Ottawa (Ontario), ce 6 e jour de janvier 2012
En présence de l’honorable juge Pinard
ENTRE :
Angelina RAMIREZ RAMIREZ
Miguel Angel GONZALEZ RAMIREZ
Partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1]
Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une
décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de
l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal),
présentée en
vertu du paragraphe
[2] Victor Gonzalez Martinez (le demandeur principal), son épouse Angelina Ramirez Ramirez et leur fils majeur Miguel Angel Gonzalez Ramirez (les demandeurs) sont des citoyens du Mexique. Ils allèguent chacun craindre pour leur vie en raison d’événements impliquant le demandeur principal et remontant à décembre 2006.
[3] À ce moment-là, alors qu’il assistait à une fête organisée par l’épouse d’un dénommé M. Flores, le demandeur principal serait intervenu dans un conflit survenu entre ceux-ci. Par la suite, l’organisatrice aurait quitté son mari abusif et dénoncé sa violence conjugale aux autorités mexicaines. Monsieur Flores blâmerait le demandeur principal en raison de son intervention lors de la fête, croyant que ce dernier aurait incité son épouse à le dénoncer et à le quitter. Depuis, le demandeur principal et sa famille seraient victimes de menaces.
[4] Le tribunal a conclu dans sa décision que les demandeurs n’avaient pas la qualité de « réfugiés », ni celle de « personnes à protéger » au sens de la Loi, car il y avait une insuffisance de preuve pour appuyer leur demande d’asile.
[5]
D’abord,
aux termes de l’article
[6]
La
demande d’asile en vertu de l’alinéa
[7]
En
dernier lieu, le tribunal a considéré la demande d’asile des demandeurs sous
l’alinéa
[8]
La
question de la possibilité de refuge intérieur soulevée dans cette affaire est
déterminante. La norme de contrôle applicable à cet égard est celle de la
décision raisonnable, s’agissant d’une question de faits (
Zavala c. Le
ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration
,
[9] Les demandeurs soutiennent que le tribunal a erré dans sa conclusion de possibilité de refuge intérieur parce qu’il n’a pas tenu compte de la preuve au dossier et qu’il a ignoré tant les explications des demandeurs que la preuve contradictoire.
[10] Pour sa part, le défendeur plaide que le tribunal a considéré toute la preuve au dossier, tant testimoniale que documentaire, et que sa conclusion sur la possibilité de refuge intérieur est raisonnable.
[11]
Après
révision de la preuve pertinente, il m’apparaît que, contrairement aux
allégations des demandeurs, le tribunal a clairement considéré la preuve
contradictoire, mentionnant spécifiquement le témoignage du demandeur principal
à l’effet que ce dernier croit que les associés de M. Flores seront en
mesure de le retrouver n’importe où au Mexique. Le tribunal reconnaît aussi que
ces associés sont des criminels et qu’il existe de la corruption au Mexique.
Toutefois, le tribunal s’appuie sur la preuve documentaire pour conclure que,
malgré cette corruption, l’accès à des données confidentielles n’est pas
automatique et les demandeurs n’ont pas établi que leurs agents de persécution
ont les contacts et les ressources nécessaires pour accéder à de telles
données. Conséquemment, les demandeurs ne se sont pas acquittés de leur fardeau
de preuve : il revenait à ces derniers, et non au tribunal, contrairement
à leur affirmation, de démontrer que Hermosillo et La Paz n’étaient pas des
possibilités de refuge intérieur raisonnables (
Ranganathan c. Canada (Ministre
de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.)
,
[2001] 2 C.F. 164
au para 11
[
Ranganathan
];
Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de
l’Immigration) (C.A.)
,
[12] Le tribunal estime que les demandeurs n’ont pas prouvé que ces possibilités de refuge au Mexique sont objectivement déraisonnables : « il ne faut rien de moins [qu’une preuve réelle et concrète] que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr » ( Ranganathan au para 15; voir aussi Del Real au para 30 et Palacios au para 10).
[13]
Cette
conclusion du tribunal est raisonnable, étant justifiée et transparente :
les raisons du tribunal ressortent des issues possibles acceptables se
justifiant en faits et en droit, étant appuyées par la preuve au dossier (
Dunsmuir
c. Nouveau-Brunswick
,
[14] Ici, le tribunal n’a pas fait une lecture sélective de la preuve, mais a tenu compte de la situation particulière des demandeurs en considérant les possibilités de refuge à l’intérieur du Mexique. Tout comme le tribunal, la jurisprudence établit qu’il est insuffisant pour les demandeurs de simplement s’appuyer sur une preuve documentaire indiquant la présence de corruption au Mexique ( Del Real au para 25; Navarro au para 18). Ainsi, les demandeurs ne pouvaient pas se contenter d’alléguer, sans preuve à l’appui, qu’ils pourraient être retrouvés n’importe où au Mexique à partir des banques de données, en raison de la corruption dans ce pays et de la criminalité de leurs agents de persécution ( Zavala au para 15; Navarro au para 21).
[15] Tout comme dans Palacios , aux paragraphes 15 à 17 :
Il est clair, à la lecture de la décision, que [le tribunal] a consulté les documents qui décrivent la situation au Mexique . . . [et] réfère à la preuve documentaire objective dans plusieurs extraits de sa décision. [Le tribunal a donc] raisonnablement interprété et analysé toute la preuve, ainsi que le témoignage [des] demandeur[s]. L’intervention de cette Cour n’est, par conséquent, pas justifiée.
[16] En conclusion, la possibilité de refuge au Mexique menant nécessairement au rejet de la demande d’asile des demandeurs ( Del Real au para 19 et Palacios au para 11), la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[17] Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rendue le 9 mars 2011 est rejetée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2235-11
INTITULÉ : Victor GONZALEZ MARTINEZ, Angelina RAMIREZ RAMIREZ, Miguel Angel GONZALEZ RAMIREZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 7 décembre 2011
ET JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 6 janvier 2012
COMPARUTIONS :
M e Gisela Barraza POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
M e Marilyne Trudeau POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gisela Barraza POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Myles J. Kirvan POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada