COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

262370

Cas :

CM-2011-0646

 

Référence :

2012 QCCRT 0015

 

Montréal, le

12 janvier 2012

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DEVANT LA COMMISSAIRE :

Louise Verdone, juge administrative

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Marie Ena Joseph

 

Plaignante

c.

 

9071-6267 Québec inc.

Les Résidences Tournesol

Intimée

 

 

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DÉCISION

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[1]            Le 5 novembre 2010, Marie Ena Joseph dépose une plainte selon l’article 124 de la Loi sur les normes du travail , L.R.Q., c. N-1.1. Elle prétend avoir été congédiée sans cause juste et suffisante, le même jour, par son employeur, 9071-6267 Québec inc. Les Résidences Tournesol (la résidence ).

[2]            L’employeur allègue que madame Joseph a fait l’objet d’un congédiement disciplinaire à la suite d’une faute grave : un manquement professionnel en raison d’une altercation. L’employeur prétend que madame Joseph a aussi fait, par ailleurs, l’objet d’une gradation de sanctions.

les faits

[3]            La résidence est le milieu de vie de personnes âgées. Les résidents autonomes occupent quatre étages. Le 2 e étage est dédié aux courts séjours de convalescence. Les résidents non autonomes habitent aux 3 e , 4 e et 5 e étages. Plusieurs sont seuls et environ 80 % sont atteints d'un déficit cognitif. Ils se fient au personnel de la résidence pour assurer leurs soins, leur confort et leur sécurité.

[4]            Madame Joseph travaille comme préposée aux bénéficiaires ( PAB ) à la résidence depuis avril 2008 sur le quart du soir, de 15 à 23 heures. Elle prend soin d’environ 13 résidents sur un étage. Sur le quart du soir, il y a une PAB sur chaque étage de soins, une PAB volante, une PAB chef d’équipe, et une infirmière auxiliaire au 2 e étage.

[5]            Le 19 janvier 2009, madame Joseph s’engage, en signant le code d’éthique de la résidence, à être respectueuse, courtoise, polie, douce et aimable envers les résidents et ses collègues de travail en plus de ne jamais manifester de brusquerie physique ou verbale envers ceux-ci. Elle s’engage aussi à ne jamais faire des menaces, du chantage ou des gestes offensants envers ses collègues de travail. Elle déclare n’avoir jamais manqué de respect ou fait preuve de brusquerie envers quiconque à la résidence. C’est plutôt elle qui a subi de l’humiliation, dit-elle.

Les avis disciplinaires

L’avis du 28 septembre 2009

[6]            À son arrivée au travail le 28 septembre 2009, madame Joseph trouve une lettre jointe à sa carte de présence. Il s’agit d’un avis disciplinaire signé par madame Narcisse, la responsable des services de santé de la résidence. Elle déclare n’avoir jamais discuté de cet avis avec madame Narcisse. Celle-ci lui reproche, selon cette lettre, un manquement professionnel : de ne pas suivre les étapes prévues au guide de travail avant de l’appeler sur son téléphone cellulaire d’urgence lorsqu’elle n’a pas trouvé une résidente sur son étage. Ceci a généré de nombreux appels inutiles puisque la résidente se retrouvait dans la chambre d’une amie résidente sur le même étage. De plus, la résidence a reçu une plainte formelle du Centre de santé et de services sociaux de la région au sujet de l’événement. En cas de récidive, madame Joseph s’expose à des mesures disciplinaires plus sévères pouvant aller jusqu’au congédiement, toujours selon cette lettre.

[7]            Madame Joseph explique qu’elle commence à travailler au 3 e étage le jour de l’événement en question et qu’elle ne connaît donc pas encore les résidents. Auparavant, elle travaillait au 4 e étage, mais madame Narcisse change les étages de travail des PAB peu après son arrivée à la résidence en août 2009. Au 4 e étage, la moitié des résidents étaient lucides et les autres présentaient un déficit cognitif. Le travail au 3 e était plus difficile parce qu’il comptait plus de patients atteints de démence. 

[8]            Selon le récit de madame Joseph, elle constate, en faisait sa tournée des résidents au début de son quart, qu’une résidente n’est pas dans sa chambre et qu’elle ne peut pas vérifier une chambre parce que la porte est barrée. Personne n’est présent pour lui donner de l’information au sujet de la résidente absente et le cahier de suivi n’indique rien à son sujet. La PAB du quart précédent ne lui dit pas que des résidents sont capables de marcher. Selon la politique, elle ne peut pas quitter son étage pour chercher la résidente ailleurs à la résidence. Elle appelle donc sa supérieure, madame Narcisse, pour s’en informer. Celle-ci lui dit d’aller vérifier la chambre avec la porte barrée. Elle s’exécute et y trouve la résidente.

L’accident du travail

[9]            Pendant son quart de travail du 28 septembre 2009, madame Joseph subit un accident au travail et commence une absence de plusieurs mois. Par un document daté du 15 octobre 2009, la Commission de la santé et de la sécurité du travail ( CSST ) accepte sa réclamation d’indemnité de remplacement de revenus en raison d’un accident du travail. Le 22 octobre 2009, la résidence demande la révision de cette décision. Le 18 janvier 2010, la CSST confirme la décision du 15 octobre 2009. La résidence conteste cette décision le 18 février 2010.

[10]         La résidence doute de la véracité de la version de l’accident de madame Joseph étant donné qu’il survient après la mesure disciplinaire du même jour. Devant un doute, la résidence conteste ce genre de réclamation.

[11]         Selon madame Joseph, madame Narcisse est à l’origine de la contestation de son accident du travail; elle est mécontente lorsqu’elle lui remet le billet de son médecin le lendemain de l’accident.

[12]         Madame Joseph retourne au travail le 8 avril 2010 de façon progressive en travaux légers, d’abord deux jours par semaine et ensuite trois jours par semaine. Madame Narcisse refuse un premier retour au travail progressif prévu en janvier 2010, raconte madame Joseph. Il se produit le 8 avril parce que le directeur général de la résidence de l’époque, monsieur Labonté, intervient et l’informe que madame Narcisse n’avait pas le droit de le lui refuser. Madame Joseph recommence son travail régulier à temps plein le 29 juin 2010 au 5 e étage.

L’avis disciplinaire du 7 avril 2010

[13]         Une lettre datée du 7 avril 2010 est adressée à madame Joseph et signée par madame Narcisse. Il s’agit d’un avis disciplinaire pour insubordination. Selon cette lettre, madame Narcisse lui reproche d’avoir haussé le ton et de lui avoir crié «  Je t’appelle quand je veux et tu es payée pour ça  » lors d’un appel téléphonique du 31 mars 2010 à 17 h 46 au sujet de son retour au travail à la résidence. Cette réponse à sa demande de la rappeler le lendemain parce qu’elle était en réunion avec les chefs d’équipe a été entendue par ceux-ci puisqu’elle a mis l’appel en mode mains libres. Madame Narcisse lui reproche, dans la lettre, des propos irrespectueux envers un supérieur immédiat en plus d’un manque de civilité et de professionnalisme. Elle lui fait valoir qu’à défaut de changement de comportement, des mesures disciplinaires plus sévères lui seront imposées.

[14]         Selon monsieur Proulx, le directeur des ressources humaines du groupe Azur auquel est affiliée la résidence, madame Narcisse l’appelle et lui parle de l’incident. Il approuve cette lettre.

[15]         Madame Joseph déclare ne voir cette lettre que lors de la présente enquête. Elle nie le ton et les propos dont la lettre fait mention au sujet de son appel du 31 mars à madame Narcisse. Elle l’avait appelée pour savoir si elle pouvait aller à la résidence le lendemain pour lui remettre un document médical relatif à sa réclamation à la CSST. Madame Narcisse lui avait répondu par l’affirmative.

L’avis disciplinaire du 10 mai 2010

[16]         Une lettre datée du 10 mai 2010 est adressée à madame Joseph et signée par madame Narcisse. Il s’agit d’un avis disciplinaire pour insubordination. La lettre fait mention de l’incident du 31 mars 2010. Il est aussi question du 30 mars 2010. Selon le rapport de madame Désormeaux, une PAB qui est la chef d’équipe de madame Joseph, cette dernière s’est présentée au travail ce jour-là et a passé la majeure partie de son quart à ne rien faire et à se plaindre des changements à la résidence depuis son départ. Selon la lettre, les postes et les plans de travail ont été modifiés pour tous les employés depuis décembre 2009 et elle doit s’y conformer.

[17]         La lettre indique que madame Joseph a appelé madame Narcisse le 5 mai suivant et lui crie « vous refusez de me donner le poste de j’avais avant, c’est ce qu’on verra! c’est ce qu’on verra! (sic) » et raccroche la ligne.

[18]         Toujours selon la lettre, madame Désormeaux a appelé madame Joseph le 6 mai 2010 pour la convoquer à une rencontre avec madame Narcisse pour signer des documents. Lors de l’appel, madame Joseph hausse le ton et crie de sorte que madame Désormeaux se devait de raccrocher la ligne.

[19]         Par cette lettre, madame Joseph est informée d’une suspension d’un jour sans traitement le vendredi 7 mai 2010 en raison de ce comportement irrespectueux et ce manque de professionnalisme. À défaut de changement, des mesures disciplinaires plus sévères pouvant aller à la suspension et au congédiement seront imposées.

[20]         Selon monsieur Proulx, madame Narcisse l’appelle au sujet de cet avis. Il révise la lettre et l’approuve.

[21]         Madame Joseph nie avoir reçu cette lettre et avoir été suspendue. Elle raconte que le temps venu de travailler trois jours par semaine, madame Narcisse l’informe qu’elle ne peut lui en donner seulement deux. De plus, le 8 avril 2010, madame Narcisse l’affecte au 2 e étage, celui des cas plus lourds où elle doit soulever des patients alors qu’elle devait faire des travaux légers, explique-t-elle. Elle s’en plaint à madame Narcisse après avoir consulté son médecin.

[22]         En regard de l’appel du 6 mai 2010 mentionné dans la lettre, madame Joseph raconte qu’elle avait appelé madame Narcisse la veille parce qu’elle ne trouvait pas son nom à l’horaire affiché au babillard du 4 e étage. Depuis qu’elle travaille au 2 e étage, elle doit appeler madame Narcisse pour savoir quand elle travaille. Elle veut aussi savoir quand elle pourra commencer ses travaux légers. Le 6 mai, madame Désormeaux l’appelle chez elle en empruntant un ton irrespectueux et en criant pour lui donner l’horaire des travaux légers. Comme souvent auparavant, elle la menace de renvoi à son retour au travail en raison de ses démarches auprès de la CSST. De plus, elle l’informe qu’elle doit venir à la résidence pour signer un document que tous les employés ont signé pendant son absence.

[23]         À ce dernier égard, la résidence fait partie du groupe Azur, une société de gestion, à compter d’avril 2010. Auparavant, elle est affiliée au Groupe Cogir. En mai 2010, madame Joseph signe un document en présence de mesdames Narcisse et Désormeaux, soit un renouvellement de contrat de travail relativement à ce changement. Ses bulletins de paie depuis le début avril 2010 indiquent une date d’embauche du 14 avril 2008 et une date de réembauche le 8 avril 2010.

La plainte à la CSST

[24]         Le 10 mai 2010, madame Joseph dépose une plainte selon l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles , L.R.Q., c. A-3.001, pour contester un changement de poste de travail, soit le changement d’étage, la perte d’ancienneté parce que son bulletin de paie présente une date de réembauche le 8 avril 2010 et une menace de suspension. En audience, madame Joseph parle d’une menace de renvoi.

[25]         Monsieur Morais devient le directeur général de la résidence le 31 mai 2010 à la place de monsieur Labonté. Madame Narcisse cesse de travailler à la résidence vers la fin juin 2010. Selon madame Joseph, son nom réapparaît à l’horaire de travail après le départ de madame Narcisse.

[26]         Le 7 juillet 2010, madame Joseph se désiste de sa plainte du 10 mai 2010 à la CSST; un règlement à l’amiable est intervenu entre elle et la résidence à la suite d’une séance de conciliation tenue avant une audience prévue le 22 juillet suivant. Selon madame Joseph, monsieur Morais l’assure que tout ira bien dorénavant. La décision du même jour de la CSST déclare madame Joseph capable d’exercer son travail depuis le 29 juin 2010. Le 21 juillet suivant, la CSST accuse réception du désistement de la résidence relativement à sa contestation du 18 février dernier.

[27]          Monsieur Abes devient le responsable des services de santé de la résidence en juillet 2010 à la place de madame Narcisse. Il est responsable du plan de travail des PAB et des infirmières auxiliaires. Il recommence à zéro en ce qui les concerne le temps de former son propre jugement à leur égard.

L’incident du 27 octobre 2010

[28]         Le 27 octobre 2010, madame Joseph travaille sur le quart du soir au 5 e étage qui compte 13 résidents. La plupart sont atteints de démence. Environ trois sont lucides.

[29]          Selon madame Joseph, vers 15 h 40, elle demande à madame Oscar, la PAB volante, de donner un bain à un de ses résidents comme le veut la pratique lorsqu’elle en a deux à faire. Madame Oscar va consulter madame Désormeaux, la chef d’équipe, sur un autre étage. C’est la seule fois qu’elle parle à madame Oscar ce soir-là et que cette dernière est sur son étage.

[30]         Toujours selon le récit de madame Joseph, madame Désormeaux amène le chariot de nourriture au 5 e étage à 17 heures (le souper des résidents a lieu entre 17 et 18 heures). Celle-ci lui dit qu’elle doit faire son travail seule et qu’elle interdit à madame Oscar de venir sur son étage. Elle lui dit qu’elle quitte la résidence; il s’agit de son dernier jour de travail. Elle ajoute que monsieur Abes va la renvoyer et qu’il sait comment s’y prendre pour la mettre dehors. Elle lui parle en pointant son doigt dans sa figure et la traite de «  sale pute   » et «  sale chienne   » avant de quitter l’étage.

[31]         Madame Joseph appelle monsieur Abes au moment de cet entretien pour se plaindre des propos de madame Désormeaux. Il les entend, déclare-t-elle, parce que madame Désormeaux est devant elle lors de l’appel. Plus tard, elle précise qu’elle dit à monsieur Abes que madame Oscar refuse de donner un bain à un de ses résidents et que madame Désormeaux prend sa défense en lui proférant des propos inappropriés. Monsieur Abes lui répond de ne pas s’occuper de madame Désormeaux et qu’il règlera cela demain matin.

[32]         Encore plus tard dans son témoignage, madame Joseph ajoute que madame Désormeaux lui profère d’autres propos inappropriés lorsqu’elle revient chercher le chariot après le souper. Elle rappelle monsieur Abes pour lui demander de trouver une remplaçante; elle veut partir chez elle parce qu’elle ne peut plus supporter les propos de madame Désormeaux en plus de faire tout son travail seule sans aide. Monsieur Abes lui dit qu’il n’y a personne pour la remplacer et qu’il règlera cela demain.

[33]         Selon la version de monsieur Abes, il reçoit un appel de madame Joseph à 17 h 37 comme indiqué sur son téléphone cellulaire. Il est chez lui ayant terminé son travail vers 16 h comme d’habitude. Elle lui dit que madame Oscar refuse de l’aider en donnant un bain à un résident sur son étage. Il lui répond qu’il appellera madame Désormeaux pour l’aider avec les soupers de ses résidents. Lorsqu’il parle avec madame Désormeaux, celle-ci lui dit que madame Oscar est en train de donner un bain au 4 e étage et qu’elle ira aider madame Joseph par la suite. Il appelle madame Joseph pour l’en informer. Il lui demande aussi de faire son travail comme d’habitude et qu’il règlera cela le lendemain.

[34]         Selon madame Joseph, madame Désormeaux la frappe à 19 h 19 quand elles sont à la salle de lavage ensemble. Elle appelle monsieur Abes et lui explique la situation. Elle lui demande de partir chez elle parce que madame Désormeaux est très agressive envers elle et qu’il est donc impossible pour elle de rester au travail. Elle veut être remplacée. Il lui dit de rester au travail sur son étage parce qu’il n’y a personne pour la remplacer. Monsieur Abes nie lui avoir dit qu’il n’y avait personne pour la remplacer lors des appels de ce soir.

[35]         Plus tard dans son témoignage, madame Joseph ajoute que mesdames Désormeaux et Oscar sont à la salle de lavage lorsqu’elle y arrive avec son chariot de linge. Étant donné qu’elles ont de la difficulté avec un dispensaire de savon, elle se penche pour prendre du savon et madame Désormeaux la pousse dans le dos. Elle court dans le corridor pour se rendre au téléphone près des ascenseurs pour appeler monsieur Abes. Mesdames Désormeaux et Oscar la suivent. Madame Désormeaux arrache le téléphone du mur ou de sa main, la pousse et arrache l’écusson sur son uniforme. Elle crie «  Au secours!   » et compose le 911 sur son téléphone cellulaire. Elle voit deux des patients lucides dans le corridor, mais les autres résidents sont dans leur chambre. Elle va dans la chambre d’une résidente lucide et utilise le téléphone pour laisser un message à monsieur Abes de ce qui s’est passé.

[36]         Selon madame Joseph, lors de l’appel au 911, elle s’identifie et dit que madame Désormeaux l’a frappée. Elle n’a pas eu le temps de donner l’adresse de la résidence parce que madame Désormeaux voulait la tuer. À un autre moment, madame Joseph déclare avoir dit, lors de cet appel, que la chef d’équipe l’avait frappée, le nom et l’adresse de la résidence et «  Au Secours!  ». Elle n’a pas dit que madame Désormeaux voulait la tuer parce que celle-ci ne lui laisse pas la chance; elle lui arrache l’écusson sur son uniforme et la frappe fort deux fois dans le dos.

[37]         Selon monsieur Abes, il reçoit plutôt un appel de madame Désormeaux chez lui à 19 h 19 comme indiqué sur son téléphone cellulaire. Elle lui dit que madame Joseph lui a donné un coup de poing dans le dos et a agressé madame Oscar. Les deux PAB ont eu une dispute bruyante et virulente qui a apeuré les résidents jusqu’au 2 e étage de sorte qu’ils se sont enfermés dans leur chambre. Il lui dit de tenter de calmer la situation.

[38]         Madame Joseph nie avoir eu une altercation avec madame Oscar; c’est madame Désormeaux qui l’a frappée. Elle fait valoir que les étages sont insonorisés parce qu’ils sont séparés par des planchers en béton.

[39]         Selon monsieur Abes, madame Joseph l’appelle chez lui à 19 h 45. Elle lui dit qu’elle communiquera avec la police ou qu’elle l’avait fait pour signaler une agression. Il décide donc d’aller à la résidence et il y arrive à 20 h 20. Il trouve madame Désormeaux au rez-de-chaussée. Elle l’informe que des policiers se sont présentés à la résidence alors qu’elle était à l’entrée. Lorsqu’elle mentionne le nom de madame Joseph en leur expliquant la situation, ils partent en lui disant qu’il ne s’agissait pas de la première fois. Elle lui dit que, lorsque madame Oscar se présente au 5 e étage, madame Joseph l’insulte en criant et lui donne un coup dans le dos. Elle les sépare et envoie madame Oscar travailler au 4 e étage.

[40]         Monsieur Abes raconte qu’il monte ensuite au 5 e étage et trouve madame Joseph hystérique. Elle lui raconte les événements en parlant très fort. Pour la calmer, il la dirige à la salle à manger loin des résidents. En parlant avec elle, il apprend que madame Oscar est sa demi-sœur. (Madame Joseph dit qu’elles ne sont pas dans la même famille, mais qu’elles vont à la même église). Elle lui raconte que la vente d’une automobile est à l’origine de leur dispute. Il écoute sa version. Il l’informe qu’il recueillera toutes les versions. Il rencontre madame Oscar qui lui dit aussi que madame Joseph est sa demi-sœur, qu’elles ont une dispute au sujet de la vente d’une automobile et que madame Joseph a été agressive physiquement et verbalement envers elle. Il demande à chacune de rester sur son étage respectif jusqu’à la fin de leur quart et qu’il y aura une enquête.

[41]          Madame Joseph confirme qu’elle raconte la situation à monsieur Abes à ce moment. Il lui pose des questions.

[42]         Madame Joseph ne sait pas si des policiers se sont présentés à la résidence parce que c’est madame Désormeaux qui contrôle l’accès à la porte d’entrée. Étant au 5 e étage, elle n’a rien vu. Toutefois, elle déclare que madame Désormeaux ne les laisse pas entrer parce qu’elle se sait coupable. Madame Joseph ne rappelle pas la police par la suite parce que monsieur Abes vient à la résidence et lui dit qu’il s’occupera de la situation. 

[43]         Monsieur Abes quitte la résidence vers 21 h 30 une fois le calme rétabli. Ni lui ni monsieur Morais, le directeur général de la résidence, ne communiquent avec la police.

[44]         Madame Joseph termine son quart sur son étage et travaille aussi à la résidence le lendemain.

[45]         Madame Désormeaux remet sa démission le 28 octobre 2010 par une lettre datée de ce jour adressée à monsieur Abes. Il la reçoit le 4 novembre suivant. Par contre, il apprend son départ volontaire le 29 octobre lorsqu’il l’appelle en constatant son absence du travail.

[46]         Le 28 octobre, messieurs Abes et Morais assistent comme prévu à une rencontre de la direction générale du groupe Azur tenue à l’extérieur de la résidence. Monsieur Abes informe monsieur Morais des événements de la veille.

la Rencontre du 29 octobre 2010

[47]         Le vendredi 29 octobre 2010, messieurs Abes et Morais consultent monsieur Proulx, le directeur des ressources humaines du Groupe Azur. Ils conviennent de suspendre sans traitement mesdames Joseph et Oscar pour enquête. Messieurs Morais et Abes signent des lettres identiques datées du même jour qui leur sont adressées. Monsieur Proulx les approuve.

[48]         Les lettres les informent qu’à la suite de l’incident du 27 octobre 2010, elles ne doivent pas se présenter au travail pendant la durée de l’enquête. On les contactera dans les plus brefs délais au sujet des résultats de l’enquête. On leur rappelle que toutes représailles envers les gens impliqués ou leurs supérieurs entraîneraient un congédiement immédiat.

[49]         Messieurs Morais et Abes rencontrent mesdames Joseph et Oscar en après-midi avant le début de leur quart de travail pour leur remettre les lettres. Madame Oscar prend le document et accepte la suspension. Selon messieurs Abes et Morais, madame Joseph réagit mal; elle est agressive, impolie et arrogante et refuse de regarder et de signer la lettre. Elle dit n’avoir rien fait de mal. Elle donne la même version que celle du soir de l’incident.

[50]         Après avoir nié l’existence de cette lettre, madame Joseph reconnaît avoir refusé de la regarder et de la signer parce qu’elle trouve cela injuste n’ayant rien fait de mal. Elle nie avoir eu un comportement irrespectueux et incorrect à la rencontre.

L’enquête

[51]         Monsieur Morais rencontre une dizaine de résidents le lundi suivant pour obtenir leur version et pour les rassurer : surtout des résidents du 2 e étage; quelques-uns du 5 étage. Ils sont encore très anxieux en raison de l’incident du 27 octobre. Ils entendent parler fort et crier et ils s’enferment dans leur chambre. Il n’a pas pris de notes et ne présente pas plus de précisions.

[52]         En plus des rencontres à la résidence le soir de l’incident, monsieur Abes rencontre dans les jours qui suivent deux PAB, mesdames Cupidon et Jules, et les trois résidents lucides du 5 e étage. Selon ses notes, une résidente entend de sa chambre une dispute très forte et bruyante (celle que madame Joseph dit avoir vue dans le corridor et utilisé son téléphone). Elle est très perturbée ne sachant pas de quoi il s’agissait. Une autre résidente entend des cris forts de sorte qu’elle s’est rendue dans la chambre de son conjoint et qu’ils ont fermé la porte. Le conjoint trouve inconcevable une telle dispute en milieu de travail.

[53]         Madame Jules témoigne qu’elle travaillait au 4 e étage le soir de l’incident. Après 18 heures, elle a entendu pendant une quinzaine de minutes des cris et du bruit venant du 5 e étage. Elle et ses résidents sont paniqués. Des résidents ont peur et se réfugient dans leur chambre. Elle utilise son téléphone cellulaire pour appeler madame Désormeaux qui lui dit que madame Joseph est hors contrôle et qu’on appelle la police. Elle doit réconforter et rassurer ses résidents une partie de la soirée. Elle ne parle pas avec monsieur Abes à ce sujet à l’époque, mais seulement quelques mois avant l’audience.

[54]         Madame Cupidon témoigne qu’elle travaillait au 3 e étage. Après le souper, ses résidents sont au salon, dans le couloir ou à la salle à manger. Elle entend des cris et des bruits forts venant du 5 e étage. Les résidents prennent panique. Elle téléphone au poste du rez-de-chaussée, mais personne ne sait rien. Elle téléphone à madame Désormeaux pour l’informer de ce qu’elle a entendu et qu’elle a besoin d’aide avec ses résidents. Madame Désormeaux lui dit que les bruits proviennent du 5 e étage; la PAB du 5 e étage se dispute. Madame Cupidon passe la soirée à rassurer ses résidents agités. Elle écrit un rapport pour monsieur Abes.

Le congédiement du 5 novembre 2010

[55]         Étant sans nouvelles et sans revenus, madame Joseph appelle monsieur Morais vers le 3 novembre 2010. Il lui donne rendez-vous à la résidence le 5 novembre suivant.

[56]         Messieurs Abes, Morais et Proulx se consultent vers le 5 novembre 2010. Ils décident de congédier mesdames Joseph et Oscar au motif d’un manquement au code d’éthique dans le contexte d’une résidence responsable des soins, du bien-être et de la sécurité de personnes âgées diminuées physiquement et mentalement. Ils participent à la rédaction des lettres de congédiement avec la directrice régionale qui les signent avec monsieur Morais.

[57]         Selon monsieur Proulx, madame Joseph est congédiée pour une faute grave. Monsieur Abes consulte le dossier de madame Joseph pour la première fois. Il constate la présence d’avis disciplinaires, mais il n’a pas d’information à leur sujet. Il trouve aussi la documentation sur l’accident du travail, mais il n’en tient pas compte. Selon monsieur Morais, le dossier disciplinaire antérieur de madame Joseph est pris en considération dans la décision, mais pas le dossier de la CSST.

[58]         Le dossier disciplinaire de madame Oscar est vierge. Celle-ci est en période d’essai, son emploi ayant commencé le 11 août 2010.

[59]         Les lettres de congédiement datées du 5 novembre 2010 sont remises à mesdames Joseph et Oscar le même jour en présence de messieurs Morais et Abes. Les deux lettres sont similaires. Celle de madame Joseph mentionne un manquement inacceptable de professionnalisme et d’attitude au sein d’une résidence pour personnes âgées qui va à l’encontre du code d’éthique. De plus, un manque de professionnalisme et de collaboration et un langage vexatoire et injurieux ont été observés plusieurs fois et réprimandés par un avis le 28 septembre 2009 et une suspension le 7 mai 2010. Elle ne satisfait pas les exigences de l’employeur et son emploi prend fin le 5 novembre 2010.

[60]         À cette rencontre, madame Joseph se comporte tout comme à celle du 29 octobre précédent, racontent messieurs Abes et Morais.

[61]         Quant à madame Joseph, elle reconnaît avoir refusé de signer la lettre après avoir nié son existence. À la rencontre, monsieur Morais lui dit que son emploi prend fin, qu’elle recevra son relevé d’emploi et sa paie par la poste et il lui souhaite bonne chance.

[62]         En audience, madame Joseph explique qu’elle refuse de signer la lettre de congédiement parce que l’incident du 27 octobre survient par la faute de monsieur Abes: il refuse sa demande de quitter le travail en raison du comportement de madame Désormeaux qui mettait sa vie en danger. Monsieur Abes nie que madame Joseph lui a dit cela le 27 octobre. Selon madame Joseph, monsieur Abes a préparé son coup pour la mettre dehors tout comme madame Désormeaux lui avait laissé entendre.

motifs

[63]         Dans le présent dossier, les parties admettent les faits qui établissent les conditions d’ouverture du recours. Il appartient donc à l’employeur de démontrer, de façon prépondérante, une cause juste et suffisante de congédiement.

[64]         Dans le cas d’un congédiement disciplinaire, la Commission doit déterminer si la salariée a commis l’acte reproché, si l’acte mérite une sanction et si le congédiement est justifié dans les circonstances.

[65]         La résidence allègue que madame Joseph a eu, le 27 octobre 2010, une altercation avec paroles et coups violents avec sa collègue de travail, madame Oscar, au sujet de la vente d’une automobile, pendant les heures du travail sur un étage de résidents nécessitant des soins. Cette altercation constituerait en soi une faute grave qui justifierait un congédiement dans le contexte d’une résidence de personnes âgées où plusieurs résidents vulnérables ont eu peur et en considérant le code d’éthique qui régit le personnel. En tenant compte de mesures disciplinaires antérieures, le congédiement serait aussi justifié, par ailleurs. La résidence n’invoque pas la théorie de l’incident culminant.

[66]         La version de madame Joseph diffère considérablement de celle de la résidence. Elle nie avoir eu une dispute avec madame Oscar. Elle serait plutôt la cible de propos et de gestes violents de madame Désormeaux qui se le serait permis étant donné qu’il s’agissait de sa dernière journée de travail à la résidence.

la faute

[67]         La Commission retient la version de la résidence quant à l’existence d’une altercation entre mesdames Joseph et Oscar. En résumé, monsieur Abes reçoit un appel de madame Joseph vers 17 h 30 qui se plaint que madame Oscar refuse de donner un bain à un résident pour l’aider. Il la rappelle peu après et lui dit qu’il a parlé à madame Désormeaux et que madame Oscar ira l’aider après avoir terminé un travail. Il reçoit un appel de madame Désormeaux vers 19 h 20. Elle l’informe que madame Joseph lui a donné un coup de poing dans le dos. De plus, mesdames Joseph et Oscar ont eu une dispute bruyante et virulente qui a apeuré les résidents et madame Joseph a agressé madame Oscar. Il reçoit un appel de madame Joseph vers 19 h 45 l’informant qu’elle appellera la police ou qu’elle l’avait fait pour signaler une agression.

[68]         À son arrivée à la résidence vers 20 h 20, monsieur Abes voit madame Désormeaux au rez-de-chaussée. Elle lui dit que des policiers se sont présentés alors qu’elle était à l’entrée de la résidence. Lorsqu’elle mentionne le nom de madame Joseph en leur expliquant la situation, ils partent en lui disant qu’il ne s’agissait pas de la première fois. Elle lui dit que lorsque madame Oscar se présente au 5 e étage, madame Joseph l’insulte en criant et lui donne un coup dans le dos. Elle les sépare et dit à madame Oscar d’aller travailler au 4 e étage. Monsieur Abes parle avec mesdames Joseph et Oscar séparément. Elles lui racontent l’incident. Madame Joseph confirme qu’elle raconte l’incident à monsieur Abes à ce moment et qu’il lui pose des questions. Madame Oscar lui dit qu’elle a été agressée verbalement et physiquement par madame Joseph. Les PAB Jules et Cupidon ont entendu un vacarme après le souper venant d’un étage supérieur.

[69]         Monsieur Abes n’a évidemment pas été témoin de l’incident. Toutefois, il est présent à la résidence peu après et recueille dès lors les versions des personnes directement impliquées, soit mesdames Joseph, Oscar et Désormeaux. Son témoignage posé et concordant, dans l’ensemble, convainc la Commission de sa fiabilité. Rien ne permet de douter de la véracité de ses échanges avec les trois personnes impliquées le soir de l’incident.

[70]         Madame Joseph laisse entendre que monsieur Abes avait l’intention de la congédier et qu’il avait préparé son coup. Or, aucun élément ne supporte cette affirmation. Au contraire, il n’y a rien à signaler entre madame Joseph et monsieur Abes depuis l’arrivée de ce dernier à la résidence en juillet 2010.

[71]         La Commission ne retient pas la version de madame Joseph. Avec égards, son témoignage est contradictoire et invraisemblable. D’abord, il est difficile de croire en un tel comportement de madame Désormeaux ce soir du 27 octobre 2010 : rien ne se passe entre elles depuis l’appel téléphonique du 6 mai précédent qui se serait mal déroulé, en tenant pour acquis les propos contenus dans la lettre du 10 mai suivant. Pourtant, les deux travaillent toujours ensemble à la résidence sur le quart du soir par la suite. 

[72]         De plus, madame Joseph affirme, en premier, qu’elle ne voit madame Oscar qu’une seule fois vers 15 h 40 le 27 octobre pour lui demander de donner un bain à un de ses résidents. Pourtant, plus tard, elle raconte que madame Oscar était présente aussi lors de la prétendue altercation avec madame Désormeaux. Au départ, madame Joseph ne parle pas d’un refus de madame Oscar au sujet du bain. Elle dit plutôt que madame Oscar va consulter madame Désormeaux à ce sujet. Toutefois, plus loin dans son témoignage, madame Joseph parle d’un refus de madame Oscar lorsqu’elle relate son appel téléphonique à monsieur Abes. D’ailleurs, cela corrobore le témoignage de ce dernier à ce sujet.

[73]         Par ailleurs, madame Joseph renchérit son récit au sujet de madame Désormeaux au fil de l’enquête. D’abord, elle ne parle que de propos inappropriés de madame Désormeaux lorsque celle-ci amène un chariot au 5 e étage vers 17 heures. Plus tard, elle ajoute d’autres propos inappropriés de madame Désormeaux lorsqu’elle aurait repris le chariot après le souper des résidents.

[74]         Lors du premier appel à monsieur Abes, madame Joseph prétend qu’il entend madame Désormeaux lui dire les propos inappropriés. Pourtant, elle déclare d’abord que madame Désormeaux les lui dit et quitte l’étage : elle ne parle pas d’un appel à monsieur Abes à ce moment. Par la suite, elle précise qu’elle parle à monsieur Abes lors de l’appel des propos de madame Désormeaux. Ils auraient donc eu lieu avant l’appel.

[75]         Madame Joseph dit d’abord que madame Désormeaux l’aurait frappé vers 19 h 20. Plus tard, elle mentionne plutôt que celle-ci la pousse dans le dos en ajoutant qu’elle la poursuit dans le corridor et arrache un téléphone au mur en plus de la pousser encore et de lui arracher son écusson sur son uniforme. À un autre moment, lors d’un appel à la police, elle dit que madame Désormeaux voulait la tuer, lui a arraché l’écusson sur son uniforme et l’a frappé fort deux fois dans le dos à ce moment.

[76]         Madame Joseph dit qu’elle n’a rien vu lorsque les policiers se sont présentés au rez-de-chaussée de résidence parce qu’elle était au 5 e étage. Toutefois, elle déclare que madame Désormeaux ne les laisse pas entrer. Elle dit avoir appelé la police pour une agression par madame Désormeaux qui mettait sa vie en danger. Pourtant, elle ne poursuit pas sa démarche en ce sens auprès de la police.

[77]         Avec égards, tout cela ne tient pas la route. La Commission ne peut pas retenir la thèse de madame Joseph voulant qu’elle soit la victime d’une agression verbale et physique par madame Désormeaux le 27 octobre 2010.

la sanction

[78]         La résidence démontre l’existence d’une faute de madame Joseph : une dispute importante entre elle et madame Oscar qui cause un vacarme à la résidence. Toutefois, elle ne présente pas de précisions quant à la nature des propos ou des gestes échangés entre les deux protagonistes. De plus, la dispute semble être un incident isolé au sujet d’un problème personnel entre les deux. Mesdames Joseph et Oscar travaillent ensemble à la résidence depuis août 2010, sans incident avant cette dispute. Elles continuent de travailler à la résidence jusqu’à la fin de leur quart ce soir-là et le lendemain, sans incident. Elles participent ensemble à la rencontre du 29 octobre, sans accroc entre elles.

[79]         Évidemment, des résidents ont été perturbés par la dispute pendant quelques jours. Par contre, tout semble être revenu à la normale, du moins il n’y a pas de preuve du contraire. Il n’y a aucune preuve de plaintes des résidents au sujet de madame Joseph relativement à ses soins, sa relation avec eux ou tout autre aspect de son travail à la résidence.

[80]         La résidence invoque une faute grave pour justifier le congédiement de madame Joseph, laquelle permet de mettre de côté le principe de la gradation des sanctions disciplinaires. Toutefois, messieurs Abes et Morais reconnaissent avoir consulté son dossier disciplinaire. Monsieur Morais reconnaît l’avoir pris en considération dans la décision de la congédier. La lettre de congédiement du 5 novembre mentionne l’avis disciplinaire du 28 septembre 2009 et la suspension du 7 mai 2010.

[81]         Mis à part madame Joseph, les personnes directement impliquées dans les trois mesures disciplinaires de 2009 et 2010, mesdames Narcisse et Désormeaux, ont quitté la résidence et n’ont pas témoigné. Monsieur Proulx était présent comme le directeur des ressources humaines de la société de gestion. Il a été consulté, mais il n’était pas impliqué directement dans les événements ou à la résidence. Tout comme pour la dispute du 27 octobre 2010 et les lettres afférentes, madame Joseph nie avoir reçu ces mesures en plus de leur contenu. Il est donc difficile de croire d’emblée sa version en ce qui concerne les événements à la base de ces mesures.

[82]         Toutefois, même en tenant pour acquis l’avis écrit du 29 septembre 2009, il ne s’agit pas d’une faute de même nature que celle du 27 octobre 2010. Il concerne un manquement relativement aux étapes à suivre prévues au guide de travail.

[83]         L’avis écrit du 7 avril 2010 et la suspension du 7 mai suivant surviennent dans le contexte d’un litige entre la résidence et madame Joseph au sujet d’un accident du travail. La nature des manquements s’apparente à la faute du 27 octobre 2010 dans le sens qu’il s’agirait de propos inappropriés de madame Joseph envers sa supérieure et sa chef d’équipe. En supposant la véracité et la légitimité de ces mesures, il importe de souligner que, depuis la résolution du litige au sujet de l’accident du travail au début juillet 2010 et l’arrivée des nouveaux gestionnaires, messieurs Morais et Abes, rien ne s’ajoute au dossier disciplinaire de madame Joseph jusqu’à la dispute du 27 octobre. Après une enquête, la résidence ne reproche pas à madame Joseph, dans la lettre du congédiement du 5 novembre 2010, un comportement inapproprié envers la chef d’équipe.  

[84]         Dans les circonstances, madame Joseph commet une faute qui contrevient au code d’éthique de la résidence et qui mérite une sanction, mais pas le congédiement. Étant donné sa négation et son absence de remords devant la dispute, la Commission y substitue une suspension d’une durée suffisamment longue pour qu’elle comprenne l’importance de son manquement et se corrige, soit deux mois.    

[85]         Au début de l’enquête, il est convenu que la Commission rende une décision sur le fond du dossier et la réparation. Toutefois, les parties n’ont pas abordé la question de la réparation dans leurs plaidoiries. Ainsi, la Commission rend une décision sur le fond et réserve sa compétence pour le reste du dossier.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

ACCUEILLE                  la plainte;

ANNULE                        le congédiement imposé le 5 novembre 2010;

SUBSTITUE                  au congédiement une suspension d’une durée de deux mois;

RÉSERVE                     sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées et le quantum des indemnités, le cas échéant.

 

 

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Louise Verdone

 

M e Nicole Gagné

RIVEST, TELLIER, BRETON

Représentante de la plaignante

 

M e Julie Smythe

Cholette Côté Avocats S.E.N.C.

Représentante de l’intimée

 

Date de la dernière audience :

30 novembre 2011