Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi-Consolidated inc. c. Commission des relations du travail |
2012 QCCS 5 |
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JL3751
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
ST-MAURICE |
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N° : |
425-17-000143-100 |
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DATE : |
6 janvier 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
CATHERINE LA ROSA, j.c.s. |
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SYNDICAT DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS DE LA SCIERIE ABITIBI-CONSOLIDATED INC., DIVISION LA TUQUE (CSN), |
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Demandeur; |
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c. |
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COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL et PRODUITS FORESTIERS MAURICIE SEC (9192-8515 QUÉBEC INC.),
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Défenderesses. |
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ET |
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SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER SCEP - SECTION LOCALE 193, |
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Mis en cause |
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JUGEMENT portant sur une révision judiciaire |
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[1] Le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la scierie Abitibi-Consolidated inc., division La Tuque CSN (Syndicat CSN) requiert la révision judiciaire d’une décision rendue par le juge administratif Raymond Gagnon le 7 octobre 2010. De façon corollaire, il requiert l’annulation d’une deuxième décision rendue le 25 octobre 2010 qui découle des conclusions de la décision du 7 octobre 2010.
[2] Toutes les parties reconnaissent que le juge Gagnon a résumé les faits de façon adéquate. Il convient donc de reprendre certains extraits de sa décision pour bien comprendre le contexte dans lequel elle s’inscrit:
LES FAITS
[13] En 2007, CACC exploite deux usines de sciage dans le Haut-Saint-Maurice, à La Tuque : une première comme division corporative, SLT, dans le secteur de la Rivière-aux-Rats, et une deuxième par PFLT, comme actionnaire majoritaire (80 %), avec sa partenaire, la Coopérative forestière du Haut-Saint-Maurice (la Coopérative) détenant 18 % du capital-actions, au site Vallières, une quarantaine de kilomètres au nord de la zone urbaine.
LES ACCRÉDITATIONS SYNDICALES
[14] À SLT, la CSN est accréditée depuis le 21 novembre 2000 pour représenter :
« Tous les salariés au sens du Code du travail de Abitibi Consolidated affectés à l’opération de la scierie, à l’exception des employés de bureau, des chauffeurs de camion et des personnes affectées au chargement du bois rond. »
De : Compagnie Abitibi-Consolidated du Canada, division Scieries, Secteur La Tuque :
Établissements visés :
Division La Tuque
2419, Route 155 Sud
La Tuque (Québec) G9X 3N8
Division La Tuque
Totalité du lot 66 et parties des lots 53 et 54 du cadastre officiel
Canton Carignan
La Tuque (Québec)
Font partie de ce groupe de 80 à 85 salariés.
[15] Au site Vallières, la section locale 163 du SCEP est accréditée depuis le 30 avril 1999 pour représenter :
« Tous les salariés à l’emploi de Produits forestiers La Tuque, sauf les employés de bureau, les gardiens et la préposée à l’entretien ménager pour l’établissement du site Vallières, La Tuque. »
De : Produits forestiers La Tuque inc.
Établissement visé :
240, site Vallières
La Tuque (Québec) G9X 3P3
Font partie de ce groupe une soixantaine de salariés
LA RÉORGANISATION DES ACTIVITÉS DE SCIAGE ET DE RABOTAGE
[16] À l’automne 2007, confrontées depuis quelques années à une réduction des approvisionnements en bois, les deux usines de sciage font face chacune à une surcapacité de production affectant sérieusement leur rentabilité à court et moyen termes.
[17] Cette situation de fait est reconnue par CACC, PFLT, la CSN et le SCEP, dans le préambule d’un protocole d’entente intervenue entre toutes ces parties le 19 novembre 2007 .
[18] Elle est également confirmée à l’audience par monsieur Roger Boileau qui précise que l’usine du site Vallières, quoique assez compétitive, ne pouvait procéder aux activités de sciage et de rabotage en utilisant trois factions, contrairement à l’usine SLT, dans laquelle on pouvait transformer les volumes réunis des deux usines.
[19] Face à cette situation, CACC développe un plan d’action. Il est exposé au préambule du protocole en ces termes :
Attendu qu’Abitibi-Consolidated, en collaboration avec son partenaire d’affaires la Coopérative forestière du Haut-Saint-Maurice, ne désire opérer qu’une seule usine en transformant la totalité des volumes des deux (2) usines à même les installations actuelles de Scierie La Tuque et ce, pour motifs d’ordre économique, entraînant par le fait même l’arrêt des opérations de l’usine PFLT;
Attendu toutefois que l’objectif ci-haut décrit ne peut être atteint que si le Ministre [des Ressources naturelles et de la Faune] autorise le transfert des volumes d’approvisionnement du CAFF [Contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier] de l’usine PFLT vers l’usine de La Tuque;
Attendu qu’il est dans l’intérêt des parties et des travailleurs concernés qu’une entente intervienne pour régler les problèmes qui en découlent selon la décision du Ministre;
Attendu qu’Abitibi propose une répartition des emplois entre les employés des 2 usines ci-haut mentionnées, en proportion des volumes reliés au Contrat d’approvisionnement (CAFF) de chacune des usines ainsi que des modalités transitoires d’intégration des 2 groupes d’employés, de façon à atténuer à leur endroit les conséquences résultant de la réorganisation.
[20] D’autres démarches sont aussi nécessaires et mises en branle par CACC pour permettre la concentration de ses activités dans le Haut-Saint-Maurice sur un seul site, soit :
une restructuration corporative;
une demande au ministre pour modifier les CAFF attribués à chacune des usines; et
le redéploiement de l’équipe de gestionnaires ou du personnel d’encadrement déjà en service à l’une ou l’autre des usines dans le Haut-Saint-Maurice.
L’INTÉGRATION DES DEUX GROUPES DE SALARIÉS
[21] Pour réaliser l’objectif précisé au protocole, on envisage donc l’intégration des deux groupes de salariés.
[22] En ce qui concerne la répartition des emplois, le Protocole d’entente prévoit tout particulièrement les éléments suivants :
des droits spécifiques sont conférés au groupe de salariés du site Vallières comme groupe distinct;
en travaillant à l’usine SLT, ils deviendront des employés de cette usine dès leur embauche avec pleine reconnaissance de leur ancienneté aux fins de vacances et de mouvements de main-d’œuvre dans leur groupe;
ils seront représentés par la CSN, visés par la convention collective CSN et devront adhérer à ce syndicat;
deux listes d’ancienneté d’usine demeurent en vigueur : une pour les salariés antérieurement à l’usine du site Vallières et une autre pour les salariés qui travaillaient déjà à l’usine SLT avant l’intégration;
le travail sur deux factions, une équipe d’environ 45 salariés, dont 30 au sciage et 15 au rabotage, est confié aux salariés qui travaillaient déjà dans l’usine de SLT et le travail de la troisième faction est confié au groupe de salariés du site Vallières. Le travail à l’entretien est réparti entre les deux groupes dans la même proportion (2/1);
cette entente vaudra tant que les parties n’auront pas convenu d’un protocole permanent d’intégration. (para. 10)
LA RESTRUCTURATION CORPORATIVE
[23] CACC entreprend de se restructurer tout en maintenant l’implication de sa partenaire, la Coopérative.
[24] Cette restructuration est faite en deux temps :
1. Le 12 février 2008, sont modifiés les statuts de PFLT, à la suite du rachat par CACC de la totalité des actions détenues par la Coopérative et CACC demeure la seule actionnaire de PFLT dont les immeubles et équipements en constituent les actifs matériels au site Vallières;
2. CACC et la Coopérative s’associent ensuite dans la société en commandite Produits forestiers Mauricie S.E.C (PFM), CACC détenant 93,8 % et la Coopérative 6,81 du capital action du commanditaire. Elles seront également toutes deux actionnaires dans la société 9192-8515 Québec inc. société commanditée pour assurer la gestion de la scierie SLT. La totalité des actifs de CACC dans l’usine SLT est visée par un roulement au profit de la nouvelle société en commandite.
[25] Au terme de cette restructuration corporative, la Coopérative maintient dans la société en commandite le même niveau de participation que ce qu’elle détenait dans PFLT en regard des volumes de bois.
LES MODIFICATIONS AUX CAFF
[26]
Les CAFF interviennent entre les propriétaires d’usines
de transformation du bois et le ministre des Ressources naturelles et de la
Faune, en application des articles
[27] En 2007, ces CAFF correspondent, pour chacune des deux usines en cause :
1. à 211 200 m³, pour l’usine du site Vallières, enregistré le 5 août 1993 sous le numéro 32993080501;
2. à 378 800 m³, pour l’usine SLT, enregistré le 6 août 2002 sous le numéro 34702080610.
[28] Afin de donner suite au plan de restructuration de CACC, qui implique la cessation des activités de sciage à l’usine du site Vallières et le transfert des volumes correspondant à cette usine à SLT, le ministre annule le 2 avril 2008 le CAFF accordé à CACC pour l’usine de SLT et le 9 avril suivant, celui accordé à PFLT pour l’usine du site Vallières. Dans les deux cas, le ministre rappelle à leur bénéficiaire que leurs obligations de remise en production des aires de récolte demeurent, de même que l’exigibilité des redevances encourues.
[29] Le 8 avril, le ministre avise PFM qu’elle obtiendra sous peu une proposition de CAFF pour la récolte de 590 000 m pour l’approvisionnement de l’usine SLT. Le 5 juin suivant, est enregistré sous le numéro 34708060501 ce nouveau CAFF.
LE PERSONNEL D’ENCADREMENT
[30] La restructuration des activités, à la suite de la concentration des activités au seul site SLT, implique aussi un redéploiement du personnel d’encadrement à compter du début de l’année 2008, fait à partir des ressources déjà existantes dans les différents services des deux usines, la grande majorité de ces personnes conservant les responsabilités qui étaient leur avant la restructuration des activités :
· Monsieur Pierre Levasseur, qui était déjà le directeur général des activités de sciage dans le Haut-Saint-Maurice, demeure en poste;
· Madame France Larochelle, superviseure aux ressources humaines, madame France Labarre adjointe à l’administration, de même que monsieur Pierre Lapointe, contrôleur à la qualité pour les deux usines, demeurent en poste pour l’usine SLT où sont maintenant concentrées les activités;
· Monsieur Gilles Parent, qui était surintendant général à l’usine du site Vallières, le devient pour SLT, alors que monsieur Roger Rousseau, qui agissait comme surintendant par intérim à cette dernière usine, y reprend son poste de directeur à l’amélioration continue;
· Au sciage, messieurs Richard Lepage et Jean Lefebvre, tous deux de l’usine du site Vallières, deviennent contremaître à l’usine SLT;
· Au rabotage, messieurs Luc Fortin et Luc Mercier, déjà à l’usine SLT y continuent leur travail;
· À la maintenance, est constituée une équipe avec messieurs René Allard, Anthony MacDonald et Pierre Bourgoin déjà au service de la scierie à l’usine SLT, auxquels s’adjoint monsieur Robert Fournier;
· Au magasin travaillent messieurs Gabriel Marchand et Michel Baril, auparavant respectivement à l’usine SLT et à celle du site Vallières;
· À l’expédition, la responsabilité est confiée à monsieur Dany Villeneuve, qui auparavant travaillait à l’usine du site Vallières;
· Finalement, monsieur Carl Bérubé, salarié de la Coopétrative, passe de l’usine du site Vallières à PLT, comme contremaître de la cour à bois.
LA COOPÉRATIVE
[31] En outre de son implication dans le capital action, successivement de PFLT et ensuite de PFM, la Coopérative intervient directement dans les activités en amont du sciage.
[32] En forêt, la Coopérative déploie des activités liées à la voirie forestière, à la coupe du bois et à son transport aux usines de CACC, selon la distance qui sépare chacune d’elles des lieux de récolte du bois. La réorganisation des activités sur un seul site ne modifie pas cet aspect de ses activités, sauf quant au lieu de destination du bois pour sa transformation.
[33] Avec la concentration des activités de sciage et de rabotage au seul site de SLT, les activités de la Coopérative, comme partenaire de CACC dans la cour à bois, sont modifiées.
[34] Alors que l’usine du site Vallières est en activité, la Coopérative y effectue le chargement et déchargement du bois rond. À cette fin, elle fournit à la fois les chargeuses et les salariés requis pour ces activités.
[35] À l’usine SLT, la Coopérative partage les activités liées à l’amenée du bois rond avec une autre entreprise jusqu’en 2010, seulement en fournissant les équipements nécessaires pour le déplacement à la fois du bois rond et du bois d’œuvre. Toutefois, son niveau d’activité a été maintenu malgré le déplacement du site Vallières à SLT.
LES IMMEUBLES ET ÉQUIPEMENTS
[36] Le plan de restructuration, avalisé au protocole d’entente du 19 novembre 2008, prévoit de transformer dans les installations de la seule usine SLT la totalité des volumes en bois des deux usines. En raison de la surcapacité de production dans cette dernière usine, cette concentration des activités y est possible sans nouvel aménagement.
[37] Il est également prévu (para. 6.0) ce qui suit :
6.0 Installations du Site Vallières (PFLT)
Dans le cadre de la présente entente transitoire, la Compagnie s’engage à maintenir en état d’opération les installations du 240, Site Vallières pour une durée de trois (3) mois à compter de la signature de la présente entente.
Cependant, si les parties s‘entendent sur des modalités d’intégration permanentes de la main d’œuvre, l’alinéa précédent cessera alors de recevoir application.
[38] Cet alinéa n’a pas été appliqué. Le régime de travail établi par la convention collective intervenue entre CCAC et la CSN en vigueur au moment de l’arrivée des salariés de l’usine du site Vallières à cette usine s’est appliqué intégralement, à l’exception d’une liste d’ancienneté unique.
[39] Malgré l’impossibilité de régler l’intégration des listes d’ancienneté, CACC a dans les faits fermé ses installations du site Vallières et n’a pas transporté au site SLT des équipements ou autres moyens de production, si ce n’est quelques pièces, outils ou meubles (casiers et tables) nécessaires au fonctionnement de cette usine.
LES PRODUITS ET CLIENTS
[40] Malgré la restructuration de ses activités dans le Haut-Saint-Maurice, CACC a continué à offrir essentiellement les mêmes produits et à desservir la même clientèle.
LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN
[41] Une fois les actions prises pour mettre en place le plan d’action annoncé au protocole d’entente de novembre 2007, ce dernier a été est soumis aux aléas de la situation économique à laquelle il a fallu constamment s’ajuster, tout particulièrement lors de la constitution des équipes de travail, ou factions, au sciage et au rabotage.
[42] Les activités de sciage et rabotage sont interrompues au début de l’été 2008.
[43] En prévision de la reprise des activités pour quelques semaines au cours de l’été 2009, PFM et la CSN élaborent le 30 avril une nouvelle « Proposition d’entente pour la reprise des opérations de juin 2009 ». Le SCEP ne participe pas aux discussions et n’est pas signataire de la proposition.
[44] En ce qui concerne la gestion des listes d’ancienneté, les parties signataires de la proposition conviennent alors de constituer au sciage deux factions composées selon une proportion de deux salariés qui travaillaient à l’usine SLT avant la concentration des activités sur ce site et d’un salarié provenant de l’usine du site Vallières, de maintenir au rabotage la présence de deux factions du premier groupe et d’une faction du deuxième groupe comme à l’hiver 2008, et de ne pas permettre les mouvements de salariés entre les deux groupes, une fois l’horaire établi conjointement.
[45] En 2010, les représentants de PFM et la CSN se sont rencontrés à plusieurs reprises en vue de renouveler la convention collective, expirée depuis le 30 octobre 2009.
[46] Les discussions en vue du renouvellement de la convention collective ont également porté sur le plan de relance de l’usine.
[47] Le renouvellement de la convention collective, intervenu en juin 2010, a été précédé le 26 mai de la signature d’un Mémoire d’entente faisant à nouveau état de la question de la fusion des listes d’ancienneté et de la recherche d’un mécanisme permanent afin d’intégrer les deux listes toujours en usage.
[48] Les parties s’expriment en ces termes :
6. Fusion des listes d’ancienneté :
1) Aux fins de la recherche d’un mécanisme permanent d’intégration des listes d’ancienneté des deux groupes de travailleurs (Scierie La Tuque et P.F.L.T.) un comité de six (6) personnes sera créé. Ce comité sera composé de : 2 représentants patronaux, 4 représentants syndicaux et d’un médiateur-conciliateur choisi par les parties.
Ce comité devra, dans les 45 jours suivants la reprise des opérations de l’usine, se réunir pour trouver une solution d’intégration des listes.
Les parties dans leurs discussions devront entre autres tenir compte des éléments suivants :
1. L’équité entre tous les salariés concernés.
2. De minimiser l’impact auprès des détenteurs de poste.
3. Si nécessaire mettre en place des mesures afin de minimiser les impacts négatifs sur les salariés.
4. Évaluer la possibilité d’offrir des incitatifs de départs.
2) Dans l’éventualité où les parties ne seraient pas en mesure d’en venir à une solution dans le délai imparti, ils conviennent de déposer une requête conjointe devant la Commission des relations du travail . Cette requête sera déposée préalablement afin que son audition soit fixée le plus rapidement possible et qu’une décision puisse être rendue avant le redémarrage de l’usine suite à l’investissement à être fait au cours de l’été 2010, afin de permettre de débuter les opérations à partir d’une seule liste d’ancienneté .
3) […].
Soulignement ajouté
[3] Malgré des discussions sérieuses entre les parties, aucune entente n’intervient quant à la façon de mettre en place un mécanisme permanent d’intégration des listes d’ancienneté des deux groupes.
[4] C’est dans ce cadre que les parties déposent une requête conjointe le 3 septembre 2010 devant la Commission des relations de travail (CRT). On lui demande de se prononcer sur les éléments suivants :
a) Y a-t-il eu transfert de la scierie Produits forestiers La Tuque inc. (PFLT) du site Vallières vers Produits forestiers Mauricie (PFM) qui a, dans l’ensemble, continué les activités de sciage à la Scierie La Tuque (SLT)?
b) Une déclaration comme quoi la CSN représente tous les salariés de PFM qui travaillent désormais à SLT, incluant ceux qui y étaient déjà, et les autres provenant de PFLT qui ont commencé à y travailler à l’hiver 2008.
[5]
Comme mentionné à la requête conjointe, les parties invoquent
l’application des articles
39
,
45
,
46
,
118
et
[6]
De façon corollaire, les parties requièrent l’application de l’article
[7] Un peu moins d’un mois après le dépôt de la requête conjointe, la CSN modifie la position qu’elle y a exprimée. Elle fait désormais valoir des moyens de non-recevabilité à l’encontre de la requête qu’elle a elle-même signée.
[8] Le 7 octobre 2010, le juge administratif rend la première décision. Il situe son intervention dans le contexte suivant :
[6] Dans les faits, un groupe de salariés qui, jusqu’en décembre 2007, travaillaient dans la scierie exploitée par PFLT au site Vallières à La Tuque et qui étaient alors représentés par la section locale 193 du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP) « ci-après le SCEP » a, à la suite de la cessation des activités dans cette scierie, commencé à travailler à SLT, scierie dans laquelle les salariés qui y travaillaient déjà sont visés par l’accréditation qu’y détient la CSN depuis 2000.
[7] En application d’ententes successives intervenues entre PFM, la CSN et le SCEP, ce groupe a continué à former un groupe distinct en ayant sa propre liste d’ancienneté aux fins de l’attribution du travail
[8] Cette situation perdure, malgré le renouvellement de la convention collective de travail entre PFM et la CSN en juin 2010. Les parties à cette convention ont opté pour soumettre la question de l’intégration des listes d’ancienneté à un comité conjoint. Une proposition d’intégration a été présentée aux salariés qui, lors d’un vote au scrutin secret, l’ont rejetée. La question est maintenant devant la Commission. La gestion des rappels au travail et la composition des équipes de travail continuent à poser problème du fait qu’il y a toujours deux listes d’ancienneté .
[9] Y-a-t-il lieu de fusionner les listes d’ancienneté et, dans l’affirmative, selon quelle règle d’intégration?
[10] Cette question en soulève d’autres, en amont.
[11] Y a-t-il eu fermeture de la scierie qu’exploitait PPLT au site Vallières ou transfert ou déménagement des activités liées au sciage de ce site à SLT ou encore concession partielle d’entreprise de PFLT à PFM, selon que cela a eu lieu entre deux établissements d’un même employeur (Code, article 39) ou entre des employeurs distincts (Code, article 45)? Y a-t-il eu réorganisation interne des entreprises de PFLT et de CCAC et, dans l’affirmative, quelle est la nature et l’effet de cette réorganisation?
[9] Les conclusions de son jugement se libellent de la façon suivante:
DONNE SUITE à la requête du 28 juillet 2010 de Produits forestiers Mauricie S.E.C. pour changement de nom de l’employeur et à la requête conjointe de Produits forestiers Mauricie S.E.C. et du Syndicat des travailleuses et travailleurs de la scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque (CSN) du 3 septembre 2010 de statuer sur l’existence ou non d’un transfert d’entreprise entre Produits forestiers La Tuque inc. à Produits forestiers Mauricie S.E.C.;
DÉCLARE qu’il y a eu changement à la structure juridique de Compagnie Abitibi-Consolidated du Canada, division La Tuque et de Produits forestiers La Tuque inc. conduisant à la constitution de Produits forestiers Mauricie S.E.C. et de sa commanditée 9192-8515 Québec inc. pour continuer l’exploitation d’usines de sciage et de rabotage et aménagement forestier dans le Haut-Saint-Maurice;
DÉCLARE que Produits forestiers Mauricie S.E.C. et sa commanditée 9192-8515 Québec inc. sont aux droits et obligations résultant des accréditations accordées respectivement :
- à Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque, le 21 novembre 2000 ( AQ-1004-9661) pour représenter :
« Tous les salariés au sens du Code du travail de Abitibi Consolidated affectés à l’opération de la scierie, à l’exception des employés de bureau.,des chauffeurs de camion et des personnes affectées au chargement du bois rond. »
De : Compagnie Abitibi-Consolidated du Canada,
division Scieries, Secteur La Tuque
Établissements visés :
Division La Tuque
2419, Route 155 Sud
La Tuque (Québec) G9X 3N8
Division La Tuque
Totalité lot 66 et parties des lots 53 et 54
du cadastre officiel
Canton Carignan
La Tuque
- à la section locale 163
du SCEP le 30 avril 1999
(AQ-1004-6011) pour représenter :
« Tous les salariés à l’emploi de Produits forestiers La Tuque, sauf les employés de bureau, les gardiens et la préposée à l’entretien ménager pour l’établissement du site Vallières, La Tuque. »
De : Produits forestiers La Tuque inc.
Établissement visé :
240, site Vallières
La Tuque (Québec) G9X 3P3
SUSPEND la terminaison de ces accréditations jusqu’à ce que la Commission ait rendu une décision relative à l’établissement d’une seule liste d’ancienneté pour l’ensemble des salariés visés par le transfert des accréditations;
DÉCLARE que le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque, est accrédité (AQ-2001-2017) pour représenter :
« Tous les salariés au sens du Code du travail de Abitibi Consolidated affectés à l’opération de la scierie, à l’exception des employés de bureau.,des chauffeurs de camion et des personnes affectées au chargement du bois rond. »
De : Produits forestiers Mauricie S.E.C. (9192-8515 Québec inc.)
Établissements visés :
Division La Tuque
2419, Route 155 Sud
La Tuque (Québec) G9X 3N8
Division La Tuque
Totalité lot 66 et parties des lots 53 et 54
du cadastre officiel
Canton Carignan
La Tuque (Québec)
DÉCLARE que les conditions de travail de l’ensemble des salariés visés par l’accréditation que détient le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque sont celles prévues à la convention collective signée le 5 juin 2010 et les parties à cette convention doivent être les mêmes qu’à l’accréditation;
ORDONNE à Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque (CSN), au Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP),section locale 193 et à., commanditée de Produits forestiers Mauricie S.E.C. (9192-8515 Québec inc.) de préparer, soit chaque partie pour elle-même, soit conjointement, au plus tard pour le 15 octobre 2010, une proposition d’intégration complète des listes d’ancienneté des deux groupes de salariés en précisant les lignes directrices suivies;
ORDONNE à Produits forestiers Mauricie S.E.C. (9192-8515 Québec inc.) et au Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque (CSN), d’afficher sur le tableau d’affichage réservé aux salariés, le texte de cette ou de ces propositions et copie de l’avis d’audience du lundi 18 octobre 2010;
CONVOQUE les parties à une audience à être tenue au Palais de justice de La Tuque, sis au 290, rue Saint-Joseph à La Tuque QC le 21 octobre 2010 à compter de 10h00 pour entendre les représentations des parties intéressées à l’établissement d’une seule liste d’ancienneté;
AUTORISE les salariés désireux de présenter leurs observations à les exprimer lors de cette audience, à défaut des associations syndicales de le faire.
[10] Le 25 octobre 2010, le juge administratif rend la deuxième décision qui découle de la première. Les conclusions sont les suivantes :
DÉCLARE que la liste d’ancienneté d’usine de tous les salariés actuels à l’usine de Rivière-aux-Rats (SLT) et devant s’intégrer à la convention collective intervenue en juin 2010 entre Produits forestiers Mauricie S.E.C. et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque est celle qui est reproduite en annexe à la présente décision;
MET FIN aux accréditations accordées respectivement :
- à Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Scierie Abitibi Consolidated, division La Tuque, le 21 novembre 2000 (AQ-1004-9661) pour représenter :
« Tous les salariés au sens du Code du travail de Abitibi Consolidated affectés à l’opération de la scierie, à l’exception des employés de bureau.,des chauffeurs de camion et des personnes affectées au chargement du bois rond. »
De : Abitibi-Consolidated du Canada,
division Scieries, Secteur La Tuque
Établissements visés :
Division La Tuque
2419, route 155 sud
La Tuque (Québec) G9X 3N8
Division La Tuque
Totalité lot 66 et parties des lots 53 et 54
cadastre officiel
Canton Carignan
La Tuque
- à la section locale 163 du Syndicat des communications, du papier et de l’énergie le 30 avril 1999 (AQ-1004-6011) pour représenter :
« Tous les salariés à l’emploi de Produits forestiers La Tuque, sauf les employés de bureau, les gardiens et la préposée à l’entretien ménager pour l’établissement du site Vallières, La Tuque. »
De : Produits forestiers La Tuque inc.
Établissement visé :
240, site Vallières
La Tuque (Québec) G9X 3P3
RÉSERVE sa compétence pour trancher toute autre question ou difficulté découlant de la transmission des droits ou de l’application de la liste d’ancienneté.
[11] Le Syndicat CSN est d’avis que le juge administratif a rendu une première décision déraisonnable pour les motifs suivants :
a. Il a erré en concluant que PFM avait l'intérêt pour agir;
b. Le juge
administratif ne pouvait pas s’appuyer en même temps sur l’application des
articles
c. Il a erré en décidant qu’il y a eu changement de structure juridique selon l’article 45, alinéa 2, même s’il n’y a pas aliénation selon l’article 45 , alinéa 1, du Code du travail ;
d. Il a erré en écartant le moyen préliminaire comme
quoi il y a eu renonciation tacite vu l’absence de respect des délais
raisonnables pour présenter une demande en vertu des articles
[12]
Les parties admettent qu’il y a eu aliénation au sens de l’article
[13] L’enjeu pour les syndiqués de Syndicat CSN peut être décrit de la façon suivante:
[23] Les effets du transfert de PFLT vers PFM risquent de se répercuter sur le groupe de salariés CSN qui travaillaient chez SLT et dorénavant chez PFM suite à l’aliénation de l’usine à cette nouvelle entité puisque, contrairement à la convention collective, pièce R-3, P-8, qui prévoit une ancienneté usine, plusieurs salariés syndiqués CSN risquent de se trouver plus loin sur la liste d’ancienneté si les salariés en provenance de PFLT sont intégrés selon leur ancienneté PFLT.
[14] Ainsi, le Syndicat CSN plaide que pour ses syndiqués, le rang sur la liste d’ancienneté a une importance capitale puisque l’usine a connu de nombreuses difficultés financières ces dernières années et l’ordre des mises à pied et rappel est directement relié au rang d’ancienneté usine.
[15] Le Syndicat CSN rappelle que depuis 2008, l’ancienne usine SLT, exploitée dorénavant par PFM, n’a jamais exploité plus que quelques semaines par année, compte tenu des nombreuses difficultés de l’industrie.
[16] Il ajoute que durant cette période, il a toujours refusé, sauf sur une base temporaire, de considérer ou d’accepter que « l’ancienneté usine » soit écartée de façon à protéger la majorité de ses membres puisque les anciens salariés PFLT sont également leurs membres.
[17] Il indique aussi avoir accepté uniquement de façon temporaire et en situation très précaire en 2007, 2008, 2009 et 2010 que les salariés en provenance de PFLT soient intégrés autrement que par leur « ancienneté usine », compte tenu des difficultés importantes à exploiter l’usine SLT (devenue PFM).
[18] De l’automne 2007 à ce jour, le Syndicat CSN plaide que la position des salariés en provenance de PFLT a toujours été de créer une liste d’ancienneté unique en appliquant la fourchette « 2 salariés CSN pour 1 salarié SCEP ».
[19] De façon corollaire, dès l’automne 2007 et jusqu’à l’été 2010, selon le Syndicat CSN, la position de l’employeur a toujours été identique à celle des anciens salariés de PFLT syndiqués SCEP.
[20] Le Syndicat CSN conclut en ajoutant qu’avant l’été 2010, il dit avoir toujours refusé que les salariés de PFLT soient intégrés de façon permanente autrement que par leur date d’embauche à l’usine de SLT devenue l’usine de PFM, le tout en conformité des règles d’ancienneté prévues à la convention collective.
[21] Les questions en litige sont les suivantes:
a. PFM a-t-il l'intérêt pour agir?
b. Le délai pour déposer la requête conjointe devant le juge administratif a-t-il été trop long?
c. La première décision du juge administratif du 7 octobre 2010 est-elle raisonnable en concluant à l’existence d’un transfert des activités ainsi qu’à l’existence d’un changement au niveau de la structure juridique de CACC et de PFLT ayant conduit à la constitution de deux nouvelles entités, soit PFM et sa commandité 9192-8515 Québec inc.?
d. La deuxième décision du 25 octobre 2010 est-elle raisonnable?
[22] Le Syndicat CSN plaide que le juge administratif aurait dû conclure que PFM n’avait pas l’intérêt pour agir.
[23]
Le Tribunal n'est pas d'accord avec cette position. En effet, la requête
instituée de façon conjointe réfère à l’application des articles
[24] Le Syndicat CSN soutient que le délai pour déposer la requête conjointe a été trop long.
[25] Or, cet argument est étonnant vu le caractère conjoint de la requête et l'entente intervenue entre les parties comme quoi elles devaient soumettre la question de l’intégration des listes d’ancienneté à la Commission après avoir tenté de régler elles-mêmes les difficultés découlant de l’intégration des deux usines en une seule.
[26] Elles ont donc tenté d'en venir à une entente, mais sans succès. On ne peut reprocher à l'une ou l'autre des parties le temps pris pour tenter de trouver une solution hors cour au problème vécu. Ce moyen est donc mal fondé en l'espèce.
[27] Les parties s’entendent sur l’application de la norme de la décision raisonnable. Le Tribunal est d’accord pour les raisons suivantes.
[28] Depuis l’arrêt Dunsmuir [2] rendu par la Cour suprême du Canada en 2008, deux normes d’intervention existent, soit celle de la « décision correcte » et celle de la « décision raisonnable ». La façon d’intervenir du Tribunal de révision sera différente d’une norme à l’autre.
[29] La norme de la décision correcte implique que le décideur ne peut se tromper. Ou sa décision est correcte ou elle ne l’est pas. Dans ce dernier cas, le Tribunal de révision doit reprendre l’exercice et substituer son propre raisonnement pour s’assurer que la bonne décision soit rendue.
[30] Quant à la norme de la décision raisonnable, elle commande un degré de déférence plus élevé de la part du juge de révision. Ce dernier interviendra s’il est d’avis que la décision rendue ne repose pas sur un processus décisionnel intelligible et qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Cette norme fait appel au respect de la volonté du législateur de s’en remettre pour certaines choses à des décideurs administratifs qui ont développé une expertise et une expérience dans un domaine particulier.
[31] De plus, ajoutons qu’en présence d’une question touchant aux faits, aux pouvoirs discrétionnaires ou à la politique, et lorsqu’il s’agit de questions mixtes de faits et de droit, c’est généralement la norme de la décision raisonnable qui s’applique.
[32] Également, l’existence d’une clause privative ainsi qu’une situation où le Tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie militent en faveur de l’adoption de la norme de la raisonnabilité.
[33]
Or, dans le présent cas, la question soumise à la CRT en septembre 2010
par le biais de la requête conjointe se situe au cœur même de la compétence du
juge administratif. Cela milite en faveur de l’application de la norme de la
décision raisonnable. S’ajoute à cela que l’article
[34] Dans ce contexte, le Tribunal doit donc répondre à la question suivante : la décision du juge administratif repose-t-elle sur un processus intelligible qui amène à l’élaboration d’issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit même si le juge de révision avait rendu une décision différente s’il était intervenu en premier lieu?
[35] En l'espèce, le Tribunal est d'avis que le juge administratif a adopté un raisonnement intelligible et transparent et que les conclusions auxquelles il arrive font partie des issues possibles au regard des faits et du droit.
[36] En effet, le juge fait d'abord une analyse de tous les aspects importants dont il doit tenir compte. Il se penche notamment sur les éléments suivants:
· Les accréditations syndicales (par. 14 et 15);
· La réorganisation des activités de sciage et de rabotage (par. 16 à 20);
· L’intégration des deux groupes de salariés (par. 21 et 22);
· La restructuration corporative (par. 23 et 25);
· Les modifications au CAAF (par. 26 à 29);
· Le personnel d’encadrement (par. 30);
· La coopérative (par. 31 à 35);
· Immeubles et équipements (par. 36 à 39);
· Produits et clients (par. 40);
· La mise en œuvre du plan (par. 41 à 48).
[37] Puis, après avoir analysé les éléments factuels et juridiques mentionnés précédemment, le juge résume adéquatement la position des parties pour ensuite statuer sur les deux moyens de non-recevabilité qu’il rejette aux paragraphes 65 à 72.
[38] Il conclut qu’il y a eu transfert de l’ensemble des activités de sciage et de rabotage d’une usine à l’autre. Dans ce cadre, le juge est d'avis qu'il y a eu transfert d’activités accompagné d’un transfert des caractéristiques essentielles d’une entreprise de sciage et de rabotage, soit :
· le transfert des garanties d’approvisionnement et du droit d’exploitation qui est associé au bénéfice d’une seule et même usine;
· le transfert des activités forestières (volume et essence) destiné à une usine vers l’autre usine;
· le transfert d’équipements, d’outils, de matériaux, de véhicules et de machinerie;
· le transfert d’une partie des salariés affectés à la production et d’une partie du personnel-cadre;
· la clientèle et l’achalandage se trouvent désormais concentrés dans une seule usine.
[39] La position du juge administratif est conforme aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Bibeau [4] selon lesquels aucun élément n’est à lui seul déterminant, chacun devant plutôt être apprécié à la lumière du type d’entreprise en cause.
[40] Quant à la position du Syndicat CSN qui plaide que l’arrêt Tembec n’a pas été appliqué de façon adéquate par le tribunal administratif, l’interprétation du juge administratif n’est pas déraisonnable puisqu’elle fait partie des issues possibles.
[41] De toute façon, même si le Tribunal en venait à la conclusion que le juge administratif n’a pas appliqué le bon courant jurisprudentiel relativement à l’application de l’arrêt Tembec , cela ne serait pas déterminant en l'espèce puisqu’il est de jurisprudence constante que le fait pour un juge administratif de ne pas suivre un courant jurisprudentiel plutôt qu’un autre n’est pas un motif de révision judiciaire lorsqu’on applique la norme de la raisonnabilité.
[42] Le juge administratif a donc retenu qu'une modification est intervenue dans la structure juridique de CACC et de PFLT et qu'il y a eu transfert des activités de sciage et de rabotage des deux scieries vers une nouvelle entité.
[43] Cette décision est conforme à l'intention manifestée par les parties de trouver une solution aux difficultés financières associées à un contexte économique difficile. Le juge administratif retient d'ailleurs que le comportement adopté par les parties en présence à compter de la négociation du premier protocole d'entente en 2007 démontre qu’il a toujours été question d’un transfert des activités de deux usines en une seule. Entre autres, jamais n’a été débattue la question de savoir si on devait procéder à l’intégration des salariés visés; le problème résidant plutôt dans la manière de les intégrer.
[44] Pour le juge administratif, l'employeur est donc lié par les droits et obligations issus des deux accréditations jusqu’à ce que soit établie une seule liste d’ancienneté pour l’ensemble des salariés visés.
[45] Dans ce cadre, le juge administratif déclare le Syndicat CSN accrédité pour représenter les salariés de l’employeur sujets aux conditions de travail prévues dans la convention collective entre le Syndicat CSN et l’employeur de juin 2010.
[46] En l'espèce, la décision rendue est conforme aux principes de droit et constitue une solution équitable pour tous les salariés, sur un sujet sensible pour ceux-ci, soit leur rang sur la liste d’ancienneté.
[47] Il est évident qu’il aurait été préférable dans les circonstances que les parties s’entendent entre elles, mais cela n’a pas été possible. Les parties ont donc dû s'en remettre d’un commun accord à la décision de la CRT. Dans les circonstances, le juge administratif a résolu le litige d'une façon juste pour les parties.
[48] Le sort de la décision du 25 octobre 2010 dépend de celui de la décision du 7 octobre 2010. Comme la demande de révision est rejetée quant à la première décision, il en est de même quant à la révision de la décision du 25 octobre 2010.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[49] REJETTE la requête en révision judiciaire relativement à la décision du 7 octobre 2010;
[50] REJETTE la requête en révision judiciaire relativement à la décision du 25 octobre 2010;
[51] AVEC DÉPENS.
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__________________________________ CATHERINE LA ROSA, j.c.s. |
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Me Dany Milliard |
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Ménard Milliard |
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Avocats du demandeur |
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Me Pierre Parent |
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Caïn Lamarre Casgrain |
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Avocats de Produits Forestiers |
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Me Laurent Roy |
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Trudel Nadeau |
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Avocats du Syndicat CSN |
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Dates d’audience : |
8 et 9 novembre 2011 |
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