Morier c. Personnelle (La), assurances générales inc.

2012 QCCQ 302

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

SHERBROOKE

« Chambre civile  »

 

DATE :

5 janvier 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN DÉSY, J.C.Q.

 

 

 

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N° : 450-32-015181-118

 

PIERRE-ALEXANDRE MORIER et. MANON OLIVIER , tous deux domiciliés et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […]

                                                 Partie demanderesse

c.

LA PERSONNELLE ASSURANCE GÉNÉRALE INC. , ayant un établissement au 6300, boulevard de la Rive-Sud, Lévis (Québec) G6V 6P9

et.

ALAIN MORISSETTE et. ANNE DESJARDINS , tous deux domiciliés et résidant au […], Montréal (Québec) […]

                                                 Partie défenderesse

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N° : 450-32-015182-116

 

PIERRE-ALEXANDRE MORIER et. MANON OLIVIER , tous deux domiciliés et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […]

                                                 Partie demanderesse

c.

LA PERSONNELLE ASSURANCE GÉNÉRALE INC. , ayant un établissement au 6300, boulevard de la Rive-Sud, Lévis (Québec) G6V 6P9

                                                 Partie défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            Le Tribunal a tenu une audition commune devant la Cour relativement à une affaire où deux assurés, ici les demandeurs, réclament des indemnités en s'adressant à l'assureur qui couvre leur résidence actuelle, en raison d'un recours pour dommages  dont ils ont dû faire face et découlant d'un vice caché affectant leur ex-propriété, et dont l'acheteur leur reproche de ne pas lui avoir dénoncé ledit vice avant la vente.

[2]            De fait, l'acheteur de l'ex-résidence des demandeurs, M. Yves Blanchard, par le biais de son assureur qui a dû l'indemniser, reproche à ses vendeurs d'avoir connu ce vice caché à l'immeuble, et de ne pas lui avoir dénoncé avant la vente.

[3]            Les demandeurs poursuivent du même coup leurs vendeurs de cette propriété du […] à Sherbrooke afin que ces derniers les indemnisent pour les sommes qu'ils ont dû encourir à cause de ce vice caché à l'immeuble.

[4]            Les demandeurs réclament indistinctement des défendeurs la somme de 7 000 $ pour le coût des dommages imputables au vice caché qu'ils ont dû payer par entente le 24 février 2011 à l'assureur Intact Assurance (auparavant ING Assurance), du nouveau propriétaire Yves Blanchard de cet immeuble de la rue Desnoyers.

[5]            Les demandeurs réclament également de la défenderesse, La Personnelle Assurance générale inc., ci-après « La Personnelle », la somme de 3 600,53 $ qu'ils ont dû payer à leurs avocats Heenan Blaikie afin d'assumer leur défense à l'encontre de la réclamation en dommages que leur adressait l'assureur ING Assurance, devenue Intact Assurance, agissant alors dans les droits d'Yves Blanchard, son assuré.

[6]            La défenderesse, La Personnelle, conteste le droit et les réclamations des demandeurs, et elle leur reproche d'avoir commis un dol en omettant de déclarer à l'acheteur Yves Blanchard un problème d'infiltration d'eau à la résidence dont ils étaient au courant, et dont ils n'auraient pas cherché à connaître la source.

[7]            Ainsi, La Personnelle, a nié couverture pour le coût des dommages matériels réclamés par les demandeurs, et elle a refusé de prendre fait et cause, donc leur défense, face à l'assureur de Blanchard.

[8]            Quant aux défendeurs, Alain Morissette et Anne Desjardins, ils n'ont pas comparu suite à la réception du présent recours des demandeurs qui leur a été signifié le 23 mars 2011.

[9]            Il faut toutefois rappeler, et cela apparaît de la preuve documentaire au dossier [1] , que les défendeurs Morissette et Desjardins avaient auparavant décliné responsabilité par le biais de leur procureur suite à la mise en demeure que les demandeurs leur avait fait parvenir en août 2008, soit deux ans après les infiltrations survenues en 2006.

[10]         Ils ont réitéré ce refus de donner suite le 18 août 2010 après avoir reçu une seconde mise en demeure des demandeurs au début du mois d'août 2010.

[11]         Le Tribunal doit faire apparaître le droit dicte la loi [2] , et il y a lieu de rappeler les articles 1739 , 1602 et 1595 du Code civil du Québec .

« 1739.   L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

   Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice. »

« 1602.   Le créancier peut, en cas de défaut, exécuter ou faire exécuter l'obligation aux frais du débiteur.

   Le créancier qui veut se prévaloir de ce droit doit en aviser le débiteur dans sa demande, extrajudiciaire ou judiciaire, le constituant en demeure, sauf dans les cas où ce dernier est en demeure de plein droit ou par les termes mêmes du contrat. »

« 1595.   La demande extrajudiciaire par laquelle le créancier met son débiteur en demeure doit être faite par écrit.

   Elle doit accorder au débiteur un délai d'exécution suffisant, eu égard à la nature de l'obligation et aux circonstances; autrement, le débiteur peut toujours l'exécuter dans un délai raisonnable à compter de la demande. »

[12]         Les demandeurs ont reconnu à l'audition que deux sinistres causés par des infiltrations d'eau dans la résidence de la rue Desnoyers étaient survenus en avril et août 2006. Ils n’en ont pas informé les défendeurs Morissette et Desjardins, tel que le requiert l'article 1739 C.c.Q.

[13]         Lors de sa déclaration de sinistre à la représentante de La Personnelle le 18 août 2008  [3] , le demandeur Morier parlait d'un premier sinistre causé par l'eau survenu en avril 2006, et d'un second survenu à l'été 2007. Or, dans son témoignage devant la Cour du 21 novembre 2011, le demandeur Morier explique que c'est une erreur de sa part puisque le second sinistre serait également survenu en 2006, au cours du mois d'août, ce que personne n'a pu contredire à l'audition.

[14]         Ainsi, le Tribunal constate que les demandeurs n'ont pas dénoncé dans le délai requis par la loi aux défendeurs Morissette et Desjardins les vices découverts en 2006, et ils ne les ont pas mis en demeure d'intervenir non plus. Ce ou ces vices ont de nouveau sévi le 31 juillet 2008, nous dit la preuve.

[15]         Les exigences des articles 1739 , 1602 et 1595 du Code civil du Québec n'ont pas été respectées en 2006, et le recours adressé par les demandeurs aux défendeurs Morissette et Desjardins est non fondé en droit, et il est rejeté sans frais, ces derniers n'ayant pas comparu.

[16]         Qu'en est-il maintenant de ces deux recours ici à l'étude et adressé contre La Personnelle?

[17]         Les quantums réclamés ne sont pas remis en cause par La Personnelle, nous dit la preuve, c'est le droit de réclamer des demandeurs qui est contesté.

[18]         Or, les demandeurs invoquent trois dispositions de leur contrat d'assurance maison avec La Personnelle qui couvrait leur résidence du […] à Sherbrooke entre le 27 mai 2008 et le 27 mai 2009, à savoir :

a)     Dégâts d'eau (eau du sol) (avenant 16c) :

Nous couvrons les dommages soudains et accidentels causés aux biens assurés  :

·          par la fuite, le refoulement ou le débordement d'eau des :

-           égouts, puisards, fosses septiques et systèmes d'épuration des eaux usées;

-           fosses de retenue, bassins de captation et tuyaux de drainage (drains français).

·          par la pénétration ou l'infiltration des eaux naturelles (eau à la surface du sol ou sous la surface du sol) à travers notamment les murs ou les ouvertures des caves, les fondations, le sol des caves ou les trottoirs, à moins que ce ne soit en conséquence directe et immédiate d'un sinistre couvert par la partie Assurance de vos biens.

 

 

 

b)     1.3 Garantie G - Règlement volontaire des dommages matériels

Nous couvrons, au titre de cette garantie et à concurrence du montant stipulé aux Conditions particulières, les dommages matériels occasionnés à des tiers, même en l'absence de toute responsabilité de votre part, y compris les dommages matériels causés intentionnellement par un Assuré âgé de 12 ans ou moins.

c)     1.1.4 Garanties subsidiaires

Si vous êtes poursuivi pour des dommages que nous couvrons au titre de la garantie E, nous prendrons votre défense, entièrement à nos frais. Nous nous réservons cependant le droit d'agir à notre guise en matière d'enquête, de transaction ou de règlement.

Nous nous engageons notamment à payer, en supplément du montant de garantie :

-           tous les frais engagés par nous;

-           tous les frais taxés contre vous dans le procès couvert au titre de la garantie E;

-           tous les intérêts prescrits par la loi au Québec, ou tous les intérêts après jugements prescrits par la loi dans les autres provinces, sur toute partie du jugement couverte par nous;

 

[19]         Le Tribunal siégeant en Division des petites créances doit diriger l'instance et faire apparaître le droit nous enseigne l'article 977 du Code de procédure civile du Québec .

« 977.  Le juge explique sommairement aux parties les règles de preuve qu'il est tenu de suivre et la procédure qui lui paraît appropriée. À l'invitation du juge, chacune des parties expose ses prétentions et présente ses témoins.

Le juge procède lui-même aux interrogatoires; il apporte à chacun une aide équitable et impartiale de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction. »

[20]         Or, le contrat d'assurance habitation liant les demandeurs à La Personnelle a débuté ses effets le 27 mai 2008 et ce, pour une durée d'une année, soit jusqu'au 27 mai 2009. Ce contrat visait l'immeuble résidentiel des demandeurs sis au […] à Sherbrooke.

[21]         Avant cette date, les demandeurs assuraient leur ex-résidence, celle où sont survenus les dommages, auprès de la Promutuelle, donc un autre assureur que La Personnelle.

[22]         Les demandeurs ont vendu leur résidence de la rue Desnoyers à Yves Blanchard le 23 mai 2008, si bien que La Personnelle n'a jamais assuré cet immeuble de la rue Desnoyers.

[23]         Ainsi, le Tribunal ne voit aucun fondement en droit qui permette aux demandeurs de requérir l'intervention de la part de La Personnelle concernant l'événement du 31 juillet 2008 ayant affecté l'immeuble de la rue Desnoyers, un immeuble que cette dernière n'a jamais couvert.

[24]         Si La Personnelle n'a jamais consenti une couverture d'assurance en faveur des demandeurs pour cet immeuble de la rue Desnoyers, comment justifier qu'elle doive maintenant intervenir, son contrat et engagements ont débuté avec les demandeurs le 27 mai 2008 et ce, pour l'immeuble du […] à Sherbrooke.

[25]         L'auteur en droit et ex-juge de la Cour d'appel, Jean-Louis Baudouin [4] , a écrit :

 « Le contrat d'assurance, naissant lorsque la proposition est acceptée par l'assureur (art. 2398 C.c.Q.) n'a pas d'effet rétroactif, à moins évidemment que les parties ne l'aient prévu. »

[26]         Sans restreindre ce qui précède, il n'est pas moins important de souligner que la faute reprochée aux demandeurs de divulguer à leur acheteur les infiltrations d'eau de 2006 est survenue avant que débute le contrat d'assurance du 27 mai 2008.

[27]         Dans les circonstances, les deux recours dirigés contre La Personnelle sont irrecevables, et ils sont rejetés sans frais, vu les circonstances de cette affaire.

[28]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]         REJETTE sans frais le recours des demandeurs contre les défendeurs Alain Morissette et Anne Desjardins;

[30]         REJETTE sans frais le recours des demandeurs contre La Personnelle dans les dossiers 450-32-015181-118 et 450-32-015182-116.

 

 

 

ALAIN DÉSY, J.C.Q.

 

Date d'audience :

 21 novembre 2011

NOTE : Tous les soulignements et accentuations dans ce jugement sont du Tribunal



[1]     Deux lettres de M e Ghislain Richer, pièces P-6 et P-10

[2]     C.p.c., art. 977.

[3]     Déclaration à l'assureur après sinistre, 18 août 2008, pièce D-1

[4]     Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile , 7 e éd., vol. 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, n o 2-498, p. 460