Excavation J.P.N. Bissonnette inc. c. Richard |
2011 QCCQ 15701 |
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JG 1496
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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LOCALITÉ DE |
ST-JÉRÔME |
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« Chambre civile » |
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N° : |
700-22-023413-106 |
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DATE : |
24 novembre 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
DIANE GIRARD, J.C.Q. |
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EXCAVATION JPN BISSONNETTE INC. |
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Demanderesse / défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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JEAN JACQUES RICHARD |
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Défendeur / demandeur reconventionnel |
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JUGEMENT |
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[1] La compagnie demanderesse réclame du défendeur 11 619,24 $, solde dû, pour des travaux d'excavation et de remblaiement pour la confection d'un rond-point sur des terrains appartenant au défendeur.
[2] Le défendeur plaide avoir eu une entente pour une somme forfaitaire de 18 000 $ qu'il aurait déjà payée. Il ajoute que les travaux ont été mal exécutés et qu'il a dû faire affaires avec un autre entrepreneur pour les correctifs. De plus, il demande l'annulation du contrat vu l'absence de permis de la Régie du Bâtiment au nom de la demanderesse.
[3] Le défendeur se porte demandeur reconventionnel pour la somme de 22 585 $.
I La preuve :
A) L'entente sur les modalités au contrat:
[4] Les parties n'ont pas fait d'entente écrite sur les modalités d'exécution du contrat. Monsieur Jean Jacques Richard affirme avoir eu une soumission verbale à 18 000 $. Il avait déjà eu pareille soumission d'un autre entrepreneur. Pour appuyer sa version, il s'en réfère à la mise en demeure envoyée le 18 octobre 2010 par la partie demanderesse (pièce D-1) où Nicole Cabana, présidente d'Excavation JPN Bissonnette inc. écrit:
« Je ne comprends pas votre réaction étant donné que le montant de 18 000 $ plus taxes a été respecté, montant de l'entente comprenant la pierre 0 - 2 ½ et 0 - ¾ […] »
[5] Monsieur Jean Pierre Bissonnette qui a négocié avec monsieur Jean jacques Richard, nie l'entente à forfait et affirme qu'il fonctionnait à l'heure plus matériaux. Pour appuyer ses dires, il dépose les bons de travail journalier où apparaissent les heures travaillées et les matériaux fournis. Le défendeur a signé tous ces bons (pièces P-1 et P-2).
[6] De plus, le défendeur a payé lui-même certains matériaux comme le ponceau. Il a aussi défrayé le coût du dynamitage.
[7] Monsieur Bissonnette précise que la facture numéro 185 au montant de 7 585,20 $ ne faisait pas partie du contrat pour l'exécution du rond-point. C'était pour défricher les terrains jonchés d'arbres abattus, le dessouchage, enlèvement des débris, compaction du sol, etc.
[8] Les parties n'ayant pas précisé par écrit les travaux requis par le défendeur, le Tribunal conclut que l'acceptation des travaux au jour le jour est une ratification d'un seul mandat, car il y a une absence de preuve de l'existence de 2 contrats différents.
[9] La facture 185 mentionne le Projet rue Jourdain comme les 2 autres factures.
[10] Vu l'absence de preuve prépondérante quant aux conditions du contrat, de son contenu, des travaux à faire et d'une entente forfaitaire, le Tribunal conclut qu'il s'agissait d'un contrat à l'heure et matériel, vu les bons de travail signés par le défendeur et le paiement par le défendeur le 23 août 2010 d'une facture (pièce P-2) où apparaissait le nombre d'heures et le prix à l'heure.
B) La mauvaise exécution des travaux:
[11] Le défendeur plaide que la demanderesse n’a pas exécuté les travaux selon les exigences de la réglementation municipale. Ceci est corroboré par la pièce (D-13) émanant de la municipalité de Sainte-Sophie qui précise qu'il manquait de la pierre et qu'il y avait un problème d'égouttement au niveau des fossés.
[12] Monsieur Stéphane Béland, inspecteur de la voirie pour la municipalité de Sainte-Sophie a témoigné avoir lui-même inspecté les travaux et qu'il manquait de pierre 0 -2 ½ et qu'il n'y avait que 5 pouces de 0 - ¾ alors que cela en prenait 8 pouces.
[13] L'ingénieur de la Ville a toutefois accepté 10 pouces de gravier 0 - ¾ sans gravier 0 -2 ½. L'inspecteur a déposé des photographies qui selon lui attestent de l'absence de 0 - 2 ½. Ceci est nié par monsieur Bissonnette qui affirme qu'il a mis du gravier 0 - 2 ½. Quoi qu'il en soit, il manquait du gravier et le défendeur a dû faire exécuter les travaux par un tiers, vu le refus de la demanderesse qui refusait de s'exécuter, car elle n'était pas payée pour le travail déjà fait.
[14] Le défendeur a payé 4 227,17 $ plus 550,27 $ à l'entreprise René Sala Excavation (pièce D-5).
C) L'absence de permis de la Régie du Bâtiment et la demande d'annulation de contrat:
[15] La demanderesse a admis que lors des travaux elle n'avait pas le permis requis par la Régie du Bâtiment. Monsieur Bissonnette et madame Cabana affirment que monsieur Richard était toutefois au courant de ce fait. Il y a donc absence de preuve prépondérante à ce chef et le Tribunal ne peut conclure à la connaissance du défendeur quant à l'absence de permis.
[16]
Le défendeur plaide les articles
« 46. Nul ne peut exercer les fonctions d'entrepreneur de construction, en prendre le titre, ni donner lieu de croire qu'il est entrepreneur de construction, s'il n'est titulaire d'une licence en vigueur à cette fin.
Licence requise.
Aucun entrepreneur ne peut utiliser, pour l'exécution de travaux de construction, les services d'un autre entrepreneur qui n'est pas titulaire d'une licence à cette fin.
50. La personne qui n'est pas elle-même un entrepreneur qui a conclu un contrat pour l'exécution de travaux de construction avec un entrepreneur qui n'est pas titulaire de la licence appropriée peut en demander l'annulation.
Demande de radiation.
Le propriétaire d'un immeuble grevé d'une hypothèque
légale, visée au paragraphe 2° de l'article
Restriction.
Une demande d'annulation ou de radiation ne peut être reçue s'il est établi que le demandeur savait que l'entrepreneur n'était pas titulaire de la licence appropriée. »
[17] C'est en vertu de l'article 50 que le défendeur demande l'annulation du contrat. Les parties ont déposé de la jurisprudence sur les conditions d'application de l'article 50.
[18] Les auteurs Baudoin et Jobin [1] écrivent que la nullité qu'elle soit relative ou absolue a toujours un effet rétroactif etqu'une fois prononcée, elle met fin au contrat pour l'avenir et libère les parties de leur engagement. De plus, les effets produits sont annihilés sous réserve de la remise en état.
[19] Les auteurs énoncent:
« En principe le tribunal doit ordonner la
restitution des prestations […] la restitution des prestations qui ont été
exécutées et quid ans les faits ne peuvent pas disparaître […] la loi prévoit
que la restitution se fera par équivalent (article
[…]
Comme le prévoit l'article
[20]
Dans la présente affaire, la remise en état est impossible, les travaux
ayant été exécutés entièrement. Le défendeur ne peut donc remettre ce qu'il a
reçu et priver la demanderesse de son droit d'être payée serait un avantage
indu pour le défendeur qui bénéficie des travaux. L'article
« 2129. Le client est tenu, lors de la résiliation du contrat, de payer à l'entrepreneur ou au prestataire de services, en proportion du prix convenu, les frais et dépenses actuelles, la valeur des travaux exécutés avant la fin du contrat ou avant la notification de la résiliation, ainsi que, le cas échéant, la valeur des biens fournis, lorsque ceux-ci peuvent lui être remis et qu'il peut les utiliser.
L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, pour sa part, de restituer les avances qu'il a reçues en excédent de ce qu'il a gagné.
Dans l'un et l'autre cas, chacune des parties est aussi tenue de tout autre préjudice que l'autre partie a pu subir. »
[21] De plus, les travaux ont été faits correctement sauf un manque de pierre et une dénivellation dans le fossé.
[22] Le juge Gilles Gagnon a résumé dans l'affaire 9049-0772 Québec inc. c. Philippe Ménard [2] , comment les tribunaux ont exercé leur discrétion lorsque notamment la restitution était impossible. Il y a lieu de reproduire son résumé des décisions:
« [105] Dans l'affaire Edmonds c. Gendron, le juge Keable considère que les prestations doivent être complètes, c'est-à-dire que chacun remet à l'autre ce qu'il a reçu.
[106] Dans l'affaire 9046-5014 Québec Inc. c. Triassi, le juge Paquet condamne le défendeur, suite aux travaux exécutés par la demanderesse, à payer à cette dernière, pour les travaux qui lui profitent, la somme réclamée, déduction faite des taxes applicables ainsi qu'une somme équivalant à sa marge de profit.
[107] Dans l'affaire Signh c. Reeves, la demanderesse demande le remboursement intégral des sommes versées au défendeur, entrepreneur en construction qui ne détient pas de licence valide. Déclarant le contrat nul, le Tribunal ordonne la restitution des prestations. Le défendeur doit restituer les montants reçus. Indiquant que la restitution en nature est impossible pour la demanderesse et qu'il est également impossible d'établir avec précision le montant auquel le défendeur a droit, le Tribunal fixe lui-même le montant de la restitution dans les circonstances de l'affaire.
[108] Dans la cause Mohammadi c. Aslan, le demandeur se retrouve dans la situation de la demanderesse dans le cas présent, réclamant un solde dû sur un contrat de rénovation. La défenderesse conteste cette réclamation et demande la nullité du contrat au motif que le demandeur ne disposait d'aucune licence. Le Tribunal aurait alors modifié l'étendue de la restitution, s'exprimant ainsi:
«Considérant qu'il est impossible, dans les circonstances, de remettre les parties dans l'état où elles étaient avant de contracter, le Tribunal croit qu'il est équitable, dans les circonstances, de modifier l'étendue de la restitution plutôt que la refuser simplement.
En conséquence, il réduit de moitié la somme due au demandeur par la défenderesse.»
[109] Le juge Théroux dans l'affaire Maurice c. 9067-8491 Québec Inc., quant à lui, modifie également l'étendue de la restitution en affirmant que le contrat d'entreprise comprend, dans le cas qu'il avait sous étude, également un contrat de vente de matériaux et, dans ces circonstances, limite le donneur d'ouvrage à payer seulement la valeur des matériaux, annulant le contrat d'entreprise sans restitution, le juge s'exprimant ainsi:
«Il est établi que les
demandeurs ont conservé ces matériaux. Ils ont tout simplement été réinstallés
correctement. Il est impossible, dans ces circonstances, de remettre les
parties en état et il serait inéquitable d'annuler le contrat à cet égard.
Seule la partie du contrat pouvant être qualifiée de contrat d'entreprise au
sens de l'article
La défenderesse doit donc rembourser le prix de la main-d'œuvre, soit 600$ plus les taxes applicables.»
[110] Le Tribunal a donc l'intention d'appliquer le principe de la restitution en modifiant son étendue, condamnant le défendeur à payer, en ce qui concerne le chauffage radian, à la demanderesse seulement les matériaux que nous retrouvons à la pièce R-5, sans les taxes, soit 2993,38$, ce qui signifie que le défendeur Ménard ne paiera pas la main-d'œuvre pour l'installation des matériaux, que le Tribunal évalue à la moitié du coût de main-d'œuvre réclamé à la pièce R-5, à savoir: 1 170$. »
[23] Utilisant sa discrétion judiciaire et compte tenu de l'absence de permis de la demanderesse, le Tribunal réduit de 20% sa créance quant à la main d'œuvre seulement. La facture de René Sagala démontre qu'un entrepreneur ayant un permis facture à 120 $ l'heure. Le Tribunal réduit donc la facture de la demanderesse à ce chef et octroi une somme de 100 $ l'heure (812,70 $ + 3 690 $ = 4 502,70 $ x 20% = 904,14 $) seront réduits de la réclamation.
D) La demande reconventionnelle:
[24] Il y a lieu d'accorder l'annulation du contrat, mais la remise en état étant impossible, le défendeur / demandeur reconventionnel n’a pas droit à la restitution des sommes déjà payées sauf quant au 20 % de la somme de 7 585,20 $ (1 517,04 $) déjà payée, et qui selon l'avis du Tribunal était partie intégrante du contrat.
[25] Le défendeur ne peut réclamer les sommes qu'il n'a pas payées et sa réclamation de 17 585,20 $ est mal fondée.
[26] Quant aux sommes qu'il a versées à René Sagala Excavation (4 227,17 $ et 550,27 $) la facture ne différencie pas ce qui a été payé en gravier et ce qui est de la main d'œuvre. Aucune preuve n'a été faite que la somme de 3 250 $ pour 10 voyages de 10 roues de 0 - ¾ ne comprenait que des matériaux. Le gravier supplémentaire aurait dû être défrayé par le défendeur de toute façon. De façon discrétionnaire, le Tribunal accorde une somme de 2 500 $ au défendeur - demandeur reconventionnel à ce chef.
[27] Pour ces motifs, le Tribunal:
[28] ACCUEILLE en partie la demande principale;
[29]
CONDAMNE
le défendeur à payer à la demanderesse la somme de
10 715,01 $ (11 619.24 $ - 904,14 $ = 10
715,01 $) avec les intérêts au taux légal de 5% l'an ainsi que l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
[30] ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle;
[31] ANNULE le contrat intervenu entre les parties;
[32]
CONDAMNE
la demanderesse défenderesse reconventionnelle à
rembourser au défendeur demandeur reconventionnel la somme de
4 017,04 $ (2 500 $ + 1 517,04 $) avec les
intérêts au taux légal de 5% l'an ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
[33] LE TOUT chaque partie payant ses frais.
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__________________________________ L'Honorable Diane Girard, j.C.Q. |
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Me Gilles Boileau |
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Procureur de la demanderesse |
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Me Chirstian F. Paradis |
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Procureur du défendeur |
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Date d’audience : |
15 novembre 2011 |
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