Cinq-Mars c. Club voyages Marlin

2012 QCCQ 841

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-022664-104

 

 

 

DATE :

Le 7 février 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JULIE MESSIER, J.C.Q.

 

 

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RENÉ CINQ-MARS

-et-

DIANE MARTEL

Parie demanderesse

c.

CLUB VOYAGES MARLIN

-et-

TOURS MONT-ROYAL

-et-

NICOLE BASTIEN

Partie défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            René Cinq-Mars et Diane Martel (Cinq-Mars et Martel) réclament le remboursement partiel de 4 000 $ pour un voyage de deux semaines passées en Jamaïque.

[2]            Cinq-Mars et Martel demandent ce remboursement au motif que la publicité et les renseignements donnés lors de la vente du forfait par l'agente, Diane Hébert (Hébert), employée de l'agence Club Voyages Marlin (Marlin), était trompeuse.

[3]            Marlin appelle en garantie Tours Mont-Royal (TMR), le grossiste, et nie avoir fait de fausses représentations, rappelant que la brochure décrivant le forfait mentionne que les éléments recherchés par le couple ne sont disponibles que pour certaines catégories.

QUESTIONS EN LITIGE

[4]            Y-a-t-il eu fausses représentations quant à la qualité du produit vendu?

[5]            Quelles sont les obligations de l'agent et du grossiste en voyage? Si oui, quels sont les dommages subis?

LES FAITS

[6]            Le 17 novembre 2009, Cinq-Mars et Martel rencontrent Hébert à son agence afin de s'acheter un voyage. Ils ont exposé leurs besoins à Hébert qui leur a en retour suggéré plusieurs endroits. Hébert a depuis pris sa retraite, et Marlin a décidé de ne pas l'appeler comme témoin préférant faire entendre un autre agent qui a déposé deux séries de notes provenant d'Hébert, soit celles contemporaines à la rencontre, et une autre page avec des notes écrites, lorsqu'elle reçoit la plainte.

[7]            Dans les notes contemporaines à l'achat on peut lire que le couple a mandaté l'agente de leur trouver un voyage où se retrouvaient une belle plage, la chaleur, de la plongée et du catamaran. Il y appert qu'un budget maximum de 3 500 $ par personne est alloué, le couple désirait quitter vers le 23 janvier. Toujours à partir des notes, il appert qu'Hébert examine plusieurs possibilités, plusieurs sont à moindre prix que celle retenue.

[8]            Les parties témoignent qu'ils désiraient avoir un hôtel cinq étoiles et que c'est ce qui les a motivées à payer 3 318 $ par personne, malgré le fait que d'autres forfaits étaient moins chers. À ce même hôtel, on voit des notes d'Hébert qu'elle leur a parlé de la suite grandes (moins cher), mais qu'ils ont opté pour Atrium.

[9]            On voit aussi du catalogue en possession d'Hébert une brève description du « Couples Swept Away 4.5* »:

Situation

Directement sur la plage Seven Mile de Negril à environ 75 minutes de l'aéroport de Montego Bay.

Hébergement

284 chambres et suites climatisées 1 lit King ou 1 lit King et 2 simple dans les garden suites. Salle de bain complète. Séchoir à cheveux. Téléviseur (dans certaines catégories). Téléphone. Coffret de sûreté. Lecteur CD. Balcon ou terrasse. Bain tourbillon et peignoirs dans certaines catégories. Plusieurs catégories disponibles 4.

Services

Piscines. Bain tourbillon. Sauna. Chaises longues. Serviettes de plage. Boutiques. Salon de coiffure. Service de nettoyage à sec ($). Section de plage nudiste.

Restaurants & bars

3 restaurants à la carte dont 2 cuisine internationale, 1 caribéen, 1 thaï et 2 grills (tenue de ville obligatoire, réservations requises pour certains restaurants). 6 bars dont 1 dans la piscine, 1 à la discothèque et 1 piano bar. »

[10]         Martel a témoigné que les images montrées par Hébert, à partir de son ordinateur, de la chambre et de la salle de bain l'ont convaincu. Elle mentionne qu'une photo montrait un hamac sur une terrasse et une autre un beau bain blanc.

[11]         La représentante de Marlin déclare qu'il est impossible que Martel ait pu voir l'image d'un bain blanc, puisque l'image sur le site Internet montre la photo de la chambre Atrium qui n'a pas de bain. Par contre, Marlin ne dépose pas de copie imprimée de ce qui apparaît sur son site et qui est montré au client.

[12]         Dans les pièces déposées par le grossiste TMR à D-3, il appert qu'il existe une publicité dont à la page photo, il y a le descriptif « Atrium Suite » avec quatre photos qui montrent le hamac décrit par Martel, ainsi que la salle de bain avec bain blanc et douche. On y voit aussi des meubles dans la chambre et un téléviseur.

[13]         La grossiste mentionne que cette revue n'est pas retrouvée chez les agents. Que seul le grossiste l'utilise pour faire la promotion de l'hôtel chez les agents, donc que Martel n'a pu voir cette page de photos.

[14]         Par les notes d'Hébert, il n'y a pas de notes quant à la qualification du type de chambres, soit à l'effet qu'il s'agirait du bas de gamme de l'hôtel. Cinq-Mars et Martel témoignent qu'en aucun temps, Hébert n'a attiré leur intention, à cet effet. Jamais elle ne leur aurait mentionné que leur chambre serait tout autre que ce qu'ils ont vu avec elle, soit qu'il n'y aurait pas de télévision, de bain ou de mini-bar.

[15]         À leur arrivée, c'est donc avec déception qu'ils constatent cet état et qu'en plus ils n'ont pas d'autres meubles dans la chambre que le lit et le hamac. De plus, ils constatent que fenêtres et portes ne sont pas munies de vitre, seulement de moustiquaires. La chambre donnant à l'arrière sur une route passante, ils sont constamment dérangés par le bruit.

[16]         À l'exception de la chambre, le reste de l'ensemble hôtelier est conforme aux attentes du couple. Après la première nuit, le couple se plaint à l'hôtel du bruit, de l'absence de télévision, de mini-bar et de bain. L'hôtel étant plein, ils ne peuvent être déplacés. Le représentant de TMR offre au couple d'aller à un autre hôtel  moyennant des frais à leur charge et un déplacement supplémentaire au retour, ce que le couple refuse.

[17]         Après cinq jours sans dormir, le couple est transféré dans une chambre identique, sans bain, télévision ou mini-bar, mais plus loin de la route. À leur retour, par mise en demeure, ils réclament 4 000 $ en dommages, d'un voyage qui leur avait coûté au total 7 226,21 $.

ANALYSE ET MOTIFS

[ 18 ]         Dans le Code civil du Québec (C.c.Q.) et la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q., c. P-40.1) on retrouve les assises législatives se rapportant au régime de responsabilité des agents et grossistes en voyages.

[19]         Le contrat intervenu entre un consommateur et un agent ou un grossiste en voyages doit être qualifié de contrat de service au sens des articles 2098 et suivants C.c.Q. Les articles 2100 et 2102 C.c.Q. en décrivent les obligations :

2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

2102.  L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu'il s'engage à effectuer ainsi qu'aux biens et au temps nécessaire à cette fin.   »

[ 20 ]         La Loi sur la protection du consommateur (LPC) doit recevoir aussi application lorsqu'un client transige avec un agent ou un grossiste en voyages. Les articles 2 , 16 , 40 , 41 , 42 , 219 , 228 , 272 de la LPC nous apparaissent utiles afin de bien circonscrire les obligations d'un agent ou d'un grossiste en voyages:

«  2 . La présente loi s'applique à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service.

16 . L'obligation principale du commerçant consiste dans la livraison du bien ou la prestation du service prévus dans le contrat.

Dans un contrat à exécution successive, le commerçant est présumé exécuter son obligation principale lorsqu'il commence à accomplir cette obligation conformément au contrat.

40 . Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.

41. Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.

42. Une déclaration écrite ou verbale faite par le représentant d'un commerçant ou d'un fabricant à propos d'un bien ou d'un service lie ce commerçant ou ce fabricant.

219. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur.

228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

      a)   l'exécution de l'obligation;

b)   l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)   la réduction de son obligation;

d)    la résiliation du contrat;

e)    la résolution du contrat; ou

f)     la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.  »

[21]         L'article  40 LPC, indique que l'obligation d'un agent ou d'un grossiste en voyages en est une de résultat.  Il doit fournir le bien ou le service prévu au contrat, et ce, en conformité avec la description qui en est faite.

[22]         Dans leur ouvrage sur «  La responsabilité civile  », 6 e édition, Éditions Yvon Blais inc., 2003, pp. 1319 à 1921, l'honorable juge Jean-Louis Baudouin et le professeur Patrice Deslauriers ont identifié cinq obligations principales qui se retrouvent au contrat entre l'agent de voyages et son client :

1.         Obligation d'information;

2.         Obligation relative au choix de prestataires;

3.         Obligation de conformité;

4.         Obligation de sécurité;

5          Obligation d'assistance.

[23]         Aux présentes, il appert des faits que lorsque Hébert a vendu le voyage, elle a montré au couple Cinq-Mars et Martel une description trompeuse de la réalité. Cette description correspond étrangement aux images fournies par TMR en pièces D-3, bien que TMR indique que ce document n'est habituellement pas remis aux agences. Le Tribunal en déduit que le site Internet à la disponibilité des agents semble s'en être inspiré et que la chambre montrée au nom d'Atrium est accompagnée d'une photo avec bain blanc et une avec meuble et téléviseur.

[24]         Il est clair des photos de la chambre que les demandeurs ont obtenues, qu'ils n'ont pas reçu le produit décrit et à ce titre, ils ont droit à une compensation. Quant au bruit enduré causé par l'obtention d'une chambre sans fenêtre sur le bord d'une route passante, le Tribunal considère que cet élément aussi n'est pas conforme avec le service acheté, soit une chambre dans un hôtel 4 étoiles et demie. L'agent et le grossiste auraient dû connaître cette particularité et en informer le client afin d'éviter ce type de situation.

[25]         Les demandeurs ont, par contre, admis avoir pu bénéficier de l'ensemble des autres commodités du complexe hôtelier, qui d'après la brochure mérite ces 4 étoiles et demie qui lui sont accordées.

[26]         Le Tribunal doit donc attribuer la valeur des dommages considérant l'ensemble de la prestation reçue. En l'espèce considérant le montant payé par les demandeurs, la prestation reçue versus la partie attribuée, le Tribunal alloue une somme de 80 $ par jour par personne pour le défaut quant à la publicité de la chambre, pour un total de 1 120 $ par personne.

[27]         Quant à la responsabilité des défendeurs, le Tribunal la déclare conjointe, puisque la preuve ne permettait pas de déterminer d'où provient à la base l'information trompeuse, est-ce un mauvais enseignement du grossiste envers ses agents ou une mauvaise compréhension de ce dernier des informations disponibles, la preuve n'en n'a pas été établie par les défendeurs.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

CONDAMNE conjointement Club Voyages Marlin et Tours Mont-Royal à payer aux demandeurs la somme de 2 240 $, avec intérêts aux taux de 5 % l'an, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article  1619 du Code civil du Québec , depuis la mise en demeure du 15 janvier 2010, ainsi que les frais judiciaires de 127 $.

 

 

 

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JULIE MESSIER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

Le 13 janvier 2012