RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX
DÉCISION
[1] Par avis daté du 7 septembre 2011 2011, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a convoqué en audience la titulaire en vue de procéder à une enquête et déterminer si elle avait commis quelque manquement à ses obligations légales en rapport avec les événements mentionnés à l’avis et, le cas échéant, aux fins de sanctionner tel manquement.
LES FAITS
[2] Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :
[ Transcription conforme ]
Contenant(s) non timbré(s)/ Restaurant pour servir possède ou garde des boissons alcooliques qui n’entrent pas dans les mets
Le 10 février 2011, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 1) :
- 4 bouteille(s) de boisson(s) alcoolique(s) de 720 millilitre(s) de marque Hakutsuru, saké sec, 15 % alc./vol.
Le timbre de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce(s) contenant(s).
Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) dans le local réservé aux employés.
Total en litres du (des) contenant(s) non timbré(s) : 2,88 litre(s).
autres informations pertinentes
Petit Tournesol Doré inc. est autorisé(e) à exploiter cet établissement depuis le 27 juin 2008.
La date d'anniversaire du(des) permis est le 1er août.
[3] L’audience s’est tenue, au palais de justice de Montréal, le 25 octobre 2011. La titulaire était représentée par M e Richard Phaneuf. La Direction du contentieux de la Régie était représentée par M. Guillaume Dutil-Lachance, stagiaire en droit.
[4] La représentante de la Titulaire était accompagnée d’une interprète officielle, M me Thi Hoa Nguyen.
AUDIENCE
[5] Le contentieux de la Régie établit sa preuve en fonction des faits allégués à l’avis de convocation et des documents qui y étaient annexés.
Témoignage de Madame Dinh, responsable de la titulaire.
[6] Le témoin décrit l’opération de son commerce et notamment le fait que son mari fait la cuisine, elle et sa fille servent et il y a un plongeur. Elle a rétabli les faits quand à la question du vin saisi, qui ne sert que pour la préparation des mets. Ces vins sont gardés dans la réserve sur une tablette. Elle exhibe à cet effet une photo de la réserve (T1) et une feuille manuscrite (T2) indiquant les recettes dans lesquelles ces vins sont utilisés.
[7] Elle précise que ces SAKEs sont achetés à la SAQ et exhibe une liasse de factures dont une du 2 février 2011 et qu’elles devaient être timbrées. M me Dinh mentionne que les policiers lui ont expliqué qu’il y avait des façons de faire, ou faire timbrer les bouteilles à l’achat ou préparer ces mets à la maison.
[8] En ce qui a trait aux déclarations faites aux policiers par elle et son mari, qui ont semblé contradictoires, elle explique que ce n’est qu’une confusion dans l’interprétation de leurs paroles et qu’ils n’ont pas voulu mentir.
[9]
Le
contentieux ne doute pas du témoignage de M
me
Dinh, toutefois ces
factures ne sont pas des factures de titulaires et non conformes au permis
d’alcool. La titulaire a toléré dans son établissement la présence de boissons
alcooliques non acquises en conformité avec son permis et donc contrevenu aux
termes des articles 72.1 et 86 alinéa 2 paragraphe
[10] M e Phaneuf plaide que la crédibilité de sa cliente n’est pas en doute. Il ressort de la preuve que sur les six (6) bouteilles achetées il en restait quatre. Ces bouteilles avaient été achetées de la SAQ et étaient en vue. Et que cela démontre bien que sa cliente n’avait pas connaissance d’enfreindre la loi.
[11] M e Phaneuf ajoute que c’est une première infraction, de ne pas imposer de sanction comme la Régie l’avait fait dans la cause de Restaurant Arahova Souvalki-Sherbrooke Est [1] . Deux autres décisions sont également citées Restaurant Lotus [2] et Gourmet d’Asie [3] dans lesquelles une suspension d’un jour (1) du permis avait été ordonnée.
LE DROIT
[12] Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :
Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [4] (LIMBA)
82.1. Sous réserve des droits qui lui sont conférés par la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), à titre de titulaire de permis de production artisanale ou de producteur artisanal de bière, un titulaire de permis ne peut garder, posséder ou vendre dans son établissement:
1° des boissons alcooliques autres que la bière, le cidre léger ou celles visées au deuxième alinéa qui n'ont pas été achetées directement de la Société;
[ … ]
84. Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie.
[ … ]
108. Quiconque étant muni d’un permis :
[ … ]
1.2° de restaurant pour servir, possède ou garde dans son établissement des boissons alcooliques autres que celles qui entrent dans la préparation des mets qui y sont cuisinés;
commet une infraction [ … ]
Loi sur les permis d’alcool [5] (LPA)
28.1. Le permis de restaurant pour servir autorise son titulaire à servir à ses clients ou à les laisser consommer des boissons alcooliques qu'ils apportent dans son établissement pour consommer sur place à l'occasion d'un repas, pourvu que ces boissons ne soient pas des alcools ou des spiritueux.
72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.
[ … ]
86. La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:
[ … ]
4° le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;
[ … ]
La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l'article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants:
a) la quantité de boissons alcooliques ou d'appareils de loterie vidéo;
b) le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaise qualité ou impropres à la consommation;
c) le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;
d) le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1 dans les cinq dernières années;
e) le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu'elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).
ANALYSE
[13]
L'ensemble de
la législation en matière d'alcool démontre l'intention du législateur
d'assurer un contrôle très serré du commerce des boissons alcooliques au Québec,
tant au niveau de la fabrication, de la distribution que de la vente. Selon les
articles
[14] La Régie estime qu'un titulaire qui connaît la présence dans l'établissement de boissons alcooliques non acquises conformément à son permis ou qui est présumé être au fait de cette présence et qui n'a pas pris les moyens pour s'en départir dans un délai raisonnable, contrevient à la loi. Il en est de même de celui qui, sans connaître cette présence, n'a pas pris les mesures nécessaires afin de s’assurer que cela ne se produise.
[15] Dans ce contexte, il est clair qu'un titulaire doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que des boissons alcooliques non acquises conformément à son permis ne se trouvent dans son établissement.
[16] Le témoignage honnête de la représentante de la titulaire place néanmoins celle-ci en situation d’infraction à la loi, même s’il est clair qu’il n’y avait aucune intention d’enfreindre la loi.
[17] Toutefois dans un cas similaire, la décision de la Régie Chez Zim Bar [6] souligne le fait suivant :
[ Transcription conforme ]
Le législateur ne fait pas de distinction quant à la finalité de l’acte en ce sens qu’il ne distingue pas si le produit est destiné à être vendu ou pas.
[18] Compte tenu des faits de la présente affaire et de l’examen de l’ensemble du dossier, la Régie est d’avis que la titulaire a toléré, selon l’interprétation stricte du mot « tolérer » confirmée par l’honorable juge Jean-Louis Baudouin de la Cour d’appel, dans son établissement la présence de boissons alcooliques non acquises conformément à son permis et qu'il y a lieu d'intervenir auprès de celle-ci.
[19] En effet, dans l’arrêt Reuben’s [7] , le juge Baudouin écrit ceci :
[ Transcription conforme ]
La requête plaide que pour « tolérer » quelque chose, il faut avoir une intention de le faire ou, du moins, commettre une faute par négligence. À mon avis, elle a tort.
Selon le Petit Robert que la requérante nous a cité, le mot « tolérer » ne signifie pas simplement « autoriser », ou « permettre », mais aussi « laisser se produire ». De même, en langue anglaise, « to tolerate » s'entend (et je cite le « Random House Dictionary ») .« to allow the existence, presence, practice or act of without prohibition or hindrance ».
« Il n'était donc pas manifestement déraisonnable pour les deux instances administratives de donner une interprétation stricte et objective au mot en question et d'exclure toute intention coupable ».
[20]
Comme il y a
contravention à l’article
[21] Selon le document 1, les policiers ont saisi dans l’établissement quatre (4) contenants de boissons alcooliques non timbrés pour un total de 2,88 litres.
[22] La Régie est d’avis qu’une suspension d’une durée d’un (1) jour est raisonnable et justifiée dans les circonstances, vu que c’est une première infraction pour la titulaire.
[23] La Régie ajoute que le but premier de cette suspension n’est pas pour punir la titulaire mais pour la sensibiliser sur le sérieux des lois relatives à l’exploitation d’un commerce jouissant du privilège de servir de l’alcool au public
[1] Décision RACJ du 11-09-2008, décision numéro 40-0002772
[2] Décision RACJ du 07-04-2011, décision numéro 40-0004157
[3] Décision RACJ du 24-03-2011, décision numéro 40-0004128
[4] L.R.Q., c. I-8.1
[5] L.R.Q., c. P-9.1
[6] Décision RACJ du 06-12-2005, décision numéro 40-0001124
[7] 134677 Canada inc. (Reubens) c. Tribunal administratif du Québec et Régie des alcools, des courses et des jeux . C.A. n o 500-09-014332-043,j. Jean-Louis Baudouin, 24 mars 2004.