Travers et Messagerie Courriertel inc. |
2012 QCCLP 1642 |
______________________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
______________________________________________________________________
[1] Le 19 mai 2011, monsieur Rogers Travers (le travailleur) écrit à la Commission des lésions professionnelles à la suite de la réception de la décision qu’elle a rendue le 29 mars 2011.
[2] Le travailleur se dit d’accord avec la conclusion relative à l’absence de récidive au plan neurologique. Par contre, il réitère sa demande d’obtenir une évaluation médicale de ses séquelles permanentes reliées au traumatisme crânien qu’il a subi le 16 février 1999.
[3] La demande du travailleur est assimilée à une requête en révision ou en révocation de la décision du 29 mars 2011.
[4] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la contestation du travailleur. Elle confirme la décision rendue le 14 juillet 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative et elle déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 2 janvier 2010.
[5] Dans le cadre de cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette également la demande du travailleur quant à l’émission d’une ordonnance visant l’évaluation des séquelles découlant du traumatisme crânien dont il fut victime.
[6] Le travailleur, Messagerie Courriertel inc. (l’employeur) et la CSST sont ainsi convoqués devant la Commission des lésions professionnelles, le 13 février 2012, à Saint-Jérôme. L’avis de convocation indique qu’il sera question de la requête en révision ou révocation déposée par le travailleur le 20 mai 2011.
[7] Le travailleur est présent. L’employeur est également présent en la personne de monsieur Claude Vaillancourt. La procureure de la CSST, M e Marie-Claude Pilon, est aussi présente.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[8] Au début de l’audience, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’ajouter aux conclusions de sa décision rendue par le premier juge administratif. Il requiert l’émission d’une ordonnance visant la CSST en vertu de laquelle celle-ci serait tenue de demander à un neuropsychologue ou à un neuropsychiatre une évaluation des séquelles permanentes découlant du traumatisme crânien dont il a été victime par le fait de l’accident du travail du 16 février 1999.
L’AVIS DES MEMBRES
[9] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales rejetteraient la demande du travailleur. Ils font valoir que la décision du premier juge administratif ne comporte aucune erreur.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[10] Avant d’examiner, les reproches que le travailleur formule à l’encontre de la décision rendue par le premier juge administratif, il y a lieu de faire un bref rappel des règles applicables.
[11]
D’abord, il faut avoir à l’esprit que les
décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans
appel comme le stipule le dernier alinéa de l’article
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[Nos soulignements]
[12]
Néanmoins, la loi prévoit un recours qui fait
exception, il s’agit de la révision ou révocation dont l’application est
encadrée par l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[13] Le principal reproche formulé par le travailleur à l’encontre de la décision du premier juge administratif pourrait être de l’ordre du vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision.
[14] Selon la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, le vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision constitue une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’issue du litige [2] . Ce principe a été réaffirmé par les tribunaux supérieurs et notamment par la Cour d’appel du Québec qui a rappelé que la Commission des lésions professionnelles devait agir avec grande retenue en accordant une primauté à la première décision et se garder de réapprécier la preuve et de réinterpréter les règles de droit [3] .
[15] Voyons maintenant la demande du travailleur.
[16] Le tribunal constate que dans sa lettre du 19 mai 2011, le travailleur répète ce qu’il a déjà demandé au premier juge administratif à l’audience que celui-ci a présidée le 15 mars 2011.
[17] Le paragraphe [27] de la décision du 29 mars 2011 fait état de cette demande:
[27] De plus, la demande du travailleur formulée à l'audience consiste davantage en la reconnaissance des séquelles toujours présentes et découlant du traumatisme crânien, qu’il désire faire évaluer à la suite d'une ordonnance du tribunal en ce sens.
[18] L’écoute de l’enregistrement sonore de l’audience du 15 mars 2011, laquelle a donné lieu à la décision du 29 mars 2011, permet également de constater que le travailleur répète en l’instance ce qu’il a déjà demandé au premier juge administratif.
[19] En effet, devant le premier juge administratif, le travailleur explique que ses problèmes de santé n’ont a pas été bien identifiés. Il affirme qu’il a subi une commotion cérébrale et une entorse cervicale. Il insiste sur le fait que sa commotion cérébrale a entraîné des problèmes qui doivent être évalués par des personnes compétentes, soit un psychiatre ou un neuropsychologue. Il fait valoir que cela n’a jamais été fait parce que la CSST s’y est toujours objecté. Il ne comprend pas pourquoi on parle de récidive alors que le problème est présent depuis la survenance de son accident.
[20] Le travailleur ajoute qu’il a mal été représenté devant la Commission des lésions professionnelles en 2009. Il déplore que sa procureure ait refusé de l’écouter de sorte qu’on a omis de considérer les séquelles découlant de son traumatisme crânien. Il a donc fait une nouvelle réclamation à la CSST pour faire reconnaître les conséquences de sa commotion cérébrale.
[21] Le premier juge administratif a correctement résumé la demande du travailleur. Il n’y a pas d’erreur à cet égard. Il n’y a pas plus d’erreurs dans la réponse qu’il fait, dont la teneur se retrouve aux paragraphes [28] et [29] de la décision du 29 mars 2011 :
[28] Le tribunal ne dispose d'aucun pouvoir d'ordonnance contraignant le travailleur à se soumettre à un examen médical. De plus, il ne peut obtempérer à une telle demande, considérant la décision sans appel rendue le 10 juin 2010, déclarant l'absence d'atteinte permanente et de limitations fonctionnelles découlant de ce diagnostic.
[28] Les récriminations exprimées par le travailleur à l'audience sur le fait que de telles conséquences n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation sont ainsi irrecevables.
[22] On comprend que le premier juge administratif a refusé la demande du travailleur notamment parce que la Commission des lésions professionnelles avait déjà disposé de la question relative aux conséquences permanentes de la commotion cérébrale du travailleur dans une décision rendue le 10 juin 2010.
[23] Voyons la teneur de cette décision qui est reproduite à la page 343 du dossier du tribunal.
[24] La contestation dont il est question a été faite par le travailleur. Elle visait notamment une décision de la CSST rendue à la suite de l’avis du neurologue Pierre Bourgeau du Bureau d’évaluation médicale quant aux diagnostics à retenir, aux soins, à la date de consolidation, à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles.
[25] Selon l’objet du litige mentionné dans cette décision, le travailleur est d’accord avec le diagnostic de commotion cérébrale et avec la date de consolidation. Il demande que la Commission des lésions professionnelles ajoute certains diagnostics et qu’elle retienne que le travailleur présente une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles que son médecin expert, le neurologue N. Moussette, avait recommandées dans un rapport du 2 janvier 2010.
[26] Voici comment la Commission des lésions professionnelles rapporte l’objet de la contestation du travailleur :
[6] Le travailleur se dit en accord avec le diagnostic de
commotion cérébrale et la date de consolidation fixée au 11 janvier 2006, mais
demande au tribunal d’ajouter le diagnostic de syndrome myofascial et de
céphalée post-traumatique et de retenir qu’il a conservé
de sa lésion professionnelle de février 1999 un déficit anatomophysiologique de
4 % et les limitations fonctionnelles retenues par le docteur N.
Moussette, neurologue, dans son rapport du 2 janvier 2010 produit à l’audience.
[27] Au paragraphe [13], elle réaffirme que le litige concerne les diagnostics et les autres questions médicales, dont l’atteinte permanente.
[28] La Commission des lésions professionnelles retient que la date de consolidation établie au 11 janvier 2006 n’est pas contestée. Rappelons que la consolidation n’est pas toujours équivalente à une guérison complète. Mais elle correspond toujours au moment où l’état d’un travailleur ne pourra plus s’améliorer.
[29] Par ailleurs, après avoir considéré la preuve, au paragraphe [80] de la décision, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a subi un traumatisme crânien léger. Elle poursuit en indiquant aux paragraphes [81] à [85] pourquoi elle ne retient aucune séquelle permanente en relation avec ce diagnostic :
[81] Le tribunal constate que les docteurs Ladouceur et Bourgeau rapportent des plaintes subjectives du travailleur, mais concluent à l’absence de séquelles. Leurs examens sont faits à l’époque contemporaine à la consolidation de la lésion et sont concordants, et ceci, tant au niveau des observations et des diagnostics qu’au niveau des conclusions sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[82] Au sujet du diagnostic, la procureure du travailleur déclare ne pas contester le diagnostic de « commotion cérébrale ». À l’audience précédente devant la Commission des lésions professionnelles, le diagnostic de « syndrome cérébral post-traumatique » avait été demandé par l’ancien procureur du travailleur, avec celui de trouble d’adaptation. En octobre 1999, le docteur Noiseux avait retenu un diagnostic de « syndrome post-commotionnel ».
[83] Or, en décembre 2009, le docteur Moussette écarte le diagnostic de traumatisme crânien complexe.
[84] En effet, au niveau de la terminologie, le tribunal note que le docteur Bourgeau, membre du Bureau d'évaluation médicale, a plutôt retenu le diagnostic de « traumatisme crânien léger » et c’est le diagnostic retenu par la CSST dans sa décision initiale du 16 mai 2006. Or, même le docteur Moussette écarte la possibilité d’un traumatisme crânien complexe, vu la tomodensitométrie cérébrale normale, et retient un diagnostic de commotion cérébrale étant donné que le travailleur « a présenté un TCC 7 considéré comme léger non complexe ». Le tribunal souligne donc que le traumatisme crânien a été « léger » ou « mineur » et ne comprend pas de traumatisme ou d’atteinte encéphalique, comme l’a conclu le docteur Ladouceur. Le diagnostic de « syndrome cérébral post-traumatique » ne peut être retenu. Le diagnostic posé par les docteurs Ladouceur et Bourgeau de traumatisme crânien léger ou mineur doit être retenu et il s’agit d’un traumatisme crânien sans atteinte encéphalique.
[85] Le tribunal conclut que les conclusions de ces deux médecins sont prépondérantes. Le tribunal ne peut retenir les diagnostics de syndrome myofascial et de céphalées post-traumatiques posés par le docteur Moussette en décembre 2009, ni ses conclusions quant à l’existence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
______________________
7 TCC : traumatisme crânio-cérébral.
(Nos soulignements)
[30] La décision de la Commission des lésions professionnelles a été transmise au travailleur ainsi qu’à sa procureure. Aucune requête en révision ou en révocation n’a été déposée en temps utile. Cette décision du 10 juin 2010 a donc acquis un caractère final en vertu de l’article 429. 49 de la loi.
[31] Conséquemment, le travailleur ne pouvait pas obtenir du premier juge administratif qu’il rouvre la question relative à l’existence de séquelles découlant du diagnostic de traumatisme crânien léger.
[32] Ainsi, le premier juge administratif ne commet aucune erreur lorsqu’il écrit que la décision du 10 juin 2010 est finale. Il ne se trompe pas non plus lorsqu’il indique qu’il n’a pas le pouvoir d’ordonner à la CSST d’entreprendre une investigation médicale parce que le dossier sur cette question a déjà fait l’objet d’une audience devant la Commission des lésions professionnelles et qu’une décision finale a été rendue.
[33] Le travailleur fait valoir qu’il a mal été représenté lorsqu’il fut question de déterminer les séquelles découlant du traumatisme crânien léger. Il dit que sa procureure ne l’a pas écouté. Or, le différend entre une partie à un litige et son procureur ne constitue pas un motif de révision.
[34] À l’audience, le travailleur dépose un livre intitulé Le traumatisme crânien léger ou modéré. Il cherche à démontrer qu’un traumatisme crânien léger peut entraîner des dysfonctions cérébrales. Au plan théorique, le tribunal en convient. Toutefois, cet ouvrage est de portée générale. Il ne démontre pas en quoi le travailleur présente de pareilles anomalies.
[35] D’autre part, comme mentionné précédemment, il est maintenant trop tard pour soumettre une preuve qui aurait dû être présentée à la Commission des lésions professionnelles lorsqu’il a été question des séquelles découlant de l’accident du travail.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la demande du travailleur, monsieur Roger Travers.
|
|
|
Michèle Juteau |
|
|
|
|
|
|
|
|
M e Marie-Claude Pilon |
|
VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON |
|
Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2]
Donohue inc.
et
Villeneuve
,
[3]
Bourassa
et
Commission
des lésions professionnelles