TRIBUNAL D'ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° de dépôt

2012-3023

 

             

DATE :

16 janvier 2012

Référence :

 

 

DEVANT L'ARBITRE  :

 

M. RENÉ TURCOTTE

 

 

 

 

S.T.T. C.S.S.S. Jeanne-Mance

ci-après appelé le « syndicat »

 

Et

 

C.S.S.S. Jeanne-Mance

ci-après « l ’employeur»

 

 

Plaignant : Le syndicat

 

Grief(s)  N° du syndicat : 

              JM-2011-163, JM-2011-164, JM-2011-165, JM-2011-166, JM-2011-167, JM-2011-168, JM-2011-169, JM-2011-170, JM-2011-171, JM-2011-172, JM-2011-173, JM-2011-174, JM-2011-175

 

Convention collective : Convention collective intervenue entre la Fédération de la santé et des services sociaux - CSN et le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux (31 mars 2011 - 31 mars 2015)

 

SENTENCE ARBITRALE

(En vertu du Code du travail du Québec, art. 100)

 

 

 

 

 

COMPÉTENCE

[1]            Les parties ont reconnu que le soussigné avait été régulièrement nommé et avait compétence pour statuer sur les griefs soumis à son attention.

[2]            La partie patronale a soumis à l’attention du soussigné une objection préliminaire fondée sur l’irrecevabilité de tous les griefs soumis à l’attention du soussigné. La partie patronale soumet que ces griefs ont été déposés prématurément, en contravention avec des dispositions  de la convention collective liant les parties, notamment les articles 10.11 à 10.15 et 10.21 qui se lisent ainsi :

« 10.11 Ce comité a pour fonction d’étudier les plaintes des personnes salariées concernant le fardeau de leur tâche.

10.12 Ce comité se réunit à la demande de l’une ou l’autre des parties dans les cinq (5) jours de la réception d’une plainte écrite.

10.13 Le comité doit rendre une décision écrite dans les vingt (20) jours de la demande de convocation si celle-ci provient d’une personne salariée et dans les vingt-cinq (25) jours s’il s’agit de la demande de plusieurs personnes salariées. Chaque partie dispose d’une voix pour rendre la décision.

10.14 Une décision unanime est exécutoire. Si, à la suite de la réunion du comité, il n’y a pas décision unanime ou si, par la faute de l’employeur, le comité ne s’est pas réuni dans le délai prévu au paragraphe 10.12, le syndicat peut, dans les quinze (15) jours suivants, demander l’arbitrage par l’envoi d’un avis à l’employeur.

10.15 Les parties peuvent procéder devant un arbitre sur le choix duquel elles s’entendent ou, par demande adressée au greffier, devant un arbitre désigné par le greffe à même la liste des arbitres constituée à cet effet.

10.21 Les délais prévus au présent recours peuvent, sur accord des parties, être modifiés. »

[3]            Pour la compréhension de la présente sentence, nous ne  reproduisons la teneur que  de l’un des griefs soumis à notre attention, cette teneur étant quant au fond du grief, la même pour tous les autres griefs. Le grief portant le numéro JM-2011-163 se lit ainsi :

« En vertu des dispositions prévues à la convention collective et des lois en vigueur, nous contestons le fardeau de tâches (surcharge de travail) que nous vivons comme préposés au bénéficiaire au 5 e étage du quart de jour au C.H.S.L.D. Manoir de l’Âge d’Or.

Nous réclamons que l’employeur respecte la convention collective et la procédure établie en cas de fardeau de tâches et qu’il mette fin immédiatement au fardeau de tâches que nous vivons au 5 e étage, quart de jour, du C.H.S.L.D. Manoir de l’Âge d’Or et tous les droits prévus à la convention collective et dédommagements pour préjudices subis incluant les dommages moraux et exemplaires, ainsi que le préjudice fiscal, le tout rétroactivement avec intérêt prévu au Code du travail et sans préjudice aux autres droits dévolus. »

[4]            Ce grief comme tous les autres a été déposé le 14 juillet 2011.

[5]            Tous les autres griefs ont la même teneur quant au fond, les différences se limitant à la précision quant au lieu de travail des préposés aux bénéficiaires qui contestent une prétendue surcharge de travail.

LES FAITS

[6]            Madame Johanne Bellemare, coordonnatrice à la direction des ressources humaines de l’employeur, a été longuement entendue. Le témoin a reconnu qu’elle avait été chargée par la directrice des ressources humaines de l’employeur, madame Lucie Cournoyer, de traiter la plainte pour fardeau de tâches qui avait été expédiée par M. Alain Hébert, le vice-président de la catégorie 2 pour le Syndicat des travailleuses et travailleurs du C.S.S.S. Jeanne-Mance en date du 28 juin 2011. Cette plainte se lit ainsi :

« (S-4) OBJET : PLAINTE POUR FARDEAUX DE TÂCHES

 

Madame,

 

La présente constitue une plainte de fardeau de tâches déposée pour et au nom de plusieurs personnes salariées, préposées aux bénéficiaires.

En effet, nous constatons que les étages ci-bas vivent actuellement une surcharge de travail (fardeau de tâches) qui perdurent depuis plusieurs mois :

1.      4 e étage de jour à Manoir de l'Âge d’Or

2.      5 e étage de jour à Manoir de l'Âge d'Or

3.      7 e étage de jour à Manoir de l'Âge d’Or

4.      10 e étage de jour à Manoir de l'Âge d’Or

5.      3 e étage de jour au CHSLD Bruchési

6.      1 er étage de nuit au CHSLD Bruchési

7.      2 e étage de nuit au CHSLD Bruchési

8.      4 e étage de jour au CHSLD Ernest-Routhier

9.      3 e étage de jour au CHSLD Jean-de-La-Lande

10.    4 e étage de jour au CHSLD Jean-de-La-Lande

11.    5 e étage de jour au CHSLD Jean-de-La-Lande

12.    6 e étage de jour au CHSLD Jean-de-La-Lande

13.    7 e étage de jour au CHSLD Jean-de-La-Lande

14.    9 e étage de jour au CHSLD Jean-de-La-Lande

15.    9 e étage de soir au CHSLD Jean-de-La-Lande

16.    12 e étage de jour au CHSLD Jean-de-La-Lande

Conformément aux articles 10.09 et suivants de la convention collective, nous demandons la formation d'un comité de fardeau de tâche, comité qui a déjà été réclamé par la partie syndicale dans une lettre datée du 12 avril 2011. Nous vous demandons également et ce, conformément à l'article 10.1-2 la tenue de rencontres afin d'étudier les plaintes des personnes salariées.

Conformément à l'article 10.10 des dispositions nationales, la partie syndicale sera représentée par les personnes suivantes : Alain Hébert, vice-président de la catégorie 2, Yan Gagnon, délégué syndical ainsi qu'une personne salariée du service concerné par le fardeau de tâche qui sera discuté.

En attente d'une réponse de votre part,

 

Veuillez recevoir, Madame, nos plus sincères salutations,

 

Alain Hébert

Vice-président de la catégorie 2 pour le

syndicat des travailleuses et travailleurs du csss Jeanne-Mance (CSN) »

[7]            En date du 8 juillet, madame Johanne Bellemare a répondu à M. Gilbert Binette, le président du syndicat en cause et à M. Alain Hébert, le vice-président catégorie 2 une lettre dont la teneur est la suivante :

(S-5) « Objet : Plainte pour fardeaux de tâches du 28 juin 2011

 

Messieurs,

 

Nous accusons réception de votre lettre mentionnée en rubrique, adressée à Madame Lucie Cournoyer, directrice des ressources humaines.

 

Nous sommes à mettre sur pied les comités de fardeaux de tâches et nous vous communiquerons d’ici 10 jours le calendrier des rencontres pour la présentation de votre preuve dans chacun des dossiers.

 

Nous vous prions d’agréer, Messieurs, nos salutations distinguées.

 

Johanne Bellemare

Coordonnatrice de la gestion de la présence

Au travail et des relations de travail »

[8]           Avant d’expédier cette lettre en date du 8 juillet 2011, laquelle confirmait la volonté de l’employeur de ne pas pouvoir débuter les auditions devant le comité des tâches avant le 19 juillet 2011 puisqu’elle ne pourra aviser le syndicat des propositions des dates d’audition avant le 18 juillet 2011,   madame Bellemare avait reçu un appel téléphonique de M. Alain Hébert, le vice-président du syndicat, l’informant que de nombreux membres de l’exécutif ne seraient pas disponibles au cours des prochaines semaines en raison des vacances estivales et qu’il y avait donc lieu de ne pas prévoir de rencontres du comité chargé de l’étude de ces plaintes avant le 21 août 2011. Elle confirme qu’elle a consenti à octroyer le délai de convocation du comité réclamé par M. Hébert. Elle a cependant requis de sa part qu’il confirme sa demande par écrit. Dès le 8 juillet, M. Alain Hébert a accédé à la demande de madame Bellemare en lui expédiant une lettre qui a été reçue le 11 juillet 2011. Cette lettre se lit ainsi :

« (E-5) Montréal, le 8 juillet 2011


Madame Johanne Bellemare
Coordonnatrice de la gestion de la présence au travail et des relations de travail
CSSS Jeanne-Mance

Objet : Plainte pour fardeau de tâches

 

En réponse à votre lette de ce jour, je désire vous informer que je serai en vacances du 16 juillet au 21 août inclusivement et que je ne serai, par conséquent, pas disponible pour les auditions de fardeaux de tâches. Il ne faudrait donc pas prévoir de date d’audition pendant cette période car le syndicat ne dispose pas des ressources humaines nécessaires pour mon remplacement sur le comité.

De plus, il faudrait également tenir compte de la disponibilité des personnes salariées que nous avons ciblé pour représenter leur étage dans les services impliqués, dans l’élaboration du calendrier.

Afin de vous permettre de produire le calendrier de rencontres, considérant que nous sommes en pleine période de congé annuel, je vous propose que le syndicat vous envoie, d’ici vendredi prochain, la liste des noms de ces personnes ainsi qu’un tableau indiquant leur disponibilité.

Vous pourriez ainsi, connaissant toutes les disponibilités de notre côté, établir le calendrier de rencontres en fonction des disponibilités des portes-parole de votre côté.

 

Alain Hébert

VP ctégorie2

Syndicat CSN »

[9]            Comme l’indique cette lettre, M. Hébert a fourni à l’employeur une liste des disponibilités des personnes ciblées pour participer aux auditions du Comité de fardeau de tâches. Cette liste de disponibilité a été reçue par madame Bellemare le 15 juillet 2011 et se lit ainsi :

« (E-6) OBJET : PLAINTE POUR FARDEAUX DE TÂCHES

 

Madame,

 

La présente est pour vous faire parvenir la liste des personnes ciblées ainsi que leurs non-disponibilités afin de participer aux auditions du comité de fardeaux de tâches.

 

Nom

Étage

Installation

Non-Disponibilités

Paul Samuel

4 e jour

MADO

Vacances : 22 juillet 2011 au 23 août 2011

Micheline Shaydleur

5 e jour

MADO

-

Serge François Riendeau

7 e jour

MADO

Vacances : 15 août 2011 au 18 septembre 2011

Suzie Gagné

10 e jour

MADO

Vacances : Septembre ( à préciser )

Pauline Bouchard

3 e jour

JDLL

-

Paulette Bibeau

4 e jour

JDLL

Vacances : jusqu’au 25 juillet 2011

Marie-Josée Bédard

5 e jour

JDLL

Vacances 17 juillet 2011 au 7 août 2011

6 au 21 septembre 2011

6 e jour

En attente/Travaux en cours

7 e jour

JDLL

 

À déterminer

9 e jour

JDLL

 

Anne-Marie Rail

9 e soir

JDLL

Vacances : à confirmer

Daniel Breault

1 er nuit

Bruchési

Vacances : fin août ( à préciser )

2 e nuit

Lisette Lavoie

3 e jour

Bruchési

Vacances : 24 juillet au 31 juillet 2011

À déterminer

4 e jour

Ernest-Routhier

 

 

Veuillez prendre note que la présente constitue également une plainte pour fardeau de tâches pour le 2 e étage, quart de jour, au CHSLD Émilie-Gamelin. La personne ciblée pour l’audition de cette dernière est Monsieur Mathieu Pepperall, qui sera en vacances la semaine du 24 juillet 2011.

 

Alain Hébert

Syndicat STT-JMance-CSN
Vice-président, catégorie 2» 

[10]         Cette lettre indique très clairement que le syndicat convient de reporter les auditions du comité des tâches chargées d’étudier les plaintes déposées le 28 juin 2011.

[11]         Madame Danielle Matte, membre de l’exécutif du syndicat,  a expédié le mercredi 3 août 2011 à madame Johanne Bellemare, un courriel où elle confirme les dates où le vice-président Alain Hébert n’est pas disponible pour participer aux travaux du Comité de fardeau de tâches. Le courriel précise que M. Hébert n’est pas disponible les 24, 26, 31 août, 2, 6, 9, 16, 23 et 30 septembre. Ce courriel avait été expédié par madame Danièle Matte, membre de l’exécutif du syndicat en cause en utilisant l’adresse courriel du madame Deveault, secrétaire du syndicat.

[12]          Madame Bellemare devait préciser au cours de son témoignage qu’il fallait céduler 16 rencontres du Comité de fardeau de tâches afin d’analyser les plaintes déposées par le syndicat le 28 juin. Elle voulait planifier le calendrier des rencontres pour pouvoir débuter les rencontres du Comité de fardeau de tâches dès le 22 août. Dès le 10 août 2011, elle a expédié une lettre à  M. Alain Hébert en y joignant un calendrier pour les rencontres des différents comités chargés de l’analyse des plaintes concernant le fardeau de tâches. Le calendrier ne fixait pas de date pour 8 de ces plaintes. Une rencontre était prévue pour le 23 août relativement aux plaintes visant les fardeaux de tâches imposées aux préposés aux bénéficiaires oeuvrant au 3 e et 4 e étage du Centre Jean-de-Lalande. Le syndicat a demandé un report de la réunion du comité chargé de l’analyse de ces plaintes. Dès le lundi 22 août 2011 Madame Bellemare a consenti au report de la réunion du Comité de fardeau de tâches chargé d’analyser ces plaintes et en a avisé toutes les parties concernées par un courriel en date du 22 août 2011 expédié à 10 h 46 (E-9).

[13]         Le 6 septembre 2011, M. Alain Hébert a fait tenir à madame Johanne Bellemare une lettre qui se lit ainsi :

« (E-10) Objet : Calendrier comité fardeau de tâches - 4e et 7e jour MADO

 

Madame,

 

 

Dans votre lettre du 10 août dernier, vous faites part qu'il vous est impossible de fixer une date où tous les membres du comité sont disponibles, pour le fardeau du 4e de jour à MADO et vous poursuivez en me demandant de vous aviser si je peux me libérer parmi les dates où je ne suis pas disponible entre le 1 er et le 24 septembre.

 

Or, dans mes lettre des 8 et 15 juillet, je vous faisais part que je ne serais pas disponible du 16 juillet au 1l août inclusivement en raisons de des vacances (donc disponible à compter du 22 août) et que monsieur Paul Samuel, préposé porte-parole pour le fardeau du 4e étage, était quant à lui en vacances du 22 juillet au 23 août, donc disponible après cette date.

 

Il n'y a donc aucune date, de note côté, où vous ne pouvez fixer de rencontre, entre le 1er et 24 septembre. Dans l'éventualité où il me serait vraiment impossible de pouvoir me présenter en raison d'une urgence monsieur Yan Gagnon, tout aussi au fait de ces dossiers que moi, serait en mesure de vous présenter le dossier et de travailler à l'analyse de ces plaintes paritairement avec vous.

 

De plus, dans le calendrier que vous m'avez remis le 22 août, vous avez inscrit l’audition du fardeau du 7e de jour à MADO pour 7 septembre à 14h00. Or, dans ma lettre que je vous ai fait parvenir le 15 août, je vous indiquais que Monsieur Serge-François Riendeau, préposé porte-parole pour le fardeau de cet endroit, était en vacances du 15 août au 18 septembre, il ne pourra donc être présent le 7 septembre. Je vous demanderais donc de fixer la rencontre pour le 7e de jour à MADO à une date ultérieure.

 

Je vous ferai part des précisions demandées, en ce qui a trait aux autres fardeaux, aussitôt que je les aurai en ma possession.

 

Alain Hébert

Vice-président catégorie 2

Syndicat CSN »

[14]         Le 7 septembre 2011, madame Johanne Bellemare a fait tenir à M. Alain Hébert une lettre à laquelle était joint le calendrier du Comité des tâches chargé d’étudier les plaintes soumises par le syndicat. Ce calendrier prévoyait que le comité se réunirait les 29 août, 7 septembre, 12 septembre, 14 septembre, 19 septembre et que 6 autres réunions dont l’objet était précisé devaient avoir lieu mais dont la date n’était pas encore arrêtée.

[15]         Le 9 septembre 2011, M. Alain Hébert a informé madame Bellemare par lettre que le syndicat se désistait de la plainte pour fardeau de tâches pour le 4 e étage de jour au Manoir de l’Âge d’Or et, en conséquence, il y avait lieu d’annuler l’audition prévue pour le 19 septembre suivant.

[16]         Le 13 septembre, madame Johanne Bellemare a à nouveau fait tenir à M. Alain Hébert un calendrier du Comité de fardeau de tâches.

[17]         Le Comité de fardeau de tâches s’est effectivement réuni le 21 septembre pour analyser la plainte concernant madame Pauline Bouchard qui oeuvrait au 3 e étage sur le quart de travail de jour au Centre Jean-de-Lalande. Cette plainte devait être analysée par le comité le 23 août mais avait été reportée au 21 septembre à la demande de la partie syndicale. Lors de cette rencontre, l’employeur était représenté par madame Johanne Bellemare, M. Gilles Guimond, chef d’unité, le syndicat était représenté par M. Alain Hébert et M. Yan Gagnon et madame Pauline Bouchard.

[18]         Au moment de l’audition devant le soussigné, le Comité de fardeau de tâches n’avait toujours pas rendu de décision concernant cette plainte de fardeau de tâches visant le fardeau de tâches imposé à madame Pauline Bouchard sur le quart de jour au 3 e étage du Centre Jean-de-Lalande.

[19]         Le comité s’est également réuni le 19 septembre pour procéder à l’analyse d’une autre plainte concernant le fardeau de tâches imposé à madame Roseline Bisson oeuvrant sur le quart de jour au 7 e étage au Centre Manoir de l’Âge d’Or. Le comité n’a toujours pas rendu de décision concernant cette plainte.

[20]         Madame Bellemare a fait état au cours de son témoignage du motif pour lequel le comité n’avait toujours pas rendu de décisions concernant les plaintes déjà entendues. Elle a précisé que l’employeur faisant face à 16 plaintes ayant un même objet, elle avait informé les divers membres siégeant sur le Comité des tâches que l’employeur entendait entendre toutes les plaintes et à la suite de ces auditions, il rendrait une seule décision portant sur toutes les plaintes. Elle a précisé que les syndiqués n’ont formulé aucune espèce d’objection à cette façon de procéder.

[21]         Depuis, le comité s’est réuni à de nombreuses reprises et aucune décision formelle n’a été rendue à ce jour.

[22]         Le 23 septembre 2011, madame Johanne Bellemare a fait tenir une lettre à M. Alain Hébert qui se lit ainsi :

« (E-14) Objet : Plaintes fardeau de tâches

 

Monsieur,

 

Depuis plus d’une semaine vous devez me faire parvenir le retrait de la plainte pour fardeaux de tâches au 9 ème de soir à JDLL ainsi que le retrait d’une autre plainte dont vous ne m’avez pas précisé le service.

 

De plus, vous deviez me faire parvenir les noms et disponibilités des salariés pour les autres plaintes dont le comité n’a pas encore été cédulé.

 

Je tiens à vous informer que n’ayant pas reçu lesdites informations de votre part à ce jour, je ne serai pas en mesure de céduler les comités de fardeaux de tâches avant mon retour de vacances le 20 octobre prochain.

 

Veuillez recevoir, Monsieur, nos salutations les meilleures.

 

Johanne Bellemare

Coordonnatrice de la gestion de la présence

au travail et des relations de travail »

[23]         Dès son retour au travail, madame Johanne Bellemare a expédié à M. Alain Hébert, en date du 10 novembre 2011, une lettre où était joint un calendrier des rencontres du Comité de fardeau de tâches. La lettre précisait également ce qui suit :

« Dès que nous aurons complété les rencontres, nous conviendrons d’une date pour discuter globalement des différentes plaintes déposées. »

[24]         Le 14 novembre 2011, M. Gilbert Binette a expédié une lettre à madame Johanne Bellemare qui se lit ainsi :

« (E-16) Objet : calendrier rencontres comité fardeau de tâches

 

Madame,

 

Tel que discuté ce matin, je vous demande de reporter à une date ultérieure les rencontres du comité de fardeau de tâches des 16 et 18 novembre que vous nous aviez proposées jeudi dernier. Vous comprendrez qu’il nous est pratiquement impossible de nous préparer pour de telles rencontres dans un si court délai.

 

D’autre part, je vous réitère, tel que nous l’avions fait dans une lettre vous étant adressée en date du 8 septembre, notre désistement dans les dossiers du 9 ième étage de soir à Jean-de-Lalande. Enfin, sachez que nous désistons dans le dossier concernant le site Ernest-Routhier au 4 ième étage de jour.

 

Comptant sur votre collaboration, veuillez, madame, recevoir nos salutations distinguées.

 

Gilbert Binette

Président du STT CSSS Jeanne-Mance CSN »

[25]         Le 16 novembre 2011, madame Johanne Bellemare a répondu à la lettre de M. Binette expédiée le 14 novembre 2011 en ces termes :

« (E-17) Objet : Rencontres des comités fardeaux de tâches

 

Monsieur,

 

Les 16 et 18 novembre 2011, nous devions nous rencontrer afin de vous entendre dans les dossiers plaintes de fardeaux de tâches suivant :

 

2 ième de Jour EG

4 ième de Jour ER

9 ième de Soir JDLL

9 ième de Jour JDLL

7 ième de Jour JDLL

 

Le 14 novembre dernier vous m’avez informé que vous n’étiez pas prêts à procéder dans ces dossiers. Nous nous sommes alors entendus à l’effet que vous me confirmiez par écrit votre demande de reporter lesdites rencontres ainsi que la date à laquelle vous seriez prêts à procéder dans ces dossiers.

 

Or la lettre que vous m’avez adressée le 14 novembre, qui était datée du 22 août 2011, me demandait le report desdites rencontres sans préciser à quelle date vous seriez prêts à procéder dans ces dossiers.

 

En conséquence, j’attendrai que vous me disiez que vous êtes prêts à procéder avant de reconvoquer lesdits comités.

 

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

 

Johanne Bellemare

Coordonnatrice de la gestion de la présence

au travail et des relations de travail »

[26]         Au moment de l’audition tenue le 20 décembre 2011, madame Johanne Bellemare témoigne que la lettre qu’elle a expédiée le 16 novembre et ci-avant reproduite, est demeurée sans réponse. Il n’y a donc aucune date de rencontre fixée pour l’audition par le comité des cinq dernières plaintes non encore analysées par le comité.

[27]         Madame Bellemare devait préciser qu’elle n’avait jamais reçu d’avis demandant un arbitrage comme le prévoit l’article 10.14 de la convention collective. Au cours du contre-interrogatoire, madame Bellemare a reconnu qu’elle avait reçu copie de tous les griefs le 15 juillet 2011.

[28]         M. Alain Hébert, vice-président du syndicat en cause, a été entendu. Il reconnaît qu’il a déposé la plainte en date du 28 juin et qu’il a reçu la réponse de l’employeur le 8 juillet 2011 (S-5). Le témoin reconnaît qu’entre le 28 juin et le 8 juillet il n’y a eu aucun échange entre la direction des ressources humaines de l’employeur et les officiers du syndicat. M. Hébert reconnaît qu’il a pris connaissance de la lettre du 8 juillet de l’employeur informant les représentants syndicaux qu’une rencontre du Comité de fardeau de tâches devait se réunir le 18 juillet 2001; il précise qu’il s’est empressé d’informer l’employeur de sa non-disponibilité pour participer aux réunions du Comité de fardeau de tâches du 16 juillet au 21 août inclusivement.

[29]         Le témoin reconnaît qu’il a participé à la décision de déposer des griefs avec l’agent de griefs et la conseillère syndicale. Il a été décidé par ces personnes de déposer les griefs dès le 14 juillet parce que l’employeur n’avait pas convoqué le comité dans les cinq jours du dépôt de la plainte déposée le 28 juin 2011.

[30]         Il reconnaît qu’il a effectivement pris des vacances du 16 juillet au 21 août 2011. À son retour de vacances le 22 août, il est informé qu’une rencontre doit avoir lieu dès le lendemain le 23 août. Il n’avait d’ailleurs reçu le calendrier des rencontres en main propre que le 22 août. N’étant pas prêt à procéder à une audition le 23 août puisqu’il devait préalablement colliger la preuve requise et obtenir la libération des salariés impliqués, il a demandé un report de la réunion du comité.

[31]         Le témoin devait préciser que dans son esprit le Comité des tâches est un comité paritaire où le syndicat doit faire d’abord la preuve de ses prétentions, que l’employeur doit y répondre et par la suite le comité tranche.

[32]         Le témoin Hébert affirme qu’il n’a jamais consenti à la modification des délais apparaissant aux dispositions pertinentes de la convention collective. En contre-interrogatoire, il a cependant reconnu qu’il avait signé les lettres déposées sous E-5, E-6, E-10, E-12 et il a également reconnu qu’il avait reçu les lettres de l’employeur déposées sous les cotes E-11, E-13, E-14, E15.

PLAIDOIRIE PATRONALE

[33]         Le procureur patronal est d’avis que tous les griefs soumis à l’attention du soussigné sont prématurés vu les dispositions de la convention collective, plus précisément les articles 10.14 et 10.15 et qu’en conséquence ils doivent être déclarés irrecevables.

[34]         Il rappelle que le 28 juin 2011, le syndicat a saisi l’employeur d’une plainte portant sur une prétendue surcharge de travail visant de nombreux postes.

[35]         Le 8 juillet 2011, l’employeur a informé la partie syndicale de la création du Comité de fardeau de tâches. Il rappelle que la lettre informant la direction du syndicat de la formation du comité les informait également que l’employeur communiquerait dans les 10 jours de calendrier suivant l’expédition de la lettre le 8 juillet 2011 d’un calendrier des rencontres pour la présentation de la preuve syndicale dans chacun des dossiers de plainte pour fardeau de tâches. Le même jour, le 8 juillet, M. Alain Hébert avise l’employeur qu’il sera en vacances du 16 juillet au 21 août inclusivement et qu’en conséquence il ne sera pas disponible pour participer aux auditions de fardeau de tâches durant cette période. Il prie donc l’employeur de ne pas prévoir d’auditions du comité pendant toute la période de ses vacances. La lettre précise même qu’il va informer l’employeur d’ici le vendredi subséquent de la liste des personnes qui seront disponibles pour participer à ces comités de fardeau de tâches ainsi que leurs disponibilités afin de permettre à l’employeur de mieux planifier le calendrier des rencontres.

[36]         Le procureur est d’avis que les nombreuses lettres émanant du syndicat et déposées en preuve établissent très clairement que le syndicat a, à de nombreuses reprises, demandé d’extensionner les délais, de remettre les auditions du comité chargé de l’évaluation des plaintes portant sur la surcharge de travail, en somme, de modifier les délais apparaissant aux articles pertinents de la convention collective, conformément à l’article 10.21.

[37]         Le procureur note que ce n’est pas la partie patronale mais bien la partie syndicale qui a demandé une extension des délais, extension à laquelle l’employeur a consenti.

[38]         Le comité s’est réuni le 19 septembre et le 21 septembre et qu’aucune décision n’a été rendue à ce jour concernant les plaintes qui ont été étudiées au cours de ces deux réunions du comité.

[39]         Dès septembre 2011, l’employeur a suggéré qu’une seule décision soit rendue concernant l’ensemble des 16 plaintes déposées par le syndicat et que le syndicat ne s’est nullement objecté à cette demande de l’employeur comme en fait foi la lettre du 10 novembre 2011 (E-15). En date du 14 juillet 2011, il n’y avait pas encore eu de rencontre du comité chargé de l’évaluation des plaintes déposées par le syndicat et qu’en aucun moment, après le 14 juillet 2011, le syndicat n’a requis de la part de l’employeur qu’il convoque ledit comité.

[40]         Il souligne qu’à ce jour aucune décision n’a encore été rendue vu l’accord des deux parties d’analyser d’abord toutes les plaintes avant de rendre une seule décision concernant toutes ces plaintes.

[41]         Le procureur rappelle que le délai prévu à l’article 10.12 de la convention collective n’est pas un délai de rigueur comme le prévoit d’ailleurs l’article 10.21 de la convention collective. Il note qu’il y a eu accord entre les parties pour fixer les dates d’audition du comité ce qui, ipso facto , implique que les parties ont consenti à l’extension des délais prévus aux article 10.12 et 10.13 de la convention collective.

[42]         En ce qui concerne l’article 10.14 de la convention collective, le procureur souligne qu’à la suite des réunions du comité, il n’y a pas eu décision unanime et que si le comité ne s’est pas réuni dans les délais prévus au paragraphe 10.12, cela ne résulte point de la faute de l’employeur mais bien de la volonté des deux parties d’extensionner les délais prévus à l’article 10.12 de la convention collective. Le procureur précise que même si l’on considère que le grief constitue un avis,  déposé le 14 juillet 2011, dès le 18 juillet 2011, le syndicat demandait une extension des délais précisant même que les réunions du comité ne pourraient se dérouler qu’après le 21 août 2011. Une telle demande ne peut que constituer une nouvelle demande d’extension des délais prévus à ces dispositions.

[43]         Le procureur est d’avis que tous les griefs déposés en l’instance  le 14 juillet 2011 violent ainsi les prescriptions des articles 10.14 et 10.15 en ce qu’ils ont été déposés avant même la première réunion du comité. Il rappelle que la convention collective prévoit spécifiquement que l’arbitrage, dans un cas comme en l’espèce, ne peut avoir lieu que dans les cas prévus à l’article 10.14, soit lorsqu’il y a absence de décision unanime ou, autre cas possible, le comité ne s’est pas réuni dans le délai prévu à l’article 10.12.

[44]         En l’espèce, aucun des cas d’ouverture prévu à l’article 10.14 n’existe puisqu’il n’y a pas de décision unanime et que le comité s’est réuni dans le délai convenu par les parties conformément aux prescriptions de l’article 10.21 de la convention collective.

[45]         Au soutien de ses prétentions, le procureur patronal invoque la décision de M e Nathalie Faucher dans l’affaire Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 et CHSLD Father Dowd (05A-134) où l’arbitre écrit :

« [2] D’entrée de jeu, la procureure de l’employeur a soulevé une objection préliminaire à l’effet que ladite plainte ne serait pas arbitrale puisque la procédure décrite à l’article 32 et, plus spécifiquement, les délais de soumission de la plainte à l’arbitrage n’ont pas été respectés par le syndicat.

 

[…]

Procédure en cas de plainte de fardeau de tâches

 

32.06    La personne salariée qui se croit lésée porte plainte par écrit au comité.

 

            Si plusieurs personnes salariées collectivement ou si le syndicat comme tel se croit lésé, celui-ci peut porter plainte par écrit.

 

            Dans chacun des cas, la personne plaignante transmet à l'employeur copie de sa plainte.

 

(…)

 

32.09    La partie qui désire tenir une réunion du comité sur une question de fardeau de tâches en donne un préavis d'au moins cinq (5) jours à l'autre partie.

 

32.10    Si, à la suite du préavis susmentionné, le comité ne se réunit pas, le syndicat peut, dans les trente (30) jours de la date mentionnée à l’avis de réunion prévu au paragraphe précédent, demander l’arbitrage du litige, et alors, la procédure sommaire prévue aux paragraphes 11.16 à 11.22 s'applique.

32.11    Si le comité en vient à une entente sur une question de fardeau de tâches, sa décision est exécutoire.

 

            Par ailleurs, si le comité n’en vient pas à une entente, le syndicat peut, dans les trente (30) jours suivant la première rencontre du comité, demander l’arbitrage du litige et alors, la procédure prévue au paragraphe 32.10 s’applique.

 

32.12    Les délais prévus au présent article peuvent, de l’accord des parties, être modifiés. »

 

 

DÉCISION ET MOTIFS

 

[33] Il s’agit de décider si la procédure en matière de plainte de fardeau de tâches a ou non été respectée et, si elle ne la pas été, est-ce que cela a pour effet de vicier tout le processus rendant cette plainte non arbitrable?

 

[34] Le 12 août 2003, le syndicat dépose une plainte de fardeau de tâches auprès de l’employeur. Les parties ont élaboré, au sein de la convention collective, une procédure particulière au sujet de telles plaintes. Ainsi, il y est prévu qu’une plainte de fardeau de tâches doit être soumise au comité local de relations de travail avec copie conforme adressée à l’employeur. Les clauses 32.09 à 32.11 établissent la démarche à suivre et créent des délais de procédure. Plus spécifiquement, les clauses 32.10 et 32.11 énoncent le moment à partir duquel un arbitrage pourra être requis.

 

[35] Cette procédure a-t-elle un effet obligatoire à l’égard des parties ou en d’autres termes, peuvent-elles référer une plainte directement à l’arbitrage? Saisi d’une question analogue, mon collègue Jean-Pierre Lussier écrivait ce qui suit dans l’affaire de l’ Hôpital Brome Missisquoi Perkins aux pages 5 et 6 :

 

 

"De l’avis du tribunal, la procédure contenue à l’article 32 constitue un préalable obligatoire en matière de fardeau de tâches. Adopter une position contraire enlève ipso facto toute utilité à cet article et au comité de bien-être des salariés. Cet organisme dont la fonction est d’étudier toute question reliée au fardeau de tâche, est celui auprès duquel toute plainte est logée, que ce soit par le Syndicat ou le ou les salariés lésés (cf. 32.04).

 

Les clauses 32.07 et 32.08 traduisent d'ailleurs cette réalité. Les mots "Et alors" dans la dernière phrase de ces dispositions réfèrent au moment, au temps où peut s'enclencher la procédure de 11.08. Le terme "alors" est défini au Petit Larousse comme signifiant "À ce moment-là, à cette époque-là". Le Petit Robert le définit comme "En ce temps-là, en ce cas-là". Il faut donc lire la dernière phrase de chacune de ces dispositions comme signifiant qu'à ce moment-là (c'est-à-dire dans les trente jours de la date mentionnée à l'avis de réunion) la procédure prévue au paragraphe 11.08 s'applique. Et avant ce moment-là, a contrario, cette même procédure ne peut s’appliquer."

 

[36] La clause qu’avait alors à étudier l'arbitre Jean-Pierre Lussier était dans son essence très similaire à la présente clause. Toutefois, une distinction importante doit être constatée : outre un changement de nom, les tâches du comité local de relations de travail se sont enrichies considérablement. Néanmoins, il n'en demeure pas moins que parmi les tâches qui lui sont actuellement confiées, ce comité doit recevoir et traiter les plantes de fardeau de tâches. Or, la convention stipule que ce n’est que s’il ne se réunit pas malgré une demande à cette effet, ou sil ne peut parvenir à une entente que la plainte pourra être déférée à l’arbitrage. En ce sens, le raisonnement de mon collègue Lussier au sujet de la formulation de la clause et de l’emploi des mots "Et alors" demeure tut à fait d’actualité et la soussignée partage entièrement son point de vue. Donc, une plainte de fardeau de tâches doit nécessairement être traitée selon les formalités décrites à l’article 32 de la convention. Adopter une position contraire aurait pour effet de rendre inopérantes certaines clauses de la convention collective, dont notamment les clauses 32.09, 32.10 et 32.11. Nécessairement faut-il conclure que les parties n’ont pas parlé pour ne rien dire et ne peuvent avoir souhaité inclure au sein de la convention des dispositions n’ayant aucun effet.

 

[37] Ladite procédure a-t-elle été suivie en l’espèce? Tout d’abord, il y a lieu de constater qu’il n’existe aucun comité local des relations de travail au sein de l’établissement, et ce, malgré le libellé de la clause 32.01. De toute évidence, les parties ont, d’un commun accord et de façon tacite, modifié le délai de soixante jours prévus pour la création de ce comité, le tout, conformément au paragraphe 32.12 de la convention collective. En effet, ce dernier paragraphe donne aux parties la possibilité de modifier les délais et il n’est pas nécessaire que cette modification soit constatée par écrit. De fait, lorsque les parties ont voulu qu’une formalité soit faite par écrit, elles s’en sont exprimées clairement comme elles l’ont fait aux paragraphes 32.06, 32.07 ou encore 11.01. Or, elles n’ont pas cru bon le faire au sein de la présente clause.

 

[38] Toutefois et comme le soulignait l'arbitre Jean-Pierre Lussier, même s'il n'existe aucun comité local de relations de travail au sein de l'établissement, cela n'a pas pour effet d’exonérer les parties â suivre la procédure élaborée à l'article 32. En effet, la partie qui désire que le comité local de relations de travail tienne une réunion au sujet du fardeau de tâches devrait en aviser l’autre partie, désigner ses représentants au comité et déterminer la date de cette réunion. Le préavis devrait être d'au moins cinq jours francs tel que le prescrit le paragraphe 32.09: L'autre partie ne pourrait dès lors pas esquiver son obligation car si cette réunion ne peut être tenue, la partie requérante pourrait alors demander l’arbitrage dans un délai de trente jours de la date où cette réunion était prévue (clause 32.11). »

[46]         Il invoque également la décision de l’arbitre M e Francine Beaulieu dans l’affaire Syndicat des travailleurs et travailleuses de la Résidence du Saint-Maurice (CSN) et CHSLD du Centre-de-la-Mauricie où elle écrit :

« La section H de la l’article 1 de la convention collective prévoit ceci quant au recours en cas de fardeau de tâche :

 

SECTION H

RECOURS EN CAS DE FARDEAU DE TÂCHE

 

1.40     Un comité des tâches est formé dans les soixante (60) jours de la date d’entrée en vigueur de la convention.

 

1.41     Ce comité se compose d’au plus trois (3) membres désignés par l’employeur et d’au plus trois (3) membres désignés par le syndicat.

 

1.42     Ce comité a pour fonction d’étudier les plaintes des personnes salariées concernant le fardeau de leur tâche.

 

1.43     Ce comité se réunit à la demande de l’une ou l’autre des parties dans les cinq (5) jours de la réception d’une plainte écrite.

 

1.44     Le comité doit rendre une décision écrite dans les vingt (20) jours de la demande de convocation si elle origine d’une personne salariée et dans les vingt-cinq (25) jours s’il s’agit de la demande de plusieurs personnes salariées. Chaque partie dispose d’une voix pour rendre la décision.

 

1.45     Une décision unanime est exécutoire. Si à la suite de la réunion du comité, il n’y a pas décision unanime ou si, par la faute de l’employeur, le comité ne s’est pas réuni dans le délai prévu au paragraphe 1.43, le syndicat peut, dans les quinze (15) jours suivants, demander l’arbitrage par l’envoi d’un avis à l’employeur.

 

1.46     Les parties peuvent procéder devant un arbitre sur le choix duquel elles s’entendent ou, par demande adressée au greffier, devant un arbitre désigné par le greffe à même la liste des arbitres constituée à cet effet.

 

[…]

Au moment du dépôt du grief le 25 juillet 2011 (pièce S-1), la lettre précitée et les témoignages entendus nous confirment les faits suivants :

-        Le 28 février 2001, une première plainte concernant la surcharge de travail est acheminée à la direction des ressources humaines;

-        Un comité des tâches a été constitué;

-        Après une rencontre des membres de ce comité, il y a évaluation des tâches effectuée par l’employeur;

-        L’employeur offre l’ajout d’1,25 heure;

-        Cet ajout devait être à l’essai pour une période de quinze jours mais il a perduré au-delà de ce délai;

-        Le 25 juillet 2011, il y a dépôt d’une nouvelle plainte;

-        Toujours le 25 juillet 2011, il y a dépôt du présent grief.

 

À l’instar de la procureure syndicale, nous retenons de ces faits qu’il y a certainement une reconnaissance de la part de l’Employeur d’une surcharge de travail à l’Unité 4 de soir puisqu’il y a eu ajout de temps travaillé pour y remédier. Cependant, nous n’avons aucune décision unanime quant à l’ampleur de cette surcharge de travail. À notre avis, et pour que nous nous prononcions sur les moyens mis en place par l’Employeur, comme le réclame le présent grief, il faut en tout premier lieu apprécier la surcharge de travail conformément à la clause 1.51 de la convention collective. Sur quelle base, le tribunal pourra t’il apprécier ces moyens mis en place et en recommander de nouveaux, si nécessaire, s’il n’a pas la certitude d’une surcharge de travail?

Les dispositions de la convention collective prévoient qu’un tribunal d’arbitrage peut intervenir à deux occasions lors d’un recours en cas de fardeau de tâche. Précisons d’abord que, dans les deux cas, la demande d’arbitrage vient du Syndicat (clauses 1.45 et 1.50). Le tribunal peut donc intervenir une première fois, si les membres du comité des tâches n’en viennent pas à une décision unanime ou si, par la faute de l’Employeur, le comité ne s’est pas réuni dans le délai imparti (clause 1.45), sous réserve du respect des modalités prévues aux clauses 1.46 à 1.49 inclusivement. La clause 1.50 énonce que le tribunal peut aussi intervenir, après la mise en place de divers moyens pour pallier à la surcharge de travail, pour vérifier, à la demande du Syndicat, si ces moyens ont effectivement éliminé la surcharge. Dans le cas contraire, le tribunal recommande à l’Employeur les moyens à prendre.

 

Dans cette affaire, comme nous l’avons déjà souligné, l’Employeur ne reconnaît que la présence d’une surcharge corrigeable par l’ajout d’1,25 heure. Or, le différend entre les parties va au-delà de ce simple réaménagement du temps de travail. La lecture de la lettre précitée du 25 juillet 2011 nous le confirme. Les membres syndicaux du comité des tâches demandent en plus l’ajout d’une préposée aux bénéficiaires.

 

L’examen des modalités encadrant l’exercice du recours en cas de fardeau de tâche nous mène au même constat. En l’absence de décision unanime, comme c’est le cas sous étude, le Syndicat peut demander l’arbitrage en vertu de la clause 1.45. Nous sommes donc à cette étape de la procédure et c’est sur la détermination de la surcharge de travail que le tribunal d’arbitrage devra en tout premier lieu se prononcer. Dans ces circonstances, le Syndicat devait aviser l’Employeur d’une demande d’arbitrage, conformément à la clause 1.45 de la convention collective. Ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

 

Le tribunal est bien conscient que le processus à suivre pour éliminer une surcharge de travail est lourd et que plusieurs étapes doivent être franchies pour s’assurer d’abord qu’il y en a une, et, par la suite, mettre en place des moyens susceptibles de l’éliminer. Il faut cependant se rappeler que cette procédure, prévue à la section H de l’article 1 de la convention collective, est le choix des parties.

 

Que le présent litige ait été qualifié de plainte au lieu de grief, puisque présenté sur un formulaire de grief, n’aurait modifié en rien notre décision compte tenu que nous en sommes venus à la conclusion que la procédure n’avait pas été respectée quant à la demande d’arbitrage sur la surcharge de travail et quant à l’avis à transmettre à l’Employeur, conformément à la clause 1.45 de la convention collective. »

PLAIDOIRIE SYNDICALE

[47]         La procureure syndicale est d’avis que le syndicat a entièrement respecté toutes les procédures prévues à la convention collective. Elle rappelle que le 28 juin 2011, le syndicat a déposé une plainte, ce qui constituait à son avis une demande de convocation du comité, vu l’article 10.12 de la convention collective. Elle soumet respectueusement que l’employeur avait l’obligation d’assurer une réunion du comité dans les cinq jours de la réception de la plainte, soit au plus tard le 4 juillet 2011.

[48]         Elle souligne que le syndicat n’a reçu aucune communication de la part de l’employeur entre le 28 juin et le 4 juillet. Elle rappelle que l’article 10.12 exige que le comité se réunisse dans les cinq jours, ce qui ne fut point le cas.

[49]         Elle est d’avis que seule une première rencontre avant le 4 juillet 2011 aurait permis une extension des délais prévus à l’article 10.12. Elle est d’avis qu’en raison de la faute de l’employeur de convoquer le comité avant le 4 juillet, le comité ne s’est donc pas réuni dans les cinq jours prévus à l’article 10.12, en conséquence le syndicat peut demander que l’on procède immédiatement à l’arbitrage concernant les plaintes déposées le 28 juin 2011. Elle souligne respectueusement que le prolongement des délais n’est pas une initiative syndicale mais bien une réponse du syndicat à la lettre reçue de l’employeur (S-5). Elle soumet que le syndicat n’a pas acquiescé à la violation de l’article 10.12 par la réponse à cette missive mais uniquement rappelé à l’employeur de ne pas convoquer ledit comité pendant les vacances du vice-président du syndicat, soit du 16 juillet au 21 août. En conséquence, l’employeur disposait donc d’une semaine, soit du 8 au 16 juillet pour convoquer le comité. Il ne l’a pas fait et partant, le syndicat le 14 juillet, a déposé une demande d’arbitrage. Elle est d’avis que l’employeur a reçu les griefs le 15 juillet soit à l’intérieur du délai de vingt jours suivant les cinq jours prévus à l’article 10.12 de la convention collective. Elle rappelle que conformément à l’article 10.06 le dépôt d’un grief constitue une demande d’arbitrage. Elle soumet respectueusement qu’il n’y a pas eu d’accord des parties pour modifier les délais à partir des événements survenus postérieurement au dépôt des griefs. Elle soumet que le délai de cinq jours prévu à l’article 10.12 est un délai de rigueur comment en fait état la décision de M e André Ladouceur dans l’affaire Syndicat des travailleurs et travailleuses du CLSC La Source et CLSC La Source (98A-170).

DÉCISION

[50]         Le soussigné est d’avis de faire droit à l’objection soumise par la partie patronale. Le soussigné est d’avis que les griefs dont nous sommes saisis ont été déposés prématurément, non conformément aux exigences de la convention collective et, partant, le soussigné doit se déclarer incompétent pour statuer sur le fond de ces griefs pour les motifs ci-après exposés.

[51]         Le soussigné est d’avis que les parties ont clairement énoncé aux articles 10.09 à 10.21 leur volonté commune de procéder à l’analyse des plaintes concernant une prétendue surcharge de fardeau de tâches en respectant deux étapes. La première étape étant celle du comité des tâches et la seconde, le cas échéant, l’arbitrage.

[52]         Ces dispositions énoncent clairement que l’étape du comité des tâches est une étape préalable à celle de l’arbitrage. Ces deux voies de solution à une plainte d’une prétendue surcharge de travail ne sont pas des voies parallèles qui peuvent être utilisées simultanément ; elles ne peuvent être utilisée que séquentiellement. Une partie ne peut pas en même temps avoir recours au comité des tâches et à la procédure d’arbitrage. En l’espèce, la preuve établit hors de tout doute que le syndicat jusqu’à la date d’audition des présents griefs, le 20 décembre 2011, le syndicat continuait toujours d’avoir recours au comité des tâches pour faire valoir ses droits concernant les plaintes de surcharge de travail déposées le 28 juin 2011 et poursuivait en même temps la procédure d’arbitrage par la voie de griefs déposés le 14 juillet 2011 et  concernant les mêmes plaintes que celles soumises à l’attention du comité des tâches.

[53]         Ce motif à lui seul suffit à déclarer les griefs soumis à notre attention comme étant prématurément soumis à la procédure d’arbitrage. Mais il y a plus.

[54]         Avec respect pour l’opinion contraire, le soussigné est d’avis que l’article 10.21 énonce clairement que les délais prévus aux articles de la convention collective concernés ne sont pas de rigueur puisque les deux parties peuvent les modifier.

[55]         En l’espèce, les lettres expédiées par des officiers du syndicat énoncent très clairement une volonté de modifier les délais apparaissant aux articles 10.12, 10.13 et 10.14 : accepter le report d’une audition, c’est accepter une modification du délai dans lequel devait se tenir cette audition et, ce, même si l’acceptation intervient postérieurement à l’expiration de ce délai d’audition. Point à la ligne.

[56]         En conséquence, le soussigné conclut que les parties ont convenu de modifier les délais prévus aux articles 10.12 à 10.14 et, partant, l’employeur n’est aucunement fautif même si le comité ne s’est pas réuni dans les cinq jours spécifiquement prévus à l’article 10.12 puisque les parties ont d’un commun accord convenu d’étendre ce délai pendant des mois.

[57]         L’article 10.14 spécifie que le syndicat ne peut demander l’arbitrage concernant une plainte concernant le fardeau de tâches que dans deux cas. Le premier cas de figure se produit lorsque le comité des tâches se réunit,  analyse la plainte du syndiqué concernant le fardeau de sa tâche et la décision n’est pas unanime; auquel cas, le syndicat peut alors demander l’arbitrage concernant cette plainte concernant le fardeau de tâches du salarié. En l’espèce, il n’y a pas eu de décision du comité, en conséquence le syndicat ne peut se fonder sur ce premier élément de l’article 10.14 pour justifier une demande d’arbitrage. Le second cas de figure d’ouverture à l’arbitrage existe que si le comité ne s’est pas réuni dans les délais prévus au paragraphe 10.12 en raison de la faute de l’employeur. En l’espèce, le comité s’est réuni dans le délai convenu entre les parties à la suite de la demande de la partie syndicale de retarder les auditions du comité des tâches, demande d’extension de délai à laquelle l’employeur a consenti. En conséquence, le soussigné est d’avis que l’employeur n’a commis aucune faute en ce qui a trait au délai concernant les réunions du comité des tâches. Partant, le syndicat ne peut se fonder sur ce second cas d’ouverture à la procédure d’arbitrage pour déposer les griefs concernés le 14 juillet 2011.

[58]         La preuve établissant clairement qu’aucun des deux cas d’ouverture à l’arbitrage prévus à l’article 10.14 de la convention collective n’existe, le soussigné se doit de déclarer que les griefs soumis par le syndicat le 14 juillet 2011 ont été déposés prématurément.

En conséquence de ce qui précède, le soussigné fait droit à l’objection préliminaire soumise par la partie patronale et déclare tous les griefs déposés en instance et portant les numéros suivants,  JM-2011-163, JM-2011-164, JM-2011-165, JM-2011-166, JM-2011-167, JM-2011-168, JM-2011-169, JM-2011-170, JM-2011-171, JM-2011-172, JM-2011-173, JM-2011-174, JM-2011-175, comme étant prématurés. Partant, le soussigné est sans compétence pour statuer sur le fond de ces griefs.

[59]         Fait à Canton de Hatley, ce 16 janvier 2012.

 

 

 

 

 

 

 

M RENÉ TURCOTTE

Arbitre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Procureur syndical : Me Ioanna Egarhos

 

 

Procureur patronal : Me Pierre Douville

 

Date(s) d'audience   :

Date (s) de délibéré  :

20.12.11