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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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No de dossier : |
8233-9516 |
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No du rôle : |
43.a-C-11 |
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Date : |
16 novembre 2011 |
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DEVANT : |
Monsieur Robert Généreux, vice-président |
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L’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » faisant des affaires sous le nom « LES ENTREPRISES PERA » |
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DÉCISION |
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[1] L’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » faisant des affaires sous le nom de « LES ENTREPRISES PERA » est titulaire d’une licence d’entrepreneur de construction. Monsieur Raffaele Petruzzo est dirigeant et agit à titre de répondant de ladite entreprise.
MOTIFS DE LA CONVOCATION
[2] La Loi sur le bâtiment (L.R.Q., chapitre B-1.1) prévoit que la Régie du bâtiment du Québec peut suspendre ou annuler la licence d’une entreprise, lorsqu’elle ne remplit plus l’une des conditions requises par cette loi pour obtenir une licence.
[3] L’une des conditions requises par la Loi pour obtenir une licence est de ne pas avoir été déclaré coupable d’une infraction à une loi fiscale reliée aux activités que le titulaire de la licence entend exercer dans l’industrie de la construction.
[4]
L’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a été déclarée coupable
de l’infraction prévue à l’article
[5] Par conséquent, la Régie doit décider si elle doit maintenir, suspendre ou annuler la licence d’entrepreneur de construction de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » pour le motif suivant :
L’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. »
a été déclarée coupable de l’infraction prévue à l’article
[6] À cet effet, l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a été convoquée devant la Régie le 27 septembre 2011, au 545, boul. Crémazie est, 4 e étage à Montréal afin de lui permettre de présenter ses observations.
[7] L’audience a été reportée au 1 er novembre 2011 à la demande du procureur de l’intimé.
[8] Monsieur Raffaele Petruzzo, président de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » s’est présenté à la date fixée accompagné de son avocat Me Michel Roy.
ENQUÊTE DE LA RÉGIE
[9] L’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » est titulaire d’une licence d’entrepreneur de construction de la Régie du bâtiment du Québec, depuis le 8 juillet 1999. Cette dernière est une entreprise spécialisée en ouvrage de génie civil.
[10] Le 8 septembre 2009, l’entreprise « 9015-6919 QUÉBEC INC. » a été reconnue coupable de l’infraction fiscale suivante :
Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, (200-73-005834-091)
Chef d’accusation no.1
« À Laval, district de Laval, entre le 31 août 2004 et le 29 novembre 2007, a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans des formulaires de déclaration FPZ-500 produit en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C. 1985, c. E-15 et modifications), pour les périodes de déclaration et de remise s’étendant du 1 er mai 2004 au 31 octobre 2007, en réclamant des crédits de taxe sur les intrants auxquels elle n’avait pas droit pour un montant de 61 559,96 $, commettant ainsi une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue aux articles 327 (1) a) f) ou de ladite Loi ;»
[11] Cette infraction fiscale est reliée aux activités que le titulaire de la licence exerce dans l’industrie de la construction en ce qu’elle fait partie d’un stratagème d’accommodation visant à éluder la remise de taxe percevable sur les activités commerciales de l’entreprise, lesquelles consistent en des activités de construction.
[12]
Le paragraphe 2° de l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
[…]
2° ne remplit plus l’une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence;
[13]
Les conditions requises pour obtenir une licence sont prévues à
l’article
60 . Une licence est délivrée à une société ou personne morale qui satisfait aux conditions suivantes :
[…]
6
° elle-même,
l'un de ses dirigeants ou, si elle n'est pas un émetteur assujetti au sens de
la
Loi sur les valeurs mobilières
(chapitre V-1.1), l'un de ses
actionnaires n'a pas été déclaré coupable, dans les cinq ans précédant la
demande, d'une infraction à une loi fiscale ou d'un acte criminel et qui sont
reliés aux activités que la personne entend exercer dans l'industrie de la
construction ni d'un acte criminel prévu aux articles
[…]
Pour l’application du paragraphe 6° du premier alinéa relativement à une infraction à une loi fiscale, la Régie refuse de délivrer une licence lorsqu’elle estime que la gravité de l’infraction ou la fréquence des infractions le justifie.
[14] La déclaration de culpabilité à l’infraction fiscale fait en sorte que l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » ne remplit plus l’une des conditions requises par la Loi sur le bâtiment pour obtenir une licence.
TÉMOIGNAGES
[15] Me Michel Roy dépose les pièces D-1 à D-3 à la Régie et commence l’interrogatoire de son témoin, monsieur Raffaele Petruzzo.
[16] Me Roy demande à monsieur Petruzzo de lui expliquer comment se sont déroulés les évènements pour l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » concernant la vérification qui a été effectuée pour la période de 2005 à 2008?
[17] Monsieur Petruzzo explique, en vertu de la pièce D-1, que l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a reçu le 23 octobre 2008 un projet de cotisation de la part du ministère du Revenu du Québec (MRQ). Par la suite, il mentionne qu’il a consulté son avocat, en l’occurrence, Me Michel Roy, et son comptable pour voir ce qu’il pouvait faire pour régler cela avec le MRQ.
[18] Me Roy et son comptable lui ont conseillé de collaborer avec les autorités. Me Roy a également conseillé à monsieur Petruzzo de transférer son dossier de cotisation à la Direction des Enquêtes Spéciales du MRQ parce que le dossier pouvait se régler plus rapidement et aussi de façon plus économique.
[19] Me Roy demande à monsieur Petruzzo pourquoi le MRQ a refusé les crédits de taxes sur intrants (CTI) ? Monsieur Petruzzo répond que le MRQ n’a pas accepté les transactions découlant des contrats faits avec l’entreprise Atlas Asphalte prétextant que les factures qui avaient été émises par des sociétés apparentées n’avaient pas remis leurs taxes aux autorités fiscales.
[20] Monsieur Petruzzo ajoute que les travaux effectués par Atlas Asphalte ont réellement été rendus, mais ceux-ci ont été facturés par les sociétés suivantes : Bailourd Inc., Baicam et Candex et que les taxes (TPS et TVQ) n’ont pas été remises aux autorités fiscales.
[21] Me Roy demande à monsieur Petruzzo « Comment auriez-vous pu savoir que ces entreprises ne remettaient pas les taxes (TPS et TVQ) payées par l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » au fisc?». Monsieur Petruzzo indique qu’il ne s’est jamais méfié de cela. Pour lui, il faisait des affaires avec Atlas Asphalte, et même s’il ne payait pas directement Atlas Asphalte, il ne croyait pas que c’était illégal. De plus, il explique même s’il avait voulu, selon ses dires, il n’existe aucun moyen de vérifier si le sous-traitant a payé ses taxes au fisc.
[22] Me Roy pose la question suivante : « Lors de vos rencontres avec les autorités du MRQ, est-ce qu’il a été question que la licence d’entrepreneur de construction de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » pourrait éventuellement être affectée suite à l’enregistrement du plaidoyer de culpabilité ?». Monsieur Petruzzo déclare à cet effet, qu’il n’a pas été question de la licence. Toutefois, il ajoute, qu’on lui a dit que c’était comme un « ticket » de vitesse, car s’il avait su que le plaidoyer de culpabilité pouvait influencer la licence, il n’aurait jamais plaidé coupable, car selon lui, il n’était pas coupable de rien. Il aurait plutôt laissé continuer le dossier suivre les procédures normales en cas d’opposition.
[23] Puis, Me Roy demande à monsieur Petruzzo quelle est sa formation ? Il mentionne qu’il est ingénieur civil, diplômé de McGill en 1980 et précise qu’il travaille dans ce domaine depuis plus de 30 ans.
[24] Me Roy questionne monsieur Petruzzo à savoir si celui-ci à des contrats en cours en ce moment. Monsieur Petruzzo indique que l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a actuellement un chantier en cours de réalisation. Ce contrat d’approximativement de X$ est actuellement réalisé à 40%. La fin des travaux est prévue pour la fin novembre, tout dépendamment de la température, car certains travaux de finition pourront être terminés au printemps 2012, et ce, sans qu’il y ait de pénalité imposée.
[25] À la question « Avez-vous été touché par « l’arrêt de travail spontané » déclenché récemment ? Monsieur Petruzzo répond que oui, qu’il a perdu 1 semaine, car la grue qui devait venir sur le chantier n’a pas pu venir.
Contre-interrogatoire
[26] Me Maxime Seyer-Cloutier, procureur de la Régie, débute en demandant à monsieur Petruzzo, s’il est l’unique répondant de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. ». Celui-ci répond par l’affirmative. De plus, il précise que l’entreprise se spécialise dans les travaux de génie civil, notamment au niveau des ponts et des viaducs, ainsi que dans divers travaux de constructions générales.
[27] À la question « Quelles sont vos principales fonctions au sein de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. ». Monsieur Petruzzo répond qu’en tant que président, il voit à l’ensemble des opérations de l’entreprise, principalement au niveau de la gestion, de l’administration, des soumissions et des opérations. Ce dernier ajoute qu’il se rend aux réunions de chantiers environ aux 2 semaines.
[28] Monsieur Petruzzo indique que l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » emploie, en ce moment, environ 15 personnes pour le chantier en cours. Toutefois, en période de pointe, l’entreprise emploie environ 50 personnes.
[29] Le procureur de la Régie demande ensuite à monsieur Petruzzo le chiffre d’affaires de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » de 2004 à aujourd’hui. Ce dernier déclare que de 2004 à 2007, le chiffre d’affaires a varié entre X et X$ et que depuis 2008, le chiffre d’affaires a varié entre X et X$.
[30] À la question «Suite au plaidoyer de culpabilité de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » enregistré le 8 septembre 2009, en tant que président, avez-vous pris des mesures afin que pareille situation ne se reproduise plus?». Monsieur Petruzzo répond que depuis ces évènements l’entreprise vérifie tous les enregistrements au niveau des taxes de vente (TPS-TVQ) ainsi que la validité des licences d’entrepreneur des sous-traitants. De plus, il indique que si l’entreprise fait affaire avec un nouveau fournisseur, les responsables de l’entreprise se rendent physiquement visiter les lieux, et ce, afin de s’assurer de sa réelle existence.
[31] Monsieur Petruzzo précise qu’il ne veut pas refaire face à pareille situation dans l’avenir, son but étant de faire croître sa compagnie et d’avoir des employés fidèles et fiers de travailler pour l’entreprise.
[32] À cela, monsieur Petruzzo ajoute que dans un proche avenir, ses garçons et sa fille qui étudie présentement en ingénierie pourront ultimement poursuivre son œuvre dans l’entreprise.
PLAIDOIRIE DE LA RÉGIE
[33]
Le procureur de la Régie débute sa plaidoirie en signifiant que selon le
paragraphe 2
o
de l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
[…]
2° ne remplit plus l’une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence;
[34] Le procureur de la Régie poursuit en évoquant que les conditions requises pour obtenir une licence sont prévues à l’article 60 de cette même loi, en ce qui concerne les sociétés ou personnes morales. Le paragraphe 6 o de l’article 60 de cette loi se lit comme suit :
60 . Une licence est délivrée à une société ou personne morale qui satisfait aux conditions suivantes :
[…]
6
° elle-même,
l'un de ses dirigeants ou, si elle n'est pas un émetteur assujetti au sens de
la
Loi sur les valeurs mobilières
(chapitre V-1.1), l'un de ses actionnaires
n'a pas été déclaré coupable, dans les cinq ans précédant la demande, d'une
infraction à une loi fiscale ou d'un acte criminel et qui sont reliés aux
activités que la personne entend exercer dans l'industrie de la construction ni
d'un acte criminel prévu aux articles
[…]
Pour l’application du paragraphe 6° du premier alinéa relativement à une infraction à une loi fiscale, la Régie refuse de délivrer une licence lorsqu’elle estime que la gravité de l’infraction ou la fréquence des infractions le justifie.
[35] Ainsi, la déclaration de culpabilité à l’infraction fiscale fait en sorte que l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » ne remplit plus l’une des conditions requises par la Loi sur le bâtiment pour obtenir une licence.
Lien avec l’industrie de la construction
[36] Le procureur de la Régie plaide à l’effet que l’infraction à la Loi sur l’impôt sur le revenu, à laquelle l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a plaidé coupable est bel et bien en lien avec les activités qu’elle exerce dans l’industrie de la construction.
Gravité de l’infraction ou fréquence des infractions
[37]
Le
procureur de la Régie plaide à l’effet que le plaidoyer de culpabilité
enregistré contre l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » à
l’infraction prévue à l’article
[38] Comme l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans des formulaires de déclarations FPZ-500 produits en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C., chap. E-15 et modifications), pour les périodes de déclaration et de remise s’étendant du 1 er mai 2004 au 31 octobre 2007, en réclamant des crédits de taxe sur intrant (CTI) auxquels elle n’avait pas droit au montant de 61 559,96$, commettant ainsi une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l’article 327 (1) a) f) de ladite loi.
[39]
Comme
l’acte reproché l’a été en vertu de l’article
327 . (1) Toute personne qui :
a ) a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans une déclaration, une demande, un certificat, un état, un document ou une réponse produits ou faits en vertu de la présente partie ou d’un règlement d’application,
[40] Le procureur de la Régie plaide au sujet de la gravité de l’infraction à l’article 327 (1) a).
[41]
Selon
la plaidoirie, les infractions à l’article
[42] Ainsi dans les faits, on peut donc comprendre qu’en plaidant coupable à cette infraction, l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » reconnaît avoir agi «volontairement» et en toute connaissance de cause dans cette affaire.
[43]
C’est
pourquoi, l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a reçu la sentence
prévue à l’article
f ) soit une amende minimale de 50 % et maximale de 200 % de la taxe ou taxe nette qu’elle a tenté d’éluder ou du remboursement qu’elle a cherché à obtenir ou, si le montant n’est pas vérifiable, une amende minimale de 1 000 $ et maximale de 25 000 $;
[44] Dans les faits, l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a été contrainte de payer l’amende minimale représentant 50% de la taxe qu’elle a tenté d’éluder soit 30 779,98$.
[45] Le procureur de la Régie énumère les facteurs aggravants et atténuants sur lesquels, il propose au régisseur de s’appuyer lors de sa décision.
[46] Les facteurs aggravants, selon le procureur de la Régie, sont :
§ La préméditation et l’intention volontaire du geste
§ La durée du stratagème (plus de 4 ans)
§ Ampleur importante de la taxe éludée
et les facteurs atténuants sont :
§ Caractère volontaire de la présentation aux autorités fiscales
§ Aucun antécédent judiciaire, ni avec la CSST et la CCQ
§ Première présence devant la Régie du bâtiment du Québec
§ Amende minimale de 50% imposée
[47] Le procureur de la Régie mentionne l’importance également de tenir compte de l’impact que la sanction pourrait avoir sur les employés et sur les opérations de l’entreprise.
[48] Finalement, le procureur de la Régie termine sa plaidoirie en soulignant que la sanction de la Régie a un double objectif soit de faire en sorte que l’entreprise sanctionnée ne recommence plus et que la sanction ait aussi un effet dissuasif pour les autres détenteurs de licences.
[49] Pour ces raisons, le procureur de la Régie recommande au décideur d’imposer une sanction de suspension de la licence pouvant aller de 15 à 45 jours.
[50] Pour étayer sa position, le procureur de la Régie dépose sept cas de jurisprudence en la matière.
PLAIDOIRIE DE ME MICHEL ROY
[51] Me Michel Roy débute sa plaidoirie en mentionnant que ce dossier n’a pas fait l’objet d’aucune enquête ou encore d’aucune perquisition ni de la part des autorités fiscales ni de la part de la police, contrairement à d’autres dossiers, notamment ceux en lien avec le projet « béquille » de la Sûreté du Québec, où les entreprises se sont fait « prendre la main dans le sac » et qui se sont vus imposer des délais de suspension de licences de 45 jours.
[52] Dans les faits, le dossier « 9016-6919 QUÉBEC INC. » se rapproche beaucoup plus des cas particuliers tels que « Construction Stéphane Truchon » et « Les systèmes intérieurs JFP inc. » dans le sens que l’obtention du plaidoyer de culpabilité a été initié par une demande faite à la Direction des Enquêtes Spéciales du MRQ par l’entreprise pour régler le dossier dans les meilleurs délais possible et au meilleur coût possible.
[53] De plus, selon Me Roy, l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité à une infraction à une loi fiscale en 2009 par voie de procédure sommaire n’entraînait pas de conséquences sur la détention d’une licence d’entrepreneur de construction selon l’article 58 (8 o ). Chose qui avait été vérifiée et contre vérifiée à l’époque par les autorités du MRQ.
[54] Dans les deux cas, les entreprises Construction Stéphane Truchon et Les Systèmes intérieurs JFP Inc., la proposition commune de suspendre la licence pour 7 jours avait été acceptée par la Régie, et ce, suite à la reconnaissance des faits particuliers très atténuants dans les circonstances.
[55] Me Roy fait valoir que l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » de monsieur Petruzzo a accepté de collaborer et de payer les amendes, pénalités et intérêts, et ce, suite à une entente avec le MRQ pour régler de bonne foi une situation litigieuse avec les autorités. Scénario qui aurait pu être tout autre, si l’entreprise avait choisi de contester l’opposition. À ce moment-là, le MRQ aurait dû prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’entreprise à l’infraction à la loi fiscale.
[56] Ainsi, selon le libellé de l’infraction pour laquelle l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a plaidé coupable, il n’est aucunement question de stratagème, ce qui doit être considéré comme un facteur atténuant dans les circonstances.
[57] En conclusion, Me Roy plaide de façon identique que dans les cas des entreprises Construction Stéphane Truchon et Les Systèmes intérieurs JFP Inc. soit qu’aucune suspension ne soit imposée compte tenu des circonstances, mais que si la Régie croit qu’une suspension s’impose tout de même l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » est prête à accepter une suspension maximale de 7 jours.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[58]
Selon l’article
[59] Pour ce faire, la Loi sur le bâtiment prévoit aux articles 110 et 111 ce qui suit :
110. La Régie a pour mission de surveiller l’administration de la présente loi, notamment en vue d’assurer la protection du public.
111. Pour la réalisation de sa mission, la Régie exerce notamment les fonctions suivantes :
1 o vérifier et contrôler l’application de la présente loi et le respect des normes de construction et de sécurité.
2 o contrôler la qualification des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires de façon à s’assurer de leur probité , leur compétence et leur solvabilité.
[…]
(nos soulignements)
[60]
L’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. », titulaire d’une
licence d’entrepreneur de construction, a été déclarée coupable de l’infraction
prévue à l’article
[61] La Régie a convoqué l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » en audience afin de décider si elle doit maintenir, suspendre ou encore annuler sa licence d’entrepreneur de construction.
[62]
Comme les conditions requises pour obtenir une licence sont prévues à
l’article
60 . Une licence est délivrée à une société ou personne morale qui satisfait aux conditions suivantes :
[…]
6
°
elle-même
,
l'un de ses dirigeants ou, si elle n'est pas un émetteur assujetti au sens de
la
Loi sur les valeurs mobilières
(chapitre V-1.1), l'un de ses
actionnaires
n'a pas été déclaré coupable, dans les cinq ans précédant la
demande, d'une infraction à une loi fiscale
ou d'un acte criminel et
qui
sont reliés aux activités que la personne entend exercer dans l'industrie de la
construction
ni d'un acte criminel prévu aux articles
[…]
Pour l’application du paragraphe 6° du premier alinéa relativement à une infraction à une loi fiscale, la Régie refuse de délivrer une licence lorsqu’elle estime que la gravité de l’infraction ou la fréquence des infractions le justifie.
(nos soulignements)
Lien avec l’industrie de la construction
[63] Selon l’enquête de la Régie et les témoignages recueillis lors de l’audience, il appert qu’effectivement l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » a plaidé coupable le 8 septembre 2009 à la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, référence dossier (200-73-005834-091) au chef d’accusation no. 1 suivant :
« À Laval, district de Laval, entre le 31 août 2004 et le 29 novembre 2007, a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans des formulaires de déclaration FPZ-500 produit en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C. 1985, c. E-15 et modifications), pour les périodes de déclaration et de remise s’étendant du 1 er mai 2004 au 31 octobre 2007, en réclamant des crédits de taxe sur les intrants auxquels elle n’avait pas droit pour un montant de 61 559,96 $, commettant ainsi une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue aux articles 327 (1) a) f) ou de ladite Loi ;»
[64] Donc, comme il a été admis par monsieur Petruzzo, lors de l’audience, cette infraction fiscale est bien en lien avec les activités d’entrepreneur en construction de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » alors les conditions pour détenir une licence d’entrepreneur ne sont plus respectées, et ce, en vertu de l’article 60 (6 o ).
Gravité de l’infraction ou fréquence des infractions
[65]
Considérant la gravité de l’infraction commise par l’entreprise « 9016-6919
QUÉBEC INC. », la Régie estime qu’elle est justifiée d’utiliser son
pouvoir discrétionnaire de suspension ou d’annulation accordé en vertu de
l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
[…]
2° ne remplit plus l’une des conditions requises par la présente loi pour obtenir une licence;
[66] Pour motiver sa décision au sujet de la gravité de l’infraction, la Régie évoque qu’il est important de se rappeler qu’il existe (3) trois types d’infractions pénales, et ce, en regard de leurs gravités. En effet, en référence à un jugement de la Cour Suprême du Canada dans le dossier impliquant La Reine c. Sault Ste-Marie [1978].
[67] Le juge Dickson a conclu qu’il existe trois catégories d’infractions :
1) Mens rea
Les infractions dans lesquelles il y a mens rea, consiste en l’existence réelle d’un état d’esprit comme l’intention, la connaissance, ou encore l’insouciance.
Cet état d’esprit doit être prouvé par la poursuite soit ;
Ø qu’on puisse conclure à son existence vu la nature de l’acte commis;
Ø par preuve spécifique .
2) Responsabilité stricte
Les infractions dans lesquelles il n’est pas nécessaire que la poursuite prouve l’existence de la mens rea ;
L’accomplissement de l’acte comporte une présomption d’infraction, laissant à l’accusé la possibilité d’écarter sa responsabilité en prouvant qu’il a pris toutes les précautions nécessaires.
[…]
3) Responsabilité absolue
Les infractions de responsabilité absolue où il n’est pas loisible à l’accusé de se disculper en démontrant qu’il n’a commis aucune faute.
[68] En conclusion, le juge évoque les infractions criminelles dans le vrai sens du mot qui tombent dans la première catégorie soit : les infractions de type mens rea .
[69] Alors que les infractions contre le bien public sont généralement du type responsabilité stricte. Elles ne sont pas assujetties à la présomption de mens rea proprement dite.
[70] Finalement, les infractions de responsabilité absolue seront celles pour lesquelles le législateur indique clairement que la culpabilité suit la simple preuve de l’accomplissement de l’acte prohibé.
[71]
En conséquence, le plaidoyer de culpabilité enregistré à l’égard de
l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. », selon l’article
Détermination de la sanction, de la durée et du moment de son application
[72] La sanction administrative de la Régie a pour but de sanctionner le manque de probité de cette personne au sein de l’industrie de la construction.
[73] En surplus, la Régie considère également que la sanction a un double objectif soit de faire en sorte que la personne sanctionnée ne recommence plus et qu’elle ait un effet dissuasif sur les autres détenteurs de licence.
[74] Considérant les éléments suivants :
§ la taille de l’entreprise, et ce, tel que définie par le nombre d’employés, de sous-traitant et de son chiffre d’affaires;
§ le niveau de gravité établi en fonction de la valeur de l’amende et du niveau de sanction imposée par le Tribunal;
§ les conditions préexistantes normales : (première convocation devant la Régie, aucun antécédent en matières criminelles et pénales, tous les montants dus aux autorités fiscales, à la CSST et à la CCQ sont entièrement payés);
[75] Suite aux éléments mentionnés ci-haut, l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » peut être considérée comme une grande entreprise, qu’elle n’a aucun antécédent puisque les conditions préexistantes énumérées sont toutes rencontrées et que le niveau de gravité est jugé moyen.
[76] De façon générale, lorsque ces conditions sont réunies, la Régie considère l’imposition d’une suspension de 15 jours comme une sanction raisonnable.
[77] Le fait qu’il puisse y avoir des facteurs aggravants et/ou atténuants dans ce dossier, il importe de les considérer, car ceux-ci peuvent venir influencer la sanction.
[78] Considérant la durée de 48 mois et plus pendant laquelle les actes reprochés ont été commis, comme un facteur aggravant.
[79] Considérant, le caractère volontaire et exceptionnel de la présentation du dossier aux autorités fiscales, en l’occurrence la Direction des Enquêtes Spéciales du MRQ, comme un facteur atténuant.
[80] Alors, ces deux facteurs (1 aggravant et 1 atténuant) viennent s’annuler mutuellement, n’influençant pas la durée de la sanction.
Parallèle avec la jurisprudence
[81] Dans le cas de l’entreprise « CONSTRUCTION STÉPHANE TRUCHON INC. », considérant le caractère particulier de ce dossier, celui-ci étant le résultat d’une démarche parfaitement volontaire de la part de l’entreprise qui, suite à la recommandation de son avocat, a soumis son dossier à la Direction des Enquêtes Spéciales du MRQ d’où le plaidoyer de culpabilité. Sur proposition commune, la Régie a accepté de suspendre la licence pour 7 jours.
[82] Toutefois, dans le cas de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. », l’ampleur de la valeur de l’amende est supérieure que dans le cas de l’entreprise « CONSTRUCTION STÉPHANE TRUCHON INC. ».
[83] En surplus, comme dans le cas de l’entreprise « SYSTÈMES INTÉRIEURS J.F.P. INC. », le plaidoyer de culpabilité à l’infraction fiscale fait suite à une démarche volontaire de la part de l’entreprise qui a transféré son dossier de vérification à la Direction des Enquêtes Spéciales du MRQ, et ce, dans le but de régler le dossier dans les meilleurs délais possible et d’une façon relativement plus économique. Dans ce dossier, la Régie a considéré que la proposition de suspension de 7 jours atteindrait les objectifs visés par la sanction.
[84] Comme dans les cas des entreprises « CONSTRUCTION STÉPHANE TRUCHON INC. » et « SYSTÈMES INTÉRIEURS J.F.P. INC. » l’ampleur de la valeur de l’amende est inférieure que dans le cas de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. ».
[85] Pour ces raisons, une sanction de 15 jours en considérée comme une sanction raisonnable compte tenu des éléments de jurisprudence.
[86] Finalement, concernant l’application de la sanction, la Régie considère selon les témoignages entendus que l’impact d’une suspension de la licence aura autant de conséquences qu’elle soit appliquée maintenant ou plus tard.
[87]
Considérant qu’une entreprise a trente jours à partir de la date d’une
décision pour présenter une demande de révision, et ce, en vertu de l’article
[88]
PAR CES MOTIFS, la Régie suspendra la licence d’entrepreneur de
construction de l’entreprise « 9016-6919 QUÉBEC INC. » faisant des
affaires sous le nom « LES ENTREPRISES PERA » pour une période de 15
jours soit du 9 janvier 2012 au 23 janvier 2012 inclusivement. De plus, la
Régie demande spécifiquement aux entreprises d’apporter une attention
particulière au respect de l’article
70. La Régie peut suspendre ou annuler une licence lorsque le titulaire :
1 o a été déclaré coupable d’une infraction à la présente loi, à la Loi sur la protection du consommateur (chapitre P-40.1), à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20) et à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), si la gravité ou la fréquence des infractions justifie la suspension ou l’annulation.
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ROBERT GÉNÉREUX Vice-président |
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