska [21] fait partie.
[51] Il n'a pas participé à la rencontre du 4 mai 2006 chez BML, mais a été contacté par Josée Charest dès qu'elle a reçu le formulaire Partie 1.
[52] Il a pris connaissance du document dont la clause précédée d'un astérisque sous la signature de Mme Lavoie; pour lui, cela ne changeait rien à la situation parce qu'en employant le formulaire Partie 1, l'entrepreneur se trouve à reconnaître que ce sont les dispositions spécifiques du CCDG qui s'appliquent, et ce, à cause de la mention suivante au tout début du formulaire :
«Conformément aux dispositions de l'article 7.7.1.2.2 de l'édition 2003 du Cahier des charges et devis généraux, Infrastructures routières - construction et réparation (CCDG), l'entrepreneur fournit les renseignements suivants au courtier :»
[53] Pourtant, il reconnaît que ces formulaires ont été préparés par le MTQ et améliorés au cours des années, qu'ils ne constituent pas des formulaires sacramentels, qu'il arrive aux gens du milieu de s'en servir en les modifiant.
[54] L'argument de la demanderesse à l'effet qu'en utilisant le formulaire Partie 1, eu égard à son sous-titre et son premier paragraphe, cela constitue une reconnaissance que les dispositions du processus de «non-entente» s'appliquent, ne peut être retenu.
[55] À cette thèse qui repose uniquement sur le texte pré-imprimé d'un formulaire qui peut être modifié, il faut plutôt se référer à l'attitude des parties à cette époque et par la suite :
Ø Recevant le formulaire Partie 1 qui comprend une mention spécifique sous la signature de l'entrepreneur, Josée Charest ne communique ni par téléphone ni par écrit avec les représentants de BML dont Maxime Mercier qu'elle a rencontré le 4 mai.
Ø Elle prépare en toute connaissance de cause le deuxième formulaire (Partie 2), qu'elle expédie sans autre forme de commentaires tant à BML qu'au surveillant de chantier.
Ø Tout au long de la saison 2006, elle répond aux réquisitions de BML, affecte les camions selon les besoins de ce dernier, la facturation ne fait l'objet d'aucune contestation et l'entrepreneur soustrait l'escompte de 3 % tel que prévu à l'entente.
Ø Ce n'est que le 28 novembre 2006 que Josée Charest fait parvenir une lettre [22] à Mercier : elle réfère à des évènements de la semaine précédente (20 au 24 novembre) :
«Nous aimerions porter à votre attention le fait que vous travailler depuis plus d'une semaine avec des camions de votre compagnie et que selon l'entente signé le 30 mai 2006, nous avons droit, à chaque jour, au six (6) premiers camions sur le chantier avant que vous puissiez en placer un, ce qui équivaut à 85 % pour nous et 15 % pour vous.» (sic)
Ø En plus, d'une autre contravention le jour même :
«Encore aujourd'hui, nous constatons que vous avez non seulement un camion 10 roues et un camion 12 roues mais aussi un semi-remorque qui ont travaillé toute la journée, hier le 27 novembre et aujourd'hui le 28 novembre. À ce jour nous vous demandons de régler ce problème définitivement en respectant les termes de l'entente signé le 30 mai 2006.» (sic)
Ø Le Tribunal remarque que dans ces deux alinéas, Mme Charest réfère à « l'entente tarifaire », à « l'entente signé (sic) le 30 mai 2006 » et dans la lettre du 28 septembre « au contrat que nous avons signé ».
[56] Pour le Tribunal, les deux documents, Partie 1 et Partie 2, doivent se lire ensemble et constituent la confirmation des modalités du contrat qui régit les parties suite à l'entente intervenue le 4 mai 2006 au bureau de BML.
[57] Mme Charest a très bien compris tout au long de l'année 2006 qu'il y avait une entente valable pour l'année 2006; ses lettres des 28 septembre et 28 novembre le confirment.
[58] Si effectivement, c'était le processus par défaut en l'absence d'entente qui s'appliquait, il aurait été très facile d'y inscrire l'expression «non-entente» comme elle l'a d'ailleurs fait tout au long de son témoignage à l'audience.
[59] Mme Charest, qui a témoigné devant nous de façon sincère, en employant le langage technique des gens familiers avec ce système, est la permanente du poste de courtage et occupe depuis au moins 2004 des fonctions importantes qu'elle décrit ainsi : est responsable de la répartition des camionneurs, négocie les ententes et les non-ententes avec les entrepreneurs.
[60] En conclusion, le Tribunal retient qu'il y a eu une entente spécifique pour l'année 2006.
[61] Il y a lieu maintenant d'étudier la relation juridique entre les parties pour l'année 2007.
II. Situation des parties en 2007
[62] Le transport de matériaux en vrac a cessé au cours de la première semaine du mois de décembre 2006 et les travaux reprennent à la mi-avril en 2007.
[63] Maxime Mercier tient sa réunion annuelle avec le poste de courtage de Kamouraska; en plus de Josée Charest, quatre autres personnes sont présentes : S. Bolduc et MM. Dubé, Bossé et Gagnon du conseil d'administration.
[64] Pour BML, la situation a évolué vu que Transport en vrac St-Denis vient d'ouvrir un nouveau banc de gravier à quatre kilomètres du chantier de Rivière-Ouelle.
[65] Il transmet donc aux représentants du poste de courtage une proposition qu'il confirme d'ailleurs par courriel le 5 avril:
Ø Pour les matériaux provenant du banc Garon, 50 % des transports sont effectués par les camionneurs artisans et l'autre 50 % par les camions de Garon.
Ø Pour tous les autres transports de matériaux neufs et d'excavation, BML n'affectera que deux de ses camions et tout le reste sera effectué par des camionneurs artisans.
Ø BML bénéficiera d'un escompte de 3 % comme l'année dernière.
[66] Les parties ne s'entendent pas et il s'ensuit un échange de correspondance, d'interventions auprès du ministère et sans tout reprendre en détail, le Tribunal se réfère aux documents suivants :
Ø Le 5 avril : Maxime Mercier transmet à Josée Charest le courriel contenant l'offre présentée lors de la rencontre à ses bureaux.
Ø Le 12 avril se tient une assemblée générale des membres du poste de courtage et suite à «une discussion animée», la résolution suivante est adoptée :
«Il est proposé par monsieur Michel Lizotte et appuyé par Serge Boucher que l'entente par défaut partie 1 et partie 2 signée en 2006 se poursuive pour 2007, en accordant un taux d'escompte de 3 %, puisque selon le CCDG, elle est toujours valide et ce jusqu'à la fin des travaux.
accepté à l'unanimité des membres présents.»
et cet extrait du procès-verbal est transmis à BML par le président de l'association le 17 avril [23] .
Ø Le 18 avril, Mercier réplique en transmettant à Josée Charest un courriel [24] :
«Nous tenons à vous rappeler que l'entente de l'an passée est échue, elle n'était en vigueur que pour la saison 2006, et ce, à la suggestion de votre association. Suite à votre refus de notre proposition pour la saison 2007, nous vous avisons que nous prendrons pour la saison 2007 l'ensemble des transports qui revient à l'entrepreneur général soit, 50 % pour la partie MTQ et 66 % pour la partie municipale. Bien entendu, aucun escompte n'est applicable et les taux de 2006 ne sont indexables que pour la partie MTQ.»
Ø Le 30 avril : BML transmet une lettre [25] à Josée Charest à laquelle il joint le formulaire (Partie 1) dont les points importants sont :
« 2. Description des transports
[…]
B) Offre excédentaire
En plus de la proportion de 50 % accordée au courtier, l'entrepreneur convient de lui confier 40 % du transport additionnel. Un escompte de 19 % sur le tarif horaire et/ou 19 % sur les tarifs t/km s'appliqueront sur le transport additionnel, soit 9,5 % sur l'ensemble du transport. »
Ø Il y a lieu de citer les deux paragraphes suivants de cette lettre :
«Tel que stipulé dans la grille d'escompte proportionnel à l'offre excédentaire de Transports Québec, nous vous demandons un escompte de 19 % sur le transport en excédent que nous vous offrons, soit 40 % additionnel. À cet effet, Construction B.M.L., Division de Sintra Inc. ne se réserve que 10 % du transport.
Nous vous demandons de bien vouloir nous retourner copie signée de cette entente ou à défaut, nous faire part de votre refus.»
Ø Le 28 mai, BML transmet une nouvelle version [26] de la Partie 1 en indiquant qu'une erreur s'est glissée lors de la rédaction de l'article 2B qui doit se lire ainsi :
« B) Offre excédentaire
En plus de la proportion accordée au courtier, l'entrepreneur convient de lui confier 40 % du transport additionnel. Un escompte de 10 % sur le tarif horaire et/ou 20 % sur les tarifs t/km s'appliqueront sur le transport additionnel.»
[67] Le poste de courtage ne répond pas à ces deux documents, ne complète pas le formulaire Partie 2, de sorte que BML [27] écrit au surveillant de chantier le 4 juin pour l'aviser de :
«Tel que stipulé à l'article 7.7.1.2 du C.C.D.G. Édition 2003, nous vous confirmons l'absence d'entente de prestation de services entre l'entrepreneur, Construction B.M.L., Division de Sintra Inc. , et le titulaire du permis de courtage, Les Transports en vrac de Kamouraska . Les dispositions par défaut sont donc applicables pour la saison 2007.»
[68] Entre-temps, des avocats sont mandatés de part et d'autre pour transmettre des lettres pour réitérer la position de chacun :
Ø Le 3 mai 2007, Me Pierre Beaudet [28] , du contentieux de l'ANCAI, se référe au document (Partie 1) du 26 mai 2006, à l'application de la clause pénale, à une demande d'intervention auprès du ministère des Transports et il conclut ainsi : « Nous envisageons également d'intenter une injonction au nom des camionneurs qui sont privés de revenus importants par votre décision arbitraire. »
Ø Peu après, Me Yvon Chouinard, pour BML, réitère la position de sa cliente en transmet copie au ministère des Transports entraînant une réplique de la part de Me Beaudet qui demande l'intervention du ministère [29] .
Ø De fait, certaines rencontres impliquant différents intervenants se tiennent et il n'est pas utile d'en traiter ci-après; notons enfin que ni l'ANCAI ni le poste de Kamouraska ne dépose des procédures d'injonction contre BML.
[69] Le poste de courtage affecte des camions tel que requis par BML et les tableaux [30] produits par BML démontrent qu'en cette année 2007, 2091 voyages sont effectués par des membres de l'association et 503 voyages par des camionneurs non membres.
[70] Entre le 2 mai et le 31 mai 2007, alors qu'elle n'a jamais transmis de réclamation similaire en 2006, elle expédie des lettres pour réclamer 69 000 $ en application de la clause pénale pour différents transports effectués à compter du 23 avril 2007, y compris sa lettre [31] du 31 mai où elle réclame 45 600 $ pour 114 jours de transport par Marco Garon - Transport St-Denis lors de la saison 2006.
[71] À compter du 4 juin 2007, Mme Charest, pour le poste de Kamouraska, prépare un état de compte [32] quotidien en application de la clause pénale en fonction des informations reçues de ses membres.
[72] En fonction de cette trame factuelle dont les documents [33] transmis les 30 avril et 28 mai par BML, le Tribunal doit statuer sur le lien de droit existant entre les parties en cette année 2007.
[73] À défaut d'une entente de prestation de services, le CCDG (art. 7.7.1.2) prévoit que l'entrepreneur doit transmettre au surveillant une confirmation écrite de l'absence d'entente et, dans un tel cas, les dispositions par défaut ( une non-entente ) s'appliquent.
[74] De fait, l'entrepreneur a fait parvenir, le 4 juin 2007, une lettre [34] au surveillant de chantier de la firme BPR.
[75] La section (art. 7.7.1.2.1) concernant les dispositions par défaut prévoit que l'entrepreneur doit expédier une offre qui couvre la partie minimale prescrite par le CCDG, à savoir 50 % pour les travaux MTQ et 33 % pour les travaux municipaux.
[76] Comme nous l'avons vu précédemment, l'entrepreneur s'est exécuté les 30 avril et 28 mai [35] .
[77] De plus, l'article 7.7.1.2.2 prévoit :
«L'entrepreneur doit formuler au(x) titulaire(s) une offre pour les transports que lui-même n'effectue pas avec ses propres camions ou, mais l'un sans l'autre, que son sous-traitant n'effectue pas avec les siens. La proportion des transports que l'entrepreneur offre est alors en excédent de 50 %. Pour ces transports, l'entrepreneur est en droit d'exiger du(des) titulaire(s) un rabais nominal qui ne dépasse pas 10 % des tarifs horaires et 20 % de ceux à la t · km.»
[78] De fait, dans le document du 28 mai, il indique que 40 % du transport additionnel sera conféré au poste de courtage ainsi que l'escompte, à savoir 10 % sur le tarif horaire et 20 % sur les tarifs T/KM.
[79] Lors des représentations du procureur de la demanderesse, l'on ne nous a aucunement démontré que le contenu de ce document ne respectait pas les dispositions du CCDG.
[80] À la page suivante, le même article prévoit ce qui suit :
«Au plus cinq jours après réception de ces renseignements fournis par l'entrepreneur, le(s) titulaire(s) de permis de courtage doit (doivent) lui transmettre, de même qu'au surveillant, un avis écrit et signé dans lequel il(s) s'engage(nt) :»
[81] Et à la fin de cette page, il est écrit :
«Les proportions signifiées par l'entrepreneur auxquelles le(s) titulaire(s) de permis de courtage a (ont) souscrit ou les proportions spécifiées par le(s) titulaire(s) de même que le nombre maximum de camions indiqué par ceux-ci sont immuables pour toute la durée des travaux.»
[82] Enfin, à l'article 7.7.1.2.4 :
« Conséquence en cas de non-respect des dispositions à défaut d'une entente de prestation de services :
Le défaut d'un titulaire de permis de courtage de transmettre son engagement dans le délai prévu entraîne l'annulation, pour lui-même et ses abonnés, de toutes les dispositions les favorisant en matière de transport en vrac. La proportion des transports qui lui étaient destinés est alors offerte à un autre titulaires de permis de courtage de la zone ou de la région où s'exécutent les travaux et qui a transmis son engagement à temps. Si tous les titulaires sont en défaut à cet égard, l'entrepreneur n'est alors lié par aucune stipulation pour autrui en faveur de titulaires du permis de courtage.» ( sic ) [36]
[83] De tout ceci, le Tribunal comprend que si l'entrepreneur enclenche le processus d'entente par défaut et que le poste de courtage ne répond pas, l'entrepreneur n'est alors tenu qu'aux quantités minimales prévues dans le CCDG, à savoir 50 % de l'ensemble des transports en ce qui concerne les travaux relevant du MTQ.
[84] Or, ici le poste de Kamouraska a choisi de ne pas répondre, il est donc lié par le processus mis en branle par l'entrepreneur.
[85] Il l'a certes bien compris vu qu'il a fourni des camions tel que requis à tous les jours à compter du 13 avril jusqu'au 12 décembre 2007 [37] .
[86] De toute façon, la partie demanderesse ne peut pas se plaindre parce que BML ne s'est pas réfugiée derrière cette échappatoire pour limiter aux portions minimales de 50 % et 33 1/3 % : 81 % des transports, à savoir 2 191 sur 2 694 ont été effectués par des membres du poste de courtage représentant une valeur de 1 145 813,59 $.
[87] Le Tribunal conclut donc que l'entrepreneur a respecté le processus prévu au CCDG, et ce, pour l'année 2007.
III. Créance du poste de courtage ?
pour 2006
[88] Au dernier jour du procès, à l'étape de la contre-preuve, la demanderesse a déposé le tableau P-19 identifiant les journées pour lesquelles elle réclame l'application de la clause pénale et a réduit sa réclamation à la somme de 94 400 $, à savoir :
Ø Du 31 mai au 27 novembre 2006 : 20 400 $
Ø Du 23 avril au 12 décembre 2007 : 74 000 $
[89] Pour faciliter la compréhension, la défenderesse a produit immédiatement après une nouvelle version [38] de ses tableaux D-3 et D-4 en y insérant en rouge des colonnes pour les journées et les camions visés par la réclamation amendée du poste de courtage.
[90] Concernant 2006, l'on constate :
Ø 13 voyages ont été exécutés par les camions de BML essentiellement à la fin de la saison : 21 octobre, 20 novembre, 22 au 27 novembre.
Ø 89 voyages ont été effectués à différentes dates par des camions de Garon- Transport St-Denis entre les 31 mai et 23 octobre.
Ø Pour 22 voyages de camions, il s'agit de neuf journées où les transports effectués par les membres du poste représentent moins de 85 % de l'ensemble des voyages des journées concernées.
Ø Dans les autres cas, à savoir 80 voyages, les membres de l'association ont exécuté 85 % et plus des transports de la journée concernée, il y a même des journées où il y a une réclamation alors que 90 % des transports sont effectués par des camionneurs artisans.
[91] La demanderesse justifie sa réclamation par les considérations suivantes :
Ø Garon ne détenait qu'un seul camion inscrit au poste de courtage de Kamouraska et il a transporté des matériaux avec ses propres camions étant un commerçant.
Ø La thèse de l'association repose sur son interprétation de la phrase suivante que l'on retrouve à l'article 7.7.1.2.2 du CCDG :
«…Cette proportion s'applique à tous les types de matières, à l'exclusion des matériaux de déblai et des matériaux d'excavation, qui sont transportés au moyen de camions conçus pour circuler exclusivement à l'extérieur des chemins publics.»
(Page 4 de 13, colonne de droite)
Ø Ainsi que sur la clause [39] ajoutée de façon manuscrite à la partie 2 lorsqu'il est écrit : «[…] le courtier comprend qu'il affectera, chaque jour, les six (6) premiers camions sur le chantier avant que l'entrepreneur puisse affecter un (1) premier camion (6/7 = 85 %). »
[92] Pour le Tribunal, cette thèse ne tient pas en ce que :
Ø Il ne voit pas en quoi les pourcentages doivent être calculés sur chacune des matières transportées et non pas sur l'ensemble des transports de la journée.
Ø Le Tribunal note que le membre de phrase « s'applique à tous les types de matériaux » du CCDG précédemment mentionné ne se retrouve qu'au sous-paragraphe, à la page 4/13, qui traite du 50 % obligatoire; cette mention n'a pas été réécrite dans le paragraphe suivant qui traite de l'offre excédentaire, à savoir celle qui concerne les transports non effectués par l'entrepreneur ou son sous-traitant avec leurs propres camions.
Ø Or, pour chacune des journées où il y a une réclamation de la pénalité, il n'y a que le 23 novembre [40] où l'on retrouve un pourcentage inférieur à 67 %.
Ø Le Tribunal a déjà conclu qu'une entente est intervenue lors de la rencontre au bureau de BML à Rivière-du-Loup le 4 mai 2006; il n'y a aucune preuve qu'une modalité de la nature de celle insérée dans le document P-3, paragr. 2, ait fait l'objet d'une entente.
Ø C'est Josée Charest, après avoir consulté Stéphano Bolduc, qui a inséré unilatéralement cette clause en complétant la partie du document réservé au courtier avant de l'envoyer au surveillant de chantier sans s'adresser à l'entrepreneur pour obtenir son consentement à cet ajout.
Ø L'avocat de l'entrepreneur, lors du contre-interrogatoire de Stéphano Bolduc, lui a fait reconnaître que son interprétation signifie que s'il y a huit matières différentes à transporter au cours d'une journée, 58 camionneurs artisans devraient être affectés au chantier avant que l'entrepreneur puisse utiliser son premier camoin.
Ø À titre d'exemple, les réquisitions [41] de l'entrepreneur pour le 16 août 2007 démontrent qu'il avait besoin de 23 camions répartis en neuf endroits différents sur le chantier.
Ø Pour le Tribunal, même si cela constitue un obiter , une telle interprétation conduirait à une situation aberrante du moins en fonction de l'information disponible dans le présent dossier.
Ø Le Tribunal doute que les autorités gouvernementales qui ont mis en place ce système au bénéfice des camionneurs artisans, suite à des manifestations importantes à Québec dans le milieu des années 70, aient envisagé une telle situation qui, pratiquement, a pour effet d'annihiler le droit de gérance de l'entrepreneur.
[93] De plus, il faut se rappeler que la demanderesse se prévaut d'une clause pénale contenue dans un cahier de charges qui fait partie d'un contrat suivant plans et devis suite à un appel d'offres public.
[94] Il est reconnu qu'un tel contrat constitue un contrat d'adhésion [42] au sens du Code civil ce qui implique une interprétation favorable au débiteur [43] .
[95] En ce qui concerne Garon et le fait qu'il a transporté des matériaux avec des camions non enregistrés auprès du poste de courtage, le Tribunal a déjà retenu que l'entrepreneur, en vertu de l'entente intervenue pour 2006, s'engageait à laisser aux artisans 85 % des transports en excédent du 50 % de base.
[96] Le tableau D-12 démontre que dans la forte majorité des journées [44] où la réclamation du poste de courtage concerne un ou deux camions de Garon, le pourcentage de transports effectués par des membres du poste de courtage dépasse 85 %.
[97] Le Tribunal partage l'affirmation de Me Chouinard, avocat de BML, que dans l'application d'une clause pénale, le Tribunal doit considérer l'aspect abusif et le caractère disproportionné.
[98] À cette fin, le Tribunal se réfère à l'arrêt Robitaille de la Cour d'appel [45] où madame la juge Thibault écrit que le tribunal, au cas de violation mineure, peut vérifier si le créancier a subi un préjudice, s'il a administré une preuve à cet effet et s'il n'y a pas lieu, dans de telles circonstances, de constater que son application est abusive.
[99] Ici, s'il y a une infraction, il ne s'agirait que de quelques camions sans que la demanderesse n'ait démontré autrement que par son tableau P-19, la contravention réelle pour une journée précise.
[100] Il en résulterait une réclamation se situant entre 0 et 1 200 $; en se référant aux propos de la juge Thibault dans l'arrêt Robitaille, l'application de la clause doit donc être écartée considérant le caractère mineur et isolé de la contravention, si effectivement une telle contravention a été établie.
[101] En conclusion, il y a lieu de se rappeler qu'en cette année 2006, les membres du poste de courtage ont effectué des transports [46] pour 988 874 $, BML et un sous-traitant pour 54 000 $, ne représentant que 5% de l'ensemble; le but poursuivi par les dispositions du CCDG en fonction de l'entente intervenue en 2006 entre BML et le poste de courtage a été largement atteint.
[102] En ce qui concerne l'année 2007 , compte tenu des conclusions du Tribunal quant à l'application du processus de non-entente lorsque le poste de courtage fait défaut de répondre à la proposition de l'entrepreneur, la demanderesse n'a pas démontré une quelconque contravention justifiant l'application de la clause pénale.
[103] L'entrepreneur devait fournir aux artisans 50 % des transports pour les travaux MTQ et 33 1/3 % pour les travaux municipaux; ils en ont effectué 81 % (2 191 sur 2 694) pour une valeur de 1 145 813,59 $.
Les dépens
[104]
Pour ce qui est des dépens, le Tribunal est d'opinion qu'il y a lieu
d'exercer sa discrétion conformément à l'article
Ø Dans sa première procédure, en 2007, la demanderesse réclame en Cour du Québec la somme de 69 000 $.
Ø En 2009, elle amende sa réclamation pour la hausser à 129 100 $.
Ø La défenderesse n'a jamais communiqué ses propres données quant aux transports effectués à chaque jour, données qu'un entrepreneur de l'importance de BML compile à chaque jour.
Ø Cela a forcé la demanderesse à déposer une documentation volumineuse et à se préparer à présenter une preuve laborieuse en faisant témoigner Mme Charest sur la façon dont elle avait préparé la réclamation en fonction des informations obtenues de ses membres et des réquisitions journalières de BML.
Ø Le soussigné est intervenu dès le jour 1 du procès pour provoquer une rencontre des parties et des avocats de façon à ce que toutes les données soient disponibles pour que le débat porte uniquement sur les journées et les camions impliqués.
Ø Il en a résulté la préparation d'un nouveau tableau (P-19) identifiant les journées réclamées en regard de chaque jour réduisant la réclamation à 94 400 $.
[105] Si la défenderesse avait collaboré au cours de l'instance en révélant ses données, la préparation du procès et sa durée auraient vraisemblablement été raccourcies.
[106] Exerçant sa discrétion, le Tribunal en vient à la conclusion que les dépens seront taxés contre la demanderesse en fonction d'une action de 94 400 $ rejetée après un procès d'une journée et demie.
[107] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[108] REJETTE l'action de la demanderesse avec dépens d'une action de 94 400 $ rejetée après un procès d'une durée d'une journée et demie.
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PIERRE OUELLET, j.c.s. |
M e Jean-Philippe Royer 670, rue Bouvier, suite 235 Québec (Québec) G0L 3J0 Procureur de la demanderesse |
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M e Brigitte Émond M e Yvon Chouinard 3107, avenue des Hôtels Québec (Québec) G1W 4W5 Procureurs de la défenderesse
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Dates d'audience : 11 au 13 mai 2011
* Le Tribunal n'utilisera pas le suffixe «monsieur ou madame» ou le prénom lorsqu'il sera fait référence aux principaux témoins dans le seul but d'alléger le texte et non par manque de courtoisie ou faire preuve de familiarité envers eux.
[1] CCDG édition 2003, section 7.7 : transport par camions.
[2] Pièce P-22 : clauses administratives générales, section 7, article 7.3 et clauses administratives particulières, section 40, articles 40.1 et 40.2.
[3] Pièce P-11 : Recueil des tarifs de camionnage en vrac, janvier 2006.
[4] Pièce P-2.
[5] Pièce P-3.
[6] Pièce D-4.
[7] Pièce P-20, lettre du 28 novembre 2006.
[8] Pièce D-8, 5 avril 2007.
[9] Pièce P-4.
[10] Pièce D-4.
[11] Pièce P-18.
[12] Pièce P-16.
[13] Pièce P-7.
[14] Pièce P-8.
[15] Pièce P-7, dernière page.
[16] Voir procès-verbal, le 11 mai 2011 à 14 h 43.
[17] Voir les paragraphes 10 et 11 ci-haut.
[18] Pièce P-1.
[19] Pièce P-2, transmise par BML le 26 mai 2006.
[20] Pièce P-3.
[21] Pièce P-11.
[22] Pièce P-20; cette lettre a été précédée par celle du 28 septembre qui, sur un ton cordial, contient une brève allusion à la présence de camions de Transport St-Denis non inscrits, (voir P-23).
[23] Pièce P-4.
[24] Pièce D-5.
[25] Pièce D-9.
[26] Pièce D-10.
[27] Pièce D-6, lettre à Claude Jobin, BPR Groupe conseil, avec copie à Mme Josée Charest.
[28] Pièce P-15.
[29] Pièce P-21, 17 mai 2007, Y. Chouinard à P. Beaudet; 31 mai 2007: P. Beaudet à Y. Blouin du MTQ.
[30] Pièce D-4.
[31] Pièce P-7, dernière page.
[32] Pièces P-7 et P-8.
[33] Pièces D-9 et D-10.
[34] Pièce D-6.
[35] Paragraphe 66 ci-haut.
[36] Aucune preuve n'a été administrée à l'effet qu'un autre titulaire de permis de la zone ou de la région a transmis un engagement.
[37] Pièce D-4, tableaux pour 2007.
[38] Pièce D-12.
[39] Pièce P-3, paragraphe 2.
[40] Ce jour-là : deux camions de BML ont œuvré et un de l'association. Les autres journées où le pourcentage est inférieur à 85 % : les artisans ont effectué les transports dans une proportion de 67 à 84 %.
[41] Pièce P-16.
[42]
Régie d'assainissement des eaux du bassin de La Prairie
c.
Janin
Construction (1983) Ltée et al
[43]
Articles
[44] Il n'y a que six journées où les pourcentages sont inférieurs à 85 %, variant de 76 % à 83 %.
[45]
Robitaille
c.
Gestion L. Jalbert inc.
,
[46] Pièce D-4.