Roy et Bureau

2012 QCCLP 1566

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

2 mars 2012

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

439920-62-1105

 

Dossier CSST :

137821807

 

Commissaire :

Nicole Blanchard, juge administrative

 

Membres :

Mario Lévesque, associations d’employeurs

 

Serge Adam, associations syndicales

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Denis Roy

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ronald Bureau

Miric inc.

Systèmes intérieurs Rocky inc.

Yves Dubois inc.

Construction Gau-Gau (fermé)

Systèmes intérieurs D.D. inc. (fermé)

Les Entreprises Pro Plus inc. (fermé)

Les Murs Secs Morin inc. (fermé)

Les Finitions Mario Lessard enr. (fermé)

Entrepreneur D.F. inc

Les Plâtrages express inc.

Parties intéressées

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

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DÉCISION

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[1]            Le 30 mai 2011, monsieur Denis Roy (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 25 mai 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]            Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 12 mai 2011 et déclare irrecevable sa réclamation puisqu’il l’a produite en dehors du délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi) et qu’il n’a présenté aucun motif raisonnable permettant de le relever de son défaut.

[3]            À l’audience tenue le 7 décembre 2011, le travailleur, son représentant ainsi que la représentante de la CSST sont présents. 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]            Le travailleur admet que sa réclamation a été déposée hors du délai prévu à l’article 272 de la loi. Cependant, il demande au tribunal de prolonger ce délai parce qu’il possède un motif raisonnable pour expliquer son retard. Ainsi, il voudrait que sa réclamation soit considérée recevable.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]            Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Le motif qu’il présente ne leur apparaît pas raisonnable. Ainsi, ils concluent que sa réclamation est irrecevable.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[6]            À l’audience, le travailleur admet avoir produit sa réclamation à la CSST hors du délai prévu à l’article 272 de la loi.

[7]            Il appert du dossier qu’il a produit sa réclamation le 12 avril 2011 pour un événement survenu le 10 décembre 2008. Donc, il a présenté sa réclamation plus de deux ans après les faits à l’origine de sa réclamation, alors que la loi prévoit qu’il aurait dû le faire dans les six mois de la date où il a été porté à sa connaissance qu’il était atteint d’une maladie professionnelle.

[8]            Partant de cette admission, le tribunal doit uniquement déterminer s’il a démontré un motif raisonnable pour expliquer son retard, et ce, de façon à le relever de son défaut et ainsi déclarer sa réclamation recevable.

[9]            Le travailleur explique exercer le métier de plâtrier dans l’industrie de la construction depuis 1987.

[10]         En juin 2008, il mentionne avoir déposé une première réclamation à la CSST afin de faire reconnaître, à titre de lésion professionnelle, une hernie inguinale qui, selon lui, était survenue au travail. Cela avait nécessité une chirurgie et une convalescence de trois mois. La CSST ne lui a toutefois pas donné raison et elle a refusé sa réclamation. En raison de ce refus, dit-il, il s’est tourné à l’assurance-groupe gérée par la Commission de la Construction du Québec (CCQ), laquelle a reconnu son invalidité et l’a dûment indemnisé.

[11]         Alors qu’il était encore indemnisé pour cette incapacité de courte durée, il mentionne qu’il s’est aussi fait soigné pour des douleurs à son épaule gauche qui se manifestaient depuis longtemps. Le 24 novembre 2008, il a rencontré le docteur Martin Plante au CLSC St-Hubert, lequel a complété le formulaire d’invalidité de l’Industrielle Alliance, y indiquant que le travailleur éprouve des douleurs à son épaule depuis 2005 et qu’il est en arrêt de travail. Comme il était déjà indemnisé par la CCQ, pour sa hernie inguinale, le travailleur dit avoir déposé une autre réclamation à cet organisme, cette fois pour son épaule. Contrairement à sa hernie, il n’a préalablement pas déposé une réclamation à la CSST afin de faire reconnaître le caractère professionnel de cette lésion. Il a directement fait affaires avec la CCQ.

[12]         Jusqu’en avril 2011, il dit avoir été indemnisé par la CCQ pour son problème à l’épaule. Il était toutefois indemnisé que pour la moitié de son salaire. Il admet avoir subi une perte monétaire pendant près de trois ans et s’être serré la ceinture pendant cette période. Tous ses déplacements effectués dans le cadre de cette lésion ne lui étaient pas remboursés ni ses médicaments.

[13]         Le 7 avril 2011, il a reçu une lettre de la CCQ l’informant, qu’à la suite de sa demande d’assurance salaire de longue durée, elle constate que son invalidité pourrait être attribuable à une maladie professionnelle. Ainsi, elle lui demande de déposer une demande de prestation à la CSST et l’avise qu’aucune prestation ni crédit d’heures ne lui seront accordés après le 17 mars 2011.

[14]         Le 8 avril 2011, il reçoit une deuxième lettre de la CCQ, cette fois signée par une conseillère en réadaptation de la CCQ. Elle l’informe de la fermeture de son dossier en réadaptation. 

[15]         C’est en raison de la cessation de ses indemnités par la CCQ, qu’il dit avoir alors déposé sa réclamation à la CSST, le 12 avril 2011. C’est ce motif qui explique son retard.

[16]         Est-ce là un motif « raisonnable » justifiant le fait qu’il ait déposé sa réclamation plus de deux ans après le délai prescrit ?

[17]         Son représentant plaide que jusqu’à ce que la CCQ refuse de poursuivre l’indemnisation du travailleur, soit en avril 2011, le travailleur ne subissait aucune perte pécuniaire. Il n’avait alors aucun intérêt à produire une réclamation à la CSST. Ce n’est que lorsqu’il reçoit une lettre de la CCQ l’avisant qu’il ne sera plus indemnisé par cet organisme qu’alors, à son avis, le travailleur avait un intérêt à déposer une réclamation et c’est ce qui constitue un motif raisonnable de le relever de son défaut.

[18]         Or, le présent tribunal ne partage pas cette opinion.

[19]         Dans le présent dossier, il a été mis en preuve que s’il a été indemnisé par la CCQ, le travailleur a tout de même subi une perte monétaire, puisqu’il n’était indemnisé qu’à moitié de son salaire, ses déplacements lors de ses visites médicales n’étaient pas remboursés ni ses médicaments. Certes, la perte a été plus grande à compter d’avril 2011, puisqu’à cette date, il n’était plus du tout indemnisé mais, toujours est-il, qu’il avait un intérêt réel et actuel à présenter une réclamation à la CSST dès décembre 2008.  

[20]         Le tribunal ne peut adhérer à la demande du travailleur de considérer que son intérêt ne débute qu’à compter du moment où la CCQ l’informe qu’elle ne l’indemnisera plus. La Commission des lésions professionnelles [2] a déjà reconnu que de décider de la sorte reviendrait à consentir un délai supplémentaire aux travailleurs qui choisissent de réclamer auprès d’un assureur public ou privé. Ce n’est certes pas ce que la loi prévoit.

[21]         Ici, le tribunal considère que le travailleur a choisi de réclamer à la CCQ plutôt qu’à la CSST. Il doit vivre avec les conséquences de ce choix. Il ne peut non plus invoquer qu’il ne connait pas la CSST puisqu’il avait déjà antérieurement fait affaires avec cet organisme.


[22]         Il a déjà été décidé [3] que le fait que des soins ou des traitements ou des médicaments soient dispensés gratuitement à un travailleur parce qu’ils ont été couverts par un autre régime d’indemnisation ou qu’ils ont été payés par quelqu’un d’autre pour le travailleur ne constitue pas, en soi, un motif pour relever un travailleur des conséquences de son défaut.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Denis Roy ;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 25 mai 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la réclamation de monsieur Denis Roy est irrecevable.

 

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Nicole Blanchard

 

 

 

 

Michel Cyr, avocat

Représentant de la partie requérante

 

 

Karine De Conninck, avocate

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Guénette et Transport Guilbault inc. , C.L.P. 411541-07-1005 , 28 juillet 2011, M. Gagnon Grégoire.

[3]           Gemme et Roberts & cie ltée , C.L.P. 280894-62B-0601 , 28 juin 2006, M.-D. Lampron; Baril et Centre Hospitalier de Verdun , C.L.P. 359158-62-0809, 1 er avril 2010, L. Vallières.