TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2012-1817

 

Date :

8 décembre 2011

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ARBITRE :

M e Francine Beaulieu

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Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et de commerce, section locale 1991-P (FAT-COI-CTC-FTQ, TUAC Canada)

Ci-après appelée « le Syndicat »

Et

Transformation BFL, 9071-3975 Québec  inc.

Ci-après appelée « l’Employeur »

 

 

Plaignant :

Daniel Bordeleau

 

Griefs :

n os du Syndicat

2010-5446 et 2010-5206

 

 

Nature des griefs :                  Non-octroi d’un poste et congédiement

 

Convention collective :

Transformation BFL, 9071-3975 Québec inc.

Et

Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et de commerce, section locale 1991-P (FAT-COI-CTC-FTQ, TUAC Canada)

 

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SENTENCE ARBITRALE

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[1]           Les parties ont désigné l’arbitre soussignée pour entendre les griefs mentionnés en rubrique. Au début des audiences, le procureur patronal a présenté une objection préliminaire eu égard à la compétence du Tribunal d’arbitrage pour se prononcer sur cette affaire alléguant qu’elle revenait à la Commission des lésions professionnelles (CLP). Les parties m’ont également informée que, peu importe ma décision, la sentence arbitrale allait clore le présent dossier.  

[2]           Les parties ont convenu de procéder par admissions quant au grief 5446 (non-octroi d’un poste). Elles se lisent ainsi :

Les parties conviennent des admissions suivantes dans le cadre du grief mentionné en titre :

1.          Monsieur Daniel Bordeleau est à l’emploi de Transformation B.F.L. (9071-3975 Québec inc.) depuis le 24 mars 2005.

2.          Le 2 août 2006, le plaignant a subi une lésion professionnelle, alors qu’il était opérateur de wizzard, pour laquelle les diagnostics de syndrome de surcharge du membre supérieur droit impliquant les structures musculo-tendineuses de la main et de l’avant-bras droits, ténosynovite des fléchisseurs, tendinite au coude droit, tendinite à l’épaule droite impliquant la coiffe des rotateurs et capsulite de l’épaule droite ont été, notamment, retenus.

3.          Après un arrêt de travail du 3 au 9 août 2006, monsieur Bordeleau a été en assignation temporaire du 10 août 2006 au 27 septembre 2006.

4.          Depuis cette date, monsieur Bordeleau n’a jamais repris son emploi auprès de l’employeur.

5.          Le 14 septembre 2006, la CSST accepte la réclamation du plaignant.

6.          Le 27 octobre 2008, le plaignant a subi une arthroscopie avec acromioplastie et réparation de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.

7.           Le 6 juillet 2009, docteur Rheault se prononçait, à la demande de la CSST, notamment sur les sujets énumérés ci-dessous et rendait les conclusions suivantes :

a)             Date de consolidation : 6 juillet 2009;

b)             Séquelles : 5 % qui seront portées à 7 % (rapport complémentaire du 17 août 2009) ;

c)             Limitations fonctionnelles :

  Éviter toute forme de mouvement répétitif de l’épaule droite;

•  Éviter le travail soutenu en élévation et en abduction au-delà de 90 degrés;

•  Éviter de s’accrocher et de s’agripper de son membre supérieur droit;

•  Limiter les charges à transporter à portée de bras de son membre supérieur droit à 15kg.

         ( pièces produites en liasse )

8.          Le 8 septembre 2009, la CSST informait monsieur Bordeleau qu’il avait droit à la réadaptation puisqu’il conservait une atteinte permanente attribuable à sa lésion. On l’informait également que l’on procèderait à l’évaluation de son poste et qu’on chercherait avec son employeur les solutions qui conviennent le mieux ( pièce produite ).

9.          Le 22 octobre 2009, une rencontre se tenait en compagnie de l’agent de réadaptation, d’un ergothérapeute, de monsieur Bordeleau et des représentants de l’employeur et du syndicat aux fins d’examiner la capacité de monsieur Bordeleau à occuper son emploi prélésionnel et dans la négative à occuper un emploi convenable chez l’employeur.

Dans le cadre de cette rencontre, il a été statué que l’emploi prélésionnel de monsieur Bordeleau ne rencontrait pas ses limitations fonctionnelles.

Par ailleurs, il fut déterminé que les emplois suivants les rencontraient :

                        •           Journalier au labyrinthe;

                        •           Journalier à la guillotine.

Alors que le poste au frigidaire devait être analysé de façon plus approfondie par l’ergothérapeute.

Tel qu’il appert des notes de l’agent de réadaptation :

Suite à la réception des conclusions de l’ergothérapeute il n’est pas automatique qu’un des postes analysés sera offert au T comme EC puisque cela dépend de l’ancienneté, le « bumpage » et des disponibilités des postes. L’E et le syndicat doivent se rencontrer mardi prochain, le 27/10/2009 pour discuter de ces points et l’E communiquera avec moi par la suite.

                                   ( pièce produite )

10.       Le 26 octobre 2009, la conseillère en réadaptation recevait le rapport de l’ergothérapeute daté du 22 octobre 2009 qui confirmait que monsieur Bordeleau était capable de faire les postes de journalier à la guillotine et au labyrinthe mais que le poste au frigidaire ne permettait pas de respecter toutes ses limitations fonctionnelles ( pièce produite ).

11.       Monsieur Bordeleau et l’employeur ont été informés des conclusions du rapport de l’ergothérapeute par la CSST.

12.       Suite à des discussions intervenues entre l’employeur et le syndicat, il est apparu que la supplantation par monsieur Bordeleau sur l’un des deux postes convenables n’était pas possible, ce dernier ne détenant pas l’ancienneté nécessaire pour déplacer un collègue de travail.

13.       Le 27 novembre 2009, l’employeur transmettait à la CSST une lettre confirmant une conversation du 23 novembre précédent voulant qu’on n’avait pas d’emploi disponible pour monsieur Bordeleau ( pièce produite ).

14.       Le processus de réadaptation a suivi son cours et le 29 janvier 2010, la CSST informait monsieur Bordeleau qu’elle avait déterminé un emploi convenable de livreur de petit colis puisqu’il ne pouvait retourner travailler chez son employeur ( pièce produite ).

15.       Du 6 octobre 2009 au 10 février 2010, monsieur Claude Bonneau, dont l’ancienneté (14 mars 2000) était plus grande que celle de monsieur Bordeleau (24 mars 2005), a occupé à l’essai le poste de journalier au labyrinthe, soit l’un des postes que la CSST avait jugé convenable pour monsieur Bordeleau.

16.       Devant l’impossibilité pour monsieur Bonneau à continuer à occuper ce poste, l’employeur procédait à l’affichage du poste de journalier au labyrinthe (aide général (étable), amener les porcs # 2) dès le 16 février 2010 (affichage 2010-A17) ( pièce produite ).

17.       Monsieur Bordeleau a posé sa candidature sur l’emploi de journalier au labyrinthe (aide général (étable), amener les porcs # 2) dans les délais pour ce faire.

18.       Le poste de journalier au labyrinthe (aide général (étable), amener les porcs # 2) a été octroyé le 26 février 2010 à monsieur Lucien Houle, un employé détenant moins d’ancienneté (3 décembre 2008) que monsieur Bordeleau (24 mars 2005).

19.       Les exigences requises par le poste de journalier au labyrinthe (aide général (étable), amener les porcs # 2) en février 2010 étant les mêmes que celles qui avaient été examinées par la CSST en octobre 2009, l’employeur admet que le poste en question respecte les limitations fonctionnelles de monsieur Bordeleau.

20.       Le refus de l’employeur d’octroyer le poste de journalier au labyrinthe (aide général (étable), amener les porcs # 2) à monsieur Daniel Bordeleau se fonde sur la décision rendue par la CSST le 29 janvier 2010.

21.       Le 1 er mars 2010, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative par laquelle elle confirme sa décision initiale du 29 janvier 2010 et déclare que le plaignant est apte à occuper, à compter du 26 janvier 2010, l’emploi convenable de livreur de petits colis.

22.       Le plaignant dépose par la suite une contestation à la CLP à l’encontre de cette décision (dossier 40503-04-1003).

23.       Le 5 août 2010, la CLP rend une décision dans le dossier 40503-04-1003 par laquelle elle rejette la contestation déposée le 10 mars 2010 par le plaignant, confirme la décision de la Commission de la santé et sécurité du travail du 1 er mars 2010 rendue à la suite d’une révision administrative et déclare que le plaignant a la capacité d’exercer l’emploi convenable de livreur de petits colis à compter du 26 janvier 2010 au salaire annuel de 18 770,40 $, que le plaignant a droit à une indemnité de remplacement de revenu réduite lorsqu’il occupera l’emploi convenable en question ou, au plus tard, le 26 janvier 2011 et que cette indemnité de remplacement du revenu réduite sera révisée le 26 mars 2012 ( pièce produite).

24.       Cette décision de la CLP n’a pas fait l’objet d’une demande de révision ni de la part du plaignant, ni de la part du syndicat et est devenue finale et exécutoire.

25.       Le 13 août 2010, l’employeur a mis fin à l’emploi de monsieur Bordeleau en date du 10 août 2010 suite à la décision de la CLP.         

(sic)

 

[3]           Les parties ont déposé les pièces suivantes :

 

Par le Syndicat :

 

Pièce S-1 :    Convention collective de travail;

Pièce S-2 :    Grief numéro 5446;

Pièce S-3 :    Grief numéro 5206;

Pièce S-4 :    Lettre de l’Employeur à Daniel Bordeleau, datée du 13 août 2010, mettant fin à l’emploi du plaignant ;

Pièce S-5 :    Expertise médicale du 6 juillet 2009;

Pièce S-6 :    Décision de la CSST concernant la réadaptation (8 septembre 2009);

Pièce S-7 :    Notes évolutives de la conseillère en réadaptation (du 22 au 26 octobre 2009);

Pièce S-8 :    Rapport d’évaluation de postes de travail par l’ergothérapeute (22 octobre 2009);

Pièce S-9 :    Lettre de l’Employeur à la CSST pour l’informer de l’absence d’emploi disponible pour le plaignant (27 novembre 2009);

Pièce S-10 :  Décision de la CSST concernant un emploi convenable, celui de livreur de petits colis (29 janvier 2010);

Pièce S-11 :  Affichage d’un poste du 16 au 23 février 2010 et confirmation de l’octroi du poste à Lucien Houle;

Pièce S-12 :  Décision de la CLP, à la suite d’une demande de révision, confirmant la décision de la CSST du 1 er mars 2010 (5 août 2010);

Pièce S-13 :  Décision de la CSST à la suite d’une demande de révision (1 er mars 2010).

 

Par l’Employeur

 

Pièce E-1 :    Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LRQ., chapitre A-3.001)

                       

L’ARGUMENTATION DES PARTIES SUR L’OBJECTION PRÉLIMINAIRE

L’argumentation de l’Employeur

[4]           La Commission de santé et sécurité au travail (CSST) a statué, le 29 janvier 2010, qu’un emploi de livreur de petits colis était un emploi convenable pour le plaignant. La CSST écrit que, comme ce dernier ne pouvait retourner travailler chez son employeur, elle avait retenu cet emploi comme étant un  emploi convenable (pièce S-10).  

[5]           Le plaignant a demandé, le 9 février 2010, une révision de cette décision (pièce S-13). En révision administrative, rendue le 1 er mars 2010, la réviseure confirme la décision de la CSST (pièce S-13).

[6]           Le 1 er décembre 2009, le plaignant a contesté à la CLP une décision de la CSST à l’effet qu’il n’avait pas droit au remboursement des frais d’entretien pour le déneigement de la toiture de sa résidence et de son garage et, le 10 mars 2010, le plaignant a aussi contesté la décision de la CSST rendue le 29 janvier 2010 à l’effet qu’il était apte à occuper un emploi convenable de livreur de petits colis.

[7]           Le 5 août 2010, la CLP se prononçait dans ces deux dossiers. Au paragraphe 79, on peut lire ainsi l’avis des membres (pièce S-12) :

Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. D’une part, le travailleur ne soumet aucune preuve permettant de conclure que l’emploi de livreur de petits colis n’est pas convenable ou que le travailleur n’a pas la capacité de l’exercer. D’autre part, il n’y a pas lieu de statuer sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi convenable de préposé au labyrinthe chez l’employeur. Selon la preuve soumise, cet emploi n’est pas disponible au moment où la CSST procède aux vérifications.  

[8]           La CLP dira, au paragraphe 100 de sa décision, qu’elle retient qu’il faut qu’un emploi soit convenable, mais aussi que celui-ci soit disponible. Or, le 27 novembre 2009, la directrice des ressources humaines avait écrit à la CSST qu’il n’y avait pas d’emploi disponible pour le plaignant (pièce S-9).

[9]           Toujours dans la décision du 5 août 2010 de la CLP, le procureur patronal attire l’attention du Tribunal sur l’analyse faite par la CLP quant à la possibilité d’un emploi convenable et plus particulièrement celui de journalier au labyrinthe (paragraphes 110 et suivants) :

110   D’une part, le tribunal note qu’il ne s’agit pas d’une analyse précipitée. La conseillère en réadaptation multiplie les démarches pour évaluer cette possibilité. D’autre part, force est de constater que le poste spécifiquement convoité par le travailleur (préposé au labyrinthe) n’est pas disponible à l’époque. Cette non-disponibilité découle de règles de la convention collective en vigueur à l’établissement de l’employeur.

 

111   Avec respect, il n’appartient pas au tribunal de s’immiscer dans ce débat. Tout au plus, le tribunal constate que ce sont les règles régissant les rapports collectifs, en octobre et novembre 2009, qui font en sorte que le poste convoité à titre d’emploi convenable n’est pas disponible.

 

112   Il ne s’agit pas d’un oubli de la CSST d’avoir demandé à l’employeur s’il avait un emploi convenable disponible, tel que l’indique l’article 170 de la loi, ou d’une attitude purement capricieuse ou inappropriée de la part de l’employeur face à cette demande de la CSST. L’emploi convoité, après différentes vérifications, n’est tout simplement pas disponible.

 

(…)

 

116   Encore une fois, le tribunal n’a pas à s’immiscer dans cette procédure d’affichage en février 2010 ou dans l’octroi du poste à monsieur Houle, alors que ce dernier a moins d’ancienneté que le travailleur. Le tribunal réitère qu’en octobre et novembre 2009, alors que la CSST procède à ses vérifications en vertu de l’article 170 de la loi, l’emploi convoité n’est tout simplement pas disponible.                    

[10]        Ainsi, la décision de la CSST du 1 er mars 2010, rendue à la suite d’une révision administrative de la décision du 29 janvier 2010, confirme la décision du 29 janvier 2010. La décision de la CLP du 5 août 2010 n’a pas fait l’objet d’une demande de révision et n’a pas été contestée à la Cour supérieure. Elle est donc finale. Elle confirmait la décision du 1 er mars 2010.

[11]        Malgré la décision de la CSST du 29 janvier 2010, le Syndicat a décidé de déposer deux griefs (pièces S-2 et S-3). Le procureur patronal estime que le Syndicat demande ainsi au Tribunal d’arbitrage de se positionner quant à la décision rendue par la CSST sur la capacité du plaignant à occuper un emploi convenable. Or, selon la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) , seule la CLP a la compétence nécessaire pour examiner et décider de toute question visée dans ladite loi à moins d’une disposition particulière qui donne compétence à une autre personne ou à un organisme (article 349). Ainsi, la décision de la CLP du mois d’août 2010 lie les parties et celles-ci sont tenues de s’y conformer. 

[12]        La CSST a pris en charge le dossier du plaignant qui a subi une lésion professionnelle le 2 août 2006. Elle a assuré le suivi et déterminé que la consolidation de la lésion était en date du mois de juillet 2009 et qu’il avait des limitations fonctionnelles.

[13]        Le 22 octobre 2009, une visite de différents postes a été effectuée à laquelle participaient un ergothérapeute de la CSST, des représentants de l’Employeur et du Syndicat et le plaignant. Trois postes ont été soumis à l’évaluation soit celui de préposé à la guillotine, celui de préposé au labyrinthe et celui de préposé au réfrigérateur. Ce dernier poste n’a pas été retenu parce qu’il ne respectait pas les limitations fonctionnelles du plaignant. Quant aux deux autres postes, ils n’étaient pas disponibles au moment du dépôt du rapport de l’ergothérapeute de la CSST, étant occupés par des salariés ayant plus d’ancienneté que le plaignant.

[14]        Le 27 novembre 2009, l’Employeur confirmait à la CSST qu’aucun n’emploi n’était disponible pour le plaignant (pièce S-9). Compte tenu de la situation, la CSST a retenu un autre emploi convenable ailleurs, celui de livreur de petits colis. Le plaignant en fut informé le 29 janvier 2010 (pièce S-10).

[15]        Deux semaines après cette décision de la CSST, le poste de préposé au labyrinthe devient disponible et est affiché (pièce S-11). Le plaignant a présenté sa candidature, mais le poste a été octroyé à Lucien Houle, un employé qui avait moins d’ancienneté que le plaignant. Le procureur patronal soutient que, malgré tout, ces faits ne peuvent remettre en cause la décision de la CSST du mois de janvier 2009 et permettre au Tribunal d’arbitrage de se prononcer sur la capacité du plaignant. Agir ainsi, ferait en sorte que ce Tribunal siégerait en appel des décisions rendues par la CSST et la CLP. Il faut aussi comprendre que mettre en cause la décision de la CSST parce qu’il y a eu un changement 15 jours plus tard, il faudrait voir ce qui arriverait si ce changement était survenu un mois, un an ou deux ans plus tard. L’Employeur a plus de 300 employés et s’il devait personnaliser ses dossiers,  la situation serait invivable.

[16]        Seule la CSST peut se prononcer sur la capacité d’un salarié à exercer un emploi et la CLP en appel. Le pouvoir de la CSST ne se limite pas qu’à la révision et au litige, mais aussi à la reconsidération. Personne ne peut dire que la CSST aurait changé sa décision si elle avait su que le poste convoité par le plaignant était affiché. Un recours était néanmoins possible. Ne pas utiliser un recours n’est pas créateur de droit.

[17]        Est-ce que le plaignant a utilisé tous ses recours? Il a exercé ses droits de révision et de contestation à l’égard de la décision du 29 janvier 2010. Selon la LATMP, à la demande d’une partie, la CLP peut reconsidérer une décision dans les 90 jours de la connaissance d’un nouveau fait essentiel (article 365). Le plaignant n’a pas demandé une reconsidération de cette décision. Il faut donc comprendre que la décision de la CLP du 5 août 2010 est finale.  

[18]        Le Tribunal doit ainsi accueillir l’objection préliminaire et conclure qu’il n’a pas la compétence pour se prononcer sur cette affaire.

[19]        Pour appuyer ses prétentions, le procureur patronal dépose les autorités suivantes :

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec c. Hôpital Louis-H. Lafontaine (Serette Aris-Jaboin) , AZ-50626693 et D.T.E. 2010T-334 (T.A.).

Union des employés et employées de service (section locale 800) c. Centrap Mitis inc. , 2009 CanLII 46588 (QC A.G.) (T.A.).

Metra Aluminium inc. c. Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 7046 , AZ-50569245 et D.T.E. 2009T-704 (T.A.).

Tembec, usine de Matane c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 427 , AZ-50564618 et D.T.E. 2009T-566 (T.A.).

Syndicat de la fonction publique du Québec inc. c. Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) , AZ-50371364 et D.T.E. 2006T-496 (T.A.).

Société des établissement de plein air du Québec c. Syndicat de la fonction publique du Québec et Francine Beaulieu, ès qualités d’arbitre de griefs , 2009 QCCA 329 (C.A.).

L’argumentation du Syndicat

[20]        Les deux griefs contestent, d’une part, le non-octroi d’un poste (pièce S-2) et, d’autre part, le congédiement du plaignant (pièce S-3). La CSST et la CLP ne se sont pas prononcées sur le non-octroi du poste (article 12 de la convention collective) ni sur le congédiement qui sont essentiellement des éléments prévus à la convention collective.  

[21]        Il est admis que le plaignant était capable d’occuper le poste de préposé au labyrinthe et qu’il était en mesure de le faire.

[22]        La partie patronale soutient que le Tribunal d’arbitrage n’a pas la compétence pour entendre les griefs parce qu’il interviendrait sur des décisions  rendues sur la capacité du plaignant à travailler et sur un emploi convenable.

[23]        La procureure syndicale allègue qu’accueillir l’objection serait un refus total du Tribunal d’arbitrage d’exercer sa compétence eu égard à une mésentente et une totale abstraction de l’article 1 de la LATMP qui a comme objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour le bénéficiaire.  Accueillir l’objection serait aussi faire fi de l’article 4 de la LATMP qui précise qu’elle est d’ordre public et qu’une convention peut prévoir pour un travailleur des conditions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.

[24]        Toute la démarche s’inscrit d’abord dans un retour au travail du travailleur dans son emploi. Si ce retour est impossible pour ce dernier, il faut regarder un emploi équivalent ou convenable chez le même employeur. Si c’est impossible, un emploi convenable pourra être trouvé ailleurs sur le marché du travail (articles 169, 170 et 171).

[25]        L’article 239 de la LATMP prévoit aussi qu’un travailleur a le droit d’occuper le premier emploi convenable qui devient disponible. Il a été admis que la CSST avait déterminé que le plaignant était apte à occuper deux emplois, soit celui de préposé au labyrinthe et celui de préposé à la guillotine. L’article 244 mentionne clairement qu’une convention collective peut prévoir des dispositions relatives à la mise en application du droit au retour au travail. 

[26]        L’Employeur prétend que, puisque le plaignant a eu un accident de travail et, qu’au moment d’examiner les emplois convenables, il n’y en avait pas, il aurait alors perdu tous ses droits en vertu de la convention collection et de la LATMP.

[27]        Un emploi de préposé au labyrinthe a été affiché en février 2010, qui comportait les mêmes exigences qu’en 2009, pour lequel le plaignant avait les capacités fonctionnelles pour l’occuper. Le Syndicat ne demande pas de réviser la capacité du plaignant à travailler, il a été admis qu’il l’était. Il n’y a pas de raison de ne pas lui octroyer le poste de préposé au labyrinthe.

[28]        Au moment où la CSST a statué sur la capacité du plaignant, le 29 janvier 2010, le poste était occupé à l’essai par Claude Bonneau, un salarié plus ancien que le plaignant. Il s’agit de la seule raison pour laquelle le plaignant n’a pas eu le poste. Depuis février 2010, l’Employeur soutient que la CSST a rendu une décision ou que le poste s’est libéré trop tard. Or, les droits du salarié, en application de la convention collective, ne peuvent dépendrent de la date de décision de la CSST ou de la libération du poste. L’Employeur ne pouvait pas refuser la candidature du plaignant parce que la CSST avait déterminé qu’un poste de livreur de petits colis était un emploi convenable pour lui.

[29]        Le Syndicat demande au Tribunal de considérer l’examen de la CSST quant à la capacité du plaignant d’exercer un emploi convenable. Ce dernier avait donc le droit de revendiquer le poste et de l’avoir (article 239). Cet article diffère de l’article 179 qui concerne l’assignation temporaire d’un travailleur.

[30]        Ainsi, dès le mois de février 2010, le plaignant avait accès à un emploi convenable, celui de préposé au labyrinthe. L’Employeur ne pouvait le congédier au mois d’août 2010, d’autant plus qu’il aurait pu y avoir d’autres postes disponibles que le plaignant était capable d’occuper.  

[31]        En somme, ce que le Syndicat demande ne constitue pas une révision de décisions de d’autres tribunaux, mais se veut une demande d’application des dispositions de la convention collective quant au retour au travail du plaignant. Un Tribunal d’arbitrage pourra donc intervenir lorsque la CSST aura épuisé sa compétence, comme c’est le cas en l’espèce où la CLP a confirmé la décision de la CSST (pièce S-12).  

[32]        Le Syndicat soutient que l’Employeur a adopté une attitude capricieuse à l’égard du plaignant et il ajoute que, sous le seul prétexte d’une lésion professionnelle, un employeur ne peut dépouiller un travailleur de ses droits. Dans les faits, la CLP n’a pas dit que le poste de préposé au labyrinthe n’était pas un emploi convenable, elle a plutôt dit que ce poste n’était pas disponible au moment où la CSST est intervenue. Ainsi, en février 2010, on savait que le plaignant était capable et on savait que la CSST avait déterminé un autre emploi convenable pour ce dernier. Pendant ce temps, le plaignant était toujours un employé de Transformation BFL ; l’Employeur devait ainsi lui donner le poste.

[33]        La clause 27.07 de la convention collective prévoit une obligation très lourde pour l’Employeur quant au retour au travail d’un salarié à la suite d’une maladie ou d’un accident de travail. Il s’agit d’une disposition plus généreuse que la LATMP. Il existe une obligation d’accommodement auquel l’Employeur a souscrit. Par ailleurs, dans notre dossier, il ne s’agit pas d’accommodement puisque le plaignant est capable de faire le travail de préposé au labyrinthe.

[34]        Quant à la clause 15.11 de la convention collective, elle prévoit des modalités plus larges que la LATMP. La clause 9.02 g) 2., quant à elle, prévoit qu’un salarié perd son ancienneté si le salarié s’absente pour cause de maladie professionnelle, d’accident du travail ou de lésion professionnelle pour une période excédant 48 mois.    

[35]        La procureure syndicale soumet que toutes ces dispositions de la convention collective sont manifestement plus généreuses que celles de la LATMP.

[36]        En août 2006, le plaignant était un salarié de BFL tout comme il l’était en janvier et février 2010 lors de l’affichage du poste. L’Employeur a refusé de lui accorder le poste de préposé au labyrinthe parce que la CSST avait déterminé que l’emploi de livreur de petits colis était un emploi convenable. Il n’y avait aucune raison de congédier le plaignant au mois d’août 2010. Si ce dernier n’avait pas refusé de lui accorder le poste de préposé au labyrinthe, le plaignant serait au travail depuis plus d’un an.

[37]        La procureure soumet que le congédiement est illégal parce que le plaignant a exercé un droit de retour au travail. L’Employeur viole ainsi l’article 32 de la LATMP. Dans les faits, le plaignant a été congédié parce qu’il était absent du travail depuis plus de 48 mois, alors qu’il n’a fait qu’exercer son droit de retour au travail. L’Employeur ne pouvait agir comme il l’a fait, d’autant plus qu’il n’a présenté aucune preuve de la présence de faits différents.

[38]        Que la CLP ait un pouvoir de reconsidération ne peut dépouiller le Tribunal d’arbitrage de sa compétence sur les griefs déposés (article 365 de la LATMP). De plus, le dossier de la CSST ne visait que l’emploi convenable. Il n’y avait donc pas de motif de demander une reconsidération. Si tel avait été le cas, est-ce que l’Employeur aurait reconsidéré sa décision ? On ne le sait pas.

[39]        En l’espèce, il ne s’agit pas d’un problème d’accommodement ni de révision des décisions de la CSST et de la CLP, mais de l’application des dispositions de la convention collective sur l’ancienneté. Les griefs réclament le respect des dispositions de la convention collective. Le Tribunal doit ainsi rejeter l’objection préliminaire, faire droit aux griefs et garder sa juridiction s’il y a mésentente sur l’application de sa décision.

[40]        Au soutien de son argumentation, la procureure syndicale dépose les autorités suivantes :

Rolf C.Hagen inc. c. Nathalie Deslongchamps , Décision de la Commission des lésions professionnelles , [2007] C.L.P. 732 à 745.

Daniel Dompierre c. Produits forestiers Canadien Pacifique ltée , AZ-4990296451 et 1996 CALP 599 -608 (C.A.L.P.).

Michel Cousineau c. Canadien Pacifique ltée , [1991] C.A.L.P. 941-949 (C.A.L.P.).

Syndicat des travailleuses et travailleurs des Centres de la petite enfance de la MRC Rouyn-Noranda - CSN c. Centre de la petite enfance Fleur et Miel , AZ-50738289 (T.A.).

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3993 (unité croupiers) c. Société des casinos du Québec inc. , [2010] R.J.D.T. 1232 à 1250 (T.A.).

Centre de santé et de services sociaux Québec-Nord (Centre d’hébergement St-Augustin) c. Syndicat des employées du C.H. St-Augustin , [2007] R.J.D.T. 615 à 626 (T.A.).

Fraternité nationale des forestiers et travailleurs d’usines, section locale 299 c. les Industries Caron (meubles) inc. , [2004] R.J.Q. 1141 à 1147 (C.A.).

Ville de Longueuil c. Michel Cyr , [1999] C.L.P. 81 à 91 (C.L.P.).

Manuel Dafonte Couto c. CGM béton et époxy inc. , AZ-50215870 et C.L.P.E. 2003LP-269 (C.L.P.).

Hôtel-Dieu d’Arthabaska c. Roger Champagne , AZ-99305426 (C.L.P.).

Excellence composites inc. c. Martin Blanchet et Camoplast inc (division Roski) , AZ-50660697 et 2010 QCCLP 5637 (C.L.P.).

Lise Dionne c. Ville de Montréal , [2009] C.L.P. 509 à 517 (C.L.P.).

La réplique de l’Employeur

[41]        Pour l’Employeur, le débat n’est pas de savoir si la CLP pouvait reconsidérer sa décision en application de l’article 365 de la LATMP. Le véritable débat est en lien avec la compétence du tribunal d’arbitrage; nous ne sommes pas devant le bon forum.  

[42]        Le procureur reconnaît que le plaignant a bien collaboré au processus de réadaptation professionnelle prévue à l’article 166 de la LATMP.  

[43]        En octobre 2009, un ergothérapeute de la CSST s’est penché sur le dossier du plaignant et sur la capacité de ce dernier d’occuper son emploi. Il n’y avait alors aucune décision de la CSST. La décision est arrivée en janvier 2010.

[44]        Le Tribunal d’arbitrage n’a pas la compétence pour se prononcer sur la capacité du plaignant d’exercer un emploi.  Le congédiement a été imposé à la suite de la proposition d’un poste de livreur de petits colis offert par la CSST au plaignant. L’Employeur doit se conformer à une décision d’un organisme qui décide en vertu d’une loi d’ordre public. 

L’ANALYSE ET LA DÉCISION

[45]        Les parties ont référé aux clauses suivantes de la convention collective eu égard à l’ancienneté et au retour au travail d’un salarié :

ARTICLE 9 - ANCIENNETÉ

 

(…)   

        

9.02    Un salarié perd son ancienneté et son emploi dans les cas suivants :

(…)

g)         1. Le salarié s’absente du travail pour cause de maladie ou d’accident, autre qu’une lésion professionnelle, pour une période excédant trente-six (36) mois consécutifs.

2. Le salarié s’absente du travail pour cause de maladie professionnelle, d’accident de travail ou de lésion professionnelle pour une période excédant quarante-huit (48) mois consécutifs. Cependant, la période d’absence continue sera suspendue par une demande de révision ou un recours à la Commission des lésions professionnelles ayant pour objet l’incapacité du salarié à exercer son emploi. Cette suspension a lieu jusqu’à la décision finale si celle-ci conclue que le salarié était capable d’exercer son emploi à l’intérieur de cette période.

            (…)

                      ARTICLE 12 - POSTES VACANTS

 

                      Principe général

Sous réserve de ce qui est prévu au présent article, dans tous les cas de mouvements de main-d’œuvre, la préférence de l’emploi ou du maintien de l’emploi est accordée au salarié qui a acquis le plus d’ancienneté en autant qu’il soit en mesure d’accomplir les exigences de la tâche.

            (…)

           

            ARTICLE 15 - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

            (…)

 

15.11 Poste en réadaptation

Dans le cas où un salarié subit une atteinte permanente à son intégrité physique reconnue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le comité paritaire de santé et sécurité doit étudier le cas et proposer aux parties les solutions pour réintégrer le salarié sur un poste respectant sa condition et son ancienneté.

            (…)

 

            ARTICLE 27 - DISPOSiTIONS GÉNÉRALES

 

            (…)

 

27.07 Retour au travail

Suite à une maladie ou à un accident d’un salarié, il est convenu que lors de son retour au travail, le salarié sera réinstallé au poste qu’il détenait avant son invalidité. Dans le cas où pour cause d’un handicap physique ou intellectuel, le salarié ne peut effectuer les tâches de son poste, il sera réaffecté dans un autre poste dont il peut exécuter les tâches et ce, avec le salaire du poste qu’il peut exécuter et avec les avantages s’y rattachant. Les dispositions qui précèdent se feront par ancienneté en consultation avec le Syndicat et salarié concerné.

Les dispositions ci-dessus ne constituent pas une garantie d’emploi additionnel au salarié.

 

[46]        La articles pertinents de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se lisent ainsi :

 

CHAPITRE I

OBJET, INTERPRÉTATION ET APPLICATION

SECTION I

Objet 

1.       La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

(…)

 

SECTION II

INTERPRÉTATION

 

(…)

 

4.      La présente loi est d'ordre public.

Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.

(…)

 

CHAPITRE II

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

 

(…)

 

32.   L’employeur ne peut congédier, suspendre, ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice d’un droit que lui confère la présente loi.

Le travailleur qui croit avoir été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l’article 253.

 

(…)

 

CHAPITRE  IV

RÉADAPTATION

SECTION I

DROIT À LA RÉADAPTATION

 

(…)

 

166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

 

(…)

 

169. Si le travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison d'une limitation fonctionnelle qu'il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est redevenu capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent.

170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.

171.  Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

 

(…)

 

SECTION II

ASSIGNATION TEMPORAIRE D’UN TRAVAIL

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que:

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

 

(…)

 

CHAPITRE VII

DROIT AU RETOUR AU TRAVAIL

SECTION I

DROITS DU TRAVAILLEUR

 

(…)

239.   Le travailleur qui demeure incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle et qui devient capable d'exercer un emploi convenable a droit d'occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur.

Le droit conféré par le premier alinéa s'exerce sous réserve des règles relatives à l'ancienneté prévues par la convention collective applicable au travailleur.

 

(…)

 

244. Une convention collective peut prévoir des dispositions relatives à la mise en application du droit au retour au travail prévu par la présente section.

Le droit au retour au travail d'un travailleur est mis en application de la manière prévue par la convention collective qui lui est applicable, si celle-ci contient des dispositions prévues par le premier alinéa ou des dispositions relatives au retour au travail après un accident ou une maladie.

Dans ce cas, le travailleur qui se croit lésé dans l'exercice de son droit au retour au travail peut avoir recours à la procédure de griefs prévue par cette convention.

 

(…)

 

CHAPITRE XI

COMPÉTENCE DE LA COMMISSION, RÉVISION ET RE cours DEVANT LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

349.    La Commission a compétence exclusive pour examiner et décider          toute question visée dans la présente loi, à moins qu'une disposition         particulière ne donne compétence à une autre personne ou à un          autre organisme.

 

( …)

 

365.   La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si         celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article       358.3, pour corriger toute erreur.

  Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une           partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait          essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la         connaissance de ce fait.

  Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les          personnes à qui elle a notifié cette décision.

  Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu         du chapitre IX.

 

CHAPITRE XII

LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

(…)

 

SECTION II

COMPÉTENCE

369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal:

1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

 

[47]        Avant d’examiner si, comme l’allègue le procureur patronal, la soussignée a compétence pour disposer du fond des griefs dont je suis saisie, rappelons quelques faits que j’estime essentiels à l’analyse de ce dossier.

 

[48]        1.         Le plaignant a eu un accident de travail le 2 août 2006.

2.         La CSST a reconnu que ce dernier a eu une lésion professionnelle qui a été consolidée en date du 6 juillet 2009.

3.         Le plaignant est demeuré avec une atteinte permanente due à sa lésion professionnelle.

4.         Le 22 octobre 2009, lors d’une rencontre avec le plaignant, l’agent de réadaptation, l’ergothérapeute, des représentants du Syndicat et de l’Employeur; il fut reconnu que le plaignant ne pouvait reprendre son emploi prélésionnel (pièce S-7). Il a toutefois été établi que le poste de journalier au labyrinthe et celui à la guillotine respectaient ses limitations fonctionnelles (pièce S-7).

5.         Le 27 novembre 2009, l’Employeur écrivait à la CSST pour l’informer qu’il n’avait pas d’emploi disponible pour le plaignant (pièce S-9).

6.         Le 29 janvier 2010, la CSST déterminait qu’un emploi de livreur de petits colis était un emploi convenable pour le plaignant, puisqu’il ne pouvait retourner travailler chez Transformation BFL (pièce S-10).

7.         Du 6 octobre 2009 au 10 février 2010, Claude Bonneau, qui avait plus d’ancienneté que le plaignant, a occupé le poste de journalier au labyrinthe.

8.         Compte tenu que ce dernier a cessé d’occuper le poste, l’Employeur l’a affiché du 16 au 23 février 2010 (pièce S-11).

9.         Le plaignant a présenté sa candidature sur ce poste (pièce S-11). Lucien Houle, qui était présent lors de l’arbitrage, a obtenu le poste même s’il a moins d’ancienneté que le plaignant (pièce S-11).

10.      L’Employeur a justifié sa décision au motif que la CSST avait déterminé, le 29 janvier 2010, qu’un emploi de livreur de petits colis était un emploi convenable pour le plaignant.

11.      Le 1 er mars 2010, la CSST rend une décision à la suite d’une demande de révision administrative et confirme la décision rendue le 29 janvier 2010 (pièce S-13).

12.      Le plaignant a contesté devant la CLP cette décision et, le 5 août 2010, la CLP confirmait la décision rendue en révision administrative le 1 er mars 2010 (pièce S-12).

13.      Le 13 août 2010, l’Employeur mettait fin à l’emploi  du plaignant en application de la clause 9.02 g) 2. de la convention collective qui prévoit qu’un salarié perd son ancienneté et son emploi si ce dernier s’absente du travail pour cause de maladie professionnelle, d’accident du travail ou de lésion professionnelle pour une période excédant quarante-huit (48) mois consécutifs (pièce S-4).

14.      Le plaignant conteste le fait que l’Employeur ne lui a pas octroyé le poste de journalier au labyrinthe et d’avoir mis fin à son emploi (pièces S-2 et S-3).

 

[49]        D’entrée de jeu, je tiens à souligner que l’affaire SÉPAQ,  dont la sentence arbitrale a été rendue par la soussignée en avril 2006, est fort différente du dossier sous étude.

[50]        Je rappelle que, dans l’affaire de la SÉPAQ, le salarié voulait retrouver un emploi de journalier alors que la CSST avait décidé que le poste de journalier était un emploi physique et que le plaignant ne pouvait reprendre le même travail. Quant aux emplois dits « convenables », ils ne correspondaient pas à la rémunération du plaignant ou ce dernier était dans l’incapacité de les occuper (paragraphe 15 de la décision). La soussignée a décliné compétence compte tenu que la CSST a une compétence exclusive pour se prononcer sur la capacité du travailleur a occupé un poste de journalier.

[51]        La Cour d’appel a confirmé la sentence arbitrale de la soussignée en concluant ainsi aux paragraphes 18 et 19 de son jugement :

 

L’arbitre a eu raison de décliner compétence. La compétence que lui confère l’article 244 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour régler les modalités de retour au travail n’inclut pas celle de décider la capacité d’exercer un emploi à la suite d’une lésion professionnelle, question réservée à la CSST et à la CLP en appel.

En effet, la CSST possède une compétence exclusive pour examiner et décider toute question visée dans la Loi, selon l’article 349 de cette dernière. L’arbitre ne pouvait se saisir de la demande du plaignant réclamant son emploi de journalier alors que la CSST avait déjà décidé qu’il n’est plus en mesure de l’occuper. La Cour suprême du Canada a statué que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ne crée pas un régime parallèle d’indemnisation. Elle n’autorise pas non plus la double compensation pour une même situation factuelle.

 

[52]        Quant à l’affaire de l’ Hôpital Louis-H. Lafontaine , l’arbitre Jean-Guy Ménard, qui s’appuie aussi sur le dossier de la SÉPAQ, déclare être sans compétence pour intervenir en s’exprimant ainsi (paragraphe 38) :

 

En ce qui me concerne, ma faculté d’intervention aux fins d’application de la convention collective est intrinsèquement liée à la capacité de madame Aris-Jaboin d’exercer son droit de réintégrer le travail, encore qu’elle est limitée par la définition de l’emploi convenable fournie par la CLP. Ne pouvant revenir sur ces questions qui relèvent en exclusivité de la compétence de la CSST et de la CLP, d’une part, étant forcé de considérer que madame Aris-Jaboin ne pouvait plus exercer depuis le 27 février 2004 le droit de réintégration qui lui était disponible jusque-là en raison de la persistance de son incapacité, d’autre part, et étant finalement convaincu qu’il m’est impossible d’examiner les griefs soumis à mon attention sans exercer une compétence qui ne m’appartient pas, je n’ai pas d’autre choix que de surseoir à mon intervention.

  

[53]         Encore là, il est question de la capacité d’une travailleuse à réintégrer le travail, question sur laquelle le tribunal d’arbitrage n’a pas compétence.

[54]        À la lecture de l’affaire Centrap Mitis inc. , l’arbitre Huguette Gagnon se déclare aussi sans compétence pour intervenir dans un grief où le travailleur réclame à être réinstallé dans ses fonctions alléguant être apte à travailler selon les modalités décrites dans un rapport médical.  L’arbitre Gagnon conclut que En tant qu’arbitre, je n’ai pas la compétence pour me prononcer sur la capacité du plaignant à occuper son emploi, ou un autre emploi chez l’employeur (paragraphe 26).

 

[55]        Eu égard à l’affaire MÉTRA Aluminium inc. , elle vise davantage l’obligation d’accommodement qui n’est pas, comme l’ont d’ailleurs reconnu les procureurs dans notre dossier, le débat litigieux concernant le plaignant.

[56]        Dans l’affaire Tembec, usine de Matane, l’arbitre François Hamelin a aussi décliné juridiction pour entendre le litige et a conclu ainsi (paragraphes 60 et 61) :

Avec égard pour la position contraire, j’estime que cet arrêt (arrêt SÉPAQ rendu par la Cour d’appel) tranche la question à l’étude : en l’espèce, si je concluais que j’ai compétence pour entendre le grief du réclamant, je me trouverais à agir en appel des décision rendues par la CSST et la CLP.

Pour tous ces motifs, je suis d’avis que dans son essence, le litige soulevé par le grief déféré à l’arbitrage par le syndicat relève de la LATMP et de la charte et que la CSST et la CLP sont les seuls organismes à avoir la compétence pour décider de son sort.

 

[57]        Par ailleurs, je trouve intéressant, et tout à fait pertinent à notre dossier, un extrait d’une décision rendue par l’arbitre Jean-Guy Roy cité par François Hamelin dans Tembec (paragraphes 54 et 55) :

 

Je renvoie également le lecteur à l’extrait suivant de la décision rendue par l’arbitre Jean-Guy Roy, auquel je souscris totalement :

Ainsi, à moins d’invoquer les dispositions de l’article 32 de la LATMP, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire, l’arbitre ne peut, sans excéder sa compétence, se prononcer que sur les griefs qui portent sur la mise en œuvre du droit de retour au travail du salarié. Or, l’examen des dispositions de la convention collective ne comporte aucune disposition sur ce sujet, celle-ci étant muette tant sur le retour au travail à la suite d’une lésion professionnelle que sur le retour au travail à la suite d’un accident ou d’une maladie.

Plus loin dans sa décision, l’arbitre Roy précise en ces termes que la compétence accordée aux arbitres pour appliquer la charte doit s’appuyer sur un droit reconnu par la convention collective :

Non sans habileté, le représentant du syndicat a invité l’arbitre à disposer du présent grief sur la base de l’obligation d’accommodement qui échoit à un employeur lorsqu’il est en présence d’une employée handicapée. Outre le fait que tant le grief que la preuve ne fait [sic] état de la part de l’Employeur de mesures discriminatoires sur la base d’un handicap au sens de l’article 10 de la Charte , l’arbitre est d’avis qu’il ne pourrait se prononcer sur ce sujet que dans la mesure où il est compétent pour statuer sur le grief même dont il est saisi. Il pourrait alors interpréter la convention collective à la lumière des droits conférés par la Charte. Or, la présente affaire soulève essentiellement les questions du droit de retour au travail et de la capacité de Mme Ringuette à exercer son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable, toutes questions, ainsi qu’il a été dit, qui sont du ressort exclusif de la CSST ou, s’il y a contestation, du ressort final de la Commission des lésions professionnelles.

 

[58]        Sans me prononcer sur le volet obligation d’accommodement , puisque ce n’est pas notre propos, je crois que le grief du plaignant a été déposé justement sur la question de son droit de retour au travail, non pas en application de la LAMTP, mais en application des dispositions de la convention collective qui prévoit spécifiquement, à la clause 27.07, le droit de retour au travail d’un salarié.

[59]        Comment n’aurais-je pas compétence pour intervenir, puisque c’est précisément de la convention collective que le tribunal d’arbitrage tient sa compétence ?

[60]        Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, et les parties en conviennent, ce n’est pas ici une question d’obligation d’accommodement de la part de l’Employeur, ni une question de la capacité du travailleur a retourné travailler chez l’Employeur, comme c’est le cas dans la jurisprudence citée ci-dessus.

[61]        D’ailleurs, les parties ont reconnu que le plaignant avait la capacité d’exercer, non pas son emploi prélésionnel, mais un emploi de journalier au labyrinthe ou à la guillotine. Il n’a pu occuper un de ces deux emplois parce qu’ils n’étaient pas disponibles au moment où la CSST a cherché un emploi convenable. Delà, la décision du 29 janvier 2010 de la CSST qui a retenu comme emploi convenable, celui de livreur de petits colis (pièce S-10).

[62]        Je retiens de la preuve que c’est sur la base de cette décision que l’Employeur a mis fin à l’emploi du plaignant le 13 août 2010 (pièce S-4). J’y reviendrai plus loin.

[63]           La partie patronale allègue, pour soutenir que je n’ai pas compétence pour entendre le litige, qu’intervenir dans ce dossier ferait en sorte que je siègerais en appel des décisions rendues par la CSST et la CLP. Avec respect pour l’opinion contraire, je ne crois pas que le présent dossier vise un appel ou un recours qui aurait dû être présenté devant un autre forum que celui du tribunal d’arbitrage. Il est vrai que le plaignant a bénéficié et bénéficie de la LATMP, cela ne lui enlève pas pour autant les autres recours qui lui sont permis et certainement pas sur la base d’une disposition spécifique prévue à la convention collective soit celle du retour au travail (clause 9.02 g) 2.).

[64]        Je constate que l’article 365 de la LATMP reconnaît que la Commission peut reconsidérer sa décision si un fait essentiel survient après qu’elle ait rendu sa décision; cela n’enlève pas non plus le droit du travailleur de recourir à la convention collective s’il se croit lésé par un droit qui y est textuellement reconnu, comme c’est le cas ici avec le droit de retour au travail de la clause 9.02 g) 2.

[65]        Au surplus, non seulement le droit de retour au travail est prévu dans la convention collective, mais la CLP, dans sa décision du 5 août 2010 écrit, puisqu’elle savait alors que le plaignant avait appliqué sur le poste de journalier au labyrinthe, poste que ce dernier était capable d’exercer, qu’elle n’a pas à s’immiscer dans la procédure d’affichage ou dans l’octroi d’un poste (pièce S-12, paragraphes 115 et 116) :

 

Il est vrai qu’à la suite du départ de monsieur Bonneau, le poste fait l’objet d’un affichage à compter du 16 février 2010, tel que le prévoit la convention collective. Il est octroyé à monsieur Houle, lequel accepte le poste le 12 mars 2010. Le travailleur fait valoir que monsieur Houle a moins d’ancienneté que lui.

Encore une fois, le tribunal n’a pas à s’immiscer dans cette procédure d’affichage en février ou dans l’octroi du poste à monsieur Houle, alors que ce dernier a moins d’ancienneté que le travailleur. Le tribunal réitère qu’en octobre et novembre 2009, alors que la CSST procède à ses vérifications en vertu de l’article 170 de la loi. L’emploi convoité n’est tout simplement pas disponible.

 

[66]        Ceci étant, la LATMP est claire. Elle se veut une loi d’ordre public et précise qu’une convention peut prévoir des dispositions plus avantageuses que la LATMP (article 4).

[67]        L’article 238 mentionne également que le travailleur qui devient capable d’exercer un emploi convenable a droit d’occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur…sous réserve des règles relatives à l’ancienneté prévues à la convention collective applicable au travailleur.

[68]        Quant à l’article 244, il est mentionné qu’ une convention collective peut prévoir des dispositions relatives à la mise en application du droit au retour au travail prévu par la présente section. Si tel est le cas, il est aussi précisé que le recours à la procédure de griefs est le recours que pourra utilisé le travailleur s’il se croit lésé.

[69]        Je ne crois donc pas siéger en appel des décisions de la CSST et de la CLP, d’autant plus que cette dernière ne veut pas s’immiscer dans la procédure d’affichage ou d’octroi d’un poste, ce que je respecte et ne commente pas, et que, au surplus, la LATMP précise clairement que le travailleur peut recourir à la procédure de grief s’il se croit lésé dans l’application de son droit de retour au travail prévu dans la convention collective.

[70]        Ainsi, en l’espèce, il ne s’agit pas d’examiner la capacité du travailleur à occuper le poste de journalier au labyrinthe; il a la capacité. Il ne s’agit pas de siéger en appel de décisions de la CSST et de la CLP qui se sont prononcées sur  la capacité du travailleur et sur des emplois convenables chez l’Employeur. Il s’agit bien plus de mettre en application une disposition de la convention collective, qui est la compétence de la soussignée, et qui est, au surplus, mentionnée à la LATMP qui suggère alors de recourir à la procédure de griefs.

[71]        Si un tribunal d’arbitrage n’intervient pas pour une question de respect de l’ancienneté ou de l’octroi ou non d’un poste à la suite de l’affichage et que la CSST et la CLP n’interviennent pas jugeant que ce n’est pas de leur ressort, qui alors aura la compétence pour s’assurer qu’un employeur a bien respecté les règles prévues à la convention collective ?

[72]        Poser la question c’est y répondre puisqu’il est précisément de la compétence d’un tribunal d’arbitrage d’intervenir dans de pareilles situations.

[73]        La soussignée conclut par conséquent qu’elle a compétence pour intervenir.

[74]        Revenons maintenant au plaignant, au moment où il présenté sa candidature sur le poste de journalier au labyrinthe en février 2010 (pièce S-10). Il était toujours alors un employé de Transformation BFL. En effet, la clause 9.02 g) .2, concernant l’ancienneté, mentionne qu’un salarié qui s’absente pour cause de lésion professionnelle, comme c’est le cas pour le plaignant, perd son ancienneté s’il s’absente du travail pour une période excédent 48 mois.

[75]        Or, lorsque le plaignant a présenté sa candidature sur le poste de journalier au labyrinthe en février 2010, il ne s’était pas encore écoulé 48 mois consécutifs entre son accident du travail survenu en août 2006 et le moment où il a présenté sa candidature en février 2010.

[76]        En somme, l’expiration du délai pour exercer son droit de retour au travail n’était pas encore arrivée en février 2010 lorsque le plaignant a présenté sa candidature au poste de journalier.

[77]        Ainsi, en application de la clause 27.07, puisque ce dernier était capable d’exercer le poste de journalier et qu’il était le candidat le plus ancien; il aurait dû obtenir le poste en conformité avec l’article 12 de la convention collective.   

 

PAR CONSÉQUENT, pour tous ces motifs, l’arbitre soussignée

 

REJETTE l’objection préliminaire présentée par l’Employeur;

 

DÉCLARE avoir compétence pour disposer du présent dossier;

 

ACCUEILLE les griefs numéros 2010-5446 et 2010-5206;

 

ANNULE le congédiement du plaignant;

 

ORDONNE à l’Employeur d’octroyer au plaignant le poste de journalier au labyrinthe à compter du 26 février 2010;

 

ORDONNE à l’Employeur de verser à ce dernier toutes les sommes perdues ainsi que les intérêts prévus au Code du travail à partir du 26 février 2010 et de lui reconnaître tous les droits et privilèges prévus à la convention collective et

 

RÉSERVE sa compétence pour toute difficulté rencontrée dans le calcul des sommes dues.

 

 

 

 

 

 

 

M e Francine Beaulieu, avocate

Arbitre de griefs

 

 

 

 

Pour le Syndicat :                 M e France Saint-Laurent

 

Pour l’Employeur :                M e Jocelyn Roy