COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AM-1005-1365

Cas :

CM-2011-4270

 

Référence :

2012 QCCRT 0031

 

Montréal, le

25 janvier 2012

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DEVANT LES COMMISSAIRES :

Pierre Flageole, juge administratif

 

Hélène Bédard, juge administratif

 

Sophie Mireault, juge administratif

 

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Arsène Ehouman Kouao

 

Requérant

c.

 

Syndicat des travailleurs(euses) de Distribution Multi-Marques Laval - CSN

 

Intimé

et

 

Multi-Marques Distribution inc.

 

Mise en cause

 

 

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DÉCISION

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[1]            Le 6 août 2011, en vertu des paragraphes 1° et   3° du premier alinéa de l’article  127 du Code du travail , L.R.Q., c. C-27 (le Code ), Arsène Ehouman Kouao (le requérant ) demande à la Commission de réviser la décision qu’elle a rendue le 7 juillet 2011 ( 2011 QCCRT 0324 ). Par cette décision, la Commission rejette sa plainte en vertu de l’article 47.3 du Code à l’encontre du Syndicat des travailleurs(euses) de Distribution Multi-Marques Laval - CSN (le Syndicat ) et conclut que ce dernier n’a pas manqué à son devoir de juste représentation.

LE CONTEXTE

[2]            Les faits sont bien rapportés dans la décision contestée. Ils se résument comme suit.

[3]            Le requérant travaille comme expéditeur chez Multi-Marques Distribution inc. (l’ Employeur ) depuis 2002.

[4]            Le 23 juillet 2009, il demande à l’Employeur la permission de pouvoir travailler quatre jours/semaine et de quitter plus tôt à la fin de la journée pendant une période maximale de huit semaines. Sa conjointe s’est trouvé un emploi à Ottawa et il y est déménagé avec sa famille.

[5]            Au mois de novembre de la même année, le requérant accepte d’être mis à pied jusqu’au 12 avril 2010, même si son rang d’ancienneté lui aurait probablement évité de l’être.

[6]            Le 29 avril 2010, il sollicite un congé sans solde de trois mois en vertu de l’article 18.01 de la convention collective, dans le cadre d’une possibilité d’embauche pour une agence fédérale. L’article 18.01 se lit :

Article 18- Congé sans solde

18.01   L’Employeur peut accorder à un salarié permanent, pour un motif sérieux, un permis d’absence sans traitement pour une période maximale de six (6) mois. S’il y a refus,  l’Employeur fournit la raison par écrit au salarié dans un délai d’une semaine avec copie de la réponse au Syndicat.

Toutefois dans le but d’une nouvelle perspective de carrière ailleurs que chez un compétiteur, l’Employeur accorde, à l’extérieure de la période d’été, à un maximum de 3 salariés à la fois (2 à l’expédition et 1 au garage) un congé sans solde d’une durée minimale de 3 mois à tout salarié qui a 6 ans et plus d’ancienneté. Cependant, un même salarié ne peut bénéficier qu’une seule fois de ce congé durant la durée de la présente convention collective.

(Reproduit tel quel.)

[7]            L’Employeur refuse sa demande parce qu’elle empiète sur la période estivale. L’Employeur et le Syndicat suggèrent au plaignant de faire une demande de congé de 20 jours, soit jusqu’au 30 mai.

[8]            Le requérant modifie sa demande et l’Employeur accepte qu’il prenne ses congés annuels payés au début du mois de juin. Ils seraient juxtaposés à son congé sans solde. Le 30 mai, le requérant requiert une prolongation. Il veut obtenir sept semaines de plus afin de remplir les obligations de son nouvel emploi.

[9]            L’Employeur refuse cette nouvelle demande et lui indique qu’il s’attend à ce qu’il soit présent au travail dès le 13 juin. Le 8 juin, le requérant demande par écrit à l’Employeur de changer sa décision. Il soutient avoir droit à un congé d’une durée minimale de trois mois. Le 11 juin, l’Employeur refuse sa demande. Le requérant prétend avoir reçu cette réponse le 19 juin seulement, chez lui à Ottawa.

[10]         Il n’avise pas l’Employeur et s’absente du 13 au 16 juin. Selon son horaire, il devait travailler les 14, 15 et 16 juin.

[11]         Le 18 juin, s’appuyant sur l’article 10.05 c) de la convention collective, l’Employeur met fin à l’emploi du requérant :

Article 10- Ancienneté

10.05   Perte d’ancienneté

Un salarié perd son ancienneté et son emploi pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

c) S’il est absent de son travail sans en aviser l’Employeur pour une période de trois (3) jours programmés consécutifs…

(Reproduit tel quel.)

[12]         Le 24 juin, le Syndicat, à la demande du requérant, dépose un grief et mandate Dominique Montpetit, conseillère syndicale, pour en faire l’étude. Elle discute avec le président du Syndicat et communique avec le requérant pour obtenir sa version. Selon elle, le requérant exige une somme de 14 000 $ pour régler le litige. Ce dernier nie cette affirmation et soutient n’avoir jamais mentionné un tel montant .

[13]         Le 3 décembre 2010, le requérant écrit au Syndicat afin d’obtenir des éclaircissements relativement à son grief. Il ne comprend pas pourquoi le grief n’a pas été soumis à la deuxième étape de la procédure prévue à la convention collective.

[14]         Pour le président du Syndicat, les étapes prévues à la convention collective ont été suivies. L’Employeur soutient que, malgré le texte de la convention collective, il n’y a pas de « pattern automatique  » quant aux étapes prévues à la procédure de griefs. Il confirme avoir discuté d’un règlement pour une somme de 14 000 $, ce qu’il a refusé. Selon lui, le Syndicat a voulu obtenir la réintégration, ce qu’il a refusé parce que d’autres employés ont été congédiés dans des circonstances similaires.

[15]         Après analyse du dossier, Dominique Montpetit recommande de ne pas aller de l’avant avec le grief. Le 13 décembre 2010, elle écrit au requérant qu’après enquête, rencontre des témoins, étude de sa version, échec des négociations d’une entente et selon l’état du droit en vigueur, le comité exécutif du Syndicat retire le grief et met fin au dossier.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[16]         La demande de révision de la décision du 7 juillet 2011 est faite en vertu des paragraphes 1° et 3° du premier alinéa de l’article 127 du Code, lequel se lit :

127.  La Commission peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 1° lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

(…)

 3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à l'invalider.

[17]         Le requérant prétend qu’il y a des faits nouveaux qui n’ont pu être découverts et portés à l’attention de la Commission avant que la décision ne soit rendue.

[18]         Dans la décision Municipalité de St-Félix-de-Dalquier c. Lefebvre, 2004 QCCRT 0508 , la Commission écrit :

Un fait nouveau est un fait qui existe au moment de l’audience, ne peut alors être connu d’une partie et est découvert après que la Commission a rendu sa décision. Il faut que la partie qui invoque ce fait nouveau n’ait pas été négligente et ait pris les moyens pour l’établir en temps utile.

[19]         Il soutient aussi que la Commission a commis plusieurs erreurs déterminantes qui constituent des vices de fond de nature à invalider la décision du 7 juillet 2011.

[20]         Dans l’affaire Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4479 et Syndicat des travailleuses et travailleurs des Centres jeunesse de Montréal (CSN), 2003 QCCRT 0142 , la Commission écrit, au sujet des critères autorisant la révision d’une de ses décisions :

[24]      Donc, lorsqu’on demande à la Commission de réviser l’une de ses propres décisions en vertu du paragraphe 3 du 1er alinéa de l’article 127, on ne peut lui demander de substituer son interprétation à celle déjà faite, on doit plutôt lui démontrer la présence d’un vice fondamental et sérieux qui doit nécessairement entraîner la nullité de la décision.

[25]      La doctrine et la jurisprudence enseignent que peuvent entre autres constituer un vice de fond ou de procédure une erreur grossière, un accroc sérieux et grave à la procédure, une décision ultra vires, c’est-à-dire rendue sans que la Commission ait eu la compétence pour le faire, une décision rendue en l’absence de preuve ou en ignorant une preuve évidente. Il faut aussi que soit démontrée la nécessité d’une correction à cause de ce vice sérieux.

[21]         La Commission examinera chacun des arguments soulevés par le requérant et en disposera au fur et à mesure en tenant compte des enseignements de la jurisprudence mentionnée ci-dessus.

LE FAIT NOUVEAU

[22]         Le requérant soumet qu’un élément n’a pas été considéré lors de la première décision. Il invoque l’article 82 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1 (la LNT ), qui prévoit que l’employeur doit donner un avis écrit à un salarié avant de mettre fin à son contrat de travail, ce qu’il n’a pas fait. Ainsi, ce manquement de la part de l’Employeur donnait un argument de plus pour soumettre le grief à l’arbitrage.

[23]         Ce nouvel élément invoqué par le requérant ne constitue pas un fait nouveau. Il s’agit plutôt d’un nouvel argument qui s’appuie sur un fait connu et qui aurait pu être invoqué lors de la première audience. En révision, le requérant ne peut ajouter d’arguments nouveaux ( Nguyen Huu Hiep (Clinique Médicale) c . Thibault , 2003 QCCRT 0333 ).

[24]         De toute façon, le requérant a tort de croire que le non-respect de l’article 82 de la LNT aurait pu avoir un effet quelconque sur la valeur de son grief.

LES VICES DE FOND

Le report de l’audience

[25]         Le requérant soutient qu’une demande de remise présentée le 30 mars 2011 par Michel Gagné, représentant du Syndicat, a été accordée par un commissaire coordonnateur de la Commission sans son accord et sans respecter les règles de procédure de la Commission.

[26]         Il fait valoir que Michel Gagné n’avait pas le mandat de représenter le Syndicat. Dominique Montpetit était la mandataire et tout changement devait être porté à la connaissance des parties. Michel Gagné n’a pas vérifié s’il avait son consentement avant de faire la demande de remise, ce qui, selon lui, est requis par les règles de preuve et de procédure de la Commission.

[27]         Le requérant ajoute que la demande de remise a été adressée à l’agente de relations du travail plutôt qu’à la Commission et que le motif invoqué, à savoir que Michel Gagné serait à l’extérieur du pays, n’était accompagné d’aucune pièce justificative. Selon lui, l’acceptation d’une remise sans débat et contre la volonté de la partie adverse constitue une erreur déterminante. De plus, Michel Gagné ne s’est pas présenté à l’audience, ce qui laisse planer un doute sérieux sur les motifs réels de la demande de remise. La remise a eu pour conséquence la non-disponibilité de son avocat et il a dû se représenter lui-même à l’audience.

[28]         Dans sa lettre du 30 mars 2011, adressée à l’agente de relations du travail de la Commission, Michel Gagné, conseiller et mandataire du Syndicat, précise : «  Pour le moment, cette demande de remise fait l’objet d’un accord de la part de Multi-Marques Distribution, mais pas du plaignant puisqu’il m’a été impossible d’entrer en contact avec lui  ».

[29]         Les 3 et 14 avril 2011 respectivement, le requérant a fait parvenir une lettre à la Commission spécifiant qu’il contestait la demande de remise. Dans ses lettres, il n’indique pas que le report de l’audience fera en sorte que son procureur ne sera pas disponible. Cette question n’a pas été soulevée devant la Commission lors de la première audience. La décision d’accorder la remise a été rendue par un commissaire coordonnateur et non par le commissaire qui a présidé l’audience. On ne peut en faire reproche à ce dernier.

[30]         En accordant la demande de remise, la Commission n’a pas commis d’erreur de nature à invalider sa décision du 7 juillet 2011.

L’autorisation de quitter l’audience

[31]           Le requérant soulève que la Commission a commis une erreur en autorisant Dominique Montpetit à quitter l’audience moins d’une heure après le début. Il soumet qu’elle n’a pas pu être contre-interrogée et que son absence ne lui a pas permis de clarifier certains points importants relativement au retrait de son grief. De plus, elle n’a pas déposé le rapport écrit de son enquête, ce qui lui avait été demandé dans la citation à comparaître duces tecum qu’il lui avait fait parvenir.

[32]           Il ressort des notes sténographiques de l’audience du 10 juin 2010 que Dominique Montpetit est le premier témoin que le requérant a fait entendre. On peut lire à la page 36 ce qui suit :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

Parce que moi, je vais libérer madame, elle a une autre obligation après-midi. Si vous avez pas d’autres questions pour elle, je vais dire à madame qu’elle peut quitter. Après, on va voir s’il y a des questions de l’autre côté, mais après, elle peut quitter.

M. ARSENE EHOUAD KOUAO :

Pas de problème, madame peut quitter.

[33]         Le requérant a consenti à ce que Dominique Montpetit quitte la salle d’audience après l’avoir interrogée. Il n’a jamais demandé à la Commission la permission de la réinterroger à un autre moment. Il ne peut, au stade de la révision, en blâmer la Commission.

Le rapport d’enquête

[34]         Quant au dépôt du rapport d’enquête, la Commission écrit dans sa décision du 7 juillet 2011 :

[38] Le Syndicat a effectué une enquête sérieuse et élaborée compte tenu que les doléances du plaignant sont vouées à l’échec. Il n’est pas nécessaire de produire un rapport écrit pour prouver qu’il y a eu enquête. Le témoignage de madame Montpetit est suffisant.

[35]         Dans sa décision, la Commission a disposé de la question du dépôt du rapport. Lorsqu’on lui demande de réviser l’une de ses propres décisions, on ne peut lui demander de substituer son interprétation à celle déjà faite, on doit plutôt lui démontrer la présence d’un vice fondamental et sérieux de nature à entraîner la nullité de la décision (voir à ce sujet, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4479 et Syndicat des travailleuses et travailleurs des Centres jeunesse de Montréal, citée précédemment).

La crédibilité des témoins

[36]         Le requérant ajoute que la Commission a commis une erreur déterminante en accordant plus de crédibilité au témoignage de Dominique Montpetit qu’à son propre témoignage, alors qu’elle a quitté la salle en début d’audience et qu’elle n’a pas produit son rapport d’enquête.

[37]         Dans l’affaire Beaudouin c. Syndicat des enseignant-e-s de l’A.M.J. (CSN), ( 2009 QCCRT 0104 ), en révision d’une décision de la Commission, il est écrit :

[50] Il est clair à la lecture de la décision que la Commission a accordé une grande crédibilité au témoignage du représentant syndical qui a expliqué la démarche suivie par le Syndicat dans son enquête et dans sa prise de décision. Cette appréciation de la crédibilité est la prérogative du décideur qui voit les témoins devant lui et, à moins de circonstances exceptionnelles, il n’y a pas lieu d’intervenir en révision.

[38]         Il appartient à la Commission, en première instance, d’apprécier l’ensemble de la preuve et il est de jurisprudence constante que la crédibilité des témoignages est l’apanage du décideur qui a vu et entendu les témoins.

[39]         Il n’y a pas lieu de réviser la décision de la Commission sur ces questions.

La référence du grief à la deuxième étape

[40]         Le requérant soumet que, lors de la première audience, il reprochait à son Syndicat de ne pas avoir porté le grief en deuxième étape tel que prévu à l’article 9.02 de la convention collective et de l’avoir retiré. Or, dans sa décision, la Commission fait état d’un seul reproche, soit celui d’avoir retiré le grief. De plus, elle aurait fait une autre erreur en acceptant sans preuve la déclaration du président du Syndicat selon laquelle toutes les étapes de la convention collective ont été suivies.

[41]         La lecture des paragraphes 19 et 20 de la décision de la Commission démontre qu’elle a considéré l’argument du requérant :

[19] Le 3 décembre 2010, le plaignant écrit au Syndicat afin d’obtenir des éclaircissements sur la position du Syndicat face à son grief. Il ne comprend pas pourquoi il n’a pas été porté à la deuxième étape selon la procédure de griefs prévue à la convention collective . Il est par ailleurs surpris de certains propos de madame Montpetit, notamment, que l’Employeur avait le droit de le congédier. Elle lui aurait donné l’exemple d’un dossier qu’elle a vu, une personne avec plus de 40 années d’ancienneté dont le congédiement a été maintenu après qu’elle se soit absentée pendant plus de trois jours sans aviser l’Employeur.

[20] Le président du Syndicat mentionne que les étapes de la convention collective ont été suivies, l’Employeur confirme cela en soutenant que malgré le texte de la convention collective, il n’y a pas de pattern automatique pour les étapes de la procédure de griefs . Il confirme de plus avoir discuté de règlement pour une somme de 14 000$, montant qu’il a refusé.

(Soulignement ajouté.)

[42]         La Commission a apprécié les témoignages et elle conclut :

[42] En conclusion, il n’y a pas eu de contravention au Code de la part du Syndicat. En l’absence de décision arbitraire abusive ou discriminatoire, on ne saurait obliger un Syndicat à porter à l’arbitrage un grief qui est voué à l’échec lorsque la convention collective est claire et qu’elle a été suivie à la lettre. Le plaignant a donc failli à la tâche de démontrer un comportement prohibé de la part du Syndicat. Sa plainte doit être rejetée.

[43]         Tel qu’établi précédemment, il appartient à la Commission, en première instance, d’apprécier les faits et la crédibilité des témoignages.

[44]         En l’absence de circonstances exceptionnelles, il n’y a pas lieu de réviser la décision de la Commission à ce chapitre.

La lettre de congédiement

[45]         Selon le requérant, la lettre de congédiement est entachée d’irrégularités et n’est pas conforme aux dispositions de la convention collective. Toute la correspondance de l’Employeur a été expédiée par courrier recommandé, sauf la lettre de congédiement. Il l’a reçue par courrier régulier, le 18 juin 2010.

[46]         Il souligne que la lettre mentionne qu’il était absent du 13 au 16 juin 2010. Or, le 13 juin était un dimanche et il ne devait pas travailler ce jour-là. De plus, sa lettre de congédiement établissant que sa fin d’emploi est effective le 16 juin, il prétend qu’il ne pouvait légalement travailler ce jour-là.

[47]         Le requérant soutient que la Commission a commis une erreur déterminante en acceptant la thèse selon laquelle il était absent de son travail sans en avoir avisé l’Employeur pour une période de trois jours consécutifs. On ne peut lui reprocher que deux jours d’absence consécutifs. De plus, il a reçu la lettre lui refusant son congé sans solde le 19 juin 2010. Cette lettre aurait dû précéder celle de son congédiement et, s’il l’avait reçue avant, il serait probablement entré au travail.

[48]         La substance de ces arguments a été présentée lors de la première audience.

[49]         La décision du 7 juillet 2010 a été rendue dans le cadre d’une plainte en vertu de l’article 47.2 du Code à l’encontre du Syndicat pour manquement à son devoir de juste représentation et non à la suite d’un congédiement sans cause juste et suffisante. Lorsqu’elle est saisie d’une plainte en vertu de l’article 47.2, le rôle de la Commission se limite à examiner le comportement du Syndicat afin de déterminer s’il a fait preuve de négligence grave, de discrimination, d’arbitraire ou de mauvaise foi dans sa défense des intérêts du salarié.


[50]         Après avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, la Commission a conclu comme suit relativement à la conduite du Syndicat dans le traitement du grief :

[34] Cela étant, la Commission constate que le Syndicat a fait une enquête suffisamment élaborée compte tenu du litige en cause. En effet, le litige est tellement limpide qu’il ne faut pas chercher à interroger tous les salariés de l’entreprise. Le plaignant a voulu le meilleur des deux mondes soit de continuer à travailler à Ottawa pour un autre Employeur tout en conservant son poste à Montréal. Cependant, les dispositions de la convention collective sont claires et ne portent aucunement à interprétation, pas de congé l’été et une fin d’emploi si une absence de plus de trois jours consécutifs sans aviser l’Employeur. 

[35] Qu’est-ce que le Syndicat peut faire devant la décision de l’Employeur de congédier le plaignant? Peu de chose. Mais, il a fait ce qu’il devait faire.

[39] Certes, même à l’audience le plaignant persiste à croire à son interprétation de l’article 18.01 de la convention collective. Il en a le droit, cependant la Commission croit que c’est à juste titre que le Syndicat a usé de son pouvoir discrétionnaire pour ne pas aller à l’arbitrage avec ce grief. La décision du Syndicat de ne pas poursuivre le grief à l’arbitrage n’est pas seulement tout à fait appropriée, mais en l’espèce, elle est la seule décision possible.

[51]         Rien dans ce que soumet le requérant ne permet de déceler un vice de fond ou de procédure. La Commission, après avoir considéré l’ensemble de la preuve, a déterminé que le Syndicat avait fait une analyse sérieuse du dossier avant de décider de ne pas poursuivre le grief.

[52]         Le requérant n’a pas démontré la présence d’un vice fondamental et sérieux de nature à entraîner la nullité de la décision.

La référence à une ancienne convention collective

[53]         Le requérant allègue que la Commission a commis une erreur en considérant le témoignage de Denis Beaudouin, représentant de l’Employeur, qui a affirmé à l’audience s’être opposé à la réintégration du requérant en donnant l’exemple d’un employé couvert par une ancienne convention collective qui ne contenait pas de disposition explicite portant sur un congé sans solde dans le cadre d’une nouvelle perspective d’emploi. Cet employé avait été congédié avant l’entrée en vigueur de la convention collective en cause.


[54]         Dans sa décision, la Commission écrit :

[21] Au surplus, l’Employeur affirme que le Syndicat a voulu obtenir la réintégration. Il a refusé cette proposition parce que d’autres employés qui avaient fait la même chose ont été congédiés. Le plaignant connaissait dès le départ en avril 2010 la position de l’Employeur sur la portée de l’article de la convention collective.

[55]         Le paragraphe 21 de la décision démontre que ce fait a été porté à l’attention de la Commission. Le requérant avait alors l’occasion d’interroger les témoins à ce sujet et de présenter ses arguments.

[56]         Le fait que d’autres employés aient été congédiés dans des circonstances similaires ne change rien à la présente affaire.

[57]         La Commission n’a pas commis d’erreur s’apparentant à un vice de fond ou de procédure de nature à invalider sa décision.

L’assemblée générale du Syndicat

[58]         Le requérant invoque que le Syndicat a tenu une assemblée générale au mois de septembre 2010, qu’il ne l’a pas avisé et qu’il ne l’a pas invité alors qu’il aurait pu y présenter son cas. Il ajoute que le Syndicat a choisi l’occasion d’une réunion du comité exécutif pour décider de ne pas poursuivre le grief. Selon lui, le Syndicat a fait preuve de négligence grave en omettant de l’inviter à l’assemblée générale qui est «  l’organe ultime du Syndicat  » et en choisissant une réunion restreinte pour décider du sort d’un employé bénéficiant de huit années de travail continu.

[59]         Dans sa décision, la Commission a reconnu que le retrait du grief avait été décidé au comité exécutif et non pas à l’assemblée générale : 

[22] Madame Montpetit analyse le dossier et recommande de ne pas aller de l’avant avec le grief qui est voué à l’échec. Le 13 décembre, elle écrit au plaignant pour lui dire qu’après enquête par le Syndicat, la rencontre des témoins, l’étude de sa version, l’échec des négociations d’une entente et l’état du droit en vigueur, le comité exécutif retirait le grief et mettait fin au dossier.

[60]         Le requérant reproche au Syndicat de ne pas l’avoir convoqué à l’assemblée générale du mois de septembre 2010. Cet argument n’a pas été plaidé devant la Commission lors de la première audience. Le recours en révision ne peut être utilisé pour permettre au requérant d’ajouter des arguments alors que la décision lui est défavorable.

[61]         Il s’agit d’une question de régie interne du Syndicat, s’il décide de disposer du grief à l’assemblée générale ou au comité exécutif.

[62]         Il n’y a pas lieu de réviser la décision de la Commission sur cette question.   

Les conditions de retrait du grief

[63]         Le requérant soutient que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il y avait eu une enquête sérieuse de la part du Syndicat alors que les conditions pour le retrait du grief n’étaient pas réunies. Selon lui, le Syndicat ne lui a pas communiqué une offre de 2 000 $ de l’employeur avant de décider de retirer le grief, ce qui constitue une négligence grave.

[64]         Rien dans la preuve ne permet de conclure que le Syndicat n’a pas communiqué l’offre au requérant.

[65]         Dans une lettre du 13 décembre 2010 informant le requérant de la décision du comité exécutif de retirer son grief, Dominique Montpetit écrit :

Depuis le dépôt de ce grief, le syndicat a effectué une enquête afin de recueillir les faits pertinents aux évènements ayant menés à la fin de votre emploi le 16 juin 2010. Votre version des faits a été recueillie, ainsi que celle des témoins et de l’employeur. Des discussions ont également eu lieu entre le syndicat et l’employeur afin d’en arriver à une entente dans votre dossier. Malheureusement, aucune entente n’est intervenue.

(Reproduit tel quel.)

[66]         La Commission a jugé que les témoignages de Dominique Montpetit et du représentant de l’Employeur étaient plus crédibles que celui du requérant lorsqu’il prétendait, lors de l’audience, qu’il n’avait pas entendu parler d’une autre offre de règlement de 14 000 $ que lui-même avait faite. Elle écrit :

[36] Madame Montpetit a communiqué avec le plaignant et recueilli sa version ainsi que celle du Syndicat et par l’entremise de ses représentants celle de l’Employeur. Le Syndicat, compte tenu de la situation, a tenté d’obtenir la réintégration ou une compensation monétaire.

[37] La Commission ne croit pas le plaignant lorsqu’il soutient n’avoir jamais entendu parler du montant de 14 000 $. La Commission considère que la version de madame Montpetit est plus crédible que celle du plaignant, celle-ci est par ailleurs corroborée par le représentant de l’Employeur.

[67]         Tel qu’énoncé précédemment, l’appréciation de la crédibilité des témoignages est la prérogative du premier décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, il n’y a pas lieu d’intervenir en révision (voir Beaudouin c. Syndicat des enseignant-e-s de l’A.M.J. (CSN), citée précédemment).

[68]         Le requérant n’a pas démontré que la Commission, dans sa décision du 7 juillet 2011, avait commis une erreur s’apparentant à un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      la demande de révision.

 

 

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Pierre Flageole, président de la formation

 

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Hélène Bédard

 

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Sophie Mireault

 

M. Pierre Duchesneau

Représentant de l’intimé

 

M e Éric L’Italien

Norton Rose Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Représentant de la mise en cause

 

Date de la dernière audience :

4 novembre 2011