Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 8 décembre 2011

Référence neutre : 2011 QCTAQ 111003

Dossier  : SAS-M-179310-1012

Devant le juge administratif :

NATALIE LEJEUNE

 

N… F…

Partie requérante

c.

LA SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION




[1]               Le requérant conteste la décision de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec, (SAAQ) du 29 octobre 2010, qui lui impose une évaluation complète auprès de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec, avant d’obtenir un nouveau permis de conduire.

[2]               Au moment de l'événement en cause, du 31 août 2007, le requérant avait un diagnostic de diabète. Il  n'a pas fourni d’échantillon d'haleine.

[3]               Le requérant, accompagné de sa mère, a témoigné à l'audience des événements en lien avec la perte de son permis de conduire.

[4]               Au moment de l’évaluation sommaire, le 26 octobre 2010, il ne consommait plus d’alcool depuis 19 mois [1] . Il est diabétique et, avec la médication prescrite [2] , boire de l’alcool est dangereux pour sa santé. C’est sa condition de santé qui a fait en sorte qu'il n'a pu donner un échantillon d'haleine.

[5]               Il soumet au Tribunal une lettre qu’il a reçue de l’Institut A, le 27 octobre 2010, pour collaborer à une étude ayant pour but de mieux connaître les personnes qui ont été condamnées pour avoir conduit après avoir consommé.

[6]               Il ne veut pas être un cas, parmi des centaines, et que les résultats de son évaluation sommaire circule.  

[7]               Le requérant considère que les questions de l'évaluation ne tiennent pas suffisamment compte du présent et du proche passé. Il était abstinent depuis 19 mois et, avec son diagnostic de diabète, il n’est plus possible pour lui de consommer de l’alcool.

[8]               La mère du requérant témoigne. Elle habite avec son fils depuis 2004. Elle conduit l’automobile lorsqu'ils sortent ensemble. Elle corrobore le témoignage du requérant qui ne consomme plus d'alcool depuis maintenant près de 30 mois.

[9]               L’intimée fait entendre M... L..., psychologue et évaluateur accrédité depuis 2002. Celui-ci explique le processus et les différentes étapes de l’évaluation sommaire. Le requérant a réalisé son évaluation à la Maison A, chez [la ressource B], et il l’a accompagné tout au long du processus. Le requérant a bien collaboré et a posé peu de questions.

________________________________________

[10]            Comme requis par le Code de la sécurité routière [3] , le requérant s'est soumis à cette évaluation sommaire, le 21 octobre 2010 et l'a échouée. Les habitudes de consommation et les facteurs de récidive ont été jugés à risque. Ce processus est imposé au requérant à la suite de sa déclaration de culpabilité du 3 septembre 2009 pour avoir conduit avec les facultés affaiblies.

[11]            Le requérant conteste ces résultats puisqu’il n’a pu éclaircir certaines questions qui ne concernent que son comportement passé.

[12]            Le fardeau de la preuve appartient au requérant, et il ne s'en est pas acquitté.

[13]            À la suite d’une déclaration de culpabilité, le 16 mars 2009, pour une infraction à l’article 254 (5) du Code criminel [4] , commise le 10 juin 2008, le permis de conduire du requérant est révoqué et son droit d’en obtenir un est suspendu conformément à l’article 180 du Code de la sécurité routière [5]

[14]            Des conditions particulières s’appliquent en pareil cas à l'obtention du nouveau permis, tel que l'énoncent les articles 76 et 76.1.2 . du Code de la sécurité routière [6] , dont les extraits pertinents se lisent comme suit :

76. Sous réserve de l'article 76.1.1, aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d'en obtenir un a été suspendu à la suite d'une déclaration de culpabilité pour une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), visée à l'article 180 du présent code, avant l'expiration d'une période d'une, de trois ou de cinq années consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des 10 années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s'est vu imposer aucune, une seule ou plus d'une révocation ou suspension en vertu de cet article.

Si la déclaration de culpabilité est suivie d'une ordonnance d'interdiction de conduire prononcée en vertu des paragraphes 1, 2 et 3.1 à 3.4 de l'article 259 du Code criminel pour une période plus longue que celle applicable en vertu du premier alinéa, la période alors applicable sera égale à celle établie dans l'ordonnance.

76.1.2. Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.

La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:

1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;

2 o au moyen d’une évaluation complète si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s’est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d’haleine ou pour une infraction reliée à l’alcool.

La personne qui échoue l’évaluation sommaire doit satisfaire à l’exigence prévue au premier alinéa au moyen d’une évaluation complète.

La personne qui réussit l’évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d’éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d’alcool ou de drogue.

[15]            Conformément à l’article 76, le requérant s'est soumis à une évaluation sommaire. La conclusion fut de recommander qu'il se soumette à une évaluation complète afin de s'assurer que ses habitudes de consommation d'alcool ne soient pas incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[16]            Cette condition d’une évaluation complète est requise par la décision de l’intimée du 6 avril 2009 que le requérant conteste.

[17]            Le rôle du Tribunal consiste à s’assurer que les différentes étapes du processus de l’évaluation sommaire ont été correctement appliquées et qu’il n’y existe aucune erreur de nature à l’invalider.

[18]            Tel qu’il appert de la preuve au dossier, l’évaluation sommaire a été faite selon les normes, par une personne dûment habilitée en cette matière et aucune erreur déterminante n’a été relevée, que ce soit dans l’application des questionnaires ou dans l’interprétation des résultats.

[19]            Le Tribunal ne peut que constater le respect d’un protocole standardisé strictement administré par une personne qualifiée et auquel a collaboré honnêtement le requérant.

[20]            Les dispositions du Code de la sécurité routière [7] citées plus haut sont impératives et d’intérêt public. Le requérant devait démontrer, au terme de l’évaluation sommaire, que son rapport à l’alcool ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier.

[21]            Le requérant a échoué, et une évaluation complète est requise afin d'approfondir la question du rapport à l'alcool. Il bénéficiera d'un plan d'encadrement personnalisé. Le fait que le requérant ne consomme plus d'alcool parce qu’il est diabétique et que c’est dangereux pour sa santé n’est pas une garantie qu’il n’y a pas ou plus de risque.

[22]            Pour obtenir à nouveau un permis de conduire, le requérant doit maintenant passer l’étape de l’examen plus exhaustif de son comportement face à l’alcool que constitue l’évaluation complète.

[23]            Enfin, l’Institut A s’intéresse à une étude sur les personnes qui ont été déclarées coupables d’avoir consommé de l’alcool et pris le volant. Cette information est disponible au plumitif des palais de justice. À la lecture des documents déposés, il n’y a pas de lien entre cette étude et l’évaluation du requérant. Il n’y a qu’une coïncidence quant aux dates.

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal  :

- REJETTE le recours du requérant et interdit de divulguer, publier ou autrement d’utiliser les renseignements relatifs à l’évaluation sommaire.

 

 


 

 

NATALIE LEJEUNE, j.a.t.a.q.


 

Me Alex Giroux

Procureur de l'intimée


 



[1]   Pièce R-1 - Rapport médical.

[2]   Pièce R-3 - Liste des médicaments prescrits.

[3]   L.R.Q., c. C-24.2. 

[4]   L.R.C., c. 1985 c. C-46.

[5]   Supra , note 1.

[6]   Supra, note 1.

[7]   Supra , note 1.