Section des affaires économiques

 

 

Date : 14 novembre 2011

Référence neutre : 2011 QCTAQ 11422

Dossier  : SAE-M-191782-1111

Devant le juge administratif :

FRANÇOIS LANDRY

 

MATHIEU CHAINEY

Partie requérante

c.

BUREAU DE LA SÉCURITÉ PRIVÉE

Partie intimée

 

 


DÉCISION INCIDENTE

Requête suivant l'article 107 L.J.A.


 



[1]               Dans une décision datée du 27 octobre 2011, l'intimée, le Bureau de la sécurité privée, ci-après, le « Bureau », refuse d’accorder le permis d’agent de gardiennage que le requérant demande parce que celui-ci ne remplirait pas les conditions prévues par la Loi sur la sécurité privée [1] , la « LSP » .

[2]               En vertu de l'article 107 de la Loi sur la justice administrative [2] , ci-après appelée, la «  LJA  », le requérant demande de suspendre l’exécution de cette décision.

[3]               Le requérant affirme qu’il travaille dans le domaine de la sécurité depuis sept ans, dont cinq pour la compagnie Garda et que la Sûreté du Québec a toujours renouveler son permis.  Il ne possède pas de casier judiciaire. 

[4]               Selon lui, c’est son père qui, à l’occasion d’un conflit entre eux, a déposé les plaintes à l’origine du refus de son permis.  Il soutient que son père ignorait que ce geste engendrerait autant de conséquences, qu’il le regrette aujourd’hui et qu’il pourrait témoigner en ce sens dès aujourd’hui, étant présent à l’audience concernant la présente demande de suspension d’exécution.

[5]               Il affirme avoir travaillé pour la compagnie Garda jusqu’à la décision du Bureau, mais avoir dû cesser ce travail.  Il dit avoir déposé une demande d’assurance-chômage, mais il n’est pas certain de recevoir des prestations.  La compagnie Garda le garde sur sa liste d’employés jusqu’à la décision du Tribunal sur le fond. 

[6]               Il plaide que la perte de son permis lui cause un préjudice sérieux et irréparable parce qu’il ne peut pas gagner sa vie.

[7]               Avant la décision en cause, le Bureau lui a remis une lettre, datée du 5 juillet 2011, à l’intention de son employeur, lui permettant de travailler.  Selon lui, le fait de suspendre l’exécution de la décision du Bureau le mettrait dans la situation antérieure à cette décision et il pourrait donc travailler de nouveau. 

[8]               Dans son témoignage, le secrétaire du Bureau affirme que la lettre en question ne constitue pas un permis même temporaire de gardiennage.  Il s’agit, selon lui, d’une simple tolérance de la part du Bureau qui, au début de son existence, ne pouvait pas traiter les nombreuses demandes de permis reçues en même temps.

[9]               La procureure du Bureau plaide que la Loi sur la sécurité privée ne permet pas de travailler sans permis et que la suspension de la décision du Bureau ne saurait produire cet effet. 

[10]            Elle soutient que la lettre que le requérant évoque constitue une simple mesure palliative prise pour des raisons administratives puisqu’il était impossible pour le Bureau de traiter un grand nombre de demandes instantanément.

[11]            L'article 107 LJA prévoit les critères sur lesquels le Tribunal doit se baser pour suspendre une décision contestée  :

107.    Un recours formé devant le Tribunal ne suspend pas l'exécution de la décision contestée, à moins qu'une disposition de la loi ne prévoie le contraire ou que, sur requête instruite et jugée d'urgence, un membre du Tribunal n'en ordonne autrement en raison de l'urgence ou du risque d'un préjudice sérieux et irréparable.

Si la loi prévoit que le recours suspend l'exécution de la décision ou si le Tribunal rend une telle ordonnance, le recours est instruit et jugé d'urgence.

[12]            Il y a donc lieu d’évaluer si le requérant est en situation d’urgence ou s’il risque de subir un préjudice sérieux et irréparable.  Mais, dans ce cas-ci, il y a d’abord lieu de s’interroger sur l’effet que pourrait avoir la suspension de l’exécution de la décision.

[13]            Le requérant plaide que la suspension de l’exécution de la décision contestée lui permettrait de travailler, comme en fait foi la lettre du Bureau du 5 juillet 2011.

[14]            Tel n’est pas l’avis du Tribunal.

[15]            L’article 16 de la LSP est clair :

16.  La personne physique qui exerce une activité de sécurité privée ainsi que son supérieur immédiat doivent être titulaires d'un permis d'agent de la catégorie correspondant à cette activité.

[ ]

[16]            Or, le requérant ne détient pas de permis valide d’agent de gardiennage et n’en détenait pas le 27 octobre 2011 au moment où le Bureau rend sa décision.

[17]            La lettre du 5 juillet 2011 ne constitue ni un permis de gardiennage permanent ni un permis temporaire.  Il s’agit d’un simple accusé de réception de la demande de permis doublé d’un avis de délai dans le traitement de cette demande.

[18]               Par sa décision du 27 octobre 2011, le Bureau refuse d’accorder un permis au requérant. 

[19]            La suspension de la décision de refuser le permis ne permettrait pas au requérant d’exercer une activité de sécurité privée parce que, si tel était le cas, nous serions dans une situation de contravention à l’article 16 de la LSP.

[20]            Par ailleurs, même si, à première vue, le requérant semble avoir des moyens de droit intéressant à faire valoir, il ne démontre pas une situation d’urgence ni un risque important de préjudice irréparable.  Même s’il ne travaille pas, il recevra vraisemblablement des prestations d’assurance-chômage d’ici peu et, de ses propres dires, son employeur n’a pas brisé son lien d’emploi. 

[21]            Le Tribunal considère donc qu’il n’y a pas lieu de suspendre la décision du Bureau de la sécurité privée.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE la requête.

 


 

 

FRANÇOIS LANDRY, j.a.t.a.q.


 

Me Téodora Manova

Procureure de la partie intimée


 



[1]    L.R.Q., c. S-3.5.

[2]    L.R.Q., c. J-3.