Section des affaires sociales
En matière d'indemnisation
Référence neutre : 2011 QCTAQ 10540
Dossier : SAS-M-162836-0909
DENIS SAUVÉ
GILLES THÉRIAULT
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] L’Intimée-Requérante (SAAQ) [1] intente un recours en révision «pour cause» (art.154 (3) L .J.A.) [2] à l’encontre de la décision du Tribunal (TAQ 1) rendue le 29 septembre 2010.
[2] La décision de TAQ 1 porte sur des recours mus par le Requérant-Intimé (Monsieur) qui furent regroupés en trois (3) dossiers tels que le précise TAQ 1 au paragraphe 1 de la décision attaquée.
Introduction
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Objets du litige |
Décisions
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Décisions
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Atteintes permanentes
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2005-03-07 |
2006-04-10 |
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Atteinte permanente au plan psychique. |
2005-11-14 |
2006-04-10 |
# 1 2006-05-02 SAS-M-116784-0605 |
Refus de reconnaître
un lien de causalité probable entre l'accident du 2003-06-29
|
2005-11-14 |
2006-04-10 |
|
Refus de reconnaître un lien de causalité probable entre
l'accident du 2003-06-29
|
2005-11-15 |
2006-04-10 |
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Refus de rembourser
un oreiller support,
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2006-03-01 |
2006-04-10 |
# 2 2009-05-14 SAS-M-158354-0905 |
Refus de reconnaître un lien de causalité probable entre
l'accident du 2003-06-29
|
2009-03-10 |
2009-05-12 |
# 3 2009-09-10 SAS-M-162836-0909 |
Détermination de
l’emploi de «
Commis de bibliothèque
» afin d’établir
l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) à compter
|
2009-05-12 |
2009-09-08 |
[3] Il est utile de noter que TAQ 1 précise, au début de sa décision, les points débattus lors de l’audience au mérite et comme nous le verrons plus bas (par 9) qui le furent de consentement des procureurs respectifs tant de Monsieur que de la SAAQ :
« [2] L’audience est tenue le 30 juin 2010. Le requérant y assiste et est représenté par M e Steve Marsan. Ce dernier précise ainsi les objets du litige :
- Préjudice non pécuniaire : il demande de reconnaître une classe de gravité 4 pour l’atteinte permanente à la fonction « Déplacement et maintien du tronc ». Il y a désistement pour l’ensemble des évaluations aux autres fonctions aux plans physique, esthétique et psychique;
- Lien de causalité : il y a désistement pour les diagnostics de fracture de l’humérus distal droit, des troubles érectiles et des troubles urinaires. Le recours est maintenu pour le diagnostic de hernies discales à la région dorsolombaire;
- Frais et emploi déterminé : le recours est maintenu.
[3] La Société est représentée par M e Claire Lemay.»
[4] Le dispositif de TAQ 1 est le suivant :
«POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
· ACCUEILLE EN PARTIE le recours;
· CONFIRME la décision du 10 avril 2006 refusant de rembourser les frais reliés à un oreiller de support, un fauteuil massage et un lit électrique Tempur;
· CONFIRME les décisions du 10 avril 2006 refusant le lien de causalité pour les diagnostics de hernies discales au niveau dorsolombaire et pour le diagnostic de fracture de l’humérus distal droit;
· CONFIRME la décision du 12 mai 2009 refusant le lien de causalité pour les diagnostics de troubles urinaires et érectiles;
· CONFIRME, sauf pour l’atteinte à la fonction « Déplacement et maintien du tronc », la décision du 10 avril 2006 statuant sur les atteintes permanentes aux plans physique, psychique et esthétique;
· RECONNAÎT une classe de gravité 4 pour l’atteinte permanente à la fonction « Déplacement et maintien du tronc »;
· RECONNAÎT que le requérant est inapte à tout emploi, et ce, en raison des blessures subies lors de l’accident du 29 juin 2003; (Emphase ajouté)
· ORDONNE à la Société de verser au requérant les indemnités auxquelles il a droit en conformité avec la Loi sur l'assurance automobile, incluant, le cas échéant, les intérêts en vertu de l’article 83.32 de la Loi. »
[5] On constate que TAQ 1 a modifié la décision du service de la révision administrative de la SAAQ sur deux-points seulement :
- - en reconnaissant une classe de gravité 4 pour l’atteinte permanente à la fonction « Déplacement et maintien du tronc » au lieu d'une classe de gravité 1; et
- - en reconnaissant que Monsieur est inapte à tout emploi en conséquence de l'accident automobile du 29 juin 2003.
LE PRÉSENT RECOURS EN RÉVISION
[6] Le recours en révision de la SAAQ se lit comme suit :
L’I ntimée - REQUÉRANTE EXPOSE RESPECTUEUSEMENT CE QUI SUIT :
1. Le 29 septembre 2010, le Tribunal du Québec rendait une décision suite au recours intenté par le requérant- INTIMÉ à l’encontre d’une décision du Service de la révision administrative, datée du 8 septembre 2009 à l’effet que le requérant- INTIMÉ était capable à compter du 12 mai 2009, d’occuper l’emploi déterminé de commis de bibliothèque;
2. Le ou vers le 10 septembre 2009, le requérant- INTIMÉ par l’entremise de son procureur, Me Steve Marsan, logeait un recours devant le présent Tribunal, à l’encontre de la décision du 8 septembre 2009 en mentionnant :
« Nous contestons la décision du 8 septembre 2009 rendue par la révision de la Société d’assurance automobile du Québec, relativement à la détermination de l’emploi de commis de bibliothèque ».
3. Tel qu’il appert à la requête écrite du requérant- INTIMÉ , aucune contestation sur l’incapacité à exercer tout emploi n’y apparaît;
4. Dans sa décision du 29 septembre 2010, le Tribunal administratif du Québec mentionne dans ses conclusions :
« RECONNAÎT que le requérant est inapte à tout emploi, et ce, en raison des blessures subies lors de l’accident du 29 juin 2003 ».
5. Nous
soumettons respectueusement que le Tribunal administratif du Québec a erré en
faits et en droit en rendant la décision du 29 septembre 2010 et plus
particulièrement, en considérant le requérant-
INTIMÉ
inapte à tout
emploi pour les motifs qu’il a excédé sa compétence juridictionnelle ainsi que
la règle « ultra petita », constituant un vice de fond de nature à invalider
cette décision au sens du paragraphe 3 de l’article
6. L’intimée- REQUÉRANTE soumet que la présente requête est bien fondée en faits et en droit;
7. L’intimée- REQUÉRANTE est à l’intérieur des délais, pour présenter une requête en révision ayant reçu la décision le 1 er octobre 2010.
POUR CES MOTIFS, la Société de l’assurance automobile du Québec, demande au Tribunal :
D’ACCUEILLIR la présente requête;
DE CASSER la conclusion déclarant le requérant- INTIMÉ inapte à tout emploi dans la décision du 29 septembre 2010;
DE RETOURNER le dossier à l’intimée- REQUÉRANTE afin qu’elle se prononce sur la capacité ou non du requérant- INTIMÉ à exercer un emploi et en déterminer un le cas échéant.
LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.
MONTRÉAL le 29 novembre 2010
Dussault Mayrand
Procureurs de l’intimée-requérante
[7]
Le recours de la SAAQ repose sur l’
« 154. Le Tribunal peut, sur demande, réviser ou révoquer toute décision qu’il a rendue :
1°…;
2°…;
3° lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision ne peut être révisée ou révoquée par les membres qui l’ont rendue. »
[8] Le procureur de Monsieur a produit, dans les jours précédents l’audience du présent recours en révision, un extrait de la transcription de l’audience au mérite du 30 juin 2010 sous la cote R I 1.
[9] Il y a lieu de reproduire la page 6 de cet extrait :
« Me STEVE MARSAN :
O.K. On y arrive. Donc, dans le deuxième dossier, qui est le dossier 158354, donc les troubles érectiles, les troubles urinaires, ça il va y avoir désistement. Et, finalement, quant à l’emploi déterminé, commis de bibliothèque dans le dossier 162836. Ça, évidemment, on maintient notre recours et, avec la preuve qu’on a au dossier, nous, on vous demande de reconnaître que monsieur est inapte, qu’il n’y avait pas, qu’on ne peut pas déterminer d’emploi. Qu’il est inapte à tout emploi.
LE PRÉSIDENT :
Inapte à tout emploi.
Me STEVE MARSAN :
Oui.
LE PRÉSIDENT :
Très bien. Ça va. Maître Lemay, vous secondez?
Me CLAIRE LEMAY :
Je seconde. (Surlignements ajoutés)
PORTÉE ET LIMITES D’UN RECOURS EN RÉVISION (154 (3)) LJA
[10]
Il est bien établi qu’un recours en révision n’est ni une audience dite
«
de novo »
, ni un appel comme devant une instance
judiciaire, ni une révision judiciaire dans le cadre du pouvoir de surveillance
et de réforme de la Cour supérieure prévu notamment à l’article
[11] Il faut également retenir que les décisions du TAQ, section des affaires sociales, sont finales et sans appel.
[12] Ainsi, le présent recours en révision n’est pas une reprise de l’audience qui a eu lieu le 30 juin 2010 qui est à l’origine de la décision de TAQ 1 , ni une seconde chance de refaire ou parfaire la preuve (en demande ou défense) présentée lors de cette audience au mérite, le débat est maintenant clos.
[13]
Dans le cas du paragraphe 3 de l’
[14] Le recours en révision revêt donc un caractère exceptionnel qui commande une interprétation stricte des critères qui le constituent ainsi que de l’objectif pour lequel il fut institué (réviser ou révoquer) ce qui engendre de la part de la formation en révision (TAQ 2) déférence pour la décision de TAQ 1 tant à l’égard de son dispositif que de son raisonnement pour y arriver; cette déférence devant céder si le Tribunal réviseur conclut à la présence d’un vice de fond tel que l’excès de compétence juridictionnelle comme le souligne le procureur de la SAAQ.
[15] Ainsi, TAQ 2 ne pourra intervenir que s’il décèle un vice de fond ou de procédure dans la décision de TAQ 1 et encore faudra-t-il que ce vice de fond ou de procédure fasse en sorte de vicier la conclusion à laquelle TAQ 1 en est arrivée et qui est attaquée.
[16] Selon la jurisprudence établie tant par les tribunaux judiciaires supérieurs que par l’ensemble des décisions du TAQ sur cette question, un vice de fond ou de procédure n’est pas constitué par une interprétation et /ou une appréciation différente de la Loi ou de la preuve retenue par TAQ 1 que peut en faire TAQ 2 à titre de Tribunal réviseur.
[17] Dans l'arrêt C.S.S.T. c. Fontaine, [3] l’Honorable Morissette s’exprime ainsi :
« [51]…Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision) 55 . Enfin, le recours en révision «ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits» : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu'une partie ne peut «ajouter de nouveaux arguments» au stade de la révision 56 .
55
56 Ibid, paragr. 22.»
[18] Le présent Tribunal réviseur (TAQ 2) doit donc se limiter à déterminer si effectivement la décision de TAQ 1 est entachée d’une telle erreur manifeste et déterminante de fait ou de droit qui vicie la conclusion attaquée.
[19] La décision de TAQ 1 doit être étudiée à l’aide des paramètres d’une analyse pragmatique et fonctionnelle.
CONTEXTE DES RECOURS DE MONSIEUR (RÉGIME D’INDEMNISATION DE LA LAA)
[20] TAQ 1 était en situation d’un appel « de novo » , ce qui lui permet de substituer son appréciation de la preuve et de rendre une décision en vertu de celle-ci; décision qui peut fort bien être différente de celle faite et retenue par le service de la révision administrative de la SAAQ.
[21] Précisément, TAQ 1 constitue l’instance juridictionnelle-décisionnelle de dernier ressort dans le processus d’indemnisation étatique instauré par le Législateur pour toute victime d’accident d’automobile reconnue telle par la SAAQ qui est le maître d’œuvre exclusif de cette indemnisation étatique, le tout sujet à l’intervention du TAQ tel que prévu à la LAA [4] et la LJA.
[22] Le Législateur, en adoptant cette nouvelle façon de faire a, en toute connaissance de cause, soustrait ce processus d’indemnisation de la voie traditionnelle des tribunaux dits « judiciaires » ou de droit commun.
[23] Pour s’assurer qu’un administré en règle générale, et Monsieur en particulier dans la présente affaire, soit indemnisé justement d’une manière impartiale, un mécanisme de révision des décisions de l’agent d’indemnisation de la SAAQ fut mis en place : on le désigne comme le service de la révision administrative de la SAAQ.
[24]
Ce sont, notamment, les articles
Le Législateur, conscient qu’il avait radicalement changé les règles du jeu en confiant exclusivement à la SAAQ la responsabilité de cette indemnisation sans possibilité de recourir aux tribunaux judiciaires, a cependant prévu à titre d’organe de révision ultime des décisions d’indemnisation prises par la SAAQ, de confier le tout à un organisme indépendant « de toute ingérence et / ou influence externe y compris des parties elles mêmes ainsi que du Gouvernement, » qui fut dans un premier temps la Commission des affaires sociales (CAS) à qui le Tribunal administratif du Québec TAQ par l’adoption et la mise en vigueur de la Loi sur la justice administrative (LJA) succéda en avril 1998.
[25] Il est reconnu que le TAQ constitue un Tribunal indépendant, impartial et spécialisé qui de par sa constitution et ses attributions exclusives se rapproche plus de la sphère dite judiciaire qu'administrative et qui en tout état de cause est au sommet de la pyramide des tribunaux administratifs dotés d'attributs d'ordre juridictionnel.
[26]
Le
TAQ est régit par l’article
«23. Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.
Le tribunal peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public.
1975, c. 6, a. 23; 1982, c. 17, a. 42; 1993, c. 30, a. 17.»
[29] D’une manière générale, le TAQ est, dans les matières que le Législateur lui a attribuées en compétence exclusive, chargé de dire le droit et de trancher les litiges entre l’administration publique et les administrés ce qui appelle à concilier défense des droits individuels et protection de l’intérêt général.
[30]
Ce
sont notamment les articles
«15. Le Tribunal a le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Lorsqu'il s'agit de la contestation d'une décision, il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et, s'il y a lieu, rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu.»
[31] Ce qui fait en sorte que le processus adversatif (recours aux tribunaux judiciaires de droit commun) de par la mise en vigueur de la LAA est devenu un processus d’indemnisation étatique dans lequel il n’y a pas d’intérêts divergents et ou opposés à défendre, car il s’agit d’indemniser non pas un demandeur par un défendeur, autrefois une compagnie d’assurance et parfois un individu sans assurance, mais bien une victime par le biais d’un organisme paragouvernemental jouissant de la personnalité morale (SAAQ) [7] le tout dans un contexte de « no fault » (sans égard à la faute)
[32] Évidemment, ceci fait en sorte que les indemnisations revêtent maintenant, aux dires de plusieurs, une qualité propre au « prêt-à-porter » (retail) et non plus de celle de « sur mesure » (custom made) ! Il s’agit d’un choix de société qui perdure depuis 1978 : sans doute perfectible, mais qui dans l’ensemble remplit sa mission adéquatement.
LES ERREURS ALLÉGUÉES PAR LA SAAQ
[33] Rappelons que TAQ 1 était saisi de recours logés par Monsieur à l’encontre de décisions rendues par le service de la révision administrative de la SAAQ (voir le par. 2 de la présente) .
[34] La SAAQ, essentiellement, attaque la conclusion de TAQ 1 de considérer « le requérant intimé ( Monsieur) inapte à tout emploi ».
[35] Les erreurs alléguées par la SAAQ sont précisées comme suit aux paragraphes 3 et 5 de son recours en révision :
« 3. Tel qu’il appert à la requête écrite du requérant- INTIMÉ , aucune contestation sur l’incapacité à exercer tout emploi n’y apparaît;
5. Nous soumettons respectueusement que le Tribunal
administratif du Québec a erré en faits et en droit en rendant la décision du
29 septembre 2010 et plus particulièrement, en considérant le requérant-
INTIMÉ
inapte à tout emploi pour les motifs qu’il a excédé sa compétence
juridictionnelle ainsi que la règle « ultra petita », constituant un vice de
fond de nature à invalider cette décision au sens du paragraphe 3 de l’article
[36]
Cette argumentation repose sur la prétention qu’aucun pouvoir ou
compétence déclaratoire dans le cadre de l'article
[37]
Selon le procureur de la SAAQ, tout ce qu’était autorisé à faire
TAQ
1
, s'il en venait à la conclusion que Monsieur ne pouvait remplir l'emploi
déterminé de «
commis de bibliothèque
» à compter du 12 mai
2009, était de recourir à
49 . Une victime cesse d'avoir droit à l'indemnité de remplacement du revenu:
4° un an après être devenue capable d'exercer un emploi que la Société lui a déterminé conformément à l'article 46 ou à l'article 47;
[39] Ainsi, le procureur de la SAAQ affirme que TAQ 1 en s’arrogeant ce pouvoir déclaratoire se situe hors de sa compétence juridictionnelle d’attribution et commet donc un vice de fond qui commande l’intervention de TAQ 2.
[40]
C’est pourquoi, SAAQ demande au Tribunal réviseur de révoquer cette
conclusion du dispositif de
TAQ 1
et de retourner le dossier de Monsieur
à la SAAQ pour que celle-ci «
exerce son pouvoir discrétionnaire prévu
à l’article
[41] Le procureur de la SAAQ, à l’audience en révision, a produit de la jurisprudence [8] sur laquelle nous reviendrons brièvement ci-après.
PRÉTENTIONS DE MONSIEUR
[42] En réponse à l’argumentation faite par le procureur de la SAAQ celui de Monsieur affirme :
i- en droit administratif public la notion de l’ultra petita n’existe pas;
ii- à l’audience devant TAQ 1 les procureurs ont accepté de débatre des prétentions de monsieur telles qu’elles avaient été déterminées au début de cette audience comme le démontre le passage de l’extrait des notes sténographiques ( cité ci avant) ce qui a été bien compris par TAQ 1 comme en fait foi le paragraphe 2 de la décision attaquée et qu’en aucun temps, la procureure de la SAAQ n’a soulevé d’objection quelconque à ce sujet tant au niveau de son contenu que de la compétence de TAQ 1 à entretenir et décider de ces questions;
iii- TAQ 1 a agi et décidé à l’intérieur de sa compétence
d’attribution et sa décision découle de la preuve qu’il a retenue et de
l’analyse qu’il en a faite en se conduisant conformément à l’article
iv- SAAQ, dans le présent recours en révision pour cause déclare ne pas contester :
- ni l’analyse de la preuve retenue faite par TAQ 1;
- ni sa détermination à l’effet de majorer à 4 au lieu de 1, la classe de gravité en regard de l’atteinte permanente à la fonction déplacement et maintien du tronc;
v- il dépose une jurisprudence qui ressemble à celle rendue par TAQ 1 en déterminant que l’administré victime est inapte à tout travail [9]
ANALYSE
A)- les
articles
B)- la question de procédure (prétendue nécessité d’amender le recours introductif d’instance au TAQ);
C)- la question du «pouvoir déclaratoire » soulevée en argumentation orale par le procureur de la SAAQ
A) Les
articles
[44]
L’article
« 46. À compter de la troisième année de la date de l'accident, la Société peut déterminer un emploi à une victime capable de travailler mais qui, en raison de l'accident, est devenue incapable d'exercer l'un des emplois suivants:
1° celui qu'elle exerçait lors de l'accident, visé à l'un des articles 14 et 16;
2° celui visé à l'article 17;
3° celui que la Société lui a déterminé à compter du cent quatre-vingt-unième jour qui suit l'accident conformément à l'article 45. » ( Emphases ajoutés )
[45]
L’article
«49 . Une victime cesse d'avoir droit à l'indemnité de remplacement du revenu:
4° un an après être devenue capable d'exercer un emploi que la Société lui a déterminé conformément à l'article 46 ou à l'article 47;»
[46]
Pour que l’article
[47] TAQ 1 conclut, après analyse minutieuse de la preuve retenue et des positions exprimées et défendues tant par Monsieur que par la SAAQ, que celui-ci est « inapte à tout emploi, et ce, en raison des blessures subies lors de l’accident du 29 juin 2003 . »
[48] Il est utile de reprendre in extenso les paragraphes de TAQ 1 à ce sujet :
« Ø DÉTERMINATION DE L’EMPLOI DE « COMMIS DE BIBLIOTHÈQUE »
[47] La Société maintient la décision initiale déterminant l’emploi de « Commis de bibliothèque » et statuant que le requérant est capable d’occuper cet emploi à compter du 12 mai 2009.
[48] Prétentions de la partie requérante : le procureur du requérant soumet que les restrictions fonctionnelles importantes émises par D r Dahan et D r Thiffault, restrictions reprises par M me Binet, sont incompatibles avec les exigences de l’emploi déterminé. Lorsque ces restrictions sont ajoutées à celles émises au plan cognitif par M me Harvey, il est d’avis qu’on ne peut que conclure que la condition médicale du requérant, considérée dans sa globalité, le rend inemployable. Il soumet que la Régie des rentes a, pour sa part, reconnu l’invalidité du requérant.
[49] Prétentions de la Société : au moment de la décision en révision, compte tenu que des recours sont pendants devant le Tribunal administratif du Québec, la Société dit que son analyse du dossier n’a porté que sur les séquelles et restrictions fonctionnelles reconnues à cette date. On se rappellera que ces dernières sont celles apparaissant au rapport d’expertise de D r Décarie pour l’aspect physique et au rapport d’expertise de M me Harvey pour l’aspect neuropsychologique.
[50] Qu’en est-il ?
[51]
Les dispositions législatives pertinentes
se retrouvent aux articles
46. À compter de la troisième année de la date de l'accident, la Société peut déterminer un emploi à une victime capable de travailler mais qui, en raison de l'accident, est devenue incapable d'exercer l'un des emplois suivants:
1° celui qu'elle exerçait lors de l'accident, visé à l'un des articles 14 et 16; (…)
48. Lorsque la Société détermine un emploi dans l'un des cas visés aux articles 46 et 47, elle doit tenir compte, outre les normes et modalités prévues par règlement, des facteurs suivants:
1° la formation, l'expérience de travail et les capacités physiques et intellectuelles de la victime au moment où la Société décide de lui déterminer un emploi en vertu de cet article;
2° s'il y a lieu, les connaissances et habiletés acquises par la victime dans le cadre d'un programme de réadaptation approuvé par la Société.
Il doit s'agir d'un emploi normalement disponible dans la région où réside la victime et que celle-ci peut exercer habituellement, à temps plein ou, à défaut, à temps partiel.
[52] Au plan physique : le Tribunal accorde prépondérance aux descriptions de l’état fonctionnel données par D r Dahan, D r Thiffault et M me Binet par rapport à celle donnée par D r Décarie. Le tableau fonctionnel est beaucoup plus sévère que celui retenu par la révision pour évaluer la capacité de travail.
[53] Au plan psychique : la classe de gravité 3 retenue pour les atteintes cognitives témoigne de l’importance non négligeable de l’atteinte.
[54] Évaluation globale : le Tribunal est d’accord avec le procureur du requérant lorsque ce dernier soumet que la condition médicale doit être évaluée dans sa globalité. Si chacune des restrictions fonctionnelles, prise individuellement, peut laisser une certaine capacité de travail, il faut aussi s’interroger sur leur effet combiné et l’impact global sur la condition du requérant.
[55] En l’espèce, compte tenu de la preuve prépondérante, la combinaison des restrictions fonctionnelles physiques et psychiques, en lien avec l’accident, amène le Tribunal à la conclusion que le requérant est non seulement inapte à l’emploi déterminé, mais que de plus il est inapte à tout emploi, et ce, en raison des blessures subies lors de l’accident du 29 juin 2003. »
[49] Rappelons que le procureur de la SAAQ, à la présente audience en révision, affirme, sans réserve, que l’analyse de la preuve retenue par TAQ 1 n’est aucunement remise en question par le présent recours.
[50] Il ajoute qu’il en va de même à l’égard de la conclusion de TAQ 1 de reconnaitre (ce qui constitue une majoration) « une classe de gravité 4 pour l’atteinte permanente à la fonction « Déplacement et maintien du tronc»; » , alors que le bureau de la révision administrative de la SAAQ avait maintenu une classe de gravité 1 pour cette fonction sur la seule foi de l’opinion de Docteur Décarie et de Madame Harvey comme l’exprime TAQ 1 au paragraphe 48 de sa décision reproduit ci-devant.
[51] La motivation de TAQ 1 sur le sujet de l’atteinte permanente « déplacement et maintien du tronc » se retrouve aux paragraphes 33 à 38 de la décision attaquée.
[52] Le paragraphe 38 se lit comme suit :
« [38] Après considération de l’ensemble de la preuve pertinente, le Tribunal arrive à la conclusion que l’expertise de D r Décarie aurait justifié à tout le moins une classe de gravité 2 compte tenu des restrictions fonctionnelles émises. Le Tribunal accorde toutefois une valeur prépondérante aux opinions de D r Thiffault et D r Dahan qui tous deux émettent des restrictions fonctionnelles importantes et concluent à une classe de gravité 4.»
[53]
Ce Tribunal est d’opinion que la discrétion, que le procureur de la SAAQ
affirme être l’apanage de la SAAQ en vertu de l’article
[54]
Celle-ci doit être remise dans son contexte précisé par les termes de sa
rédaction qui conduisent à conclure qu’elle en est une uniquement de
temporalité : elle ne peut s’exercer avant que le délai minimum y prévu, à
savoir, «
à compter de la troisième année de la date de l’accident d’automobile »,
donc qu’au moins deux années révolues se soient écoulées
;
il s’agit
d’une condition suspensive style délai de carence de rigueur : avant son
expiration la SAAQ ne peut mettre en œuvre l’article
[55] Ce qui nous amène à définir l’objectif de cette discrétion.
[56] La réponse est dans l’article lui-même : déterminer un emploi à une victime. Mais pas à n’importe quelle victime au choix discrétionnaire ou arbitraire de la SAAQ.
[57]
L’article
[58] Cette précision du Législateur vient donc limiter la discrétion de la SAAQ.
[59]
Il coule de source que, préalablement à mettre en branle ce processus de
détermination d’emploi qui doit impérativement tenir compte des critères de l’article
[60]
L’article
«48. Lorsque la Société détermine un emploi dans l'un des cas visés aux articles 46 et 47, elle doit tenir compte , outre les normes et modalités prévues par règlement, des facteurs suivants:
1° la formation, l'expérience de travail et les capacités physiques et intellectuelles de la victime au moment où la Société décide de lui déterminer un emploi en vertu de cet article;
2° s'il y a lieu, les connaissances et habiletés acquises par la victime dans le cadre d'un programme de réadaptation approuvé par la Société.
Il doit s'agir d'un emploi normalement disponible dans la région où réside la victime et que celle-ci peut exercer habituellement, à temps plein ou, à défaut, à temps partiel.
1977, c. 68, a. 48; 1989, c. 15, a. 1; 1990, c. 19, a. 11. » (Emphases ajoutées)
[61] Ne pas réaliser cette démarche (étude minutieuse de toute la preuve au dossier) relève de l’arbitraire; ce qui est illicite et illégal et commande d’être corrigé conformément à la Loi.
[62] On constate que TAQ 1 a conclu, en tenant compte de la preuve médicale disponible et produite au dossier, que Monsieur n’était pas capable de travailler.
[63]
Par conséquent, l’article
[64]
TAQ 1
en vertu de l’article
[65] TAQ 1 aurait erré en retournant le dossier à la SAAQ comme le présent recours l'exige, vu notamment le refus de celle-ci d’apprécier la preuve médicale à sa juste valeur; ce qui aurait, en toute probabilité évité un litige avec ses suites; avoir refusé de conclure comme il l’a fait, compte tenu de la preuve médicale contenue au dossier et retenue par celui-ci, TAQ 1 aurait nié à Monsieur l’indemnisation que commande sa condition médicale et aurait ainsi ballotté Monsieur injustement du TAQ à la SAAQ et possiblement avec retour au TAQ (poétiquement on pourrait reprendre l’expression de Charybde en Scylla).
[66] Dans le présent cadre d’indemnisation étatique, il est admis que la LAA doit recevoir une interprétation large et libérale.
[67] La procédure qui encadre une telle révision administrative, est précisée, comme le souligne la Cour d’appel sous la plume de l’Honorable Giroux , [10] aux articles 13 à 17 du Règlement sur le traitement des demandes d’indemnité et de révision et sur le recouvrement des dettes dues à la Société de l’assurance automobile du Québec . [11]
RÈGLES PARTICULIÈRES À LA RÉVISION
13. À la suite de la réception d’une demande de révision, la Société communique avec le demandeur pour :
1° lui fournir l’information nécessaire concernant la Loi sur l’assurance automobile (L.R.Q., c. A-25), ainsi que le rôle et le déroulement du processus de révision;
2° l’aider à compléter son dossier en révision;
3° préciser, au besoin, la décision visée par la demande, les motifs de contestation et l’objet recherché.
14. La personne chargée de réviser la décision réexamine les éléments pertinents du dossier et réapprécie le bien-fondé de la décision initiale en tenant compte des observations présentées par le demandeur, et par toute personne intéressée s’il y a lieu, ainsi que des documents additionnels que ceux-ci ont pu fournir pour compléter le dossier.
Au besoin, elle communique avec le demandeur ou toute autre personne susceptible d’apporter un éclairage utile au traitement de la demande.
[…]
17. En tout temps, avant de prendre sa décision, la personne chargée de réviser la décision peut, de son propre chef, demander une évaluation par un professionnel de la santé.
Elle doit alors transmettre une copie du rapport d’évaluation aux personnes concernées et leur permettre de présenter leurs observations relativement à ce rapport.
[42]
De plus, le droit de
présenter des observations et de produire des documents pour compléter son
dossier en révision est expressément prévu à l’article
Art. 7. Complément d’information. - Lorsqu’une situation est réexaminée ou une décision révisée à la demande de l’administré, l’autorité administrative donne à ce dernier l’occasion de présenter ses observations et, s’il y a lieu, de produire des documents pour compléter son dossier.
Au sujet de cette disposition, le professeur Denis Lemieux écrit que « […] cette révision permet de réévaluer la preuve soumise à l’origine au soutien de la demande de l’administré. Elle permet également au décideur de considérer une nouvelle preuve » [24] . Pour sa part, le professeur Jean-Pierre Villaggi qualifie le processus de révision d’« informel » [25] .» [12]
[68]
Le présent Tribunal ajoute que dans le cadre d’un processus
d’indemnisation étatique donc de caractère administratif public et non de droit
privé de type adversatif il y a en toile de fond l’obligation pour la SAAQ
d’agir équitablement en vertu de l’article
« Les procédures menant à une décision individuelle prise à l’égard d’un administré par l’Administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi, sont conduites dans le respect du devoir d’agir équitablement.»
[69] Factuellement, TAQ 1 analyse la preuve, accorde prépondérance à certains éléments qui la constituent, en écarte d’autres et en tempère certains; il conclut logiquement en conséquence que Monsieur est inapte à tout travail. La facture de cette décision est irréprochable tout comme son raisonnement d’ailleurs.
[70] TAQ 1 n’a rien déclaré, il a simplement conclu en vertu de ce que la preuve soumise commandait, sans plus, mais sans moins; il n’a pas excédé sa compétence, il ne s’est pas attribué quelque compétence que ce soit : il a rendu la décision qui aurait du être, à son avis, rendue en premier lieu si une évaluation globale avait été faite par la SAAQ de la condition de Monsieur et si toute la preuve médicale disponible avait été prise en considération par celle-ci en temps utile.
[71] Omettre un ou des éléments de preuve comme l’a fait le service de révision administrative de la SAAQ vicie toute décision; un correctif doit être appliqué sans délai.
[72]
L’article
B- la question de procédure (prétendue nécessité d’amender le recours introductif d’instance au TAQ)
[73] La prétention de la SAAQ à l’effet que TAQ 1 a décidé « ultra-petita » du fait que Monsieur ne s’est pas prévalu d’amender son recours conformément au Cpc [13] du Québec à titre de droit supplétif, la LJA ne prévoyant pas de disposition spécifique à cet effet, ne peut être retenue.
[74]
En effet, nul besoin de recourir aux règles procédurales en matière
civile stipulées au Code de procédure civile du Québec, car le débat devant
TAQ
1
se fait dans le cadre d’un processus d’indemnisation étatique donc de
caractère administratif public et non de droit privé de type adversatif avec en
toile de fond l’obligation faite en vertu de l’article
« Les procédures menant à une décision individuelle prise à l’égard d’un administré par l’Administration gouvernementale, en application des normes prescrites par la loi, sont conduites dans le respect du devoir d’agir équitablement.»
[75] Le débat sur la formulation du libellé du recours introductif de Monsieur au TAQ est stérile dans le présent contexte.
[76] Il n’a jamais été question pour Monsieur d’amender son recours introductif au TAQ.
[77] Le libellé de son recours introductif au TAQ ne peut simplement pas être compris de la manière limitative et engoncée qu’en fait la SAAQ.
[78] Cette manière de lire est limitative et étroite; elle ne cadre pas avec les règles de droit administratif en semblable matière.
[79]
C’est ce qui ressort notamment de la lecture combinée des articles
[80] Ni TAQ 1 , ni le présent Tribunal ne comprennent que cette formulation fasse en sorte que Monsieur affirme être en mesure d’occuper un emploi et que tout ce qu’il conteste se limite à l’emploi déterminé par la SAAQ savoir, «commis de bibliothèque.»
[81] Monsieur n’a pas précisé qu’il était «inapte à tout travail» : la preuve était au dossier depuis belle lurette. TAQ 1 l’a bien compris et s’est conduit en conséquence.
[82] En début d’audience au mérite TAQ 1 , le procureur de Monsieur a tout simplement repris quels étaient les sujets à être débattus. Comme en fait foi la reproduction du passage de l’extrait produit par le procureur de Monsieur dans le présent recours en révision, ce à quoi la procureure ad litem (membre de l’actuel cabinet qui occupe dans le présent recours en révision) non seulement ne s’est pas objectée de quelque manière que ce soit, mais a affirmé « secondé » les dits sujets dont TAQ 1 était saisis, et ce, sans réserve ni opposition, ni commentaire. (Voir par. 9 ci-haut)
[83] Mais en tout état de cause, la preuve retenue par TAQ 1 au sujet de l’incapacité de Monsieur à travailler était présente au dossier de la SAAQ à la date de la décision lui déterminant l’emploi de « commis de bibliothèque» à savoir, le 12 mai 2009 précisément aux pages 530 et suivantes du dossier pour la décision de l’agent d’indemnisation; et en date du 9 septembre 2009 aux pages 594 et suivantes du dossier en ce qui a trait à la décision de la révision administrative. L’expertise de docteur Dahan (physiatre) est datée du 22 novembre 2007 et se retrouve à la page 410 du dossier et celle de docteur Thiffault (chirurgien) est datée du 6 février 2008 page 458 du dossier.
[84] Si la SAAQ, pour des raisons qui lui sont propres refuse d’analyser et/ou de considérer ou décide délibérément ou par inadvertance d’ignorer un ou des éléments de preuve contenu (s) au dossier de l’administré, ceci doit être considéré comme constituant un refus de sa part d’accorder à cet administré le remède d’indemnisation que la LAA prévoit et auquel celui-ci a droit de se voir reconnaître et attribuer, ce qui justifie l’intervention du TAQ d’une manière générale et en particulier dans la présente affaire au vu de la preuve disponible et retenue par TAQ 1 .
[85] C’est ce qui s’est passé dans le dossier de Monsieur; ceci fut relevé dans la décision de TAQ 1 comme en fait foi son paragraphe 49 reproduit au paragraphe 48 ci-devant.
C- La prétention de l’inexistence d’un «pouvoir déclaratoire»
[86]
La prétention de la SAAQ à l’effet qu’aucun pouvoir «déclaratoire» (declaratory)
n’existe tant pour celle-ci que pour le TAQ lorsqu’en situation de l’article
[87] Il est ni utile ni nécessaire ni souhaitable de nous laisser emprisonner dans le labyrinthe dans lequel cette argumentation tend à nous confiner. Pourquoi?
[88] Ce débat est théorique et plutôt d’ordre sémantique dans la présente affaire.
[89] «Le jugement déclaratoire se distingue du jugement déclaratif en ce qu’il n’est pas exécutoire, ne comportant ni condamnation ni ordonnance» [14]
[90] La conclusion contenue au dispositif de TAQ 1 ne relève donc pas du «déclaratoire» mais est plutôt de l’ordre du «déclaratif» car elle reconnait à Monsieur le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu comme étant le résultat de l'analyse de la preuve retenue.
[91] La reconnaissance relève du concret, du factuel; le déclaratoire relève du théorique, du droit ou de la volonté de prévenir un litige.
[92] L’expression utilisée par TAQ 1 concluant que Monsieur est «inapte à tout emploi» est la simple expression que celui-ci ne peut tout simplement pas travailler, sans plus, le tout étayé par la preuve au dossier.
[93] Il est vrai que la LAA ne comporte pas de «pouvoir déclaratoire» pour la SAAQ ni la LJA pour le TAQ; nul besoin d’en avoir car les décisions tant de la SAAQ que du TAQ sont le résultat de faits.
[94] Il est vrai que la compétence du TAQ est dite attributive; le TAQ contrairement à la Cour Supérieure ne jouit d’aucun pouvoir inhérent de compétence.
[95]
L’expression «
inapte à tout travail
» se retrouve à
l’article
[96]
Sans le dire explicitement l’argumentation de la SAAQ laisse sous
entendre que
TAQ 1
ne pouvait conclure comme il l’a fait car ceci aurait
comme conséquence de figer la situation de la victime, Monsieur en
l’occurrence, au plan de sa condition médicale sans espoir d’amélioration. Ce
qui aurait comme conséquence d’obliger la SAAQ à l’indemniser pleinement
(indemnité de remplacement de revenu) jusqu’à son 65 ième anniversaire de
naissance et par la suite d’une manière décroissante jusqu’à son 68 ième
anniversaire de naissance comme le prévoit l’article
« 43. Lorsqu'une victime reçoit déjà une indemnité de remplacement du revenu en vertu du présent chapitre et qu'elle atteint son soixante-cinquième anniversaire de naissance, l'indemnité à laquelle elle a droit est réduite de 25% à compter de cette date, de 50% à compter de la date de son soixante-sixième anniversaire de naissance et de 75% à compter de la date de son soixante-septième anniversaire.
La victime cesse d'avoir droit à cette indemnité à compter de la date de son soixante-huitième anniversaire de naissance. »
[98] Il est à préciser que dans la réalité quotidienne; il est de pratique courante pour la SAAQ de conclure qu’une victime est incapable d’exercer tout emploi ou est inapte à tout emploi; des décisions du TAQ font de même comme en conviennent tant le procureur de la SAAQ que de Monsieur qui en argumentation a déposé une jurisprudence à cette effet. [15]
[99] La conclusion de TAQ 1 ne fige pas la situation de Monsieur; elle ne limite en rien les pouvoirs de la SAAQ, elle n’accorde pas de statut privilégié et intouchable à Monsieur et elle n’est certes pas de l’ordre d’un jugement déclaratoire réservé à la compétence de la Cour Supérieure.
[100] La SAAQ ne peut et ne doit être un payeur aveugle; elle est redevable à la collectivité qui est à la base de son financement. Il s’agit d’un système étatique d’indemnisation, chaque victime à le devoir de se comporter en citoyen de bonne foi, ce qui est présumé de tous.
[101]
Il eut sans doute été préférable que la SAAQ s’abstienne de recourir à
l’article
[102]
Il est en preuve que Monsieur est incapable de travailler du à sa condition
suite aux blessures subies lors de son accident automobile; le présent Tribunal
conclut que l’article
[103]
Reste donc l’article
14. La victime qui, lors de l'accident, exerce habituellement un emploi à temps plein a droit à une indemnité de remplacement du revenu si, en raison de cet accident, elle est incapable d'exercer son emploi
[104]
Il est toujours loisible à la SAAQ de recourir, si les circonstances s’y
prêtent, notamment aux articles
[105]
Les articles
[106] Un simple mot sur la jurisprudence déposée par le procureur de la SAAQ. Celle qui réfère à l'objet et portée d'un recours en révision ne fait certes pas problème. Quant aux autres décisions, le Tribunal est d’avis qu’aucune ne reçoit application en la présente affaire.
[107]
En toile de fond, la détermination des sujets à débattre et à être
tranchés par
TAQ 1
par les procureurs des parties en début de
l'audience au mérite, la non opposition à l’un ou l’autre de ces sujets définis
par le procureur de Monsieur de la part de la procureure de la SAAQ, son
«je
seconde»
combiné à l’absence d’une demande de sa part de retourner le
dossier à la SAAQ si
TAQ 1
en venait à la conclusion que Monsieur ne
pouvait occuper l’emploi déterminé selon 46 LAA, la présence au dossier de la
preuve médicale retenue par TAQ 1 mais écartée, volontairement, par la SAAQ, la
non applicabilité de l’article
[108]
L’analyse détaillée faite par
TAQ 1
de la preuve retenue et des
arguments qui lui furent présentés à l’audience au mérite, ainsi que le
dispositif auquel il en arrive ne sont ni arbitraire, ni fantaisiste, ni biaisé,
ni parcellaire, ni capricieux, ni «déclaratoire»; au contraire, les conclusions
du dispositif collent à la preuve (tant documentaire, experte et orale) retenue
par
TAQ 1
. En un mot, le tout est raisonné et se situe à l’intérieur des
balises qu’impose l’article
[109]
Ce Tribunal ne peut conclure que, dans la présente affaire, la
détermination de
TAQ 1
est déraisonnable et constitue un vice de fond au
sens de
[110] En conséquence, le recours en révision «pour cause» de la SAAQ sera rejeté et la décision de TAQ 1 maintenue dans son intégralité.
DISPOSITIF
EN CONSÉQUENCE, le TRIBUNAL :
· REJETTE le recours en révision mû par la SAAQ;
· CONFIRME intégralement la décision de TAQ 1 datée du 29 septembre 2010.
Me Steve Marsan
Procureur du REQUÉRANT- INTIMÉ
Me Julien Gaudet Lachapelle
Procureur de l’INTIMÉE- REQUÉRANTE
Audience tenue le 18 août 2011.
Date de prise en délibéré le 19 septembre 2011
[1] Pour fin de clarification les parties sont désignées Monsieur et SAAQ.
[2] L.R.Q., c.J-3
[3]
[4] L.R.Q., c. A-25
[5] L .R .Q. , c. A-25, r. 16
[6] L.R.Q., c. C-12
[7] L.R.Q., c. S-11.011
[8]
SAAQ
c. M.G. et TAQ et La procureure générale du Québec,
M.L. c. Compagnie A et SAAQ et Compagnie B. et CSST, SAS-M-098942-0411, (14 octobre 2008).
G.H. c. SAAQ, SAS-M-108004-0508, (7 mai 2010).
F.D. c. SAAQ, SAS-Q-054383-9910, (11 janvier 2011).
L.L. c. SAAQ, SAS-M-003622-9710, (21 novembre 2000).
[9] SAS-Q-059171-0001, (12 février 2003).
[10]
J.R. vs SAAQ
[11] R.R.Q., c. A-25, r. 16
[12] Idem par.41 et 42
[13] L.R.Q., chapitre C-25
[14] Selon la définition contenue à l’index français des Termes Juridiques du site du Ministère de la Justice du Québec.
[15] Voir note 12