TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

n o de dépôt :

2011-9731

 

Date :

19 octobre 2011

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DEVANT L’ARBITRE :

ME DENIS GAGNON

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Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des Alcools du Québec (CSN)

« le syndicat »

Et

Société des Alcools du Québec (SAQ)

« l’employeur »

 

 

Plaignants : Sandra Méthot, Patrick Buggie et Marc Duval

 

 

Griefs :

n o QM 2009-11-0752, 0753 et 0754

 

Nature du litige : suspension et congédiement

 

 

Procureur du syndicat : Me Jean Laroche

Procureur de l’employeur : Me Annie Brunelle

 

 

Dates d’audience : 14 jours entre le 17-11-09 et le 31-05-11

 

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SENTENCE ARBITRALE

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PRÉLIMINAIRES

[1]             J’ai été saisi de 3 griefs (S2, S4 et S6). Le 23 octobre 2009, l’employeur imposait à Sandra Méthot une suspension de 6 mois (S3) et congédiait Patrick Buggie (S5) et Marc Duval (S7). Les parties ont réglé à l’amiable le grief de Marc Duval.

[2]            Jimmy Gaudreault est nommé directeur de la succursale de Charny en juillet 2008. Le lundi 10 novembre 2008, Sandra Méthot et Patrick Buggie y entrent en fonction comme salariés réguliers à temps complet. À la suite d’une série d’événements, Jimmy Gaudreault se prévaut de la politique de prévention en matière de harcèlement et de violence au travail (E1), et dépose des plaintes de harcèlement psychologique contre Sandra Méthot et Patrick Buggie. Pascal Pandolfo, une salariée à temps partiel, dépose aussi des plaintes contre Patrick Buggie et Sandra Méthot.

[3]            Le 18 février 2009, l’employeur donne un mandat à un enquêteur externe concernant ces plaintes (E31). L’enquêteur a conclu le 4 juin 2009 que les plaintes de Jimmy Gaudreault étaient bien fondées (E32) et que celle de Pascale Pandolfo à l’endroit de Patrick Buggie est bien fondée, mais pas celle à l’endroit de Sandra Méthot (E35). Le 23 octobre 2009, Martin Cloutier, directeur du secteur Chaudière-Appalaches et Québec, impose les mesures disciplinaires (S3 et S5).

[4]            Dans le cas de Sandra Méthot, la lettre de suspension (S3) énonce le motif de la façon suivante :

Ainsi, les conclusions de l’enquête nous indiquent que cette plainte de harcèlement psychologique déposée par le plaignant à votre endroit est fondée. En effet, les allégations émises par le plaignant sont supportées par la preuve et démontrent qu’à plusieurs reprises, vous avez eu une conduite vexatoire envers ledit plaignant par des comportements, des paroles, des actes et des gestes répétés, hostiles et non désirés, qui ont porté atteinte à sa dignité et à son intégrité psychologique et physique et qui ont entraîné un milieu de travail néfaste.

[5]            Et dans le cas du congédiement (S5) de Patrick Buggie :

 Ainsi, les conclusions de l’enquête nous indiquent que ces 2 plaintes de harcèlement psychologique déposées par les plaignants à votre endroit sont fondées. En effet, les allégations émises par les plaignants sont supportées par la preuve et démontrent que vous avez eu, à leur endroit, une conduite vexatoire et ce, de façon répétée. Plus particulièrement, vous avez tenu, à plusieurs reprises, des propos irrespectueux et déplacés, en plus de tenter sciemment de discréditer et de nuire à la réputation de monsieur Gaudreault qui occupait, au moment des faits, le poste de directeur à la succursale Charny. En somme, cette enquête nous a démontré qu’à plusieurs reprises, vous avez eu une conduite vexatoire envers lesdits plaignants par des comportements, des paroles, des actes et des gestes répétés, hostiles et non désirés, qui ont porté atteinte à la dignité et à l’intégrité psychologique et physique desdits plaignants et qui ont entraîné un milieu de travail néfaste.

RÉSUMÉ DE LA PREUVE

La succursale de Charny (E37)

[6]            Francine Robitaille est directrice du service conseil qui voit notamment à implanter les meilleures pratiques. Pour en assurer la pérennité, on a un processus de certification. La succursale de Charny n’avait pas encore la certification. Jimmy Gaudreault l’a appelée pour inscrire la succursale.

[7]            Martin Cloutier est directeur de secteur pour la région Chaudière-Appalaches et Québec. Il supervise environ 23 succursales dont celle de Charny. Il s’agit d’une succursale qui emploie trois employés réguliers à temps plein et une dizaine d’employés à temps partiel qui font des heures de travail dans les 5 succursales de la région immédiate : Lévis, Lauzon, St-Romuald, St-Jean-Chrysostome et Charny.

L’arrivée de Jimmy Gaudreault à titre de directeur

[8]            Jimmy Gaudreault a été embauché à la SAQ en 2000, d’abord comme occasionnel. Il a occupé divers emplois dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean. Il a agi comme directeur remplaçant. Il entreprend le programme de relève des directeurs de succursale en 2008. Le programme doit durer 18 mois.

[9]            Martin Cloutier connaissait Jimmy Gaudreault. Il l’avait nommé à la succursale de Chicoutimi comme directeur remplaçant, avant qu’il ne commence le programme de relève.

[10]         Lorsqu’il arrive à la succursale de Charny en juillet 2008, Jimmy Gaudreault avait complété 7 mois du programme de la relève. Il visite la succursale avec Martin Cloutier. Marc Duval occupe alors un poste d’employé régulier. Les deux autres postes réguliers sont vacants.

[11]         Il le présente aux employés. Après la rencontre, Marc Duval lui dit qu’il s’était informé sur Jimmy Gaudreault et qu’il ne durerait pas plus de 2 mois s’il agissait comme il a agi dans sa succursale précédente. Surpris, il précise à Marc Duval le mandat qu’il a donné à Jimmy Gaudreault : bien appliquer la convention collective et être équitable à l’égard de tous les employés. Il demande à Marc Duval de collaborer avec lui. Marc Duval s’absentera à compter du 1 er octobre pour subir une opération à l’épaule.

[12]         Jimmy Gaudreault a reçu une formation de 3 semaines qui porte notamment sur la gestion des ressources humaines et l’application de la convention collective. Un autre bloc traite de la façon d’aborder la convention collective durant la période des Fêtes au cours de laquelle la cadence est accélérée. On fait 25% du chiffre d’affaires annuel en un mois.

[13]         En contre-interrogatoire, Martin Cloutier dit que Jimmy Gaudreault lui a fait part que deux personnes imposantes, des motards, étaient assises dans son bureau. Ils lui ont dit : «C’est toi Jimmy Gaudreault, on est content de te rencontrer, Marc nous a beaucoup parlé de toi» . Il lui a expliqué qu’ils étaient des connaissances de Marc Duval venus faires des achats. Martin Cloutier dit avoir trouvé cela préoccupant, mais comme il n’y pas eu de récidive, il n’a posé aucun geste. Pour lui, c’est un événement survenu en succursale, qu’il n’a imputé à personne.

Patrick Buggie

[14]         Patrick Buggie travaille à la SAQ depuis 1993. Il demeure à Charny. Il a travaillé sur la rue Cartier pendant 5 ans. Le 28 novembre 2006, il a déposé un grief (S15) alléguant du harcèlement psychologique de la part de collègues. Il apprendra le 9 janvier 2009 qu’un des collègues s’est vu imposer une suspension de 3 jours. Il a d’abord été transféré à St-Romuald avant d’obtenir le poste à Charny. 

Sandra Méthot

[15]         Sandra Méthot travaille à la SAQ depuis 1996. Elle demeure à St-Nicolas. Elle a travaillé dans différentes succursales, tant sur la rive nord que sur la rive sud, avant d’entrée en fonction à Charny. C’était un cadeau pour elle d’avoir ce poste. Elle était enthousiaste.

L’enquête

[16]         Avant d’aller plus loin dans le résumé des faits, je traiterai dès maintenant de l’enquête faite à la demande de l’employeur et du témoignage de l’enquêteur.

[17]         L’employeur a donné un mandat d’enquête à Mario Lajoie (E30), un enquêteur externe (E29). Celui-ci a témoigné pour expliquer son mandat (E31), la façon dont il a procédé à son enquête (E36) et les conclusions auxquelles il est arrivé.

[18]         En conférence préparatoire, j’ai informé les parties du fait que l’arbitre des griefs n’était pas lié par les conclusions de l’enquêteur et que l’employeur devait faire la preuve des faits qu’il invoque au soutien des mesures disciplinaires.

[19]         Cela dit, l’enquêteur a rencontré les personnes impliquées. Il les a interrogées. Il a recueilli et rédigé leur version et il leur en a fait reconnaître la rectitude. Le témoignage de l’enquêteur permet de conclure qu’il a fait un travail rigoureux de cueillette des faits rapportés par les témoins qu’il a rencontrés. Ainsi, il faut conclure que les documents qu’il a déposés rapportent fidèlement les versions qu’il a recueillies.

[20]         Pour décider des griefs, il faut cependant tenir compte des témoignages de ces personnes entendues en audition, ainsi que des précisions ou des nuances qu’elles apportent. J’indique aussi que je ne tiens pas compte des propos rapportés par l’enquêteur qui ont été tenus par des personnes qui n’ont pas témoigné.

[21]         Pour ne pas alourdir inutilement le résumé des faits, je ne reprendrai pas en détails tous les faits rapportés dans les documents préparés par l’enquêteur, qui sont par ailleurs tenus pour rapporter fidèlement les propos des personnes impliquées, à moins d’indication contraire lors des témoignages des personnes entendues.

[22]         L’enquêteur a produit les documents suivants : 

·          Exposé sommaire des allégations de Jimmy Gaudreault à l’endroit de Patrick Buggie (E3)

·          Exposé sommaire des allégations de Jimmy Gaudreault à l’endroit de Sandra Méthot (E25)

·          Exposé sommaire des allégations de Pascale Pandolfo à l’endroit de Patrick Buggie (E7)

·          Exposé sommaire des allégations de Sandra Méthot à l’endroit de Jimmy Gaudreault (E60)

·          Compte-rendu de la rencontre du 1 er avril 2009 avec Martin Cloutier (E47)

·          Compte-rendu de la rencontre du 2 avril 2009 avec Laurie-Maude Poulin (E46)

·          Compte-rendu de la rencontre du 3 avril 2009 avec Sébastien Villeneuve (E41)

·          Compte-rendu de la rencontre du 3 avril 2009 avec Karyne Fecteau (E45)

·          Compte-rendu de la rencontre du 8 avril avec Yannick Breton (E44)

·          Compte-rendu de l’entretien téléphonique du 15 avril avec Claude Bruyère et Mélanie Coutu (E42)

·          Compte-rendu de la rencontre du 20 avril 2009 avec Patrick Buggie (E8)

·          Compte-rendu de la rencontre du 24 avril 200 avec Sandra Méthot (E27)

·          Compte-rendu de l’entrevue téléphonique du 5 mai avec Sylvain Rochon (E56)

·          Rapport d’enquête concernant la plainte de Jimmy Gaudreault (E32) et aide-mémoire (E33)

·          Rapport d’enquête concernant la plainte de Sandra Méthot (E34)

·          Rapport d’enquête concernant la plainte de Pascale Pandolfo (E35)

[23]         Les trois rapports d’enquête ont été signés par l’enquêteur le 4 juin 2009.

[24]         L’enquêteur faisait approuver et signer par les personnes qu’il rencontrait leur version. Tous les documents déposés sont signés par les personnes interrogées à l’exception du compte-rendu de la rencontre du 20 avril que Patrick Buggie n’a pas signé.

[25]         Dans son cas, l’enquêteur lui a fait parvenir le compte-rendu le 27 avril (E10). Le 5 mai, Patrick Buggie lui demande du temps pour compléter son témoignage (E9). Le 17 mai, il lui écrit qu’il a 75% du travail fait et qu’il lui enverra sa version finale la fin de semaine suivante (E10 et E11). Par la suite, il envoie des documents à l’enquêteur le 25 mai (E12), le 26 mai (E13), le 2 juin (E14), le 4 juin (E15 et E16), le 8 juin (E17), le 9 juin (E18), le 15 juin (E19) et le 18 juin (E20). Patrick Buggie envoie sa version finale le 22 juin (E21).

[26]         L’enquêteur explique que sa rencontre du 20 avril avec Patrick Buggie s’est bien déroulée. Patrick Buggie a enregistré la rencontre. Au  moment de produire son rapport le 4 juin, l’enquêteur n’avait pas la version finale de Patrick Buggie qu’il a reçue le 22 juin (E21). Il a donc travaillé avec la version qu’il avait lui-même produite (E8).

[27]         Patrick Buggie précise qu’il n’a pas refusé de signer la déclaration (E8). L’enquêteur l’avait invité à faire des corrections. Il a eu un problème de procrastination à se retremper là-dedans. Il dit avoir rencontré l’enquêteur durant 5 heures et que ce n’était pas sa meilleure journée. Il a apporté plusieurs ajouts (E21) à sa déclaration (E8).

[28]         Il explique qu’il ne s’agit pas d’une version finale, mais plutôt d’une version qui rassemble des brouillons pour compléter le document de l’enquêteur (E8) parce qu’il n’était pas prêt lorsqu’il l’a rencontré le 20 avril. Il avait reçu les allégations de Jimmy Gaudreault (E3) le 27 mars. L’enquêteur lui a remis l’allégation de Pascale Pandolfo (E7) lorsqu’il l’a rencontré. 

La plainte de Pascale Pandolfo

[29]         Pascale Pandolfo a fait une plainte qui a fait l’objet d’un rapport de l’enquêteur (E35). Elle n’a pas témoigné durant le présent arbitrage. Jimmy Gaudreault témoigne que Patrick Buggie répétait que Pascale Pandolfo lui volait sa job, qu’elle était incompétente et qu’elle lui jouait dans le dos. Il refusait d’avoir de l’aide sauf de Sandra Méthot. Il surveillait ce que Pascale Pandolfo faisait et il venait s’en plaindre dans le bureau, demandant si c’était normal qu’elle fasse telle ou telle tâche. Il ne l’a pas entendu dire qu’il l’appréciait et il l’a dénigrée à plusieurs reprises. Pascale Pandolfo venait souvent le voir. Elle se mettait à pleurer la plupart du temps lui disant se sentir diminuée. Elle lui a demandé les documents concernant la politique de prévention (E1), mais il ne l’a pas incitée à déposer une plainte.

L’arrivée de Sandra Méthot et Patrick Buggie le 10 novembre 2008

[30]         Jimmy Gaudreault a fait afficher les deux postes vacants que Sandra Méthot et Patrick Buggie ont obtenus pour une entrée en fonction le 10 novembre 2008. La semaine précédente, il les rencontre à tour de rôle. Les rencontres sont positives. Il les prévient qu’il sera absent le lundi à leur arrivée. Son horaire comme directeur de succursale est du mardi au samedi.

[31]         Sandra Méthot lui mentionne qu’elle voulait repartir à neuf parce que son passé n’a pas été reluisant. Elle le met en garde contre Patrick Buggie parce qu’il est colérique et explosif. Ils parlent de la première journée de travail et il lui remet les clés et le code d’accès.

[32]         Sandra Méthot ne connaissait pas Jimmy Gaudreault ni Martin Cloutier. Lorsqu’elle les rencontre la semaine avant son entrée en fonction, elle leur dit qu’elle est contente. Jimmy Gaudreault lui offre d’être coordonatrice des opérations en succursale (COS), en l’absence de Marc Duval, ce qu’elle accepte comme étant un beau défi.

[33]         Le COS assiste le directeur dans des tâches administratives et il a la responsabilité de la succursale en son absence. Elle l’a déjà été à la journée de façon occasionnelle, mais c’était la première fois qu’elle était COS régulière. Réjean Laflamme lui a donné un coup de main et elle posait des questions à Marc Duval quand il passait.

[34]         Réjean Laflamme est COS au Lac Beauport. Il connaît Sandra Méthot depuis longtemps. Elle l’a consulté sur ses tâches à plusieurs reprises, notamment pour faire la réquisition, un travail assez complexe pour lequel il fallait être formé et que personne ne lui avait montré.

[35]         Jimmy Gaudreault rencontre aussi Patrick Buggie. Il fait le tour de la succursale avec lui. Il l’informe de son absence le lundi suivant. Il lui donne les instructions pour la première journée.

[36]         Patrick Buggie agit comme caissier-vendeur, ce qui consiste à faire les tâches courantes sur le plancher. Il aurait pu être COS en raison de son ancienneté, mais il a préféré laisser la place à Sandra Méthot. Il affirme avoir mis au clair avec Jimmy Gaudreault qu’il ne voulait pas prendre de responsabilités. Le temps des Fêtes approche et il ne se sent pas capable de s’embarquer. Il continuait des consultations avec son médecin. Il consultait un psychologue. Il avait une médication. Il a subi des prélèvements de la peau pour vérifier la présence de tissu tumoral en octobre et décembre 2008 (S16 et S17). Il est content d’être à Charny, il peut se rendre travailler à pied. Il n’avait jamais entendu parler de Jimmy Gaudreault et il ne connaissait pas Marc Duval.

[37]         À son arrivée le 10 novembre, Pascale Pandolfo ne l’a pas salué, ce qui, dit-il, commence mal. Il n’a pas eu d’accueil, il ne savait pas quoi faire, comment fonctionnait la succursale. Durant les premières semaines, toutefois, ça va très bien, il n’y a pas d’animosité.

[38]         Sandra Méthot dit avoir fait un peu de ménage. Patrick Buggie s’est occupé de la caisse. Elle est partie à 17h30 et Patrick Buggie a fermé la succursale. Durant les 2 premières semaines, ça va assez bien. Le comportement de Jimmy Gaudreault a changé au fil du temps. Vers la mi-décembre, son comportement l’intimidait. Elle est souvent dans le bureau avec lui et il fait du bruit et brasse des feuilles.

[39]         Elle dit à Jimmy Gaudreault qu’elle a besoin de formation, parce qu’elle veut bien faire et qu’elle apprend vite. Il lui dit qu’il va le faire, mais plus tard. Il explique que son assignation comme COS était temporaire jusqu’au retour de Marc Duval.

[40]         Avant leur arrivée, Pascale Pandolfo agissait comme COS le plus souvent. Ces heures de travail durant la période concernée apparaissent au document E50. L’arrivée des temps complets peut enlever du travail aux temps partiel bien que ceux-ci peuvent aller travailler dans d’autres succursales.

Droits acquis concernant le lavage du plancher

[41]         Jimmy Gaudreault affirme que Sandra Méthot et Patrick Buggie lui ont dit que Marc Duval les a rencontrés le lundi 10 novembre. Le 12 novembre, Marc Duval vient à la succursale et il leur parle de faire un grief concernant les droits acquis pour le lavage du plancher. Jimmy Gaudreault leur explique que le droit acquis n’est pas transférable et qu’en l’absence de Marc Duval, il peut faire laver le plancher par le sous-traitant qui fait le ménage.

[42]         Le 2 décembre, Sandra Méthot et Patrick Buggie entrent dans le bureau, ferment la porte et se plaignent concernant le lavage du plancher. Selon Jimmy Gaudreault, Sandra Méthot aussi a souvent discuté du lavage de plancher, même si c’est Patrick Buggie qui l’aurait fait.

[43]         Sandra Méthot dit qu’il s’agit d’un droit acquis en voie d’extinction qu’ont peu de personnes. Elle ne sait pas exactement de quoi il s’agit et elle voulait comprendre. Jimmy Gaudreault leur disait qu’il n’était pas transférable. Elle ne s’y est pas trop attardée parce que Patrick Buggie avait plus d’ancienneté.

[44]         Réjean Laflamme dit que Sandra Méthot l’a consulté au sujet des droits acquis. Lui-même a un droit acquis sur le plancher. Lorsqu’il s’absente c’est une collègue qui le fait, et il n’est pas question qu’un privé vienne le faire. Il a expliqué à Sandra Méthot que ça lui revenait et qu’elle devait appeler le syndicat.

[45]         Patrick Buggie affirme que Marc Duval leur a dit qu’il avait un droit acquis et que l’usage voulait que ce soit fait par un autre en son absence. Il sait que le droit acquis n’est pas transférable. Il en a parlé à Jimmy Gaudreault qui n’a pas accepté. L’idée de faire un grief a suivi son chemin. Quant à lui cependant, ça s’est passé plus tard que le 12 novembre. Il a discuté avec Marc Duval du plancher vers le 19 novembre et il a été question de faire un grief. Il a abordé la question avec Martin Cloutier le 28 novembre.

[46]         Martin Cloutier explique que Jimmy Gaudreault lui a parlé que Marc Duval prétendait que c’est lui-même qui aurait dû choisir qui devait faire l’entretien. Après vérification, il a dit à Jimmy Gaudreault que le droit acquis n’était pas transférable. Celui-ci a décidé de confier le lavage à une firme externe et il a expliqué sa décision aux employés qui sont revenus là-dessus quotidiennement.  

La priorité de Sandra Méthot sur les salariés à temps partiel

[47]         Le 13 novembre, Sandra Méthot entre dans le bureau en bourassant et elle tient des propos agressifs contre les salariés temps partiel. Patrick Buggie soutenait ses propos. Jimmy Gaudreault dit qu’il trouvait ordinaire de se faire parler comme cela dès la première semaine. Il en parlera à Martin Cloutier le 28 novembre.

[48]         Sandra Méthot dit qu’elle n’a pas tenu de tels propos le 13 novembre parce que tout allait bien à cette époque-là.

[49]         Patrick Buggie dit que les salariés à temps partiel ont des avantages lorsqu’ils sont là depuis longtemps, mais que les réguliers ont préséance sur eux. Il ne prétend pas que Pascale Pandolfo a eu des faveurs. 

Le travail dans l’entrepôt

[50]         Patrick Buggie s’occupe de placer le stock dans l’entrepôt. Jimmy Gaudreault dit qu’il fallait toujours faire remettre l’entrepôt à l’endroit. Patrick Buggie s’impatiente quand il demande à d’autres de faire du travail dans l’entrepôt. Il refusait l’aide des employés à temps partiel.

Rencontre de Martin Cloutier et Jimmy Gaudreault le 24 novembre

[51]         Martin Cloutier dit avoir échangé pour la première fois avec Jimmy Gaudreault le 24 novembre lors d’une visite de routine à la succursale. Celui-ci lui fait part que Patrick Buggie lui reprochait de ne pas les avoir accueilli le 10 novembre et qu’ils étalaient des documents de gestion concernant les heures supplémentaires durant leur pause.

Rencontre de Sandra Méthot avec Martin Cloutier le 28 novembre

[52]         Martin Cloutier se rend à la succursale le 28 novembre. Il rencontre d’abord Jimmy Gaudreault (E49). Ils reviennent sur les événements depuis l’arrivée des deux réguliers. Il dit à Jimmy Gaudreault de prendre le leadership de son agenda pour éviter que les réguliers le questionnent à tout moment sur les mêmes sujets.

[53]         Sandra Méthot dit qu’elle avait pris des notes des sujets dont elle voulait lui parler (E59), et elle les avait dans ses mains. Il y a des tâches qu’elle n’est pas capable de faire et sa formation est retardée. La période des Fêtes arrive et on n’est pas capable de faire le travail, on n’est pas prêt aux affaires. Martin Cloutier lui a dit d’en reparler à Jimmy Gaudreault. Elle lui dit lui en avoir déjà parlé. Quand Martin Cloutier est parti, Jimmy Gaudreault est venu la voir, lui a serré la main fort avec des yeux mesquins et l’attitude de celui-ci a changé par la suite.

[54]         Martin Cloutier dit que Sandra Méthot lui a remis des notes (E48) concernant les points dont elle voulait lui faire part. Il ne sait pas si c’est elle qui les a écrites, mais elle les lui a remises. Il a regardé le document avec elle. Sandra Méthot lui a dit qu’elle voulait que la succursale marche bien, que ça fait longtemps qu’elle veut venir à Charny et qu’elle veut améliorer son image. Elle est très impulsive. Il lui fait une mise en garde à l’effet que tout peut être dit, mais que ça dépend comment elle le dit.

[55]         Sandra Méthot dit n’avoir jamais vu les notes (E48). Ce n’est pas son écriture et elle n’a rien remis à Martin Cloutier. Celui-ci lui a dit de toujours se référer au gestionnaire et elle lui a répondu que c’est ce qu’elle faisait. Elle lui dit qu’on est mal organisé et jamais prêt aux affaires, et ce, dans un but constructif, pour trouver des solutions.

2 décembre 2008 : plainte de Patrick Buggie concernant la charge de travail

[56]         Jimmy Gaudreault dit avoir trouvé intimidant que Sandra Méthot et Patrick Buggie ferment la porte du bureau et que Patrick Buggie crie après lui. Sandra Méthot n’a pas crié, mais elle supportait les propos de Patrick Buggie. En plus de parler du lavage du plancher, Patrick Buggie s’est plaint de la charge de travail. Il dit que, si ça continue, ils devront ralentir et même «se pogner le cul» et «arrêter d’avoir la brou dans le toupet».

[57]         Patrick Buggie nie avoir parlé de «la brou dans le toupet». Il a utilisé l’expression «se pogner le cul», mais dans le contexte des heures supplémentaires. C’est le plus gros avantage des réguliers d’avoir la priorité des heures supplémentaires durant le temps des Fêtes. On sentait que Jimmy Gaudreault allait en donner très peu et c’est certain que ça allait créer du mécontentement. Il reconnaît avoir dit : «si on n’est pas capable de suivre, il va falloir ralentir». Il ne s’agit pas de ralentir volontairement, dit-il, mais à cause de ses limites. Il est trop fier pour ralentir.

[58]         Sandra Méthot nie avoir dit «la brou dans le toupet» et n’a pas entendu Patrick Buggie tenir de tels propos. On était inquiet de voir arriver le temps des Fêtes, on était fatigué. Aussi, elle est toujours sans réponse au sujet de ses demandes pour avoir des rafraîchissements sur des méthodes de travail. Elle n’a pas dit que la SAQ préfère avoir des griefs et elle est plutôt d’avis que l’employeur cherche à ne pas avoir de problème et à régler les griefs.

Les heures supplémentaires

[59]         Jimmy Gaudreault affirme que Sandra Méthot et Patrick Buggie se plaignaient régulièrement de ne pas faire beaucoup d’heures supplémentaires. Il affirme qu’il ne les a pas réduites par rapport à l’année précédente. Durant la première semaine de décembre, Patrick Buggie a appelé Martin Cloutier pour se plaindre de l’horaire des heures supplémentaires. Il a rassuré Martin Cloutier lui disant qu’il ferait le point avec les employés, ce qu’il a fait le lendemain. Il a apporté quelques ajustements pour corriger des erreurs. Ils étaient déçus qu’il n’ajoute pas plus d’heures.

[60]         Martin Cloutier explique que Patrick Buggie lui a parlé au téléphone le 2 décembre. Il lui dit qu’il n’y avait pas assez d’heures supplémentaires comparativement aux heures des années précédentes. Il disait que Jimmy Gaudreault met des heures supplémentaires quand lui travaille. Il explique à Patrick Buggie que ça ne fonctionne pas comme ça et que l’horaire est fait en fonction de l’évaluation des besoins. Patrick Buggie met en doute la capacité de Jimmy Gaudreault de faire des horaires de travail. Il lui dit aussi qu’il n’avait jamais vu un gestionnaire si longtemps en groupe de travail de consultation (GTC). Martin Cloutier lui demande de faire attention à ses propos et lui dit qu’il porte des jugements trop hâtifs. Comme Jimmy Gaudreault participait à un GTC à son bureau, il le rencontre et lui demande s’il est certain d’avoir bien évalué les besoins en fonction des prévisions des ventes. Jimmy Gaudreault l’a rappelé pour lui dire qu’il a fait un ajustement de 4 heures à la hausse.

[61]         Martin Cloutier explique qu’il y a effectivement plus d’heures supplémentaires durant le temps des Fêtes et qu’on a regardé comment minimiser l’impact des heures supplémentaires. Il y a eu une diminution des heures dans l’ensemble des succursales de son secteur. Il n’a pas donné de mandats spécifiques à Jimmy Gaudreault à ce sujet.

[62]         Patrick Buggie a parlé à Martin Cloutier le 2 décembre. Il lui a dit qu’il manquait beaucoup d’heures supplémentaires par rapport à l’année précédente. Il reconnaît que le GTC c’est important, mais il faudrait que le directeur soit plus présent en succursale. Martin Cloutier lui a dit qu’il portait des jugements hâtifs. À l’approche des Fêtes, Sandra Méthot et lui avaient de l’anxiété. On avait un scénario de seulement 5 heures supplémentaires pour la semaine du 6 au 13 décembre. Il en a parlé à Jimmy Gaudreault qui a corrigé la situation.

Les appels téléphoniques avec le syndicat

[63]         Jimmy Gaudreault affirme que Patrick Buggie et Sandra Méthot ont reçu et fait de nombreux appels téléphoniques à des représentants du syndicat. Ils parlent de griefs, de convention collective. Le syndicat dépose les relevés d’appels entrants à la succursale de Charny (S21) entre le 27 novembre 2008 et le 20 janvier 2009 montrant 25 appels pour un total de 170 minutes.

[64]         Simon-Mathieu Malenfant est vice-président du syndicat. Il commence à recevoir des appels de Sandra Méthot fin novembre début décembre. Elle lui rapporte un problème dans l’évaluation des besoins et le fait que Jimmy Gaudreault ne respecte pas le rôle du COS dans les tâches de la zone commune. Elle lui dit avoir l’impression que le directeur les met de côté, ce qui cause un problème de climat de travail. Elle lui rapporte que le climat devient de plus en plus tendu et que Jimmy Gaudreault ne répond jamais à ses revendications. Il est de plus en plus sur ses talons et intimidant. Elle lui dit devoir raccrocher parce qu’il est sur le bord du mur et l’écoute.

[65]         Il a appelé Martin Cloutier pour lui dire que Sandra Méthot disait être l’objet d’intimidation. Celui-ci lui répond qu’il a un problème avec les employés. La discussion ne se termine pas trop bien et il dit à Martin Cloutier que le syndicat va faire son enquête. Plus tard, il est intervenu auprès des ressources humaines et il a reçu moins d’appel provenant de la succursale.

[66]         Patrick Buggie dit qu’il n’est pas quelqu’un qui appelle beaucoup au syndicat. Il l’a fait un peu plus à l’approche des Fêtes. Aussi, il a eu des communications avec le syndicat, après avoir été convoqué à une rencontre pour le début janvier concernant la plainte de harcèlement psychologique qu’il avait déposée dans le passé.

[67]         Sandra Méthot dit ne pas se souvenir d’avoir eu plusieurs appels avec le syndicat. À partir du 12 décembre, elle commence à appeler Simon-Mathieu Malenfant parce qu’elle dit avoir peur des gestes et paroles de Jimmy Gaudreault.

[68]         Martin Cloutier dit que les appels au syndicat sont permis même sur le temps de travail au besoin. Mais dans le présent cas, il a demandé à Jimmy Gaudreault d’intervenir s’il trouvait cela abusif. Celui-ci lui disait que ces communications étaient anormales.

Courriels de félicitations

[69]         Le 10 décembre, Louis Fortin , représentant chez Gallo écrit un courriel à Martin Cloutier soulignant la superbe collaboration qu’il a eu de toute l’équipe de Charny (S9 et S11). Il avait acheté des étalages et amenait des gens de Gallo. Il dit avoir préparé le courriel qui n’est pas un copier-coller. C’est une habitude chez Gallo. Il n’a pas eu de pression pour le faire, il n’aurait pas embarqué là-dedans. Le magasin était très beau. Ils avaient bien fait leur travail.

[70]         Jimmy Gaudreault dit que Sandra Méthot et Patrick Buggie ont fait un très beau travail là-dessus.

[71]         Martin Cloutier dit qu’il est rare que les fournisseurs envoient des félicitations. Il avait reçu des félicitations à transmettre à l’équipe le 8 décembre de la part de Carole Gagné de Vincor (S10). Il l’a transmis aux membres de l’équipe. À cette période, le magasin était beau.

11 décembre : Propos concernant le dépôt de nombreux griefs

[72]         En arrivant derrière le demi-mur de la salle à manger (E37), Jimmy Gaudreault entend Patrick Buggie dire à Sandra Méthot : «avec tous les griefs qu’il va y avoir la semaine prochaine, il va en prendre plein les dents, plein la gueule. Il va tellement être dans la marde qu’il ne sera plus capable. Il va craquer. Il mérite juste ça.» Il a entendu Sandra Méthot acquiescer au propos de Patrick Buggie. Il est retourné dans son bureau. Il dit avoir été assommé. Il avait un serrement au cœur, son corps ne répondait plus. Il appelle Sébastien Villeneuve, son collègue de St-Romuald, et il le rencontre au restaurant.

[73]         Sébastien Villeneuve connaît bien Jimmy Gaudreault, ils sont des amis. Jimmy Gaudreault n’est pas un braillard et ne se plaint pas pour rien. Jimmy Gaudreault l’a appelé. Il n’est pas en forme, sa voix n’est pas bonne. Au restaurant, il lui relate les propos de Patrick Buggie. Il est très affecté.

[74]         Patrick Buggie affirme qu’il n’a clairement aucun souvenir d’avoir dit cela et qu’il était éberlué quand il l’a lu. Sandra Méthot dit n’avoir jamais entendu Patrick Buggie tenir ces propos et ça l’étonnerait qu’il les ait tenus parce qu’il n’a pas un langage aussi vulgaire à sa connaissance.

[75]         À son retour du dîner, Denis Desrochers, son parrain de la relève, appelle Jimmy Gaudreault et lui demande où il était. Sandra Méthot lui avait dit qu’elle ne le savait pas alors qu’il l’avait prévenue en partant. Il dit avoir trouvé choquant qu’elle ne lui dise pas où il était.

[76]         Martin Cloutier dit que Jimmy Gaudreault est venu le voir à son bureau vers 16h00. Il est déstabilisé. Ça l’a affecté d’entendre que c’était pour le faire craquer.

Félicitations à Marc Duval le 12 décembre

[77]         Sandra Méthot, Patrick Buggie et Marc Duval viennent voir Jimmy Gaudreault dans le bureau. Debout devant lui, ils remercient Marc Duval pour ses bons conseils. Marc Duval le regarde avec un sourire machiavélique, dit-il, et les deux autres trouvent ça drôle. Il a l’impression qu’ils rient de lui et que c’est planifié.

[78]         Patrick Buggie explique qu’on avait reçu des courriels dans lesquels on nous félicitait pour la tenue de la succursale. Marc Duval était de passage et il voulait lui passer le message que c’est grâce à lui si on a eu du succès . Sandra Méthot dit l’avoir félicité en lien avec les deux courriels reçus des représentants, dont Jimmy Gaudreault avait fait mention à toute l’équipe. Elle trouvait correct d’en féliciter aussi Marc Duval quand il est passé à la succursale.

Commentaires de Sandra Méthot et Patrick Buggie à propos de Jimmy Gaudreault

[79]         Karyne Fecteau dit que Patrick Buggie et Sandra Méthot ont dit à quelques reprises que Jimmy Gaudreault était un directeur de merde. Ils cherchaient des choses qu’il aurait fait de pas correct pour le coincer. Dans l’entrepôt, Patrick Buggie a dit : «C’est ben normal avec un directeur de marde de même qui est à chier» . Sandra Méthot disait que c’est un directeur de merde et que tout est croche ici. Karyne Fecteau dit qu’elle n’aimait plus aller à Charny, que l’ambiance est lourde et qu’elle ne savait jamais quelle magouille il y aurait.

[80]         Yannick Breton est étudiant et travaille à la SAQ à temps partiel. Il a travaillé à Charny 5 ou 6 fois durant cette période. Il était connu, dit-il, que Marc Duval appelait souvent à la succursale pour prendre le pouls. Il a déjà travaillé avec Marc Duval qui était le COS à Charny et il s’entendait bien avec lui.

[81]         Il affirme que les réguliers sont contre Jimmy Gaudreault et que cela crée un mauvais climat. Sandra Méthot disait qu’il ne donne pas assez d’heures pour bien préparer le magasin, qu’il ne faisait pas bien son travail. Patrick Buggie et elle ne donnaient pas de chance à Jimmy Gaudreault et disaient que ce n’était pas correct à chaque fois que quelque chose ne faisait pas leur affaire. Il n’a jamais entendu Jimmy Gaudreault parler contre eux. Aucun temps partiel n’était content d’aller à Charny.

[82]         Laurie-Maude Poulin est caissière à temps partiel. Elle travaille à Charny à l’occasion, souvent les lundis. Elle travaille de 12h00 à 15h00, pour remplacer les réguliers durant leur dîner. Elle affirme avoir vu Marc Duval au moins 5 fois les lundis. Il s’est enfermé à plusieurs reprises dans le bureau avec Sandra Méthot et Patrick Buggie. Elle les a entendus dire de Jimmy Gaudreault qu’il est un mauvais gestionnaire et que c’est à cause de lui si la succursale est devenue broche à foin. Elle a entendu Patrick Buggie dire : «les maudits directeurs de relève, ils font tout à la lettre ce que les directeurs de secteur décident» .

[83]         Patrick Buggie et Sandra Méthot nient avoir discrédité Jimmy Gaudreault, ou avoir critiqué son travail.

Photocopie de documents

[84]           Jimmy Gaudreault dit s’être rendu compte que des documents dans ses dossiers étaient déplacés, d’autres avaient disparu. Il s’agit de documents de gestion : registres de paie, assignations journalières, documents de réunions, planification, dossiers de formation. Il ne s’agit pas de documents secrets, mais il se sent épié.

[85]         Des employés à temps partiel lui ont dit que Patrick Buggie et Sandra Méthot s’enferment dans son bureau et qu’ils prennent des documents. Ils lui rapportent aussi qu’ils les entendent dire qu’il est un mauvais gestionnaire, un directeur de merde.

[86]         Jimmy Gaudreault dit qu’il s’est mis à douter de ses compétences de gestionnaire, qu’il se voyait échouer la relève à la fin des 18 mois. Cela devient une source d’angoisse. Il commence à mal filer physiquement. Il a des serrements au cœur. Malgré qu’il s’endorme plus tôt, il se réveille aussi fatigué.

[87]         Patrick Buggie dit avoir pris des photocopies de documents concernant la formation, la politique en matière de harcèlement psychologique, les horaires de travail, notamment parce qu’il se préparait à faire une plainte, ce qu’il ne fera pas finalement. Il a photocopié un papier de commentaires de Karyne Fecteau alors qu’elle agissait comme COS, laissé à l’intention de Jimmy Gaudreault.

[88]         Sandra Méthot dit avoir photocopié des documents qui n’ont rien à voir avec des documents personnels de gestion de Jimmy Gaudreault. Il s’agissait de documents qui l’aideraient à mieux comprendre son travail.

Prise de photos par Patrick Buggie le samedi 13 décembre

[89]         Le 12 décembre, Jimmy Gaudreault dit avoir quitté la succursale en laissant des instructions à Patrick Buggie de démonter les boîtes et de laisser les espaces dégagés. Le 13 décembre, Patrick Buggie n’était pas assigné pour travailler. Il avait refusé de le faire entrer en excédentaire. Il y a des piles de boîtes vides dans l’entrepôt qui se rendent jusqu’aux casiers et encombrent les aires de sécurité. Il a vu Patrick Buggie prendre des photos. Pour lui, c’est du sabotage de la part de Patrick Buggie.

[90]         Patrick Buggie dit avoir photographié l’entrepôt et les boîtes. Lors de sa plainte sur Cartier, l’enquêteur lui avait demandé s’il avait des preuves. Quand il a vu des boîtes en quantité, ça l’a fait rire et il a pris des photos. Ce n’était pas prémédité.

Rencontre du 15 décembre

[91]         Jimmy Gaudreault rencontre Martin Cloutier et Sylvie Blouin le 15 décembre. Ils cherchent des solutions à la mauvaise ambiance de travail. On a tracé un tableau de la situation avec des solutions. Jimmy Gaudreault dit que le tableau dressé lui a ouvert les yeux sur ce qui se passait. Il prend conscience à quel point il est la cible des employés réguliers.

[92]         Martin Cloutier dit que l’objectif de la rencontre est de dresser un portrait clair de la situation parce qu’il y a eu plusieurs événements qu’il a constatés lui-même ou qui lui ont été rapportés par Jimmy Gaudreault. Il prépare un portrait écrit en lien avec les faits discutés (E53). Le 19 décembre, il sollicite l’aide du syndicat dans la recherche de solutions (E52). Il demande à la présidente du syndicat d’avoir une personne ressource du syndicat. Le 20 décembre, il appelle le délégué régional. Il rencontrera la partie syndicale le 22 décembre.

Visite d’inspection de Sylvain Rochon le 17 décembre

[93]         Simon-Mathieu Malenfant dit avoir reçu un appel de Josée Desharnais de la succursale de St-Romuald qui lui relate des problèmes de SST. Il lui propose de se référer à Sylvain Rochon et lui dit qu’il allait lui en glisser un mot. Il demande à Sylvain Rochon de passer aussi à Charny où Sandra Méthot lui avait soulevé quelques questions.

[94]         Réjean Laflamme dit qu’alors qu’il visitait José Desharnais, une collègue à la succursale de St-Romuald, il a vu que l’entrepôt débordait et que les boîtes étaient très hautes. Il a appelé Sylvain Rochon pour qu’il y aille lui disant que les employés allaient se blesser.

[95]         Sylvain Rochon travaille à la SAQ depuis 1998. Il est représentant syndical à la prévention, coprésident du comité SST. Il fait une centaine de visites des lieux de travail par année. Le 16 décembre, il a reçu un appel de Simon-Mathieu Malenfant, le vice-président, lui disant avoir des problématiques à St-Romuald et lui demandant d’aller aussi à Charny. Benoît Gingras, conseiller à la prévention pour l’employeur, l’appelle le 17 décembre au matin et lui dit qu’il y a eu du sabotage, que les salariés ont des photos.

[96]         Jimmy Gaudreault dit qu’à son départ le 16 décembre, la succursale était propre. Il avait fait dégager la boîte électrique. À son arrivée, le matin du 17 décembre, il constate des dérogations qui n’étaient pas là la veille. Il y a un amoncellement de boîtes, des bouteilles dans les aires de circulation, un diable est accoté sur le panneau de la boîte électrique.

[97]         Martin Cloutier affirme que Jimmy Gaudreault l’a appelé pour lui dire qu’un représentant SST viendrait faire une visite. Il lui dit que la succursale avait été mise en ordre pour la rendre conforme au niveau de la sécurité, mais qu’elle a été défaite, que des choses habituellement conformes ne le sont pas, et qu’il s’agit de sabotage. Des corridors de circulation étaient obstrués par des boîtes, un diable a été mis à côté de la boîte électrique, des bouteilles ont été laissées sur le plancher. Il dit à Jimmy Gaudreault de faire le tour avec le représentant, d’être transparent avec lui et de lui mentionner ce qui lui paraît avoir été déplacé volontairement. Il reconnaît par ailleurs que plus on approche des Fêtes, plus il est difficile de rencontrer les exigences.

[98]         Arrivé sur les lieux, Sylvain Rochon voit Jimmy Gaudreault et se présente. Il se rend dans l’entrepôt et il voit Patrick Buggie et Sandra Méthot qu’il ne connaît pas. Il leur dit avoir été informé de sabotage, ce qu’ils nient. Patrick Buggie lui dit qu’il ne pouvait pas croire qu’on l’accusait de cela et il en était fâché. Il prend des photos (S12) et fait son rapport (E38). Il y écrit qu’il y avait eu une plainte. C’est-ce qu’il a présumé du fait que Simon-Mathieu Malenfant l’a appelé. Il ne constate pas de points majeurs. La tenue des lieux ne montrent pas de sabotage, seulement des petites choses qu’on retrouve partout. Le problème est que le local est désuet.

[99]         À la fin de sa visite, Jimmy Gaudreault lui demande d’aller dans son bureau la porte fermée. Il a l’air d’un gestionnaire en pleine forme. Il lui dit que des employés lui font du trouble et qu’il a des employés à casser en pointant l’entrepôt. Il en a fait part à Simon-Mathieu Malenfant verbalement, puis par courriel le 7 janvier 2009 (S13). Il n’en a pas informé les deux employés.    

[100]      Jimmy Gaudreault dit que Sylvain Rochon s’est présenté en disant qu’il était un représentant syndical. Il a fait sa visite seul après laquelle il lui a montré les dérogations. Il a reçu le rapport peu après (E38). À partir du rapport, Jimmy Gaudreault explique ce qui avait été corrigé avant la visite de Sylvain Rochon et qui était incorrect au moment de la visite. Il reconnaît qu’il y a des choses dérogatoires qui n’avaient pas été corrigées.

[101]      Il dit avoir expliqué à Sylvain Rochon qu’il a constaté des dérogations et qu’il y a eu du sabotage de la part des employés réguliers. Il lui a dit qu’il avait deux employés problématiques, et qu’on aurait une rencontre avec le syndicat. Il n’a pas dit qu’il avait deux personnes à casser, ce n’est pas son langage. Sylvain Rochon lui a dit qu’il était mieux de ne pas lui dire cela à lui.

[102]      Sandra Méthot dit que la visite de Sylvain Rochon était inattendue. Elle ne le savait pas et elle ne le connaît pas. Parce qu’elle s’est blessée, elle a appelé Simon-Mathieu Malenfant vers le 12 décembre et posé des questions concernant le nombre de palettes et la hauteur des boîtes pour valider si on travaillait de la bonne façon.

[103]      À l’arrivée de Sylvain Rochon, elle est dans l’entrepôt. Il se présente. Il lui demande si elle fait du sabotage. Elle le fait répéter, elle ne comprenait pas. Il n’y a jamais eu de sabotage. Elle ne lui a pas reparlé par la suite. Sylvain Rochon leur a dit beaucoup plus tard que Jimmy Gaudreault avait dit avoir 2 employés à casser.

[104]      Patrick Buggie dit qu’il n’a pas suivi le dossier de la visite de Sylvain Rochon qu’il ne connaissait pas et à qui il n’avait pas parlé. Il n’était pas au courant qu’il viendrait. C’est Sandra Méthot qui mettait de la pression là-dessus et qui a avisé Simon-Mathieu Malenfant que le risque de blessure était élevé. Quant à lui, il trouvait fondé ce que Sandra Méthot disait, mais ça ne le dérangeait pas parce qu’il savait que la succursale était trop petite.

La zone rouge le lundi 22 décembre

[105]      Francine Robitaille explique que la zone rouge est une période pendant laquelle on est relationnel. Une personne identifiée par le directeur est opérationnel et fait du «facing». On demande aux succursales de déterminer les zones rouges à l’avance.

[106]      Jimmy Gaudreault dit qu’il s’attendait à une grosse journée et il y avait beaucoup d’employés sur le plancher. Il avait mis une zone rouge. Il s’agit d’une période au cours de laquelle il n’y a pas de mise en place pour se concentrer sur le service à la clientèle. Comme c’est devenu tranquille, il a demandé à Sandra Méthot et Patrick Buggie de placer du stock. Ils ont refusé invoquant la zone rouge. Il demande à 2 employés à temps partiel de préparer des petits chariots.

[107]      Voyant que ça brasse dans l’entrepôt, il s’approche et constate que Patrick Buggie décharge le chariot que Yannick Breton venait de préparer. Quand il l’a vu, Patrick Buggie est retourné dans l’aire de vente. Pendant que Yannick Breton lui explique ce qui s’est passé. Patrick Buggie lui crie en le pointant du doigt : «t’es dans merde, tu vas avoir un grief et tu cours après le trouble». Jimmy Gaudreault monte le ton et lui dit d’entrer dans le bureau. Il lui dit que c’est inacceptable de crier après lui depuis l’aire de vente, de ne plus jamais faire ça. Patrick Buggie est retourné sur le plancher sans placer de stock. Jimmy Gaudreault dit avoir eu l’impression de perdre la face et d’être humilié. Il a les jambes molles, il tremble, c’est une coup de masse en pleine tête.

[108]      Plus tard, il recevra un appel de Francine Robitaille à ce sujet et il lui expliquera pourquoi il avait levé la zone rouge. Des employés à temps partiel lui ont rapporté que Sandra Méthot et Patrick Buggie l’ont discrédité durant toute la semaine. Il dit s’être senti moins que rien, il est au bout du rouleau.

[109]      Patrick Buggie dit que Jimmy Gaudreault lui a demandé de placer du stock et qu’il en a placé. Il est allé dans l’entrepôt et il a vu Isabelle Filion et Yannick Breton remplir des paniers. Il leur demande ce qu’ils font, qu’on est en zone rouge. Il dit à Yannick Breton qu’on n’est pas supposé placer à cause de la zone rouge. Lui-même a placé du stock en se servant de paniers plus petit pour prendre moins de place dans l’aire de vente.

[110]      Plus tard, il rencontre Jimmy Gaudreault dans le bureau, la porte fermée, et ça a permis de vider la question. Il lui a exprimé son désaccord pour placer du stock. Avant d’entrer dans le bureau, il lui a dit : «Jimmy, tu me cherches-tu là» et celui-ci a répondu : «je sais pas qui cherche qui» .

[111]      Yannick Breton dit qu’il était COS ce jour-là. C’était tranquille malgré la zone rouge et il a proposé à Jimmy Gaudreault de remplir les tablettes. Il se rend à l’arrière pour sortir du stock. Patrick Buggie est venu lui dire qu’il n’a pas à faire de stock. Il a préparé des paniers et il est allé placer du stock avec Isabelle Filion. De retour à l’entrepôt, il constate qu’un panier a été vidé par Patrick Buggie. Il le replace et Patrick Buggie vient lui dire qu’il n’est pas d’accord. Yannick Breton dit qu’il s’est fâché et il a dit qu’on place du stock. Patrick Buggie a dit à Jimmy Gaudreault : «tu te mets dans la merde» .

[112]      Le 10 mars 2009, Francine Robitaille recevra un appel de Patrick Buggie (E40) qui lui dit appeler à la suite de son appel du mois de décembre concernant la zone rouge pour lequel il n’a pas eu de retour. Il n’est pas impoli, mais déplacé. Il a un ton incisif. Il lui parle aussi de la certification. Elle lui explique que Jimmy Gaudreault n’a jamais parlé de problème sur la certification de la succursale de Charny et que le processus de certification suit son cours. La succursale de Charny a été certifiée à la fin de l’année 2009.

[113]      Martin Cloutier dit avoir été informé par Francine Robitaille. Il voit que Patrick Buggie ne lâche pas prise et qu’il essaie encore de prendre Jimmy Gaudreault en défaut.

Le 23 décembre

[114]      Sandra Méthot dit que le 23 décembre, Catherine Labelle, qui est très gênée, vient lui dire qu’elle est passée dans le bureau de Jimmy Gaudreault qui l’a questionnée sur eux. Elle lui dit aussi qu’elle ne comprend pas et qu’il dit avoir un mandat des ressources humaines. Elle appelle Simon-Mathieu Malenfant, au syndicat, qui lui dit qu’il va faire des démarches. Celui-ci dit avoir appelé aux ressources humaines et on lui a dit que c’était son initiative à lui.

[115]      Patrick Buggie dit que Sandra Méthot et lui se sont rendu compte qu’il faisait souvent des rencontres individuelles dans son bureau avec les employés à temps partiel. Il en a avisé le syndicat.

[116]      Jimmy Gaudreault a reçu un appel de Michel Gilbert, délégué syndical régional, lui demandant s’il est vrai qu’il a réuni les employés à temps partiel en excluant Patrick Buggie. Il affirme qu’il ne rencontre jamais tous les employés à temps partiel ensemble. Il n’a aucun mandat des ressources humaines pour faire une enquête.

Mauvaise organisation le 24 décembre

[117]      Sandra Méthot a parlé à l’enquêteur de la mauvaise organisation le 24 décembre alors que Jimmy Gaudreault lui a demandé de placer du stock en zone rouge. Elle s’est servie d’un petit chariot pour ne pas encombrer les allées. Il lui a demandé d’aller le voir dans le bureau. Il a voulu fermer la porte. Elle a voulu aller chercher Patrick Buggie et il a refusé. Il laisse finalement la porte ouverte. Elle lui dit qu’on est en zone rouge. Il lui répond de laisser faire les politiques SAQ, que c’est lui le boss. Elle lui dit que ça ne se fait pas de placer du stock le 24 décembre et qu’on est mal organisé. Elle parlait de tout le monde en général.

Une rencontre le 27 décembre

[118]      Le 27 décembre, Martin Cloutier dit avoir rencontré Sandra Méthot et Patrick Buggie en présence de Jimmy Gaudreault le 27 décembre. Il leur dit notamment que c’est tolérance zéro à l’égard du manque de respect (E52). Il leur parle de la façon de faire des demandes au gestionnaire leur disant que tout peut être dit mais que ça dépend comment. Ça doit se faire dans le respect.

Déficit de caisse de Sandra Méthot le 28 décembre (S24)

[119]      Alors que Sandra Méthot était absente et que Patrick Buggie assurait le COS, il a fermé la caisse de Sandra Méthot en présence de Jimmy Gaudreault. Il manquait 115$. À son arrivée le lundi, Sandra Méthot apprend que la caisse ne balance pas. Jimmy Gaudreault explique que c’est la panique totale. Elle va dans la salle de pause d’où elle fait des téléphones à la sécurité et au syndicat. Il lui dit qu’il ferait toutes les démarches et qu’elle n’avait pas à s’emballer, qu’il ne l’accusait de rien. Elle a parlé au téléphone au moins une heure et demie. On n’a jamais réussi à trouver la source de l’erreur.

[120]      Sandra Méthot explique qu’elle a été absente les 26 et 27 décembre (S23) et qu’elle a travaillé le 28. En entrant au travail le lundi 29 décembre, Jimmy Gaudreault est à son bureau. Il lui tend son journal de caisse en tremblant. Il lui dit que sa caisse ne balance pas de 115.60$ et qu’on ne trouve pas l’erreur. Elle demande une copie des documents (S24). Elle avait autorisé Patrick Buggie à faire une transaction sur sa caisse. Elle n’accusait personne, mais elle voulait comprendre.

[121]      Elle dit qu’elle est triste et inquiète. Jimmy Gaudreault semble indifférent. Elle appelle Réjean Laflamme qui lui dit qu’on peut appeler à la sécurité pour arrêter le disque dur. Elle rappelle le syndicat disant que la seule façon de prouver qu’elle n’a pas volé est d’enlever le disque dur de la caméra. Elle était mal à l’aise d’en discuter avec Jimmy Gaudreault et elle a préféré demander conseil au syndicat. Jimmy Gaudreault arrive avec un air arrogant et ironique et lui dit qu’il a le disque dur et qu’il l’enverrait au CDQ. On ne l’a pas accusé de vol.

[122]      Réjean Laflamme dit que Sandra Méthot lui demande ce qu’elle doit faire, et lui dit qu’elle panique. Il lui dit d’arrêter le disque dur pour qu’il ne s’efface pas, qu’il y a une clé dans le coffre-fort pour le sortir. Elle le rappelle parce qu’elle ne trouve pas les clés. Il lui dit d’appeler la sécurité. Selon lui, quelqu’un qui fait un déficit se fait soupçonner tout de suite, c’est automatique.

[123]      Sandra Méthot a appelé à la sécurité et parlé à Mélanie Coutu . Celle-ci, qui est enquêteur depuis 3 ans, témoigne qu’elle lui a demandé de sécuriser les images parce qu’elle craignait avoir des représailles de la part de Jimmy Gaudreault. Elle a aussi reçu l’appel de 2 représentants syndicaux. Elle a sécurisé les images et fait venir le disque dur. Jimmy Gaudreault ne lui a pas demandé de faire une enquête et elle n’en a pas fait.

[124]      Martin Cloutier dit que Jimmy Gaudreault l’a mis au courant, pas tant pour le déficit, mais parce que la réaction de Sandra Méthot lui paraissait démesurée par rapport à l’événement. Elle était très inquiète. Jimmy Gaudreault a voulu la rassurer, mais il n’y avait rien à faire.

Visite de Marc Duval le 30 décembre

[125]      Sandra Méthot dit avoir souhaité la bonne année à Marc Duval en lui disant qu’elle a hâte qu’il revienne, que ça va faire du bien. Il est un ami de sa famille et elle le connaît depuis son enfance. Elle lui a dit cela pour lui faire plaisir.

Photos des tablettes le 30 décembre

[126]      Jimmy Gaudreault avait quitté la succursale à 17h00. Il revient à 18h00. De son véhicule, il voyait à l’intérieur. Les lumières ont été fermées. Sandra Méthot était présente. Elle était COS. Patrick Buggie prend des photos des allées dans l’aire de vente. Il les a vus quitter la succursale 5 à 10 minutes plus tard.

[127]      Patrick Buggie explique qu’il a pris des photos avec un appareil jetable qu’il avait chez lui. Le magasin était dans un état délabré en raison du surplus de travail. C’était après la fermeture du magasin et il faisait noir. Il l’a fait par insécurité et par manque de confiance, pour sa protection. Il craint que ça lui passe sur le dos. Même si on ne l’a pas fait finalement, le scénario vers lequel on s’en allait était le dépôt de plaintes contre Jimmy Gaudreault.

[128]      Sandra Méthot dit que Patrick Buggie lui a dit qu’il voulait se protéger parce que la succursale n’est pas très belle et qu’il n’est pas à l’aise. Elle ne lui a pas posé de question.

Appel de Patrick Buggie à Martin Cloutier le 31 décembre

[129]      Jimmy Gaudreault dit que le 31 décembre est une journée folle. Il a voulu dîner rapidement. Il s’est absenté 45 minutes le temps de dîner au McDo. Il dit avoir prévenu de son départ. On peut le rejoindre en tout temps sur son cellulaire qui est toujours ouvert. À son retour, Patrick Buggie lui demande où il était, qu’il n’est pas le COS et qu’il y a des dépôts à prendre aux caisses. Ça ne l’avait jamais dérangé de prendre les dépôts auparavant. Plus tard, il reçoit l’appel de Martin Cloutier qui lui dit avoir lui-même reçu un appel de Patrick Buggie disant qu’il a quitté longtemps. Il lui a expliqué.

[130]      Patrick Buggie reconnaît avoir appelé Martin Cloutier. Il explique que le 31 décembre est une journée très achalandée. Jimmy Gaudreault a quitté sans qu’il le voit. Il n’est plus là à 11h15. Sandra Méthot part pour son dîner vers 13h15. Il devait aller dîner lui aussi. L’argent s’accumule dans les caisses et il n’est pas question qu’il prenne les dépôts. Il avait avisé qu’il ne voulait pas être COS. Il est nerveux et stressé. Il appelle Martin Cloutier et lui dit que Jimmy Gaudreault est parti depuis 2 heures 45 minutes, qu’il ne veut pas prendre les dépôts, ce que Martin Cloutier a approuvé. Il savait que Jimmy Gaudreault avait un cellulaire, mais il n’avait pas son numéro, et ça ne lui est pas passé par la tête de l’appeler. 

[131]      Sandra Méthot dit que Jimmy Gaudreault a quitté entre 11h00 et 11h30 en disant qu’il allait dîner. Elle-même devait aller manger à 12h45. À 13h15, elle avise Patrick Buggie et les collègues qu’elle va manger. En sortant, elle voit Jimmy Gaudreault arriver en voiture. Elle va se chercher un lunch. À son retour, Patrick Buggie est dans tous ses états. Il dit avoir appelé Martin Cloutier. Jimmy Gaudreault n’est pas là. Il est revenu vers 13h45.

[132]      Martin Cloutier a reçu un appel de Patrick Buggie sur son cellulaire. Il lui dit que Jimmy Gaudreault est parti depuis plus de 2 heures pour dîner, qu’il n’y a pas de COS et qu’il ne prendrait pas les dépôts. Il lui confirme de ne pas prendre les dépôts et qu’il appellerait Jimmy Gaudreault. Il lui demande de faire le message à Jimmy Gaudreault de le rappeler dès son arrivée, ce qu’il a fait. Il valide avec lui son temps de dîner et lui répète ce que Patrick Buggie lui a dit. Jimmy Gaudreault lui dit être parti environ 75 minutes, et il lui donne une version différente de celle de Patrick Buggie. Il venait tout juste d’arriver à la succursale, 5 minutes après le départ de Sandra Méthot. Il lui dit aussi que la situation en succursale n’est pas problématique.

[133]      Martin Cloutier dit retenir la version de Jimmy Gaudreault parce qu’il doute de la crédibilité de Patrick Buggie qui l’a habitué à rapporter des choses très grosses. Pour lui, Patrick Buggie l’a appelé pour discréditer le gestionnaire parce que ça aurait été effectivement un manque de jugement de s’absenter 2 heures un 31 décembre. À mesure des événements, la crédibilité de Patrick Buggie diminue à ses yeux.

Message de Sandra Méthot à Martin Cloutier le 2 janvier

[134]      Martin Cloutier explique que c’est la première fois qu’on ouvrait le 2 janvier. On avait évalué les ventes qu’on ferait sur la base de celles qu’on faisait le dimanche. La prédiction s’est avérée assez juste. Les magasins ouvraient à 13h00.

[135]      Jimmy Gaudreault a été absent du 2 au 5 janvier, en vacances dans sa famille au Saguenay. Avant de quitter, il a rencontré Sandra Méthot qui devait être COS le 2 janvier. Il avait élaboré un plan de match complet sur papier qu’il a présenté à Sandra Méthot pendant une bonne heure. Elle lui a dit qu’elle était prête. Il lui a dit qu’il allait dans sa famille et lui a laissé ses numéros de téléphone.

[136]      Martin Cloutier avait autorisé le congé de Jimmy Gaudreault jusqu’au 5 janvier, notamment en raison de la maladie de sa conjointe. Il s’est assuré qu’il y avait un bon plan de match laissé aux membres de l’équipe à qui ils ont laissé leurs numéros de téléphone. Il était lui-même en congé le 2 janvier.

[137]      Sandra Méthot dit qu’elle est entrée à 12h00 pour terminer à 18h00 comme l’avait décidé Jimmy Gaudreault, pour l’ouverture du magasin prévue pour 13h00. Ils sont deux, Patrick Buggie et elle jusqu’à l’arrivée de Karyne Fecteau à 14h45. Elle n’arrive pas à ouvrir le système de caméras et le système informatique. Elle appelle Mélanie Coutu à la sécurité qui lui dit ne pas comprendre. Le système est reparti à 13h20. Entre temps on a placé du stock parce que les tablettes étaient vides. Le plancher n’avait pas été lavé.

[138]      On a ouvert le magasin en retard, vers 13h20. Elle a avisé la dizaine de clients qui attendaient. Les clients ne sont pas contents parce qu’il manque de stock. Karyne Fecteau doit agir comme COS pour fermer, mais elle lui dit ne pas savoir quoi faire qu’elle n’a pas été formée. Elle n’a pas les clés ni les codes. Sandra Méthot dit que tout arrive et qu’elle est dépassée. Elle appelle Simon-Mathieu Malenfant à qui elle réfère toujours. En fin de journée, elle est bouleversée et, avec Patrick Buggie, elle laisse un message à Martin Cloutier pour lui demander quoi faire. Elle n’a pas eu de nouvelles.

[139]      Patrick Buggie dit qu’il devait travailler le 2 janvier de 12h00 à 18h00, mais qu’il est resté jusqu’à 21h00. À l’ouverture à 13h00, il est seul avec Sandra Méthot. Ils ont ouvert le magasin un peu en retard en raison des problèmes informatiques. Ils ont appelé Martin Cloutier vers 17h00. Il a laissé le message qu’il l’appelait parce que Jimmy Gaudreault est en congé autorisé par lui et qu’on vit une situation exceptionnelle en succursale. On est seulement deux. On a fait 5000$ en 2 heures. Le camion du 31 décembre est encore en arrière. On n’a pas eu le temps de refaire les tablettes. Sandra Méthot a aussi laissé le message qu’on a besoin d’assistance et qu’on se sent abandonné à nous-mêmes.

[140]      À son arrivée à 15h15, Karyne Fecteau leur annonce qu’elle est COS et qu’elle n’est pas formée. Il est resté jusqu’à 21h00 pour l’aider. Il savait que Jimmy Gaudreault était en congé jusqu’au 6 janvier au Saguenay. Il n’a pas essayé de le rejoindre.

[141]      Karyne Fecteau est salariée à temps partiel depuis 2006. Elle travaille à Charny le vendredi soir et quelques samedis le jour. Le 2 janvier 2009, elle travaille de 15h00 à 21h00. À son arrivée, il n’y a rien sur les tablettes. Elle est COS et n’avait pas encore été formée. Quand elle le dit à Sandra Méthot, celle-ci s’est fâchée et elle est allée faire des téléphones dans le bureau.

[142]      Martin Cloutier dit que Sandra Méthot et Patrick Buggie lui laissent un message. Patrick Buggie dit que la succursale est dans un état pitoyable et qu’il n’a jamais vu cela en 15 ans. Son ton est celui du découragement et de la panique. Celui de Sandra Méthot est plus structuré et constructif. Ils disent qu’il n’y a pas de plan de match. Il avait pourtant demandé à Jimmy Gaudreault d’en faire un et il est convaincu qu’il l’a fait.

[143]      Le 3 janvier au matin, il communique avec Serge Harvey, de la succursale de St-Jean-Chrysostome, et lui demande d’aller à Charny. Celui-ci le rappelle et lui dit que la succursale n’est pas dans un bon état, qu’elle n’est pas prête aux affaires. Il lui demande de supporter la COS. Serge Harvey a vérifié les effectifs et il a ajouté du personnel pour mettre la succursale à niveau.

[144]      Jimmy Gaudreault lui a dit que personne n’a tenté de le rejoindre. En regardant les ventes et le plan de match que le gestionnaire avait laissé et qu’il lui a montré à son retour, Martin Cloutier ne peut pas identifier ce qui s’est passé. Il y a eu 9 000$ de ventes, plus ou moins 600 transactions, surtout entre 13h00 et 16h00 (E54)

[145]      Pour Martin Cloutier, il devient clair qu’ils ont voulu discréditer Jimmy Gaudreault. Chaque fois qu’on l’appelle, il a un doute et il vérifie l’information qu’on lui transmet et, avec le temps, il voit qu’il y a un pattern et qu’on l’appelle volontairement pour le discréditer.

[146]      Sandra Méthot entre au travail le 3 janvier même si elle n’est pas prévue travailler parce qu’elle se sent coupable. Elle aide Karyne Fecteau. Le lundi matin 5 janvier, Serge Harvey vient à la succursale. Il lui dit qu’il vient voir Jimmy Gaudreault et elle lui dit qu’il est en congé. Il lui dit qu’il va revenir. Elle a su plus tard pourquoi il est venu. Vers 13h00, elle a quitté la succursale parce qu’elle avait de la migraine et des vomissements. L’état de la succursale s’améliorait, mais il restait encore du travail.

Le renvoi temporaire de Sandra Méthot le 6 janvier

[147]      Le 6 janvier, Martin Cloutier appelle Jimmy Gaudreault et lui fait part des messages qu’il a eus le 2 janvier. Il lui dit qu’il veut savoir ce qui s’est passé.

[148]      Jimmy Gaudreault explique que, en arrivant à la succursale le 6 janvier, Sandra Méthot et Patrick Buggie ne répondent pas à son bonjour. Dans le bureau, Sandra Méthot fait son travail. Il lui demande comment ça a été. Elle lui répond d’un ton sec que tout a mal été, que son boss est au courant et qu’il finira par l’apprendre. Il est estomaqué. Il lui redemande ce qui est arrivé et elle lui dit qu’il n’a qu’à parler à son boss. Il la laisse finir sa paperasse. Avant qu’elle quitte le bureau, il lui demande de prendre 2 minutes pour lui expliquer ce qui a mal été. Elle se rend dans l’entrepôt sans lui répondre.

[149]      Il reste assis à réfléchir à la situation. Il se rend dans l’entrepôt et lui redemande ce qui s’est passé. Elle lui dit qu’elle n’a pas le temps. Il lui demande de venir dans le bureau et elle dit qu’elle n’a plus rien à lui dire, qu’elle pourrait le mettre par écrit. Il retourne à son bureau. Un peu plus tard, il retourne dans l’entrepôt et lui redemande de venir au bureau. Il lui offre de s’assoir, mais elle refuse et reste dans le cadre de la porte. Il se lève pour être à sa hauteur et lui demande de ramasser ses affaires et d’aller chez elle pour réfléchir. Elle lui demande ce qu’il va faire si elle ne sort pas. Il lui dit qu’il va la faire sortir.

[150]      Elle retourne dans l’entrepôt et fait des téléphones. Il s’y rend et lui répète qu’il veut qu’elle parte. Elle revient dans le bureau avec Patrick Buggie et lui demande de le répéter devant lui. Il répète la même chose. Patrick Buggie lui demande pourquoi et il lui dit que c’est un problème d’insubordination et d’attitude. Ils sont sortis du bureau et sont allés dans la salle de pause pour téléphoner.

[151]      Sandra Méthot lui a dit qu’elle ne voulait pas le déranger durant son congé. Il a senti s’être fait jouer dans le dos encore une fois. Jimmy Gaudreault dit ne pas avoir fait de mouvements brusques et, s’il était rouge, il n’était pas en colère. Elle n’avait pas l’air terrifié. 

[152]      Martin Cloutier dit que Jimmy Gaudreault a rappelé et lui a dit que Sandra Méthot ne veut pas collaborer et qu’elle lui dit que son patron est au courant. Jimmy Gaudreault l’informe qu’il lui a demandé de s’en aller chez elle et il a appuyé cette décision. Il voulait qu’elle prenne du recul et qu’elle réfléchisse. Jimmy Gaudreault rappelle Martin Cloutier pour lui dire qu’elle refuse de quitter. Il lui dit qu’il va appeler au syndicat pour prendre les dispositions. Il appelle Michel Gilbert et Simon-Mathieu Malenfant. Michel Gilbert lui dit qu’il n’a pas le droit de faire ça. Il lui dit qu’elle sera rémunérée. On le rappelle pour lui dire qu’elle va quitter la succursale à 13h00.

[153]      Sandra Méthot dit qu’elle est entrée le 6 janvier et qu’elle a fait ses tâches dans le bureau. Jimmy Gaudreault lui demande comment ça a été. Elle lui dit : « pas bien» . Elle lui fait un compte-rendu des problèmes qu’on a eus, mais il écoute très peu. Elle lui explique tout et lui dit qu’elle a appelé Martin Cloutier pour avoir de l’aide parce qu’il était en vacances. Il se tourne vers elle et lui dit pourquoi avoir appelé son boss, que c’est lui le boss. Il lui dit de s’asseoir et d’écrire ce qu’elle a dit à Martin Cloutier. Il la regarde d’un air fâché. Elle a mal au cœur et elle ne veut pas rester seule avec lui dans le bureau. Elle est sortie.

[154]      Elle va voir Patrick Buggie dans l’entrepôt. Jimmy Gaudreault vient la chercher. On retourne dans le bureau. Il est fâché. Il a une feuille dans les mains et veut avoir des détails. Elle est incapable de rester dans le bureau et elle se place dans le cadre de la porte. Il la menace et lui dit de quitter la succursale. Elle va chercher Patrick Buggie. Jimmy Gaudreault menace de la faire sortir. Elle essaie d’appeler le syndicat. Elle appelle Réjean Laflamme qui lui dit d’arrêter de pleurer et qui lui offre de venir la chercher. Elle rejoint Simon-Mathieu Malenfant qui lui dit de quitter la succursale et qu’elle sera payée.

[155]      Patrick Buggie dit que le ton de Jimmy Gaudreault n’était pas menaçant à l’extrême, mais sévère, qui ne laisse pas trop de place à la réplique. Il n’a pas crié. Sandra Méthot était totalement bouleversée.  

[156]      Réjean Laflamme dit que Sandra Méthot l’a appelé ce matin-là. Elle pleurait, sa voix tremblait. Elle est en panique lui disant s’être fait menacer par Jimmy Gaudreault. Il lui offre d’aller la chercher. Il lui dit de sortir de là et d’aller voir son médecin. Il lui a reparlé plus tard. Elle lui dit recevoir des appels de Jimmy Gaudreault sur son cellulaire. Il lui dit d’appeler la police s’il continue.  

[157]      Après l’événement du 6 janvier, Sandra Méthot a quitté en congé de maladie. Elle reviendra au travail le 3 mars après le transfert de Jimmy Gaudreault. Le 9 janvier, elle rencontre le syndicat et explique l’événement. Avec Yves Robitaille et Simon-Mathieu Malenfant, elle a préparé une plainte de harcèlement psychologique contre Jimmy Gaudreault (S25) qui fera l’objet d’une enquête (E34). Elle a déposé une plainte à la CSST (S26). Elle a rencontré l’enquêteur dans le cadre de sa plainte (E60) et dans le cadre de la plainte de Jimmy Gaudreault (E27). Elle doute que celui-ci a déposé sa plainte en réaction à la sienne.

Appels de Patrick Buggie à Claude Bruyère et au représentant du syndicat

[158]      Jimmy Gaudreault est informé par Claude Bruyère que Patrick Buggie l’a appelé pour lui demander de garder les enregistrements et qu’il l’avait déjà appelé pour lui dire qu’il travaillait tard le soir. Il a expliqué à Claude Bruyère qu’il le faisait à l’occasion parce qu’il avait alors du bon temps de concentration.

[159]      Patrick Buggie dit avoir appelé Claude Bruyère ce 6 janvier pour dire qu’il avait l’intention d’écrire un rapport d’événement concernant ce que Jimmy Gaudreault a fait subir à Sandra Méthot. Il ne se souvient pas avoir demandé de garder les enregistrements de la vidéo. Il dit qu’il voulait la soutenir parce qu’il sentait qu’on n’était pas soutenu par le syndicat qu’on avait de la difficulté à rejoindre et duquel on n’avait pas de retour d’appel. Il a fait le rapport le lendemain (E4). Il voulait  montrer à Sandra Méthot qu’il l’appuyait. Il écrit aussi un courriel à Simon-Mathieu Malenfant (E26).

[160]      Il déclarera à l’enquêteur (E8, [16]) qu’il a appelé à la sécurité fin décembre pour se plaindre du fait que Jimmy Gaudreault restait souvent après les heures de fermeture de la succursale et que ce n’était pas normal. Il dit avoir mentionné alors qu’il parlait à Claude Bruyère le 6 janvier, mais il ne l’avait pas appelé pour cela.

[161]      Il reconnaît avoir dit à Claude Bruyère de Jimmy Gaudreault qu’il retourne donc chez lui. C’est dans le contexte, précise-t-il, que Jimmy Gaudreault lui-même parlait de retourner dans sa région.  

[162]      Jimmy Gaudreault dit que Patrick Buggie s’est assoupli après le départ de Sandra Méthot.   

Des bouteilles cassées

[163]      Jimmy Gaudreault affirme qu’il arrive à l’occasion qu’on casse des bouteilles, mais il n’y a pas une semaine au cours de laquelle Patrick Buggie ne casse pas plusieurs bouteilles. Il ne lui en a pas parlé d’une manière formelle parce qu’il ne sait pas comment aborder la question avec lui.

[164]      Patrick Buggie dit qu’il complète une feuille, selon la procédure, chaque fois qu’il casse une bouteille. Il est honnête, droit et franc et il n’a jamais cassé une bouteille intentionnellement. C’est inconcevable. Il y a eu un bris important dans l’entrepôt à la suite d’un affaissement d’une caisse.

[165]      Martin Cloutier dit avoir constaté de nombreux bris de bouteilles. Jimmy Gaudreault lui dit que, lorsqu’il demande des choses, il constate qu’il y a un bris de bouteilles, parfois des caisses complètes. En période de pointe, on avait de gros bris de bouteilles. Il a demandé à Jimmy Gaudreault de le noter, mais il ne l’a pas fait. Aucune mesure n’a été imposée à Patrick Buggie, on n’est pas en mesure de prouver une faute.

Rencontre au syndicat le 9 janvier

[166]      Simon-Mathieu Malenfant dit que Martin Cloutier a demandé à le rencontrer au sujet de Charny au début de janvier. Il lui dit avoir une rencontre prévue avec les employés le 9 janvier et qu’on pourra se rencontrer par la suite. Ce 9 janvier, on fait l’historique des événements. On conseille à Sandra Méthot de faire une plainte de harcèlement psychologique à la suite de l’événement du 6 janvier, ce qu’elle fera. L’enquêteur déposera  son rapport (S34) le 4 juin 2009, concluant que la plainte n’est pas fondée.  

[167]      Il rencontrera Martin Cloutier et la conseillère en ressources humaines par la suite. Il sera convenu de déplacer Jimmy Gaudreault à la fin de février. Après l’arrivée de Marc Godreau, il n’a plus entendu parler de la succursale.

Le traitement du grief concernant la rue Cartier

[168]      Patrick Buggie dit qu’on l’a rencontré 10 minutes le 9 janvier à propos de sa plainte sur Cartier. Il a pris comme une insulte la façon dont on a traité sa plainte. Il recevra une lettre de Richard Décary le 9 mars 2009 (S20). Il dit avoir toujours été loyal envers la SAQ, mais que la SAQ a été mécontente de son grief. Il y a des signes, dit-il, que la SAQ veut sa peau, c’est assez clair. Il dit avoir encore sur le cœur la rencontre du 9 janvier et que cette affaire-là n’est pas encore réglée. C’était humiliant et il ne voulait pas de leurs excuses.

[169]      Martin Massey , un représentant syndical a accompagné Patrick Buggie à la rencontre du 9 janvier à 9h30. La rencontre s’est bien déroulée. Elle s’est terminée à 11h30. Richard Décary a livré les résultats de l’enquête pendant facilement 90 minutes, et on a posé des questions. Le harcèlement psychologique dont Patrick Buggie se plaignait n’a été reconnu qu’à l’égard d’un collègue de travail à qui on a imposé 3 jours de suspension.

Dégustation du 12 décembre : appel anonyme à la productrice le 9 janvier 2009

[170]      Une dégustation est un contrat avec le représentant qui paie l’employé pour 4 heures en plus des bouteilles qui sont ouvertes.

[171]      André Caron est directeur du développement des clientèles externes. Le 9 janvier 2009, il reçoit un appel de la productrice Éléonore Macle d’Intermiel qui lui dit avoir reçu un appel anonyme l’informant que la dégustation n’avait pas vraiment été réalisée et qu’il était possible d’en faire la preuve si le directeur de la succursale ne l’admettait pas. La dégustation n’aurait duré que 2 heures et la personne dédiée a été replacée sur une autre tâche par le directeur. Il transmet ces informations à Martin Cloutier (E43).

[172]      André Caron dit que la productrice lui a mentionné un prénom qui n’est pas dans la liste des employés de la succursale alors que cette personne a donné des informations qui nécessitent qu’elle ait été dans le magasin.

[173]      Le 27 janvier, André Caron écrit à nouveau à Martin Cloutier pour l’informer que Jimmy Gaudreault faisait le nécessaire avec la productrice. Il lui mentionne aussi que l’anonyme, qui s’est prénommé Jean-Marc, a rappelé la productrice pour savoir si le directeur s’était excusé et s’il y avait une plainte officielle.

[174]      Jimmy Gaudreault explique que, le jour de la dégustation le 12 décembre 2008, il n’avait pas les 2 produits en succursale. Il appelle à St-Jean-Chrysostome pour qu’on lui garde les produits. Il se rend les chercher une heure avant le début de la dégustation. Rendu là, les produits sont introuvables. Il se rend à Lévis où il y en a. Il est retardé par une tempête de neige et il est arrivé avec 30 minutes de retard.

[175]      Karyne Fecteau était en charge de cette dégustation. Elle explique que Jimmy Gaudreault lui a dit qu’on n’avait pas reçu les produits et qu’il allait les chercher. Elle a commencé la dégustation à son arrivée et à 20h00, elle a arrêté la dégustation pour faire du stock. Quelques semaines plus tard, Sandra Méthot lui a demandé si la dégustation avait commencé en retard. Elle lui a répondu ne pas s’en rappeler.

[176]      Jimmy Gaudreault dit que Karyne Fecteau l’a informé que Sandra Méthot l’a cuisinée le 2 janvier sur la dégustation. Même à titre de COS, Sandra Méthot n’a pas de vérification à faire à ce sujet, dit-il. Il a reçu un courriel de Martin Cloutier lui rapportant une plainte de la productrice. Il dit à Martin Cloutier qu’il a facturé 4 heures machinalement. C’est une erreur de sa part. Il a informé la productrice qu’il était en retard de 30 minutes et il lui a offert une nouvelle dégustation aux frais de la SAQ.

[177]      Alexandre Bouchard-Veilleux est caissier-vendeur à la SAQ. Le 12 décembre 2008, il est COS de 15h00 à 21h00. Il explique que c’est arrivé à plusieurs reprises qu’une entente ne soit pas respectée. Selon l’entente, on doit faire la période complète prévue parce qu’elle est payée par le client. Dans un tel cas, il en parle à son supérieur, mais jamais au producteur. Il dit que sa mémoire est confuse par rapport à cette dégustation précise parce qu’il y en a beaucoup.

[178]      Patrick Buggie a transmis à l’enquêteur un document concernant les plages promotionnelles (E57) pour démontrer que la dégustation a été reprise. Lui-même considère qu’il s’agit d’une fraude.

[179]      Il dit ne pas avoir transmis d’information à la productrice. Il explique que la dégustation a commencé avec 90 minutes de retards. Il en a parlé lors de la rencontre avec le syndicat le 9 janvier en après-midi. Mais, il n’a pas abordé le sujet avec Jimmy Gaudreault.

[180]      Martin Cloutier témoigne concernant le courriel E43. André Caron l’avait appelé avant. Il lui dit qu’on ferait la lumière et qu’on s’assurerait que la productrice soit satisfaite. Il parle à Jimmy Gaudreault qui lui confirme que la dégustation a commencé en retard. Martin Cloutier constate qu’il y a eu un manque de planification de sa part et qu’on n’a pas livré nos engagements. Il demande à Jimmy Gaudreault de communiquer avec André Caron et la productrice pour reprendre la dégustation sans frais.

[181]      Quant à l’appel anonyme, Martin Cloutier estime qu’il doit s’agir d’un employé de la SAQ pour pouvoir donner des informations aussi précises. Il n’y a pas de Jean-Marc à Charny. Il en déduit qu’il s’agit de Patrick Buggie quand il regarde la façon de procéder. Les accusations sont grosses. Il accuse le gestionnaire de vouloir frauder le fournisseur, que c’est une pratique courante, qu’il va rappeler pour s’informer de la suite. Ce qu’il a fait effectivement le 27 janvier. Ce n’est pas une pratique pour le COS de prendre des informations concernant une dégustation à moins, dit-il, d’avoir l’objectif de transmettre ces informations à quelqu’un d’autre.

PR Maintenance - Mélanie Coutu le 13 janvier

[182]      Le 12 janvier en après-midi, Jimmy Gaudreault est en réunion à l’extérieur. Il reçoit un appel de Jean Roy, de PR maintenance qui lui demande de débarrer la porte à 8h00 le lendemain pour lui permettre de sortir. Comme il ne pouvait pas être là pour 8h00 et que Jean Roy lui a dit que d’autres directeurs le laissent sortir sans être là, il lui en donne l’autorisation. Dix minutes plus tard, il reçoit un appel de Claude Bruyère qui lui demande pourquoi il a donné son autorisation, et lui dit que c’est Patrick Buggie qui l’a appelé. 

[183]      Patrick Buggie dit qu’il a reçu l’appel de Jean Roy vers 10h00 le matin. Il lui demande d’être là à 8h00 le lendemain pour lui permettre de sortir de la succursale. Une directive concernant la maintenance prévoit que l’homme d’entretien ne peut pas quitter la succursale seul. En raison de la méfiance qui régnait, il s’est senti coincé. Il était COS depuis le départ de Sandra Méthot. Comme sa demande nécessitait qu’il fasse des heures supplémentaires, il fallait l’autorisation et il demande à Jean Roy d’appeler Jimmy Gaudreault. Quelques minutes plus tard, Jean Roy le rappelle et lui dit qu’il a l’autorisation de sortir seul. Il a senti qu’il pouvait subir des représailles de la part de la SAQ à qui il n’a pas envie de donner des munitions. Il appelle à la sécurité, et il parle à Mélanie Coutu. Il lui demande si la directive sur le ménage affichée à la succursale (S19) est encore bonne. Il a expliqué ce qui se passait et elle lui a dit que ce n’est pas supposé et qu’elle ferait le nécessaire.

[184]      Jimmy Gaudreault l’appelle et il n’est pas de bonne humeur. Il lui dit ne pas avoir dit au gars du ménage de sortir et que c’est lui qui entrerait pour éviter les heures supplémentaires. Patrick Buggie dit avoir poigné les nerfs. Il rappelle à la sécurité et il a fait des commentaires un peu brusques et impolis. Martin Cloutier lui a dit avoir reçu une plainte de la sécurité, mais il n’a pas voulu recevoir sa version.

[185]      Le 13 janvier, Patrick Buggie écrit à Mélanie Coutu (E5) parce qu’il voulait savoir s’il était normal qu’on appelle son supérieur lorsqu’il appelle à la sécurité. Il n’y aurait pas eu d’imbroglio là-dessus, dit-il, si la sécurité avait gardé son appel confidentiel.

[186]      Mélanie Coutu dit avoir reçu un appel de Patrick Buggie le 12 janvier. Il lui dit qu’il a de la misère à rejoindre quelqu’un de la sécurité que la personne qui répond est tata, bête et épais, et qu’il est incapable de rejoindre quelqu’un du service des enquêtes. Il lui dit que Jimmy Gaudreault avait une entente avec PR maintenance à l’effet qu’il pouvait quitter avant l’arrivée d’un employé. Il lui dit que les enquêteurs sont incompétents, qu’ils ne font pas leur travail. Il lui demande si les enquêteurs se pognent toujours le cul comme ça. Il demande qu’on enquête sur son supérieur. Elle lui dit qu’elle va transmettre ses informations à son supérieur.

[187]      Elle a transmis le courriel E5 à Claude Bruyère qui a fait aussi des validations auprès de Jimmy Gaudreault sur les allégations concernant sa présence dans le magasin en dehors des heures d’ouverture.

[188]      Martin Cloutier dit que, lorsque Jimmy Gaudreault donne l’autorisation à l’homme d’entretien de quitter la succursale sans la présence d’un employé, il va à l’encontre des règles. Mais, il s’est révisé et il est lui-même entré plus tôt. C’est inhabituel qu’un employé appelle la sécurité comme l’a fait Patrick Buggie. Il donne de l’information comme s’il y avait beaucoup de problèmes, même du vol, ce qui laisse planer le doute sur le gestionnaire. Patrick Buggie n’a pas communiqué avec lui à ce sujet. Martin Cloutier lui a imposé une suspension sans solde d’une journée pour avoir tenu des propos injurieux à l’endroit du service de sécurité (S18).

[189]      Il dit avoir répété à Patrick Buggie de ne plus appeler dans les services et de passer par Jimmy Gaudreault ou par lui-même. Pour lui, les interventions de Patrick Buggie obligent à perdre du temps sur des accusations frivoles qui peuvent avoir un impact sur la carrière de Jimmy Gaudreault.

Plaintes de harcèlement psychologique

[190]      Jimmy Gaudreault a déposé les plaintes de harcèlement psychologique le 13 janvier 2009 à l’attention de l’expert conseil Richard Décary. Patrick Buggie en a été informé le lundi 26 février 2009 (E2).

[191]      Martin Cloutier dit ne pas l’avoir incité à déposer des plaintes. Il lui a expliqué la politique parce qu’il avait des questions. La politique de prévention (E1) a été communiquée au personnel en 2004. Il existe aussi un guide à l’intention des gestionnaires (E51) qui a été présenté à chacun des gestionnaires qui devaient le descendre aux employés.

Le départ de Jimmy Gaudreault et l’arrivée d’un nouveau directeur

[192]      Patrick Buggie dit que ça s’est bien passé après la mi-janvier. Il sent que Jimmy Gaudreault essaie de se rapprocher de lui. Ils travaillent souvent ensemble parce qu’il est COS en l’absence de Sandra Méthot. Pour lui, la page est tournée sur le temps des Fêtes. Il a mentionné qu’il y avait des progrès à la fin janvier 2009. Sandra Méthot lui en a fait le reproche parce qu’elle a pensé que c’était parce qu’elle n’était plus là.

[193]      Sandra Méthot dit ne pas avoir été fâchée du fait que Patrick Buggie aurait dit au syndicat que ça allait bien au magasin après son départ. Durant son absence, elle n’a pas de contact avec la succursale. Elle n’a pas parlé à Patrick Buggie. Elle ne pense pas lui avoir parlé de sa plainte, ni avoir fait des pressions à qui que ce soit concernant sa plainte (E21, [35]).

[194]      Jimmy Gaudreault dit que, après le dépôt de sa plainte, on lui annonce qu’il devra quitter la succursale vers la fin de février. Son supérieur lui a expliqué pourquoi. Il ne lui a pas fait de blâme, mais pour lui c’est un échec. Il croyait qu’après son transfert, il irait mieux, mais son stress et son angoisse ont empiré. Il témoigne de ses démarches médicales par la suite. Il dit que son passage à Charny a été la période sombre de sa vie. Ça a été une catastrophe professionnelle qui a eu un impact très négatif sur sa vie.

[195]      Martin Cloutier explique que c’est sa décision de transférer Jimmy Gaudreault plutôt que les employés.

[196]      Marc Godreau entre en fonction comme directeur en remplacement de Jimmy Gaudreault. Il a été appelé à témoigner par le syndicat qui demandait de faire la preuve que Patrick Buggie n’avait pas eu de problème au travail après le départ de Jimmy Gaudreault, et ce, en réponse à l’argument de Martin Cloutier à l’effet qu’il ne voyait pas de possibilité qu’il puisse s’amender. L’employeur a soulevé que son témoignage n’est pas pertinent puisqu’on ne reproche à Patrick Buggie aucun comportement après l’arrivée de Marc Godreau. Le syndicat a renoncé à faire entendre le témoin après que j’aie mentionné que Martin Cloutier a reconnu n’avoir reçu aucune plainte à l’endroit de Patrick Buggie après le départ de Jimmy Gaudreault.   

Les mesures disciplinaires

[197]      Martin Cloutier explique sa décision de congédier Patrick Buggie ainsi. Il tient compte du rapport de l’enquêteur. Il analyse la situation avec les ressources humaines. Il est clair pour lui que Patrick Buggie voulait la tête de Jimmy Gaudreault avec l’aide de Sandra Méthot et Marc Duval. Leurs actes étaient planifiés. La gravité du harcèlement psychologique était élevée. Il a discrédité Jimmy Gaudreault auprès de lui-même, de Francine Robitaille, de la sécurité et d’une productrice. Il s’acharne en exigeant un suivi de la part de la productrice. Durant une courte période de temps, il y a eu beaucoup de gestes qui ont eu des impacts sérieux chez Jimmy Gaudreault. Il n’a jamais eu de remords. Il n’y a pas d’espoir qu’il change son comportement de telle sorte que le lien de confiance est rompu et que la seule mesure possible est le congédiement.

[198]      Il a aussi considéré la plainte de Pascale Pandolfo, mais seule la plainte de Jimmy Gaudreault suffisait pour lui à la décision de le congédier.

[199]      Il impose une suspension de 6 mois à Sandra Méthot parce qu’elle a commis des comportements vexatoires à répétition pour dénigrer Jimmy Gaudreault à ses yeux de manière concertée avec Patrick Buggie. C’est lui qui passe à l’action, mais elle est partie prenante. Alors que Patrick Buggie a porté atteinte à Jimmy Gaudreault auprès de différentes personnes, Sandra Méthot ne l’a fait qu’auprès de lui-même. Elle a eu moins d’acharnement que Patrick Buggie. Il estimait qu’elle pouvait amender sa conduite.

[200]      Martin Cloutier dit que Jimmy Gaudreault a manqué d’expérience et commis des erreurs, mais qu’il ne méritait pas les comportements que les employés ont eus à son endroit. 

[201]      Sandra Méthot dit que Martin Cloutier lui a remis la lettre de suspension. Elle n’a reconnu aucun fait. Pas plus aujourd’hui. Elle n’a pas de regret, sauf celui de ne pas avoir été écoutée.

ANALYSE ET DÉCISION

Les griefs contestent des mesures disciplinaires et non harcèlement psychologique

[202]      Les griefs contestent les mesures disciplinaires imposées au motif que les salariés auraient posé des actes de harcèlement psychologique à l’endroit de leur supérieur.

[203]      Il s’agit d’une situation inusitée, différente de celles qui sont le plus souvent soumises en arbitrage. Il ne s’agit pas en effet d’une plainte déposée par une victime qui demande que cesse le harcèlement psychologique à son endroit. Le harcèlement psychologique est allégué ici par un supérieur à l’encontre de salariés sous son autorité.

[204]      Les griefs contestent des mesures disciplinaires et posent donc la question de savoir si l’employeur a fait la preuve de fautes commises par les salariés et qui justifient d’imposer les mesures disciplinaires contestées.

[205]      En analysant les faits, il faut déterminer la nature des fautes, s’il y en a. Je pourrais conclure qu’il ne s’agit pas de harcèlement psychologique, mais qu’il s’agit quand même de fautes qui justifient une mesure disciplinaire.

La portée de l’enquête externe en regard du présent arbitrage

[206]      J’ai mentionné d’entrée de jeu aux parties que j’estimais ne pas être lié par les conclusions de l’enquêteur. L’employeur devait donc faire la preuve des faits qu’il reproche aux deux salariés.

[207]      Cela dit, comme l’employeur était saisi d’une plainte de harcèlement psychologique, il a appliqué sa politique et donné le mandat à un enquêteur externe.

[208]      L’enquêteur a fait un travail rigoureux de cueillette d’informations auprès des personnes. Il a produit des rapports des entrevues de toutes les personnes qu’il a rencontrées. Tous ces rapports ont été signés par les témoins sauf celui de la rencontre avec Patrick Buggie, pour les raisons que celui-ci a expliquées. Quoi qu’il en soit, sa propre version (E21) ne contredit pas celle de l’enquêteur, mais elle y ajoute et elle précise la façon dont il a perçu et vécu les événements.

[209]      Dans l’ensemble, les versions recueillies par l’enquêteur sont fidèles aux témoignages des personnes entendues. Ils apportent un éclairage dans le présent arbitrage. Cela dit, je dois tirer mes conclusions à partir de l’ensemble de la preuve, sans tenir pour acquises les conclusions de l’enquêteur.

Appréciation générale des témoignages

[210]      La lecture de la version de Patrick Buggie (E21) est troublante. Au fil des explications qu’il donne sur les différents événements, il finit par dénigrer tout le monde, Jimmy Gaudreault, Martin Cloutier, Pascal Pandolfo, Francine Robitaille, les gens de la sécurité, Sandra Méthot et le syndicat. Sa façon de qualifier les faits et les actes des autres est exagérée. On y retrouve souvent des procès d’intention. Par exemple :

·          On dérangeait…Certains s’étaient fait une niche qu’ils n’ont pas aimé perdre.

·          Il se fout de tout. Il n’avait pas de plan de match. On s’en allait dans un cul de sac.

·          Contrairement à d’autres, je n’ai jamais voulu la peau de M. Gaudreault.

·          Ils ont méméré ça à ma collègue qui a fait une crise.

·          J’ai un employeur qui braque sur moi 15 caméras à longueur de journée en plus d’enregistrer et moi j’aurais pas le droit de prendre une photo.

·          Dans la dégustation arrêtée frauduleusement.

[211]      Ce ne sont que quelques exemples. Ce style de langage exagéré est semblable à celui que l’on retrouve dans des courriels (E4, E5, E20 et E26), et même dans certains de ses propos. Un exemple : il dit à Martin Cloutier le 31 décembre que Jimmy Gaudreault est introuvable alors qu’il n’avait fait aucune tentative pour le trouver.

[212]      Son témoignage contient aussi des invraisemblances et des exagérations. Par exemple, il dit avoir été traité cavalièrement par Richard Décarie le matin de 9 janvier parce qu’il lui aurait fait un rapport d’une dizaine de minutes pour lui donner le résultat de sa plainte. Il est totalement contredit par Martin Massey qui est un témoin tout à fait crédible qui n’a aucune raison de le contredire.

[213]      En raison de la confusion de son témoignage et de ses exagérations, autant durant son témoignage que dans sa version écrite des faits, je conclus d’accorder peu de valeur probante à sa version des faits.

[214]      Il en va autrement dans le cas de Sandra Méthot dont le témoignage a été précis. Elle a rapporté les faits sur lesquels elle a témoigné avec réserve, sans exagération. Il y a des contradictions avec d’autres témoignages. Pour tirer une conclusion à l’égard des témoignages contradictoires à celui de Sandra Méthot, lorsqu’il sera nécessaire de le faire, il faudra décider de la vraisemblance des versions.

[215]      Les autres témoignages apparaissent aussi digne de foi et il faudra départager les contradictions, là aussi, en retenant les versions qui décrivent ce qui s’est vraisemblablement dit ou passé.

[216]      Martin Cloutier est apparu comme un gestionnaire dynamique et rigoureux. Il a témoigné avec précision. Il est intervenu rapidement chaque fois qu’il était saisi d’un problème par Sandra Méthot, Patrick Buggie ou Jimmy Gaudreault. Son témoignage est très crédible et son analyse de la situation m’apparaît juste. Quand il témoigne sur des faits qui sont à sa connaissance, il faut donner foi à sa version. Il faut distinguer cependant lorsqu’il témoigne de faits qu’on lui a rapportés.

[217]      Il y a des contradictions sur certains faits, mais on ne peut pas les imputer à la mauvaise des témoins. Ils ont témoigné de faits survenus parfois depuis longtemps. Aussi, pendant deux mois, il est survenu plusieurs événements, presqu’à tous les jours, et on peut comprendre et excuser quelques écarts entre les témoignages sans pour autant penser que l’un ou l’autre témoin a voulu tromper.

Les faits prouvés et leur qualification

[218]       Jimmy Gaudreault n’était pas présent le jour de leur arrivée. Plus tard, ils le lui reprocheront auprès de Martin Cloutier. Pourtant, il les avait prévenus après les avoir accueillis quelques jours avant leur arrivée. Aucun problème n’est survenu le 10 novembre, même que les deux plaignants disent que ça a bien été pendant les premières semaines. Alors pourquoi, lui tenir rigueur après coup de ne pas avoir été là.

[219]      La question du droit acquis au lavage de plancher et des heures supplémentaires sont de même nature. Comme le souligne le procureur du syndicat, il s’agit d’une question de relations de travail. Il faut distinguer entre un conflit légitime relatif aux conditions de travail et une situation de harcèlement psychologique.

[220]      Les salariés peuvent revendiquer des conditions de travail auxquelles ils estiment avoir droit. Ils peuvent en parler au gestionnaire, lui dire qu’ils revendiquent le transfert du droit acquis et l’octroi d’heures supplémentaires. Une fois qu’ils ont obtenu la réponse du gestionnaire, ils peuvent la contester sans encourir de représailles.

[221]      Ils doivent le faire cependant, en utilisant les recours appropriés. Ils peuvent certainement faire quelques recherches et photocopier des documents pour préparer leur recours et supporter leur position. Ils peuvent sans doute faire quelques appels aux représentants syndicaux . Mais, ils ne peuvent pas, comme ils l’ont fait, revenir à la charge à répétition, laisser entendre qu’ils vont ralentir le travail s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils demandent, menacer de faire de nombreux griefs qu’ils ne feront pas.

[222]      À la fin la 3 e semaine, Martin Cloutier rencontre Sandra Méthot. Elle n’a pas préparé les notes (E48), mais, comme ses notes à elle, elles portent sur les sujets qui ont été discutés le 28 novembre. Après un bon échange sur les différents sujets, il la met en garde concernant la façon de dire les choses.

[223]      Quelques jours plus tard, le 2 décembre, Martin Cloutier prévient Patrick Buggie de ne pas porter de jugements hâtifs. Il se plaignait de l’horaire des heures supplémentaires et Martin Cloutier lui a expliqué que l’horaire était fait en fonction des besoins. Néanmoins, Martin Cloutier intervient auprès de Jimmy Gaudreault qui apporte un ajustement.

[224]      Juste avant, Patrick Buggie avait eu une discussion avec Jimmy Gaudreault au cours de laquelle il lui a dit qu’il va falloir ralentir . Son explication voulant qu’il ne parlait pas de ralentir volontairement, mais à cause de ses limites, ne tient pas pour la raison suivante. Il réclamait qu’il lui accorde plus d’heures supplémentaires, et s’il prétendait que c’est parce qu’il n’avait pas assez de temps pour bien faire le travail, c’est dans ces mots qu’il l’aurait dit. Il n’aurait pas dit qu’il allait ralentir.

[225]      En fait, Patrick Buggie a menacé son supérieur de se pogner l’cul et de ralentir s’il ne lui accordait pas plus d’heures supplémentaires. Il peut réclamer des heures supplémentaires, mais il y a la manière. Et en plus de menacer son directeur, il saute sur l’occasion de parler à Martin Cloutier et met en doute sa capacité de faire des horaires.

[226]      Je ne dis pas que Patrick Buggie a ralenti. Il dit être trop fier pour ralentir. Je veux bien le croire. Je n’ai d’ailleurs été saisi d’aucun reproche à l’égard de la qualité de son travail. Je dis cependant qu’il a menacé de le faire pour des mauvaises raisons.

[227]      J’en profite pour ouvrir une parenthèse. Ils ont reçu des félicitations concernant la qualité de leur travail dès la semaine suivante. Je n’ai aucune raison de penser que ces courriels aient été sollicités par quiconque. De toute façon, ce n’est pas la qualité de leur travail qui est reprochée à Sandra Méthot et Patrick Buggie. Ceux-ci avaient vraisemblablement une bonne intention en transmettant ces félicitations à Marc Duval, bien que Jimmy Gaudreault l’ai perçu différemment.

[228]      Patrick Buggie a deux revendications, le plancher et les heures supplémentaires, qui étaient peut-être bien fondées. Je n’ai pas à en décider. Am et lui sont préoccupés par les tâches confiées aux salariés à temps partiel. Après avoir été informé de la position de l’employeur, il a poursuivi ses revendications d’une manière inadéquate.

[229]      En soi, revendiquer un droit auquel on croit avoir droit, même de la mauvaise façon, n’est pas un acte vexatoire. Mais, vraisemblablement à cause de la position de l’employeur, à peine quelques semaines après leur arrivée, Sandra Méthot et lui sont partis en guerre contre Jimmy Gaudreault et ils ont posé des actes et dit des choses inacceptables à son égard.

[230]      Malgré que Sandra Méthot et lui le nient, je conclus que Patrick Buggie a tenu les propos que Jimmy Gaudreault dit avoir entendus le 11 décembre . Jimmy Gaudreault n’a pas inventé cela. Il aurait fallu qu’il joue la comédie devant Sébastien Villeneuve et Martin Cloutier. Par ailleurs, ces propos sont du même ordre, bien que plus grave, que d’autres qu’il a déjà tenus avant et qu’il tiendra après. Jimmy Gaudreault avait de quoi être affecté et déstabilisé comme l’ont constaté Sébastien Villeneuve et Martin Cloutier.

[231]      Je conclus aussi que Sandra Méthot et Patrick Buggie discréditaient Jimmy Gaudreault devant les salariés à temps partiel . Les témoignages de Karyne Fecteau, Yannick Breton et Laurie-Maude Poulin sont crédibles. Ils n’ont pas inventé cela pour nuire aux salariés réguliers parce qu’ils leur enlèveraient du travail. Cette croyance relève du procès d’intention.

[232]      Je pourrais comprendre qu’un salarié déçu d’une décision de son supérieur manifeste son mécontentement auprès d’un collègue et qu’il mette en doute la qualité de la décision. Mais ici, il y a du mécontentement exprimé presqu’à tous les jours, avec un langage inadéquat et devant différentes personnes qui sont en relations professionnelles avec Jimmy Gaudreault.

[233]      Prendre des photos du mauvais état de l’entrepôt et des boîtes encombrantes est une attitude qui démontre le mauvais état d’esprit qui guidait Patrick Buggie. Il en prendra à nouveau le 30 décembre parce que le magasin est dans un état délabré. Il s’explique en invoquant que l’enquêteur des événements de la rue Cartier lui avait demandé s’il avait des preuves et plus tard en disant qu’il s’agissait d’un appareil jetable qui trainait dans son sac. Il n’y a rien de sain pour un employé dont une partie de la fonction est de s’assurer du bon état de magasin de prendre des photos pour en montrer le mauvais état. Il est difficile de croire qu’il était guidé par une bonne intention. Cela dit, il n’a rien fait de ces photos.

[234]      Cependant, la deuxième fois, Jimmy Gaudreault est arrivé sur les entrefaites et il l’a vu depuis le stationnement. On peut comprendre qu’il pouvait lorsqu’il a vu les deux employés réguliers qui remettent en cause ses décisions régulièrement prendre des photos des étalages.

[235]      Le 17 décembre, Sylvain Rochon fait une inspection de la succursale . Sandra Méthot n’est pas étrangère à cette visite. Elle avait soulevé quelques problèmes à Simon-Mathieu Malenfant, ce qui n’est pas une faute. Elle n’a pas dit discuté du sujet avec Jimmy Gaudreault, ce qui aurait été approprié.

[236]      Sylvain Rochon a trouvé la succursale pas trop mal en point. Cependant, les quelques points que Jimmy Gaudreault disait avoir été défait sont constatés dans son rapport. Mais, la preuve ne permet pas de conclure à du sabotage de la part de Sandra Méthot ou de Patrick Buggie. On peut comprendre les doutes de Jimmy Gaudreault, mais il n’y a pas une preuve concluante pouvant les incriminer.

[237]      Sylvain Rochon dit que Jimmy Gaudreault disait avoir deux vieux à casser . Ce témoignage est crédible. Jimmy Gaudreault reconnaît avoir dit qu’il y avait du sabotage et qu’il avait deux employés problématiques. Il est plausible qu’il ait utilisé une expression moins gracieuse. Ses propos ont peut-être dépassé sa pensée, mais il est vraisemblable qu’ils sont fidèlement rapportés par Sylvain Rochon.

[238]      Ce sont des propos qui ne sont pas acceptables. Jimmy Gaudreault n’avait pas à ce moment-là un bon état d’esprit à leur égard. Mais il n’y a pas de preuve qu’il avait posé des gestes de provocation pouvant justifier les propos discréditant qu’eux-mêmes tiennent envers lui, ni qui justifieraient les attitudes qui suivront dans les prochains jours. D’ailleurs, Sylvain Rochon dit qu’il n’a pas informé les salariés de ces propos et Sandra Méthot dit qu’il ne leur a dit que plus tard.

[239]      La zone rouge est certainement là pour une bonne raison. Mais la décision de lever la zone rouge est une décision que Jimmy Gaudreault pouvait prendre légitimement. Ça lui appartenait. Patrick Buggie s’est non seulement opposé à cette décision de son supérieur de placer des bouteilles malgré la zone rouge, mais il a aussi défait un panier préparé par un collègue. C’est un geste malicieux défiant l’autorité du gestionnaire.

[240]      À partir de ce moment-là, Patrick Buggie commence à faire des appels dans les services non seulement pour avoir des informations, mais pour discréditer le gestionnaire.

[241]      Sandra Méthot a dit qu’elle était absente du travail le 27 décembre et Martin Cloutier relate une rencontre à laquelle il dit qu’elle aurait participé. Si la preuve n’est pas concluante sur la tenue de cette rencontre, il m’apparaît clair que Martin Cloutier a mis Sandra Méthot et Patrick Buggie en garde sur leur façon de faire leurs demandes aux gestionnaires. De toute façon, ils sont des employés d’expérience et des personnes intelligentes qui ne peuvent pas ignorer leurs devoirs de respect et de loyauté.  

[242]      Le déficit de caisse a pris, aux yeux de Sandra Méthot, des proportions qu’il n’aurait pas eues dans un climat de confiance. Cela dit, on ne peut pas lui tenir rigueur d’avoir été inquiète, même si elle avait sa part de responsabilité dans l’état de ce climat. Malgré son inquiétude, c’est inacceptable qu’elle dise à Mélanie Coutu craindre des représailles de la part de Jimmy Gaudreault qui venait de lui dire de ne pas s’emballer et qu’il ne lui reprochait rien. Elle peut dire à Mélanie Coutu son inquiétude parce que les déficits de caisse peuvent attirer des soupçons de vol, mais pourquoi lui dire qu’elle craignait des représailles de la part de Jimmy Gaudreault, compte tenu de ce qu’il venait de lui dire.    

[243]      Le 31 décembre , si Patrick Buggie avait eu un réel malaise avec l’absence de Jimmy Gaudreault après le départ de Sandra Méthot, il aurait appelé Jimmy Gaudreault lui-même. Il ne voulait pas être COS, mais il en connaissait le travail et l’absence de Sandra Méthot ne pouvait pas l’inquiéter comme il le dit. D’ailleurs, il sera COS à compter du 6 janvier. Il est invraisemblable qu’il n’ait pas le numéro de téléphone pour rejoindre Jimmy Gaudreault et qu’il ait celui de Martin Cloutier. Ils les avaient les deux de toute évidence. En fait, il a décidé d’appeler Martin Cloutier pour mettre son supérieur dans le trouble. Il est introuvable, lui dit-il.

[244]      Le 2 janvier , il y a eu des problèmes. Sandra Méthot avait été préparée par Jimmy Gaudreault pour cette journée. Elle reconnaît qu’elle est entrée à 12h00 comme l’avait décidé Jimmy Gaudreault, dit-elle. C’est donc qu’ils s’étaient parlé de cette journée et ça rend vraisemblable qu’il a établi un plan de match dont il a discuté avec elle. On est entré une heure plus tôt pour se préparer, ce qui a été insuffisant en raison des problèmes informatiques imprévus.

[245]      Je comprends que c’est une situation stressante. Mais elle n’appelle pas Jimmy Gaudreault, le principal intéressé. Elle appelle d’abord Simon-Mathieu Malenfant, pour se plaindre, et en fin d’après-midi, Martin Cloutier à qui elle laisse un message. Il n’y a pas de motif raisonnable de ne pas avoir tenté de rejoindre Jimmy Gaudreault et d’appeler Martin Cloutier qui est lui aussi en vacances.

[246]      Le retour de Jimmy Gaudreault le 6 janvier se passe très mal. Même en retenant la version de Sandra Méthot selon laquelle elle lui aurait donné des informations sur ce qui s’est passé, elle a refusé de lui donner les explications qu’il demande après lui avoir dit qu’elle a appelé son supérieur. C’est le directeur de la succursale. Il revient après quelques jours de vacances. Refuser de répondre à ses questions additionnelles est une insubordination sérieuse. Il avait raison de lui demander de retourner chez elle. Cela dit, elle a été rémunérée et n’a pas reçu une mesure disciplinaire spécifique pour son attitude ce jour-là. L’employeur a basé le motif de la suspension de 6 mois sur le rapport de l’enquêteur qui ne retient pas cet événement comme étant du harcèlement psychologique. Et ce n’en est pas non plus.

[247]      Je ne peux pas voir quel intérêt légitime Patrick Buggie pouvait avoir d’appeler Claude Bruyère à la sécurité. En plus, il profite de cet appel pour laisser planer un doute quand aux intentions de Jimmy Gaudreault qui reste au magasin après la fermeture. Il n’a aucun autre motif d’appeler à la sécurité que celui de prendre partie contre son directeur et de le discréditer.

[248]      La preuve ne permet pas de conclure que Patrick Buggie cassait des bouteilles intentionnellement.

[249]      Le 9 janvier, André Caron informe Martin Cloutier que la productrice a reçu l’appel anonyme d’un homme pour dénoncer les ratés de la dégustion du 12 décembre. La preuve ne révèle pas à quel moment l’appel anonyme a été fait, seulement que la productrice a appelé avant 10h00 le 9 janvier.

[250]      Selon toute vraisemblance, Patrick Buggie a fait cet appel et il a fait aussi le 2 e appel pour s’informer des suites qu’elle a données. Depuis près de deux mois, il dénigre son supérieur et il le dénonce chaque fois qu’il croit avoir un motif de la faire. Comme Martin Cloutier, je suis d’avis que la méthode est celle de Patrick Buggie.

[251]      Sandra Méthot a cherché à obtenir des informations relativement à cette dégustation trois semaines après qu’elle ait eu lieu et vraisemblablement une semaine avant l’appel. Elle n’est pas étrangère à l’événement, pas à l’appel, mais à la recherche d’informations.

[252]      Jimmy Gaudreault a fait une erreur de planification avec le résultat que la dégustation ne s’est pas bien passée. Il lui revenait de corriger l’erreur et il ne le faisait pas. Un salarié au courant aurait été justifié de faire des démarches pour s’assurer que la situation soit rétablie au bénéfice de la productrice. Mais l’obligation de loyauté première est vis-à-vis de son employeur. C’est à l’employeur qu’il devait dénoncer la situation. En fait, s’il avait eu le minimum de respect pour le directeur, il lui aurait suggéré que cette dégustation n’était pas conforme et qu’elle devait être reprise. C’est à lui d’abord qu’il aurait dû en parler. Si cette première approche avait été infructueuse, il aurait pu légitiment monter plus haut et en parler à Martin Cloutier. En s’adressant directement à la productrice, non seulement a-t-il manqué à son devoir de loyauté, mais il a profondément discrédité son directeur, ce que l’erreur de ce dernier ne justifiait pas, et toute l’organisation.

[253]      Le 12 janvier, Patrick Buggie prend Jimmy Gaudreault en défaut à propos de la sécurité requise à la sortie de l’homme d’entretien . Encore une fois, il n’a pas une raison valable d’appeler la sécurité sans s’être d’abord entretenu avec Jimmy Gaudreault au sujet de l’application de la directive. La seule raison possible de son appel à la sécurité est la même que pour les appels précédents qu’il a fait à la sécurité, à Francine Robitaille, à Martin Cloutier et à la productrice : discréditer Jimmy Gaudreault.

Le harcèlement psychologique et le caractère approprié des sanctions

[254]      Le lendemain, Jimmy Gaudreault dépose ses plaintes de harcèlement psychologique.

[255]      À la lumière de son enquête, l’enquêteur a conclu à la présence de harcèlement psychologique de la part de Patrick Buggie et de Sandra Méthot.

[256]      À la lumière de la preuve recueillie au cours du présent arbitrage, je conclus comme lui.

[257]      Les parties ont déposé plusieurs décisions arbitrales portant sur la matière. Je ne reprendrai pas les principes qu’elles établissent, ils sont bien connus.

[258]      Le procureur du syndicat a raison de dire qu’il faut distinguer entre ce qui peut être perçu comme du harcèlement psychologique et ce qui s’inscrit dans le cadre normal des relations de travail. Dans le présent cas, les difficultés ont commencé avec des questions relatives aux conditions de travail : les droits acquis pour le nettoyage du plancher et la quantité d’heures supplémentaires à prévoir notamment. Ces questions ont fait l’objet de décisions qui ont été expliquées à Sandra Méthot et Patrick Buggie. Les positions de l’employeur ne faisaient pas leur affaire. Plutôt que de les contester selon les procédures qui s’inscrivent précisément dans le cadre normal des relations de travail, ils se sont obstinés à faire payer ces décisions à Jimmy Gaudreault en le discréditant et en cherchant à la prendre en défaut.  

[259]      À ce sujet, je citerai un passage d’une décision citée par le syndicat Syndicat des employé(e)s professionnels et de bureau - Québec et Commission scolaire Marie-Victorin, 2009 CanLII 76317 , 25 juin 2009, arbitre Gilles Lavoie)  :

[110] Ainsi, une différence caractéristique entre ces deux situations est essentiellement que dans un conflit les reproches sont connus et la communication est ouverte et directe, les deux parties sont en quelque sorte considérées sur un pied d’égalité. Dans une situation de harcèlement psychologique, il y a du non-dit et la partie qui attaque déprécie la valeur de l’autre partie en cherchant à la dominer et à la soumettre. La personne qui en harcèle une autre, pour paraphraser madame Hirigoyen, ne cherche pas à critiquer son travail bien ou mal fait, mais plutôt à l’atteindre personnellement en vue consciemment ou non de la blesser, de lui nuire et de la dominer.

[260]      Dans le présent cas, Patrick Buggie et Sandra Méthot, bien que celle-ci dans une moindre mesure, ont discrédité Jimmy Gaudreault auprès des employés qu’il dirige, de son supérieur qui le dirige, et des membres des services centraux. Ils cherchaient à l’atteindre personnellement pour lui nuire.

[261]      Même si j’avais conclu qu’il ne s’agit pas de harcèlement psychologique, il faudrait conclure qu’ils ont adopté un comportement inacceptable et répréhensible face à leur devoir de loyauté envers l’employeur.

[262]      Jimmy Gaudreault a certainement manqué d’expérience dans certaines situations et il a été incapable d’assurer le leadership qui aurait permis de faciliter l’accueil et l’intégration des deux nouveaux employés réguliers. Mais il ne méritait pas le traitement qu’on lui a fait subir. Son manque d’expérience et de leadership, et les erreurs qu’il a commises ne peuvent pas justifier les écarts de conduite de Sandra Méthot et de Patrick Buggie.

[263]      Je ne dis pas que Patrick Buggie est une mauvaise personne. Je n’ai pas à en juger. Je ne dis pas non plus qu’il n’est pas un employé efficace. Le débat ne portait sur la qualité de son travail. Je constate cependant qu’il a passé et fait passer à son entourage professionnel deux mois exécrables. Peut-être était-il préoccupé par sa santé, mais il ne l’a pas invoqué en temps opportun auprès de son employeur.

[264]      Pendant près de deux mois, Patrick Buggie a agi d’une manière inacceptable à l’égard de son directeur en particulier et de l’organisation en général. L’employeur gère de nombreux établissements dont quelques uns sont dirigés par des cadres au début de leur carrière de gestionnaire. Il est en droit de s’attendre à une collaboration sincère et loyale des employés.

[265]      L’employeur est en droit de s’attendre à ce qu’un salarié respectera l’autorité du gestionnaire et qu’il lui apportera sa collaboration. Un conflit peut survenir, c’est dans l’ordre des choses. Mais il y a des manières de le régler. Discréditer la personne avec qui on a un conflit, ici plusieurs fois en deux mois, n’est pas une manière acceptable.  

[266]      L’employeur était justifié de mettre fin à l’emploi de Patrick Buggie. Il pouvait raisonnablement conclure à l’impossibilité de celui-ci d’assurer une prestation de travail dans le respect de son devoir de loyauté et dans le respect des personnes en autorité sur lui.

[267]      Patrick Buggie a mentionné que le fait d’arriver en même temps que la période des Fêtes a pu leur nuire. C’est une mauvaise excuse. Il me semble en effet que c’était une raison de plus pour apporter sa collaboration plutôt que de chercher à nuire au directeur.

[268]      En l’absence du témoignage de Pascale Pandolfo, il y a peu d’éléments mis en preuve quant au comportement de Patrick Buggie à son égard. Il n’y a que le témoignage de Jimmy Gaudreault. Cette preuve ne supporte pas le bien-fondé d’une mesure disciplinaire. Mais, en ne tenant compte que du comportement de Patrick Buggie à l’égard de Jimmy Gaudreault, je conclus que le congédiement était justifié.

[269]      On n’a rien reproché à Patrick Buggie après le remplacement de Jimmy Gaudreault par Marc Godreau. L’employeur aurait-il dû considérer sa capacité à amender sa conduite? Le fait que ça aille bien avec Marc Godreau n’empêche que ça a été vraiment mal avec Jimmy Gaudreault. J’en conclus, en raison de la preuve présentée et pour les motifs déjà expliqués, que Patrick Buggie est responsable de cette situation. Même s’il peut composer correctement avec certains gestionnaires, l’employeur était justifié de croire qu’il sera incapable de fonctionner avec un gestionnaire qui ne fera pas son affaire. Et, c’est un motif suffisant pour perdre confiance en un employé.

[270]      La situation de Sandra Méthot est différente de celle de Patrick Buggie. Martin Cloutier fait une bonne appréciation en concluant que son attitude et ses fautes sont moins graves.

[271]      Sandra Méthot est arrivée dans ce nouvel emploi heureuse et avec de bonnes intentions. Elle avait sans doute les qualités pour lui permettre de bien remplir la nouvelle fonction qu’on lui offre. L’employeur ne lui fait du reste aucun reproche là-dessus. La situation s’est détériorée en peu de temps. Jimmy Gaudreault a possiblement une part de responsabilité. Peut-être ne l’a-t-il pas suffisamment supportée au début, même si son affectation comme COS n’était que temporaire.

[272]      Cela peut expliquer inquiétude. Cela peut expliquer qu’elle ait plusieurs points à discuter dès le 28 novembre lors de la visite de Martin Cloutier. Mais cela ne peut pas excuser le fait qu’elle a discrédité son gestionnaire auprès des employés à temps partiel et auprès de Martin Cloutier. 

[273]      Une suspension de 6 mois paraît sévère, mais pas au point qu’elle doive être modifiée. La sévérité appartient à l’employeur et l’arbitre n’interviendra que si la sanction est d’une sévérité nettement disproportionnée par rapport à la faute reprochée. Je conclus que ce n’est pas le cas.

Pour ces motifs,           les griefs de Sandra Méthot et de Patrick Buggie sont rejetés.

 

 

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Denis Gagnon, arbitre