TRIBUNAL D’ARBITRAGE
C A N A D A
PROVINCE DE QUÉBEC
N o de dépôt : 2012-2826
QUÉBEC, le 23 décembre 2011
AUDITION TENUE LE : 27 septembre 2011
DEVANT L’ARBITRE : M e JEAN-GUY MÉNARD
N° DU GRIEF : 2009-MG-01
OBJET DU GRIEF : Sous-traitance
RÉCLAMANT : Le Syndicat
REPRÉSENTANTE SYNDICALE : M e Manon Paquette
REPRÉSENTANT PATRONAL : M e Jocelyn F. Rancourt
SYNDICAT DES SALARIÉ(E)S DE GENERAL DYNAMICS PRODUITS DE DÉFENSE ET SYSTÈMES TACTIQUES - CANADA (CSN), usine St-Augustin,
ci-après appelé le «Syndicat»
ET
GENERAL DYNAMICS PRODUITS DE DÉFENSE ET SYSTÈMES TACTIQUES - CANADA INC. , usine St-Augustin,
ci-après appelée l’«Employeur»
S E N T E N C E A R B I T R A L E
I - LE LITIGE
[1] L'Employeur a donné à sous-contrat à l'entreprise Qualitech la fabrication d'un lot de pièces composant une jauge qui correspond au dessin d'assemblage JOO6O33. Cet équipement, qui a été conçu à l'interne et qui était monté pour la première fois, devait servir à prendre différentes données en une seule manipulation des disques métalliques qui sont la matière première des douilles de gros calibre. Ce travail d'une durée prévue de quatre-vingts (80) heures qu'on ne pouvait alors exécuter à l'interne pour "manque de capacité", selon l'Employeur, a été commandé le 28 mai 2009 et devait être livrable le 30 juin 2009.
[2] Le 29 mai 2009, le Syndicat déposait un grief à l'encontre de cette décision d'accorder à sous-contrat la fabrication de certaines pièces constituant la jauge en question en invoquant plus particulièrement le non-respect de la clause 4.01 de la convention collective qui se lit comme suit :
"4.01 La Compagnie s'engage à ne pas confier à sous-contrat ou à contrat à forfait du travail qui est normalement exécuté par des salariés compris dans l'unité d'accréditation, comme moyen de miner le statut de l'unité d'accréditation ou ayant comme effet de causer une mise à pied ou d'empêcher le rappel d'un salarié qualifié inscrit sur la liste de rappel, sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants :
A) Dans le cas où il est nécessaire de sous-traiter certains éléments du contrat de production afin d'exécuter un contrat visé à des conditions concurrentielles;
B) Dans le cas où il y a entente entre les parties;
C) Dans une situation d'urgence;
D) Dans un cas fortuit ou de force majeure.
Dans le cas où la Compagnie confierait un contrat à forfait ou un sous-contrat en relation avec les paragraphes ci-haut mentionnés, une équipe d'amélioration sera formée à la demande de l'une ou l'autre des parties afin d'évaluer la situation et de discuter des alternatives. Cette équipe sera formée d'au moins un salarié de l'unité d'accréditation provenant du secteur des opérations concernées et d'un représentant syndical."
Par ce grief, le Syndicat réclame les heures de travail perdues par les salariés et "tous les droits prévus à la convention collective et dédommagement pour préjudices subis, incluant les dommages moraux et exemplaires, ainsi que le préjudice fiscal, le tout rétroactivement avec intérêts au taux prévu au Code du travail et sans préjudice aux autres droits dévolus".
[3] Aux fins de l'administration de la preuve, les parties ont convenu que le travail octroyé à sous-contrat à la firme Qualitech était normalement accompli par des salariés de l'unité d'accréditation, qu'il n'a pas causé de mise à pied, qu'il n'a pas empêché le rappel de salariés dont le nom apparaissait sur la liste de rappel et qu'il n'était visé par aucune des exceptions prévues aux sous-paragraphes A), B), C) et D) de la clause 4.01 de la convention collective.
II - LA PREUVE
[4] L'enquête a été l'occasion de me saisir des informations suivantes que je tiens pour avérées et pertinentes.
A) LES TÉMOINS DE LA PARTIE SYNDICALE
Monsieur Jean-Noël Moisan
[5] Monsieur Jean-Noël Moisan est technicien en métrologie à l'usine de St-Augustin où l'on fabrique des munitions de gros et de petit calibre ainsi que des pièces pour munitions. Auparavant, il avait notamment été outilleur et inspecteur d'outils et de jauges.
[6] Comme technicien en métrologie, monsieur Moisan a principalement pour fonctions d'assurer le bon fonctionnement des instruments et des jauges qui servent à déterminer la conformité d'un produit, à contrôler l'exactitude des données et de l'échelonnage et à vérifier si les tolérances sont respectées.
[7] En l'occurrence, monsieur Moisan est celui qui a dirigé la demande de travail relative à la jauge en cause à l'atelier d'entretien, et plus spécifiquement à son planificateur, monsieur Frédéric Beaudin. Pour préparer son bon de commande, il a d’abord examiné le dessin pertinent. Il a ensuite indiqué que toutes les pièces pouvaient être fabriquées en atelier, sauf une d'entre elles, tout en rajoutant par ailleurs les éléments de quincaillerie tenus en inventaire.
[8] Les critères habituellement appliqués pour décider si une pièce peut être faite ou non à l'atelier sont la dureté de celle-ci, la précision requise pour la fabriquer et le bon sens ou la logique. Sous réserve de ces paramètres, la fabrication des pièces est généralement faite par les machinistes de l'atelier.
[9] En remettant sa commande au planificateur de l'atelier Beaudin, monsieur Moisan lui a précisé que son supérieur immédiat, monsieur Tony Roy, exigeait que le travail soit fait dans un délai d'au plus cinq (5) semaines. Quelques jours plus tard, ce dernier a toutefois fait savoir à monsieur Moisan qu'il souhaitait que la fabrication des pièces de la jauge en question soit donnée à sous-contrat en soulignant qu'il s'agissait d'un travail trop précis, ce qui donnait à penser qu'on n'était pas capable de l'exécuter à l'interne. Même s'il était en désaccord avec cette requête, monsieur Moisan lui a donné suite.
[10] Aussitôt que les pièces fabriquées sont arrivées à l'usine, monsieur Moisan a commencé à en faire l'assemblage. Ce faisant, il a rencontré certains problèmes parce que des dessins n'avaient pas été respectés; d'où son obligation de procéder à certains ajustements et même à quelques modifications.
[11] Tout en reconnaissant que les jauges ne fonctionnent généralement pas du premier coup, monsieur Moisan a établi qu'un premier retard de quelques mois a été accusé à cause d'une absence maladie de sa part. Par la suite, ce projet a, selon lui, "traîné" pendant six à sept mois.
Monsieur Michel Lajeunesse
Monsieur Michel Lajeunesse est technicien en métrologie. Avant d'agir à ce titre, il a notamment exécuté la fonction de mécanicien d'entretien par intérim en remplacement d'un collègue pendant quasiment un
an.
Étant par ailleurs détenteur d'un DEC en génie mécanique il a, de par la convention collective, accès à toutes les fonctions qu'elle régit, dont celle de technicien en mécanique qu'il n'a jamais effectivement accomplie.
[14] En juin 2009, monsieur Lajeunesse était incidemment disponible pour travailler en temps supplémentaire à ce titre.
[14] Lorsque les pièces de la jauge données à sous-contrat ont été livrées par la firme Qualitech, monsieur Lajeunesse a participé à son assemblage. Par la suite, cette jauge est demeurée quelques mois sur une table devant son bureau.
Monsieur Michel Moisan
[15] Monsieur Michel Moisan est technicien en mécanique. L’exercice de cette fonction l’amène à voir à la fabrication de pièces, à assurer l'entretien des machines de production et à exécuter des travaux de mécanique, de soudure, de pneumatique et de plomberie.
[16] Même s'il a été en congé différé du 1 er mai au 2 novembre 2009, monsieur Moisan a été à même d'établir qu'il y avait en mai 2009 neuf (9) postes de technicien en mécanique. Par ailleurs, il était à sa connaissance que le temps supplémentaire était accordé par ordre d'ancienneté et, au cas de refus, l'Employeur s'adressait au salarié qui avait fait le moins de temps supplémentaire dans le département concerné. En général, tous les salariés étaient, selon lui, disposés à accomplir du travail en temps supplémentaire; certains d'entre eux ne refusaient même jamais d'en faire. Quant à lui, monsieur Moisan était disponible de soir et parfois les fins de semaine.
Madame Kathy Beaulieu
[17] Madame Kathy Beaulieu était à toute époque pertinente vice-présidente du Syndicat. Elle avait de par cette fonction à prendre charge de toutes les questions relatives aux griefs, ce qui explique qu'elle a personnellement mené l'enquête concernant le présent grief en compagnie de deux collègues.
[18] Suivant madame Beaulieu, messieurs Yvon Beaumont, Michel Lajeunesse et Mario Rochette étaient qualifiés pour agir comme technicien en mécanique et étaient au travail au moment où le sous-contrat a été accordé à la firme Qualitech et à celui où le grief pertinent a été déposé.
[19] À la connaissance de madame Beaulieu, l'Employeur s'en remet à l'horaire de fin de semaine prévu à la clause 13.12 de la convention collective lorsque "la ligne est pleine", quand "il n'y a plus de capacité" et quand il faut livrer un contrat dans un court délai. Il utilise par ailleurs l'option de l'occupation par intérim d'une fonction tel que stipulé à la clause 10.09 lorsque son titulaire est absent pour un motif reconnu à la convention collective.
B) LES TÉMOINS DE LA PARTIE PATRONALE
Monsieur Marc Vicaire
[20] Monsieur Marc Vicaire est directeur des ressources humaines chez l'Employeur.
[21] Selon lui, l’Employeur met en place un horaire de fin de semaine uniquement lorsqu'il y a demande au niveau de la production et jamais pour répondre à une commande qui concerne l'atelier d'entretien comme tel.
[22] Concernant la question du nombre de techniciens qui étaient en fonction en mai 2009, il y a lieu de préciser qu'un grief a été déposé le 13 janvier 2010 pour réclamer le comblement de deux (2) postes laissés vacants par des salariés qui avaient pris leur retraite. Un de ces postes a été affiché en mars 2010. Dans le cadre de discussions tenues avec le Syndicat, le grief en question a été retiré sans admission le 12 juillet 2011.
Monsieur Tony Roy
[23] Monsieur Tony Roy est directeur des laboratoires depuis sept (7) ans. Cette fonction lui vaut notamment comme responsabilités celle de voir au bon fonctionnement des départements de la métrologie, de la métallurgie et de l'inspection et celle de se préoccuper de la santé et de la sécurité au travail.
[24] Avant que soit conçue la jauge dont il est ici question, le travail d'évaluation de la qualité des disques exigeait qu'on les manipule à quatre (4) ou cinq (5) reprises pour les introduire dans différentes petites jauges. Avec la nouvelle jauge, on a atteint trois (3) objectifs particuliers, en ce qu'on a d'abord minimisé la manutention et la circulation des disques au moyen de chariots, en ce qu'on a augmenté la performance en ramenant les manipulations à une seule et en ce que l'enregistrement des mesures et des données a dorénavant permis d'indiquer aux fournisseurs les possibles points d'amélioration.
[25] En l'espèce, le technicien en métrologie, monsieur Jean-Noël Moisan, a commencé par examiner le dessin JOO6O33 et par déterminer les différentes pièces qu'il lui faudrait commander. S'agissant de pièces qui pouvaient être fabriquées aussi bien à l'interne qu'à l'externe, il s'est ensuite adressé au planificateur à l'entretien, monsieur Frédéric Beaudin, qui a à son tour examiné le dessin, qui a par après pris en compte la complexité de la fabrication eu égard à la capacité des machines dont il disposait, et qui a finalement consulté son calendrier d'opération. Sur ce, monsieur Beaudin a fait savoir qu'on ne pourrait commencer le travail avant le 8 août 2009 et qu'il serait impossible de livrer ces pièces avant le 23 août 2009.
[26] Comme le délai de livraison souhaité était d'au plus cinq (5) semaines à partir du début de juin 2009, monsieur Roy a jugé inacceptable de soumettre l’exécution de ce projet aux contraintes d'opération signifiées par monsieur Beaudin et il a préféré dans les circonstances recommander qu'on s'en remette à de la sous-traitance. En informant le technicien en métrologie Jean-Noël Moisan de cette décision il n'a jamais déclaré qu'elle s'expliquait par un niveau de précision que les machines de l'atelier d'entretien ne pouvaient pas rencontrer.
[27] Les pièces fabriquées par l'entreprise Qualitech ont été reçues au tout début de juillet 2009. Le technicien en métrologie Jean-Noël Moisan les a vérifiées, les a acceptées et a finalement commencé à en faire l'assemblage. S'agissant d'un équipement de grande complexité, il lui a fallu procéder à plusieurs corrections en cours d'assemblage. D'autres ajustements se sont ajoutés à la suite du branchement au logiciel d'acquisition de données, ce qui a fait en sorte que la jauge est demeurée un bon moment dans le département, mais ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle y a "trainé", selon monsieur Roy.
[28] Dans les faits la jauge a été fonctionnelle à la fin de novembre 2009, mais elle n'a été complètement opérationnelle qu’à la mi-mars 2010.
Monsieur Frédéric Beaudin
[29] Monsieur Frédéric Beaudin est planificateur à l'atelier d'entretien depuis presque cinq (5) ans. À ce titre, il lui incombe de planifier l'entretien mécanique et électrique, le machinage, le travail des mécaniciens, de la ferblanterie, du traitement des eaux et des électriciens, ainsi que de prévoir le temps d'exécution de chacune des opérations, les pièces nécessaires à leur réalisation et les machines exigées pour fabriquer certaines d'entre elles.
[30] En l'espèce, le technicien en métrologie Jean-Noël Moisan lui a demandé de fabriquer à l'interne des pièces destinées à une jauge qui devait servir à la vérification de disques. Il s'agissait donc pour lui de déterminer le matériel nécessaire au machinage et d'évaluer le temps de travail que signifiait cette commande. Pour décider si un travail donné peut être exécuté à l'interne, on considère la charge de travail des techniciens en mécanique, la disponibilité du matériel et la capacité des machines pour l'exécuter. En l'occurrence, ce dernier point n'était d'aucune façon en cause. Le problème tenait strictement du délai qu'il fallait accorder à l'atelier d'entretien pour amorcer et réaliser la fabrication de la vingtaine de pièces visées par cette commande.
[31] Après avoir considéré qu'il devait prioriser le remontage d'un équipement important et le roulement normal de l'atelier, monsieur Beaudin en est arrivé à la conclusion qu'on ne pourrait commencer le machinage des pièces attendues avant neuf (9) semaines auxquelles s'ajoutaient trois (3) semaines de fabrication comme telle, ce qui l'amenait à la fin d'août 2009. Suivant monsieur Beaudin, sa prévision s'est incidemment avérée presque exacte en ce que les contraintes qu'il avait identifiées ont effectivement nécessité 8,2 semaines de travail, alors que son évaluation était de l'ordre de neuf (9) semaines.
[32] À l’époque, monsieur Beaudin a vérifié si on pouvait repousser le délai de réalisation. Vu le refus qui lui a alors été opposé par monsieur Roy, cette commande était inévitablement destinée à la sous-traitance, selon monsieur Beaudin.
III - LE DROIT
[33] Outre la clause 4.01 qui a déjà été rapportée, les dispositions conventionnelles pertinentes se lisent comme suit :
"3.01 Le Syndicat reconnaît le droit de la Compagnie à l'exercice de ses fonctions de direction, d'administration et de gestion de façon compatible avec les dispositions de la présente convention collective.
4.06 1. L'entretien et le dépannage des équipements sont du ressort exclusif des salariés de l'unité d'accréditation, soit :
a) Les machines ou équipements de production (…).
b) Les machines ou équipements périphériques néces-saires au fonctionnement des machines de production ou d'entretien.
c) Les lignes d'alimentation existantes (…).
d) Les systèmes de ventilation dédiés à une machine ou à équipement de production.
e) Les lignes d'alimentation électriques entre les équipements de production et les panneaux de distribution primaires ou secondaires.
f) La réparation et la fabrication des pièces de rechange (…).
g) La pose et le branchement d'un équipement électrique (…).
h) Le nettoyage des machines ou équipements de production.
i) Tout le travail d'entretien mécanique (…).
2. Une réparation couverte dans les champs d'intervention précisée en 1., après entente entre les parties, pourrait être donnée en sous-traitance si aucun salarié de l'unité d'accréditation ne possédait les compétences requises.
10.09 A) INTERIM
Tout poste vacant temporairement, parce que son titulaire est absent en vertu de l'une des dispositions de la présente convention collective, est offert aux salariés des occupations égales ou inférieures, selon les modalités suivantes:
(…)
Les qualifications requises se retrouvent à l'Annexe III.
(…)
10.13 La Compagnie a le fardeau de la preuve dans tous les cas où elle décide qu'un salarié n'est pas en mesure d'accomplir les exigences normales de l'occupation.
13.12 Horaire de fin de semaine
1) Lorsque la Compagnie doit combler un manque de capacité de production entre le début des démarches pour augmenter cette production (achat d’une machine ou modification d’une machine existante) et le moment où la Compagnie est effectivement capable de produire selon le projet annoncé, la Compagnie avise le syndicat, dès la semaine suivant le lancement de contrat, de la mise en place d’un horaire de fin de semaine.
2) Au moment où dans un secteur donné, la production fonctionne sur un horaire de cinq (5) jours et de vingt-quatre (24) heures par jour et la Compagnie veut implanter un horaire de fin de semaine, elle procède comme suit :
(…)
14.09 Nonobstant ce qui précède, s'il devient nécessaire d'effectuer du travail supplémentaire et que le nombre de salariées volontaires soit insuffisant, la Compagnie assigne les salariés qui sont en mesure d'effectuer ledit travail, le tout sujet aux modalités suivantes:
(…)
LETTRE B
(…)
Les parties aux présentes conviennent des conditions qui suivent relativement aux descriptions des occupations et exigences qui s'y rattachent:
1. Les descriptions d'occupation et exigences telles que convenues entre les parties durant le processus de négociation demeurent inchangées pour la durée de la présente convention collective;
2. Ces descriptions d'occupation et exigences peuvent cependant être modifiées durant la vie de la convention collective par accord mutuel entre les parties;
(…)"
IV - L'ARGUMENTATION DES PARTIES
A) L'ARGUMENTATION SYNDICALE
[34] Pour le Syndicat, la question est ici à savoir si l'Employeur pouvait accorder le sous-contrat donné à la firme Qualitech sans contrevenir à la clause 4.01 de la convention collective. À cet égard, il soumet que, par l'intermédiaire de cette disposition, l'Employeur s'est engagé à ne pas miner l'unité de négociation, ce qui lui vaut nécessairement, dans ces circonstances, le fardeau de prouver qu'il a respecté cet engagement.
[35] Du point de vue du Syndicat, la seule façon de satisfaire à ce fardeau était de démontrer qu'avant de s'en remettre à de la sous-traitance, l'Employeur avait pris tous les moyens que lui fournissait la convention collective pour pallier à l'interdiction qu'il avait de ne pas attaquer le travail couvert par l'accréditation.
[36] Étant donné qu'il y avait à l'époque pertinente deux (2) postes de technicien en mécanique qui n'étaient pas comblés et qui auraient pu l'être si ce n'avait été que temporairement au moyen d'un intérim (clause 10.09 A)), considérant qu'il n'y a pas plus eu d'assignation de salariés qualifiés (clause 10.09 A) 2.3) ni de mise en place d’un horaire de fin de semaine (clause 13.12) et vu qu'il n'a pas été permis d'exécuter le travail en temps supplémentaire sachant qu'il aurait pu être obligatoire (clause 14.09), le Syndicat plaide que l'Employeur était forclos d'aller en sous-traitance et qu'il avait l'obligation de garder dans le cadre de l'accréditation la réalisation des pièces qu'il fallait en l’occurrence machiner. Du point de vue syndical, cette conclusion s’impose d’autant plus que la Lettre B intégrée à la convention collective attribue à l’unité de négociation l'appartenance de toutes les tâches couvertes.
[37] À titre subsidiaire, le Syndicat rajoute que, dans l'hypothèse où il serait reconnu qu'il lui revenait de satisfaire au fardeau de preuve, il a rencontré cette obligation en démontrant clairement qu'au moment de l'octroi du sous-contrat visé, il y avait deux (2) postes vacants de technicien en mécanique et que l'Employeur avait l'opportunité et le devoir de faire appel à d'autres moyens convention-nellement prévus avant de s'adresser à de la sous-traitance. À défaut, il est certainement permis de penser que la décision prise dans les circonstances ne pouvait avoir d’autre finalité que celle de miner l'unité de négociation.
B) L’ARGUMENTATION PATRONALE
[38] Estimant que tout est ici question de savoir s'il a "min(é) le statut de l'unité d'accréditation" en donnant un sous-contrat dans les circonstances, l'Employeur prétend qu'il n'y a aucune raison de déroger au principe voulant qu'il incombe à la partie qui invoque un droit, en l'occurrence au Syndicat, d'assumer le fardeau de la preuve. Pour qu’il en soit autrement, il aurait fallu le prévoir comme on l’a fait à la clause 10.13 de la convention collective.
[39] Suivant la clause 4.01, il faut nécessairement, selon l’Employeur, qu'il y ait une relation directe entre l'octroi d'un sous-contrat et un possible effet de minage de l'accréditation. Vu le sens ordinaire qu'il faut donner à ce dernier terme, il apparaît clair qu'il faut voir dans une référence à la sous-traitance une intention d'attaquer, d'affaiblir l'unité de négociation, qui s'associe à une dimension de malice ou de mauvaise foi. En l'espèce, il est indéniable que la preuve ne permet pas de remettre en question la décision de l'Employeur sur une telle base puisqu'elle donne au contraire à penser qu'elle a été prise en toute bonne conscience et de manière légitime.
[40] Pour ce qui a trait aux options qui, selon le Syndicat, auraient dû être privilégiées avant la sous-traitance, l'Employeur soumet que la convention collective ne lui imposait d'aucune façon de favoriser prioritairement l'établissement d'un horaire de fin de semaine, la mise en œuvre d'un intérim ou l'octroi de travail en temps supplémentaire. À tout événement, la preuve a démontré, d’après lui, que les modalités applicables aux horaires de fin de semaine concernent strictement la production et non l'entretien, que la clause 10.09 applicable à l'intérim ne comporte aucune obligation de s'y référer principalement quand on sait que tous les techniciens en mécanique étaient occupés, et que la référence à du temps supplémentaire relève des droits de gérance.
[41] Du point de vue de l'Employeur, le Syndicat ne pouvait en l'occurrence invoquer l'interdiction d'accorder du travail à sous-contrat dans les limites stipulées à la clause 4.01 puisque la preuve ne supporte nullement cette prétention.
[42] Ayant agi de façon toute à fait normale et régulière et ayant pour le reste fait emploi d'une marge discrétionnaire qui lui revenait, il considère finalement que le grief soumis est irrecevable aussi bien en fait qu'en droit.
V - ANALYSE ET DÉCISION
[43] L'Employeur a donné à sous-contrat la fabrication de la plupart des pièces qui constituaient une jauge nouvellement conçue à l'interne. Il a décidé d'agir ainsi par "manque de capacité", c'est-à-dire en raison de l'impossibilité pour l'atelier d'entretien de réaliser et de livrer dans le délai attendu ce travail que font habituellement les salariés qui y travaillent.
[44] S'agissant donc d'un "travail qui est normalement exécuté par des salariés compris dans l'unité d'accréditation" au sens où l'exprime la clause 4.01 de la convention collective, il y a lieu, en raison des admissions consenties, de prendre pour acquis au regard de cette disposition que le sous-contrat accordé à la firme Qualitech n'a causé aucune mise à pied et n'a empêché le rappel d'aucun salarié, d'une part, et que l'Employeur n'était pas dans une situation qui l'obligeait à exécuter ce travail dans des conditions concurrentielles, qu'il n'y a pas eu entente entre les parties, qu'il n'y avait pas urgence, ni cas fortuit ou force majeure, d’autre part. C'est dire que le litige porte strictement sur la mention "comme moyen de miner le statut de l'unité d'accréditation" telle qu'employée à ladite clause 4.01.
[45] En substance, la prétention syndicale est à l'effet que l'Employeur devait, pour se décharger du fardeau qui lui revenait de démontrer qu'il avait respecté cette interdiction, prouver qu'il avait pris en considération les différentes options préalables à la sous-traitance que lui offrait la convention collective, à savoir l'intérim (clause 10.09 A)) et l'assignation de salariés qualifiés (clause 10.09 A) 2.3), la mise en place d'un horaire de fin de semaine (clause 13.12) et le travail en temps supplémentaire (clause 14.09). En aurait-il été autrement pour ce qui a trait au fardeau de la preuve qu'il demeurerait un fait, toujours selon le Syndicat, que chacune de ces possibilités reconnues par la convention collective devaient quand même être préférées à la sous-traitance dans les circonstances.
[46] Suggérant que le Syndicat avait le fardeau de la preuve, l'Employeur plaide généralement qu’il n'y a eu aucune démonstration d'un quelconque effet réducteur du sous-contrat accordé en l'espèce sur le statut de l'unité de négociation.
[47] On aura compris de cette présentation sommaire des théories de cause de chacune des parties que l'une des questions qui s'avèrent litigieuses est celle relative au fardeau de la preuve, l'autre portant sur le sens et la portée qu'il faut donner au membre de phrase "comme moyen de miner le statut de l'unité d'accréditation" apparaissant à la clause 4.01 de la convention collective.
[48]
La règle
applicable en matière de fardeau de preuve est clairement définie par l'article
[49]
En l'occurrence,
il n'y a pas de raison de déroger au principe de base consacré par l'article
[50] Cela étant dit, il y a maintenant lieu de s'arrêter à la clause 4.01 comme telle. Ainsi que l'a correctement exprimé l'arbitre Claude Martin dans une récente décision, ce genre de clause "cherche à assurer à la fois une sécurité d'emploi et une stabilité de l'unité de négociation." [1] Il a incidemment rajouté à juste titre ce qui suit :
"Elles ont pour objet de baliser le droit d'un employeur de recourir à des sous-traitants qui, selon la majorité des arbitres au Canada, ne peut être restreint que par une clause spécifique. Ce droit de la direction, selon une jurisprudence presque unanime, ne peut être limité que par les termes clairs et précis qui ne laissent place à aucune ambiguïté quant à l'intention des parties de le restreindre." [2]
[51] Comme la clause 4.01 est de la nature d'une exception, elle appelle une interprétation stricte d'autant qu'elle comporte elle-même des exceptions à l'interdiction qu'elle traduit. Concernant cette notion d’"interprétation stricte", le professeur Pierre-André Côté a apporté les précisions pertinentes qui suivent:
"Lorsque, par exemple, il est dit que les exceptions sont d'interprétation stricte, cela signifie non pas qu'il faut les entendre dans leur sens le plus restreint, mais qu'il ne faut pas les étendre à des cas non formellement prévus (…). Strict est donc synonyme de non extensif (…)." [3]
C'est dire qu'il est de première importance de garder ici l'analyse de la clause 4.01 à ce qu'expriment véritablement les mots utilisés pour définir son contenu sans oublier pour autant l'environnement rédactionnel dans lequel elle s'inscrit.
[52] Dans cette perspective, il est d'intérêt de rappeler que le Syndicat suggère que l'intention de "miner le statut de l'unité d'accréditation" peut émerger du fait que l'Employeur aurait négligé de prioriser des moyens de réagir à un "manque de capacité" que reconnaît la convention collective. Or, à la simple lecture de la clause 4.01, on ne peut faire autrement que de constater qu’on n’y associe l'octroi d'un sous-contrat à rien d'autre qu'à l'idée de ne pas "miner le statut de l'unité d'accréditation.
[53] Il importe par ailleurs d'ajouter quant à cette prétention du Syndicat que chacune des options auxquelles il réfère ne pouvaient de toute façon constituer des obligations auxquelles l'Employeur devait dans les circonstances se soumettre avant d'octroyer un sous-contrat. Pour qu'il en soit autrement, il aurait fallu stipuler aussi clairement qu'on l'a fait, par exemple, à la clause 4.06 de la convention collective pour réserver certains travaux particuliers en exclusivité aux salariés. Encore qu'il est à se demander si, à prioriser les options pointées par le Syndicat, et plus particulièrement celle du travail en temps supplémentaire qui devient obligatoire en cas de nécessité (clause 14.09), on ne se serait pas inexplicablement trouvé à éliminer toute possibilité pratique d'accorder des sous-contrats.
[54] Au demeurant, il est également déterminant de constater que, de toute façon,
54.1. l'option d'appliquer la notion d'intérim par l'assignation d'un salarié qualifié (clause 14.09) exige qu'il s'agisse de remplacer le titulaire d'un poste laissé temporairement vacant, ce qui n'était pas le cas en l'espèce tant par le fait qu'il n'était pas question de pallier à une absence de salarié que par le fait que les deux (2) postes auxquels s'est référé le Syndicat n'étaient pas temporairement vacants, mais étaient plutôt dépourvus de titulaire parce que non-ouverts encore;
54.2. l'option de la mise en place d'un horaire de fin de semaine était inaccessible puisqu'on en a conventionnellement limité l'application aux situations de manque de capacité de production (clause 13.12), ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque le contrat accordé à Qualitech visait du travail d'entretien et que
54.3. l'option du travail en temps supplémentaire n'était pas a priori obligatoire (clause 14.08) et n'aurait pu le devenir uniquement s'il y avait eu nécessité (clause 14.09), ce qui n'était pas le cas en l'espèce. [4]
[55] Ces options conventionnées n'étant pas obligatoires parce qu'inapplicables ou discrétionnaires, il faut donc s’en tenir à interpréter la clause 4.01 telle que formulée.
[56] Sauf la mention "comme un moyen de miner le statut de l'unité d'accréditation", la clause 4.01 est un classique dans son genre en ce qu'elle est constituée, d'une part, d'une interdiction de principe d'aller en sous-traitance s'il en résulte une mise à pied ou un non-rappel de salarié et, d'autre part, d'exceptions particulières à cette interdiction. Il en ressort à l'évidence une préoccupation de sécurité d'emploi et de stabilité de l'unité de négociation comme on l'a déjà précisé.
[57] Il n'y a toutefois pas là matière à penser qu'en y ajoutant le fait que les descriptions d'occupation sont conventionnées par l'intégration de la Lettre B à la convention collective, on aurait de ce seul fait réservé le contenu de ces fonctions exclusivement au bénéfice des salariés, donc à la faveur aussi de l'accréditation. Au fond, l'idée de la clause 4.01 est quelque part d'autoriser l'Employeur à faire exécuter à sous-contrat du travail ainsi protégé, mais d'en restreindre les occurrences à des cas précis de manière à ne pas préjudicier des salariés et à ne pas affecter l'intégrité de l'accréditation.
[58] Suivant la clause 4.01, il est interdit à l'Employeur d'accorder à sous-contrat du travail normalement accompli par les salariés s'il en résulte une mise à pied ou le non-rappel d'un salarié inscrit sur la liste de rappel, sauf s'il peut prétendre à l'une ou l'autre des exceptions stipulées. A contrario, l'Employeur ne pourrait donc s'en remettre à de la sous-traitance :
58.1. que s'il s'agissait de tâches que les salariés n'exécutent pas normalement;
58.2. qu’advenant où il s'agirait de travail normalement fait par les salariés, seulement s'il n'en résultait pas une mise à pied ou un non-rappel ou
58.3. qu’advenant où il s'agirait de travail qu'accomplissent normalement les salariés et qu'il en résulterait une mise à pied ou un non-rappel, seulement s'il pourrait prétendre à l'application d'une des exceptions prévues aux sous-paragraphes A) à D) de la clause 4.01. [5]
[59] Si ce n'était que de ces seules considérations, il faudrait conclure qu'il n'y a pas eu contravention à la clause 4.01 dans les circonstances puisque le travail confié en sous-traitance à la firme Qualitech n'a pas causé de mise à pied ou de non-rappel, bien qu'il s'agissait de tâches qu'accomplissaient normalement les salariés. Reste à voir si l’ajout de la mention "comme moyen de miner le statut de l'unité d'accréditation" est de nature à y changer quelque chose.
[60] À cet égard, il m'apparaît pour le moins pertinent de signaler que cette dernière mention est liée par un "ou" à l'exigence que l'octroi d'un sous-contrat ne provoque pas de mise à pied ni de non-rappel d'un salarié inscrit sur la liste de rappel. Ces deux conditions qui limitent l'exercice du droit d'exception de donner des sous-contrats ou des contrats à forfait ne sont pas, de toute évidence, exclusives l'une par rapport à l'autre, mais bien cumulatives l'une à l'autre, même si elles sont séparées par ce "ou". Penserait-on le contraire qu'il faudrait accepter que l'Employeur réfère autant de travaux qu'il voudrait en sous-traitance à la condition qu'il ne cause pas ainsi de mise à pied ou qu'il n'empêche pas le rappel de salariés inscrits sur la liste de rappel, ce qui manquerait à la fois de logique et de bon sens et ce qui fairait complètement abstraction d’une mention qui paraît a priori singulière.
[61] Comme il a déjà été établi qu'il n'y a pas eu en l'espèce de mise à pied ou de non-rappel de salarié et que les exceptions stipulées aux sous-paragraphes A) et D) ne sont pas en cause, il ne sera possible de conclure qu'il y a eu ici contravention à la clause 4.01 seulement s'il m'apparaît que le sous-contrat confié à Qualitech par l'Employeur constituait en définitive un "moyen de miner le statut de l'unité d'accréditation.
[62] Cette modalité qu'il faut obligatoirement rencontrer pour pouvoir s'en remettre à de la sous-traitance est, faut-il le rappeler, dans la ligne de cet objectif que cherche à atteindre la clause 4.01 quant à la stabilité de l'unité de négociation. Puisqu'on l'a stipulée dans les termes qu'on sait, on doit en inférer qu'on entendait ainsi y rajouter, sans quoi elle serait sans intérêt ni utilité.
[63] À mon sens, on a voulu ainsi insister d'une façon particulière sur la volonté qu'avaient les parties de faire en sorte que la sous-traitance ne soit pas utilisée dans l'intention de graduellement éroder, dégrader, détériorer ou même saper l'unité de négociation. À cause de la formulation de cette modalité à la clause 4.01, on doit en comprendre que son application est forcément une question d'appréciation de chaque situation donnée. De façon générale, la fréquence et la nature de certains sous-contrats peuvent être des indicateurs d'une intention d'attaquer indûment le statut de l'unité de négociation. Ils pourraient même devenir encore plus révélateurs, donc moins subjectifs, si, par exemple, on en constatait l'existence dans un contexte où les rapports collectifs sont difficiles, sinon impossibles.
[64] En l'occurrence, je n'ai pas trouvé dans la preuve d'éléments suffisamment significatifs et convaincants pour m'inciter à croire que l'Employeur a accordé le contrat en question à l’entreprise Qualitech avec l'idée d'insécuriser les salariés et de déstabiliser d'une manière ou d'une autre le Syndicat. S'il y avait eu urgence, il aurait pu profiter de l'exception prévue au sous-paragraphe C) de la clause 4.01. Mais, tel n'était pas le cas, bien qu'il ait été démontré par les efforts qu'on y a mis qu'on espérait disposer de la jauge visée aussitôt que possible.
[65] Somme toute, la preuve me semble concluante tant pour ce qui a trait aux raisons qui ont amené l'Employeur à faire appel à de la sous-traitance que pour ce qui est des difficultés qu'on a dû solutionner pour rendre ce nouvel équipement fonctionnel. N'ayant pas de raison de douter de leur exactitude ni des intentions qui les supportaient, je ne pense pas qu'il y ait ici matière à penser que le sous-contrat confié à Qualitech était pour l'Employeur un "moyen de miner le statut de l'unité d'accréditation"; d'où l'inévitable conclusion qu'il n'a pu y avoir contravention à la clause 4.01 de la convention collective dans les circonstances.
VI - DISPOSITIF
[66] Pour tous ces motifs,
66.1. JE REJETTE à toutes fins que de droit le grief déposé par le Syndicat le 29 mai 2009, lequel grief porte le numéro 2009-MG-01.
__________________________________________________________________
EN FOI DE QUOI , j’ai signé à Québec, le 23 ième jour de décembre 2011.
M e Jean-Guy Ménard, arbitre |
[1]
Syndicat
des travailleurs(euses) des Épiciers unis Métro-Richelieu et Métro-Richelieu
Inc.,
Voir aussi:
-
Réseau
de transport de Longueuil et Syndicat des chauffeurs d'autobus et des services
connexes, section locale 3333 (SCFP),
-
[2]
Syndicat
des travailleurs(euses) des Épiciers unis Métro-Richelieu et Métro-Richelieu
Inc.,
[3]
Pierre-André
Côté,
[4]
Québec
(Procureur général) c. Crowe,
[5]
Québec
(Procureur général) c. Crowe,