Clément et Rio Tinto Alcan Métal Primaire (CEO) |
2012 QCCLP 1431 |
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[1] Le 5 décembre 2011, monsieur Réjean Clément (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 12 juillet 2011 déclarant que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien courant du domicile pour le déneigement de l’entrée principale.
[3] L’audience s’est tenue le 13 février 2012 à Saguenay. Le travailleur, bien que dûment convoqué, ne s’est pas présenté à l’audience. Aucun retour de courrier n’apparaît au dossier concernant l’avis d’audience. Le tribunal a laissé écouler un délai de quinze minutes avant de débuter l’audience. Pour sa part, Rio Tinto Alcan Métal Primaire (CEO) (l’employeur), était représenté. La cause a été mise en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Par sa contestation écrite, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile pour le déneigement.
LES FAITS
[5] De la preuve documentaire au dossier, le tribunal retient principalement ce qui suit.
[6] Le travailleur, âgé de 54 ans, œuvre chez l’employeur comme opérateur depuis 33 ans. Il présente de multiples antécédents au niveau de sa colonne cervicale, un premier événement étant survenu en 1985, et ayant entraîné une cervico-dorsalgie, suivie de plusieurs épisodes d’exacerbation.
[7] Le 18 avril 2001, le docteur Rémy Lemieux consolidait la lésion et attribuait un déficit anatomophysiologique de 2 % pour une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles. Les limitations fonctionnelles alors établies étaient :
Ä Éviter de travailler avec les bras au-dessus de la tête;
Ä Éviter de regarder au plafond, en raison d’une limitation de son extension cervicale sur des périodes prolongées;
Ä Éviter de tourner la tête de façon répétitive pour ces mêmes raisons.
[ sic ]
[8] Le 22 mai 2010, le travailleur subit un accident du travail entraînant une nouvelle lésion professionnelle. Le diagnostic retenu est une exacerbation d’une entorse cervicale droite de nature personnelle, consolidée le 21 septembre suivant, sans augmentation de l’atteinte permanente mais avec les limitations fonctionnelles suivantes :
Ä Éviter de travailler avec les membres supérieurs en élévation antérieure au-dessus de l'horizontale;
Ä Éviter d'effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude;
Ä Éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;
Ä Éviter de maintenir sa colonne cervicale en position d'hyperextension, de façon prolongée;
Ä Éviter de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquence des charges de plus de 15 kilos, avec les membres supérieurs en élévation antérieure ou en abduction.
[ sic ]
[9] Eu égard aux limitations fonctionnelles reconnues à la suite de la lésion professionnelle du 22 mai 2010, la CSST rend une décision, le 29 avril 2011, déclarant que le travailleur bénéficiera du processus de réadaptation professionnelle prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi).
[10] Le 7 juillet 2011, à l’occasion d’une rencontre avec un agent d'indemnisation, le travailleur demande s’il pourrait bénéficier d’un remboursement des frais de déneigement de sa résidence principale. Il est propriétaire d’un immeuble à appartements, dont il occupe une partie. Chaque appartement bénéficie d’une allée pour une voiture.
[11] Il appert des notes évolutives consignées ce jour par l’agent, que le travailleur lui fait part qu’il prévoit habiter à l’extérieur du pays pour une période de six mois, pendant l’hiver.
[12] De plus, le travailleur informe l’agent qu’auparavant, il n’effectuait pas les travaux de déneigement de sa résidence lui-même, puisque ce sont ses fils qui en assumaient la responsabilité.
[13] Finalement, l’agent rapporte les propos du travailleur à l’effet que « n’eut été de sa lésion, il n’aurait pas effectué les dits travaux de déneigement puisqu’il confirme qu’il quittera sa résidence en période d’hiver (6 mois par année) ».
[14] Par ailleurs, la CSST considère que selon la grille des exigences physiques en lien avec l’articulation lésée du cou, les exigences relatives à l’utilisation du grattoir, de la petite pelle et de la pelle-traîneau sont de faibles à moyennes.
[15] Par conséquent, dans une décision du 12 juillet 2011, la CSST refuse la demande de remboursement pour les travaux d’entretien courants du domicile consistant en des travaux de déneigement, alléguant qu’à la suite de leur évaluation, ces travaux ne répondent pas aux critères d’attribution de tels frais.
L’AVIS DES MEMBRES
[16] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales partagent le même avis et considèrent que la requête du travailleur doit être rejetée.
[17] Les membres estiment que la preuve n’a pas démontré que c’est en raison des conséquences de sa lésion professionnelle que le travailleur ne peut effectuer lui-même le déneigement de l’entrée principale de son domicile, mais plutôt en raison de son absence prolongée pendant la période hivernale. Par ailleurs, les membres considèrent que les limitations fonctionnelles occasionnées par la lésion professionnelle du 22 mai 2010 ne sont pas de nature à empêcher le travailleur d’effectuer ces travaux.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[18] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais courants d’entretien de son domicile, en l’occurrence, des frais de déneigement de l’entrée principale.
[19] La loi a notamment pour but de remédier aux conséquences de la lésion professionnelle subie. L’article 145 stipule ce qui suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
[20]
La demande du travailleur trouve place dans le cadre de la réadaptation
sociale dont les modalités sont notamment prévues aux articles
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
__________
1985, c. 6, a. 151.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
[…]
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
__________
1985, c. 6, a. 152.
[21]
Plus particulièrement, les conditions d’obtention du remboursement des
frais d’entretien courants du domicile sont énoncées à l’article
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courants de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[22] Précisons d’abord que la notion de travaux d’entretien courants du domicile réfère à des travaux habituels ordinaires d’entretien par opposition à des travaux extraordinaires. Les travaux de déneigement sont reconnus comme des travaux habituels ordinaires d’entretien [2] .
[23] Donc, pour avoir droit au remboursement des frais liés aux travaux d’entretien courants du domicile, le travailleur doit faire la preuve :
· qu’il a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle;
et
· qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courants de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion.
[24] Faut-il le préciser, la notion d’atteinte permanente grave doit être interprétée en fonction de la capacité résiduelle du travailleur, à la suite de sa lésion professionnelle, laquelle se traduit notamment par l’existence de limitations fonctionnelles assez graves pour l’empêcher d’exécuter lui-même les travaux.
[25] En l’espèce, à la suite de la lésion professionnelle du 22 mai 2010, le travailleur conserve la même atteinte permanente que celle déterminée antérieurement, en 2001, soit 2 %. Toutefois, les limitations fonctionnelles qui en découlent sont assez importantes.
[26] Cependant, le travailleur ne s’étant pas présenté à l’audience, il n’a pas démontré en quoi lesdites limitations fonctionnelles l’empêchaient de procéder aux travaux de déneigement de l’entrée de son domicile. De plus, le tribunal ne dispose d’aucune autre preuve à cet effet.
[27] Quoi qu’il en soit, en dépit des limitations fonctionnelles conservées par le travailleur à la suite de la lésion professionnelle du 22 mai 2010, et des conséquences qu’elles pourraient avoir sur sa capacité d’effectuer lui-même ses travaux de déneigement, le tribunal considère que ce dernier n’aurait pas droit au remboursement de ces frais.
[28]
En effet, tel que l’enseigne le juge administratif dans l’affaire
Aubut
et
Construction L.F.G. inc
.
[3]
,
« la
question qui doit toujours, conformément à l’article
[29] La preuve documentaire révèle en effet, que le travailleur s’absente de son domicile pour une période de six mois, pendant la période hivernale. Le travailleur confirme en effet à l’agent de la CSST qu’il n’aurait pas procédé lui-même aux travaux de déneigement, puisqu’il sera à l’extérieur du pays pendant tout l’hiver.
[30] De plus, le travailleur admet qu’avant la lésion du 22 mai 2010, il n’effectuait pas les travaux de déneigement lui-même, puisque ses fils s’en occupaient.
[31] Devant ces faits, le tribunal n’a d’autre choix que de conclure que le travailleur ne satisfait pas à l’une des conditions prévues à l’article 165, puisque la preuve prépondérante établit que même en l’absence de lésion, il n’effectuerait pas ces travaux.
[32] En d’autres mots, ce n’est pas en raison des conséquences de sa lésion professionnelle que le travailleur ne peut pas effectuer le déneigement de son entrée, mais plutôt parce qu’il quittera sa résidence pendant toute la période hivernale.
[33] Au surplus, la preuve ne permet pas d’établir que le travailleur a engagé les frais de déneigement qu’il désire se voir rembourser par la CSST. Or, dans l’affaire Duciaume et Entrepreneur Minier CMAC inc. (Mine) [4] , où le travailleur réclamait des frais de tonte de pelouse au titre des frais d’entretien du domicile et pour lesquels il n’avait pas même produit de soumission, le juge administratif s’exprime ainsi :
[25] […] estime qu’il ne peut rendre un jugement déclaratoire concernant les frais qui pourraient être remboursés pour l’année 2011, et ce, malgré une certaine jurisprudence en ce sens. En effet, même si on y affirme faire un jugement déclaratoire pour les travaux futurs, on ne motive pas en vertu de quel pouvoir le tribunal peut procéder de la sorte.
[26] Or, le tribunal estime, en accord avec une jurisprudence constante sur la question, qu’il ne peut rendre un jugement déclaratoire sur les remboursements auxquels le travailleur pourrait avoir droit dans les années futures. En effet, comme ces frais n’ont pas fait l’objet d’une réclamation à la CSST, le tribunal ne peut à l’avance en disposer.
[ sic ]
[Références omises]
[34] Les faits du présent dossier étant similaires à ceux de l’affaire précitée, notamment quant à l’absence de soumission déposée par le travailleur, le tribunal est d’avis qu’il ne peut faire droit à la demande du travailleur d’être remboursé des coûts de déneigement de l’entrée principale de sa résidence.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Réjean Clément, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile pour le déneigement de l’entrée principale.
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Valérie Lajoie |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2]
Lalonde
et
Mavic Construction,
C.L.P.
[3]
C.L.P.
[4]