Tribunal d’arbitrage |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2012-2824 |
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Date : |
Le 4 janvier 2012 |
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Devant l’arbitre : |
M e Diane Fortier |
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Syndicat des employé(es) de la Caisse populaire Desjardins de Vimont-Auteuil |
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Ci-après « le Syndicat » |
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et
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Caisse populaire Desjardins de Vimont-Auteuil |
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Ci-après « l’Employeur » |
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Grief collectif n o : |
2009-02 |
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Convention collective entre : |
La Caisse populaire Desjardins de Vimont-Auteuil et le Syndicat des employé(es) de la Caisse populaire de Vimont-Auteuil 1 er mai 2006 au 31 décembre 2009 |
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Pour le Syndicat : |
M e Alexandre Grenier |
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Pour l’Employeur : |
M e Richard Lebrun |
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Sentence arbitrale |
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(L.R.Q., c. C-27, art. 100 et suivants) |
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[1] Une conférence préparatoire a eu lieu le 23 novembre 2010. L’audience s’est déroulée à Laval, le 28 novembre 2011.
[2] La convention collective est déposée sous la cote S-1.
[3] Le grief collectif n o 2009-02 du 16 avril 2009 est déposé sous la cote S-2 et se lit comme suit :
« Description du grief
Nous contestons la décision de l’employeur, d’appliquer un ratio de vacances de seulement une (1) personne niveau N2 et N3 à Auteuil, contrairement à ce que mentionne la convention collective. (Annexe E # 1)
Réclamation
Nous réclamons le ratio prévu qui est de deux (2) salariées à la fois. »
Dans l’annexe « E », pour les agents services aux membres N-2 et N-3 à Auteuil, il est prévu ce qui suit :
« Pour les fins des dispositions des clauses 17.03 et 17.04, l’employeur convient d’appliquer un ratio de vacances minimum de 25 % et maximum de 33 % tel que décrit ci-dessous :
1. CDS Auteuil
[…]
Agents services aux membres N-2 et N-3 (7) = 2 à la fois
[…]
Il est entendu que les ratios prévus ci-haut seront augmentés ou diminués proportionnellement selon le nombre de salariés. »
Sont joints au grief, dans la pièce S-2, la réponse de l’Employeur le 30 avril 2009 refusant d’accueillir le grief et l’avis du 8 mai 2009 de soumission à la deuxième étape de la procédure de grief.
[4] Un compte-rendu d’une rencontre du comité de relations de travail tenue le 9 avril 2009 est déposé sous la cote S-3. Au point 6, il est écrit ce qui suit :
« 6. Manon Beauregard mentionne que le ratio n’est pas respecté car il y a 4 caissiers à Auteuil (Josée Hétu, Jo’anne Lacroix, 2 agences) et 2 n-3 donc selon elle, le ratio devrait demeurer 2 à la fois. Ce qui est proposé est une personne à la fois pour un ratio de 1/5. (3 caissiers dont un poste à combler de 26 h ½ et 2 agents n-3)
La partie syndicale mentionne qu’il y a possibilité de griefs en raison du mécontentement de certains employés. »
[5] Est déposé, sous la cote S-4, un courriel du 29 avril 2009 de madame Josée Tanguay, directrice, opérations et transactions assistées, dans lequel elle refuse le choix de vacances des salariées N-2 et N-3 du Centre de service Auteuil.
[6] Les parties ont convenu de soumettre leur preuve par admissions. Elles se lisent ainsi :
« Admission
Dossier de la Caisse populaire Desjardins de Vimont-Auteuil
Grief : 2009-02
1. La procédure de grief a été respectée et l’arbitre est valablement saisi du litige;
2. Les pièces suivantes sont déposées de consentement par les parties :
- S-1 : Convention collective entre la Caisse populaire Desjardins de Vimont-Auteuil et le Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 575 (1 er mai 2006 au 31 décembre 2009);
- S-2 : Grief 2009-02;
- S-3 : Comte rendu tel que rédigé par un représentant de l’employeur d’une rencontre du Comité des relations de travail tenue le 9 avril 2009 à 14 h à Vimont;
- S-4 : Courriel daté du 29 avril 2009 et signé par Mme Josée Tanguay, refusant le choix de vacances des salariées N-2 et N-3 du Centre de service Auteuil;
3. En tout temps pertinent au litige, les salariées Beauchamp (N-3), Hétu (N-2), Lacroix (N-2) et Deschamps (N-3) étaient des salariées régulières au sens de la convention collective et travaillaient entre 29 et 35 heures par semaine;
4. Mme Josée Tanguay, employée cadre, avait la responsabilité de confectionner les horaires des salariées, incluant les horaires de vacances. À ce titre, c’est elle qui recevait les choix de vacances exprimés par les salariées et qui devait faire appliquer les clauses de la convention collective en lien avec ces choix;
5. Le ou vers le 29 avril 2009, Mme Tanguay a refusé les choix de vacances tels qu’exprimés dans les jours précédents par les salariées Diane Beauchamp, Josée Hétu, Joanne Lacroix-Castonguay et Maryline Deschamps, lesquels se détaillaient comme suit :
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6-07 |
13-07 |
20-07 |
27-07 |
3-08 |
10-08 |
17-08 |
24-08 |
Beauchamp (N-3) |
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5 j |
5 j |
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Hétu (N-2) |
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5 j |
5 j |
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Lacroix (N-2) |
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5 j |
5 j |
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Deschamps (N-3) |
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5j |
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Poste vacant |
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6. Suite à ce refus, les salariées ont dû reprendre leur choix de vacances et celui-ci s’est détaillé comme suit :
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6-07 |
13-07 |
20-07 |
27-07 |
3-08 |
10-08 |
17-08 |
24-08 |
Beauchamp (N-3) |
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5 j |
5 j |
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Hétu (N-2) |
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5 j |
5 j |
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Lacroix (N-2) |
5 j |
5 j |
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Deschamps (N-3) |
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5j |
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Poste vacant |
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7. Pour les fins du calcul du ratio de vacances, en cause dans la présente affaire, l’employeur a appliqué un ratio de 1/5;
8. En tout temps pertinent au litige, il y avait trois (3) salariées temporaires ou plus qui travaillaient plus de vingt-cinq (25) heures par semaine dans les fonctions d’agent service aux membres N-2 et N-3 du Centre de service Auteuil visées par le ratio de vacances en cause dans le présent litige;
En foi de quoi, les parties ont signé à Laval ce 28 nov. 2011. »
[7] La programmation des vacances est prévue à l’article 17.03 de la convention collective :
« 1. L’employeur détermine la date de prise de vacances des salariés en accordant une priorité de choix à ceux détenant le plus d’ancienneté, en respectant les ratios de libération prévus à l’annexe « E » et en tenant compte de la nécessité d’assurer la continuité des opérations sur les lieux de travail.
2. Tout salarié a droit à l’octroi de deux (2) semaines de vacances consécutives au cours de la période du 1 er juillet au 31 août. »
Le procureur syndical précise que le litige n’est pas relié à l’ancienneté ni à la continuité des opérations. Selon le Syndicat, les ratios de libération prévus à l’annexe « E » n’ont pas été respectés.
[8] Il s’en réfère au point 6 du compte-rendu déposé sous la cote S-3. Madame Manon Beauregard est une des représentantes du Syndicat au comité des relations de travail. Les termes « 2 agences » signifient deux salariés temporaires et les « 2 n-3 » sont les salariées Beauchamp et Deschamps.
[9] L’Employeur, pour justifier son ratio 1/5, c’est-à-dire qu’un seul salarié sur cinq peut partir en vacances, prétend qu’il y a trois caissières (N-2) et deux agentes de services aux membres (N-3).
[10] Madame Tanguay a refusé le premier choix de vacances, comme le mentionne le courriel S-4 parce que, dans les semaines du 27 juillet et du 3 août, les salariées Hétu et Lacroix s’étaient inscrites en vacances. Le procureur syndical indique, comme cela est admis au point 3, que les salariées Beauchamp, Hétu, Lacroix et Deschamps sont des salariées régulières.
[11] Même si elles n’étaient pas d’accord avec l’application que faisait l’Employeur de l’article 17.03, elles se sont soumises à cette décision. Ainsi, madame Hétu n’a pas bénéficié de son choix pour sa deuxième semaine de vacances et madame Lacroix a dû déplacer ses deux semaines de vacances.
[12] Comme l’indique le point 8, il y avait un minimum de trois salariées temporaires qui travaillaient plus de 25 heures par semaine.
[13] Un ratio de 1/5 donne 20 %, et 2/5 donne 40 %. L’annexe « E » énonce un minimum de 25 % et un maximum de 33 %.
[14] Selon le procureur syndical, le choix qu’avaient effectué les salariées la première fois était légal et conforme à la convention collective. Les dispositions d’une convention collective sont interdépendantes et doivent être interprétées les unes par rapport aux autres. Il ne faut pas les mettre en opposition.
[15] S’il y a sept salariés, le ratio lorsque deux partent en vacances est de 2/7, donc de 28 %. Il faut favoriser l’interprétation qui respecte le choix des vacances plutôt que celle qui le brime.
[16] Lorsque l’Employeur détermine le ratio, il doit tenir compte de la force de travail, soit celle des salariés réguliers et celle des salariés temporaires.
[17] Lorsque l’Employeur calcule cinq postes pour établir un ratio de 1/5, il inclut au moins un salarié temporaire pour remplacer sur le poste vacant. Or, il y a trois salariés d’agence qui, selon l’article 2.05 de la convention collective, sont des salariés temporaires :
« 2.05 Salarié temporaire
Désigne une personne embauchée pour (incluant un salarié d’agence) :
a) Remplacer un salarié absent en congé autorisé ou combler un poste temporairement dépourvu de son titulaire. »
[18] L’Employeur doit considérer les trois salariés de l’agence dans le calcul du ratio. Le procureur syndical souligne qu’il y a six définitions de salarié à l’article 2. Si les parties avaient voulu limiter le calcul du ratio à une seule catégorie de salariés, elles l’auraient prévu. Il faut donc calculer tous les salariés pour établir le ratio. Or, à l’annexe « E », il n’y a pas de distinction de catégories de salariés.
[19] À l’annexe « C » relatif aux salariés temporaires, il est stipulé que :
« […] le salarié temporaire ne jouit des avantages de la convention collective que relativement aux clauses suivantes : […] Quantum de vacances prévu à l’article 17. »
Les temporaires accumulent des vacances, mais n’ont pas d’ancienneté. Le choix des périodes de vacances revient prioritairement aux salariés réguliers. Ce n’est pas inhabituel que des parties à une convention collective prévoient des droits différents selon que la personne est un salarié régulier ou un salarié temporaire.
[20] Si on devait retenir la position de l’Employeur qui ne tient pas compte des salariés temporaires dans la détermination du ratio, cela pourrait signifier que les salariés temporaires pourraient partir en vacances pendant des périodes où les salariés réguliers voudraient le faire.
[21] À l’annexe « E », il est mentionné que le ratio peut être augmenté ou diminué proportionnellement au nombre de salariés. Il y a en tout temps sept salariés. En conséquence, il n’y a pas lieu de diminuer le ratio. De toute manière, l’Employeur le baisse en bas de 25 %. Puisqu’il y a toujours sept salariés en place, le ratio devrait être de 2/7, soit 28 %.
[22] Le procureur syndical conclut en demandant que l’arbitre accueille le grief et accorde à la salariée Hétu le bénéfice d’une semaine de vacances supplémentaire et à la salariée Lacroix, deux semaines. Il demande que l’arbitre ordonne à l’Employeur d’établir le ratio pour les départs en vacances en calculant les salariés temporaires.
[23] Selon le procureur patronal, l’annexe « E » ne concerne que les salariés réguliers et, en aucune façon, on doit tenir compte des salariés temporaires.
[24] Le salarié temporaire n’accumule aucune ancienneté et n’est pas un salarié régulier, quel que soit le nombre d’heures qu’il effectue. Il cite l’article 10.01 et 10.02 c) de la convention collective :
« 10.01 Définition
Le terme ancienneté signifie la durée du service continu d’un salarié depuis la date de son dernier embauchage à titre de salarié en probation au service de la caisse.
[…]
10.02 Période probatoire
[…]
c) À la fin de la période probatoire, le salarié devient régulier et son ancienneté prend effet à la date de son embauche. »
[25] À l’article 17.01, les parties ne se sont référées qu’à l’ancienneté :
« 1. […] a moins d’un (1) an d’ancienneté, […]
2. […] un (1) an d’ancienneté, […]
3. […] cinq (5) ans d’ancienneté, […]
4. […] seize (16) ans d’ancienneté, […]
5. […] dix-sept (17) ans d’ancienneté, […]
6. […] dix-huit (18) ans d’ancienneté, […]
7. […] dix-neuf (19) ans d’ancienneté, […] »
Il en est de même pour l’article 17.03 1. :
« L’employeur détermine la date de prise de vacances des salariés en accordant une priorité de choix à ceux détenant le plus d’ancienneté, en respectant les ratios de libération prévus à l’annexe « E » et en tenant compte de la nécessité d’assurer la continuité des opérations sur les lieux de travail. »
[26] Les salariés temporaires ne jouissent pas des avantages de la convention collective sauf ceux prévus à l’annexe « C ». Pour les vacances, ils n’ont droit qu’au quantum. C’est le montant pour vacances qui leur sera payé.
[27] Un ratio, ce n’est pas un nombre, c’est un pourcentage établi par rapport à un nombre d’employés. Les ratios sont établis au premier alinéa de l’annexe « E » :
« Pour les fins des dispositions des clauses 17.03 et 17.04, l’employeur convient d’appliquer un ratio de vacances minimum de 25 % et maximum de 33 % […] »
[28] Dans l’annexe « E », les parties ont déterminé le nombre de salariés réguliers et le ratio a été établi. Il y avait sept salariées, donc deux pouvaient partir en vacances. Le nombre 2 n’est pas le ratio, c’est le résultat mathématique du ratio.
[29] Ce sont des salariés qui sont calculés et non un nombre de postes. Madame Tanguay s’est trompée dans son calcul; toutefois, ce n’est pas parce qu’elle a fait une erreur que cela entraîne une modification à la convention collective. Sur S-3, madame Tanguay, à la réunion du comité des relations de travail, a répondu qu’il fallait calculer 1 sur 5. Ce n’est pas exact. Il y avait quatre salariées régulières et non cinq. Une sur quatre conduit à un pourcentage de 25 %. Dans S-4, madame Tanguay est demeurée cohérente en persistant dans son erreur.
[30] Dès la rédaction de son grief, le Syndicat a toujours considéré que deux salariées pouvaient partir en même temps en vacances, car cela était conforme à l’annexe « E ». Le procureur patronal invite l’arbitre à relire le grief :
« Nous contestons la décision de l’employeur, d’appliquer un ratio de vacances de seulement une (1) personne […]
[…]
Nous réclamons le ratio prévu qui est de deux (2) salariées à la fois. »
Le ratio, ce n’est ni 1 ni 2, c’est un minimum de 25 % et un maximum de 33 %, comme l’indique clairement l’annexe « E ». Si le ratio était un nombre, comme le soutient le Syndicat, on ne parlerait pas de ratio, de pourcentage. Si, par exemple, l’Employeur embauchait 10 salariés de plus et maintenait le nombre 2 du Syndicat, ce dernier s’en plaindrait avec raison.
[31] Le procureur patronal rappelle la suite du texte de l’annexe « E » :
« L’augmentations ou la diminution du nombre de salariés par secteur d’activités ou centre de services, de même que la création d’un nouveau secteur d’activités ou encore le regroupement de certain secteurs d’activités, ne doit pas avoir pour effet de réduite le ratio minimum de 25 % prévu.
Dans l’application du ratio minimum de 25 % ci-dessus prévu, l’arrondissement à la hausse ne doit pas avoir pour effet que plus du tiers (1/3) des salariés d’un secteur ou d’un centre de services puissent prendre leurs vacances simultanément, à l’exception d’un secteur où il y aurait moins de trois (3) employés. Dans un tel cas, un employé peut prendre ses vacances à la fois dans ce secteur. Les parties peuvent changer ces ratios après entente entre les parties. »
Ainsi, l’Employeur garantit un ratio de 25 %, mais il est prévu que jamais plus du tiers des salariés pourraient partir en vacances en même temps.
[32] L’établissement d’un ratio a pour but de maintenir une continuité de services et ce maintien est assuré par les salariés réguliers. Les salariés temporaires peuvent quitter l’emploi n’importe quand, comme l’Employeur peut mettre fin à leur contrat en tout temps.
[33] Selon le procureur patronal, l’Employeur a structuré la programmation des vacances en respectant l’esprit et la lettre de la convention collective.
[34] Le procureur syndical ne se limite pas à un chiffre pour fixer le ratio. Le Syndicat conteste le 1 sur 5 donnant ainsi 20 %. Sa position est de 2 sur 7, conduisant alors à 28 %. Si l’Employeur embauchait 10 salariés de plus, on réclamerait que le nombre 2 soit augmenté pour atteindre un maximum de 33 %.
[35] Le procureur patronal est venu contredire les admissions et les faits, plaide le procureur syndical, lorsque, sans preuve, il a déclaré que madame Tanguay avait été fautive. Elle a appliqué le 1 sur 5, et cela donne 20 %. Elle a pris cette position au comité des relations de travail (S-3.6) et dans le courriel S-4, et, d’aucune façon, il n’est fait mention dans le document « Admission » que madame Tanguay s’était trompée en décidant que le ratio était de 1 sur 5.
[36] Il n’y a pas de preuve selon laquelle seuls les salariés réguliers peuvent assurer la continuité des services. À quoi servent les salariés temporaires si ce n’est précisément d’assurer cette continuité, demande le procureur syndical.
[37] Reprenant l’exemple du procureur patronal où l’Employeur embaucherait 10 personnes de plus, portant le nombre de salariés réguliers dans le service à 17, le procureur syndical mentionne que le ratio serait alors de 5/17. Si 13 de ces salariés étaient absents pour toutes sortes de motifs (maladie, retrait préventif, grossesse, etc.) et que l’Employeur les remplaçait par des salariés temporaires, un seul salarié régulier pourrait partir en vacances parce qu’il ne resterait que 4 salariés réguliers. Pourtant, la force de travail dans cet exemple est de 12 salariés sur 17, selon la position syndicale qui respecte le ratio de 5/17. Dans la position patronale, elle serait de 16 sur 17 puisqu’un seul salarié pourrait partir en vacances selon la position du Syndicat; 1 sur 17 c’est un pourcentage de 5,9 %.
[38] Madame Tanguay a eu raison de compter le poste vacant qui, fort vraisemblablement, a été temporairement pourvu par une salariée temporaire. Mais elle a été fautive en n’incluant pas les deux autres salariées temporaires qui, selon la preuve, travaillaient plus de 25 heures par semaine. Dans ce service, au moment des vacances, travaillaient quatre salariées régulières et trois employées temporaires. Selon la convention, deux salariées pouvaient quitter en même temps pour leurs vacances. Toutefois, seules les régulières peuvent bénéficier des dispositions de 17.03 dans la programmation des vacances.
[39] Il n’est pas en preuve que les trois salariées temporaires remplaçaient des salariées régulières. Il n’est pas admis, au point 8, que les trois salariées temporaires ont toujours été les mêmes pendant la période de vacances. Il n’y a pas de preuve à savoir que les salariées temporaires soient aussi compétentes et capables d’exécuter tout le travail des salariées régulières. Elles ne connaissent pas autant la clientèle et les procédures que les régulières.
[40] Madame Tanguay a compté le poste vacant de bonne foi. Comme la programmation des vacances se fait en avril, il est possible qu’elle ait prévu que le poste vacant serait pourvu au mois de juillet suivant.
[41] Dans le présent dossier, je suis placée devant une convention collective incomplète et une preuve par admissions qui, avec respect, m’apparaît aussi incomplète. En d’autres termes, le silence de la convention collective et de la preuve par admissions à certains égards m’oblige à rechercher l’intention des parties en m’appuyant souvent sur des présomptions pour déterminer l’interprétation la plus probable.
[42] La partie syndicale plaide que son interprétation est la plus raisonnable parce que si on retient celle de l’Employeur, qui calcule le nombre de salariés réguliers pouvant partir en même temps sur le nombre de salariés réguliers, le résultat est de 1 sur 5, soit un ratio de 20 %. Donc 5 % sous le minimum prévu à l’annexe « E ». Si deux salariés quittent en même temps pour leurs vacances, le ratio est de 40 %, donc 7 % de plus que le maximum. En conséquence, selon le Syndicat, la position patronale mène à un non-sens puisque, finalement, aucun salarié ne pourrait partir en vacances : 1 donne 20 %, 2 donne 40 %. La position syndicale serait la plus raisonnable, car si on ajoute le nombre de salariées temporaires, le résultat est de 2 sur 7, soit un ratio de 28 %, donc entre le minimum (25 %) et le maximum (33 %). À première vue, cette position syndicale semble être la plus appropriée. Toutefois, elle soulève une question et sème le doute : qu’arrive-t-il s’il n’y a que cinq salariés dans le service (trois réguliers et deux temporaires ou quatre réguliers et un temporaire)? Le ratio sera de 20 % si un salarié part en vacances et de 40 % s’ils sont deux à le faire, selon la position syndicale. Par contre, si je retiens l’interprétation patronale, le ratio sera de 33 % si un des trois salariés réguliers quitte pour ses vacances ou de 25 % si un des quatre réguliers prend ses vacances. Il y a donc, à mon sens, un silence dans la convention collective qui rend difficile la détermination de l’interprétation la plus plausible lorsqu’il y a cinq salariés.
[43] Il aurait été plus confortable pour moi d’entendre madame Tanguay pour connaître sa version sur la prise en compte du poste vacant dans le calcul du ratio. Estimait-elle qu’elle devait compter le poste régulier vacant parce qu’elle prévoyait que le nombre de salariées temporaires suffirait pour accomplir les tâches de ce poste vacant? La partie syndicale présume que telle était l’intention de madame Tanguay. La partie patronale présume plutôt que, puisque madame Tanguay préparait la programmation des vacances en avril, elle prévoyait que le poste régulier serait pourvu en juillet. Les deux positions se fondent sur des hypothèses, sur des présomptions.
[44] D’autre part, aucune preuve sur le travail des salariées temporaires, particulièrement pendant la période du 6 juillet au 17 août n’a été présentée. Alors, certaines questions se posent :
· Est-ce que une ou plusieurs salariées temporaires ont été embauchées avant ou pendant la période du 6 juillet au 17 août pour parer à un surcroît de travail ou pour effectuer un travail exceptionnel, et ces travaux étaient-ils toujours présents pendant ladite période?
· Est-ce que une ou plusieurs salariées temporaires ont été embauchées avant ou pendant la période du 6 juillet au 17 août pour remplacer des salariées absentes pour divers motifs, y compris les absences pour vacances ou pour pourvoir un poste vacant?
· Est-ce que ces salariées temporaires étaient en mesure d’effectuer toutes les tâches des salariées régulières et de manière tout aussi efficace de telle sorte que la continuité des services était assurée?
· Est-ce que ces trois salariées temporaires ont toujours été les mêmes pendant la période estivale?
[45] Enfin, je n’ai reçu aucune preuve de la pratique passée qui aurait pu m’éclairer, le cas échéant, sur l’interprétation de l’annexe « E ».
[46] La question qui m’est posée par le grief semble simple. L’utilisation du terme « salarié » vise-t-elle les salariés réguliers et temporaires, comme le prétend la partie syndicale ou uniquement les salariés réguliers selon la position patronale?
[47] Il faut constater d’entrée de jeu que l’annexe « E » utilise le terme « salariés » et non pas « salariés réguliers ». L’article 2.07 définit le « salarié régulier » et l’article 2.05, le « salarié temporaire ». La définition du terme « salarié » est celle du Code du travail , comme le mentionne l’article 1.02 de la convention collective :
« 1.02 Cette convention s’applique à tous les salariés au sens du Code du travail […] » (mon soulignement)
Les salariés temporaires sont des salariés au sens du Code du travail . Toutefois, ils ne bénéficient que des dispositions mentionnées à l’annexe « C ». Il est vrai, comme le soutient le procureur patronal, que le ratio ne concerne pas les salariés temporaires pour la prise des vacances. Toutefois, je ne crois pas que ces derniers sont exclus du calcul du ratio pour les seuls motifs qu’ils ne bénéficient que du « quantum de vacances » et qu’ils ne sont pas des salariés réguliers.
[48] Il faut constater que l’annexe « E » ne limite pas aux seuls salariés réguliers le calcul du ratio ni n’exclut nommément les salariés temporaires de ce calcul. Donc, à première vue, il semble qu’il faille compter et les salariés réguliers et les salariés temporaires dans la détermination du ratio et, sur cette base, je devrais donner raison au Syndicat.
[49] Je dois indiquer cependant que je ne suis pas à l’aise avec cette position, car elle peut conduire à des non-sens. En effet, il peut se produire qu’un service composé de cinq salariés réguliers embauche quatre ou cinq salariés temporaires pour un surcroît de travail qui perdure pendant une période estivale ou pour un travail exceptionnel qui ne s’effectue que pendant l’été. Compter ces quatre ou cinq salariés, à mon avis, irait à l’encontre du but visé par l’article 17.03 et l’annexe « E ».
[50] Il faut lire l’article 17.03 en conjonction avec l’annexe « E », comme l’ont écrit les parties d’ailleurs :
17.03 1.
« […] en respectant les ratios de libération prévus à l’annexe « E » […] »
Annexe « E »
« Pour les fins des dispositions des clauses 17.03 […] »
Ces deux dispositions veulent assurer une présence minimale des salariés pour les besoins du service. Or, les parties ont déterminé que les besoins du service requièrent qu’au plus 75 % et au moins 66 % des salariés demeurent au travail. Mais qui sont ces salariés? À mon sens, il s’agit du personnel régulier, c’est-à-dire les salariés qui détiennent un poste ou qui remplacent sur un poste régulier. Un salarié temporaire qui vient effectuer un travail exceptionnel ou parer à un surcroît de travail ne participe pas à l’exécution régulière de la charge de travail du service.
[51] Il faut lire l’annexe « E » et l’article 17.03 aussi en relation avec l’article 2.05 :
« 2.05 Salarié temporaire
Désigne une personne embauchée pour (incluant un salarié d’agence) :
a) Remplacer un salarié absent en congé autorisé ou combler un poste temporairement dépourvu de son titulaire.
b) Tout salarié embauché pour parer à un surcroît temporaire de travail ou pour effectuer un travail exceptionnel. […]
c) […]
d) L’employeur accepte le principe de ne pas utiliser des salariés temporaires qui pourrait causer des mises à pied parmi le personnel régulier, d’entraîner des rétrogradations, d’empêcher le rappel au travail ou d’empêcher la création d’un poste régulier. »
[52] L’article 17.03, l’annexe « E » et l’article 2.05 m’amènent aux considérations suivantes sur l’intention des parties lorsqu’elles ont déterminé des ratios. Pour ce faire, je présume que les trois salariées temporaires ont été embauchées, soit pour remplacer des salariées absentes ou pour occuper le poste vacant, soit pour parer à un surcroît de travail ou pour effectuer un travail exceptionnel. Je présume donc aussi que leur embauche était conforme à l’article 2.05 d) :
· Les parties ont voulu déterminer combien de salariés réguliers pouvaient partir en même temps en tenant compte que, pendant l’été, le service régulier diminue et qu’on peut permettre ainsi à au moins 25 % et au plus 33 % du personnel assumant le service régulier de partir en vacances.
· Les salariés temporaires ne sont pas utilisés pour diminuer les postes des salariés réguliers ni pour en empêcher la création. Ils ne doivent pas avoir d’influence sur le nombre de postes. D’ailleurs, 2.05 d) prévoit qu’ils sont embauchés pour des surcroîts de travail ou des travaux exceptionnels qui ne font pas partie de la charge régulière de travail.
· Le salarié temporaire qui remplace un régulier absent participe à la charge régulière du service, car il travaille sur un poste régulier.
· En somme, c’est le nombre de postes réguliers existants dans le service qui sert au calcul du ratio, car ce sont les salariés réguliers détenteurs de ces postes ou les salariés temporaires détenteurs temporairement d’un poste qui voient aux opérations normales.
[53] À mon sens, madame Tanguay a eu raison d’inclure dans son calcul le poste régulier vacant, car, pour offrir le service, il faut cinq salariés réguliers.
[54] Pour illustrer ma position, je prends l’exemple suivant :
· Pour offrir le service au comptoir, le besoin est assumé par six salariés occupant des postes réguliers.
· Pendant toute l’année, un salarié régulier a dû s’absenter pour maladie. Un salarié temporaire l’a remplacé et le retour au travail du salarié régulier est prévu pour le 1 er septembre.
· Depuis mars, un poste est vacant et un salarié temporaire a été embauché pour occuper le poste jusqu’à la nomination d’un détenteur régulier.
· Un salarié temporaire a été embauché pour un travail exceptionnel qui durera de mai à septembre.
· En conséquence, pas plus de deux salariés réguliers pourront partir en même temps parce qu’ils constituent 33 % de l’effectif requis pour assurer les besoins du service (2/6).
[55] Certes, dans le dossier qui nous occupe, le raisonnement de madame Tanguay conduit à un ratio de 20 %. Elle ne pouvait pas ajouter un autre salarié, car le ratio montait alors à 40 % (2/5). Avec déférence, je partage sa position. J’estime que ce n’est pas son interprétation de l’annexe « E » qui ne fonctionne pas dans la présente affaire, c’est plutôt la mécanique mathématique utilisée par les parties dans le cas où un ratio doit être calculé sur la base de cinq salariés. Le résultat ne peut donner que 20 % ou 40 %.
[56] Comme je l’ai mentionné précédemment, même si je retenais la thèse syndicale voulant que dans le calcul du ratio on compte aussi tous les salariés temporaires, on en arriverait à la même impasse si le service était composé, par exemple, de trois salariés réguliers et de deux salariés temporaires ou de quatre réguliers et un temporaire.
[57] Avec respect pour l’opinion contraire, j’estime qu’on doive retenir aux fins du calcul du ratio le nombre de postes réguliers qui, selon le cas, pourraient être occupés par des salariés réguliers ou temporaires. Dans le cas qui nous occupe, ce nombre est de 5 et non de 7. Ajouter un deuxième salarié, comme le demande la partie syndicale conduirait à un ratio de 40 %. Le Syndicat avait le fardeau de prouver que sa réclamation était conforme aux dispositions de la convention collective. À mon sens, il ne l’a pas assumé.
[58] Par ces motifs, je rejette le grief collectif n o 2009-02.
Longueuil, |
le 4 janvier 2012 |
M e Diane Fortier, arbitre de grief |
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Diane Fortier