Beaulieu c. Agence du revenu du Québec |
2011 QCCQ 18198 |
COUR DU QUÉBEC
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« Division administrative et d’appel » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N°: |
200-80-004547-103 |
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DATE : |
15 décembre 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR LE JUGE JACQUES TREMBLAY, J.C.Q. |
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CLAUDE BEAULIEU Représenté par : M e Bernard Roy 2580, rue Ménard Québec (Québec) G1W 1C6 |
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Demandeur |
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c. |
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AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC Représentée par : M e Daniel Cantin (casier 16) Larivière Meunier |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1]
Le Tribunal est saisi d’une requête pour interroger une personne
employée de l’Agence du Revenu du Québec (Revenu Québec) en vertu de l’article
[2] Le Tribunal prend acte de l’accord des parties de verser au dossier la lettre du 31 mai 2011 (R-2) de M e Daniel Cantin qui contient les paragraphes suivants :
« […]
Nous apprenons du responsable du projet de la « Lutte contre l’évasion fiscale » que le dossier de monsieur Beaulieu a été sélectionné au moyen d’un programme informatique qui analyse les déclarations fiscales des contribuables, cible ceux ayant fait des transactions à la Bourse mais qui n’auraient pas déclaré de gains en capital à la ligne G10 de l’Annexe G des déclarations fiscales.
En raison de cette absence d’information, une sélection est donc faite, transmise au chef d’équipe du BLEF, lequel remet le dossier à un vérificateur.
[…] »
LES FAITS
[3] Claude Beaulieu (Beaulieu) reçoit des avis de cotisation pour les années d’imposition 2004 à 2006 et loge un appel à leur égard.
[4] Pour l’année 2004, Beaulieu prétend que le fardeau de la preuve repose contrairement à la règle, sur les épaules de Revenu Québec vu la prescription.
[5] Il conteste le choix de la méthode du mouvement de trésorerie appliquée par la vérificatrice, madame Andrée Deslongchamps pour chacune des années en cause.
[6] Il soutient ne pas avoir eu l’opportunité de discuter avec madame Deslongchamps avant les cotisations et qu’il détient une comptabilité adéquate, notamment pour refléter les revenus et les déboursés dans la gestion des immeubles qu’il possède.
[7] Lors de son interrogatoire hors Cour, madame Deslongchamps affirme lorsqu’interrogée sur la méthode alternative de fixation du revenu imposable :
« Moi, je suis pas là pour défendre des méthodes; moi, dans ce temps-là, je travaillais pour le BLEF; donc, ils font des sélections dans diverses méthodes, puis moi, on m’a attribué cette méthode-là; ça fait que c’est ce que j’ai appliqué. »
[8] Ensuite, un engagement est pris par Revenu Québec par l’intermédiaire de son procureur :
« Alors, c’est l’engagement deux (2), je vais demander de nous confirmer le nom et les coordonnées de la personne qui a identifié le dossier de monsieur Beaulieu. »
QUESTION EN LITIGE
Dans
le cadre des articles
ORDONNER à la vérificatrice de la défenderesse de fournir au demandeur :
1. le nom de la personne qui a transmis l’information au chef d’équipe du Bureau de lutte à l’évasion fiscale ainsi que les fonctions qu’elle occupe au sein de l’Agence du Revenu du Québec;
2. le nom du chef d’équipe du Bureau de lutte à l’évasion fiscale qui a remis le dossier à la vérificatrice;
AUTORISER les interrogatoires de la personne qui a transmis l’information au chef d’équipe du Bureau de lutte à l’évasion fiscale et du chef d’équipe.
ANALYSE ET DÉCISION
[9]
Vu que la personne qu’on cherche à interroger est un employé ou un
représentant de Revenu Québec, l’autorisation spécifique n’apparaît pas requise
pour y procéder en raison du premier paragraphe de l’article
[10] Cette décision se justifie d’autant plus qu’elle donne suite à un engagement pris sans restriction par le représentant de Revenu Québec lors de l’interrogatoire de madame Deslongchamps.
[11] L’interrogatoire hors Cour en vertu de l’article 398 est de nature exploratoire et les allégués de l’appel logé par Beaulieu apparaissent justifier l’examen qu’il cherche à faire du processus décisionnel de Revenu Québec dans son dossier.
[12] Malgré le lourd fardeau de preuve qui incombe au contribuable dans le cadre de l’appel de cotisation, le requérant invoque avec à propos l’extrait de la décision Black c. La Reine [2] où il est écrit :
[21] « Même si le ministre a toute latitude pour utiliser la méthode de cotisation arbitraire de son choix, comme la cotisation de valeur nette, il est néanmoins obligé de dévoiler le fondement de la méthode retenue. »
[13] L’appel logé par Beaulieu soulève la question du cheminement décisionnel ayant donné lieu à la cotisation qu’il a reçue.
[14] Le tiers employé de Revenu Québec aurait imposé une méthode de travail à la vérification sans égard aux circonstances du dossier.
[15] L’importance de ce témoin apparaît comparable à celle que le juge Benoît Moulin avait à analyser avant d’autoriser l’interrogatoire d’un tiers à la demande du procureur général du Canada dans l’affaire Lessard et al. c. Financière GMSL inc. [3] .
[16] L’incapacité de la vérificatrice Deslongchamps de défendre la démarche décisionnelle de Revenu Québec exige l’audition des autres témoins à une étape préliminaire du cheminement du dossier d’appel.
[17] Le juge Jaques Dufresne dans l’arrêt Dino Fuoco c. Société générale de financement du Québec et al. [4] écrit au paragraphe 6 de sa décision :
« Le concept de pertinence s’apprécie par
rapport à l’obligation des parties de faire la preuve de l’ensemble des
éléments de base de leur réclamation
(Domaine de la Rivière Inc.
c.
Aluminium
du Canada Ltée
,
[18] Le témoin qui sera identifié par Revenu Québec sera appelé à témoigner sur l’existence d’une directive à la vérificatrice de procéder en utilisant une méthode particulière et sur les motifs justifiant cette directive dans le cadre du mandat du Bureau de la lutte à l’évasion fiscale et du dossier du demandeur, Claude Beaulieu. L’opportunité de procéder ainsi pour Revenu Québec et le caractère raisonnable de la directive n’apparaît pas, dans l’état des procédures au dossier, un élément d’enquête pertinent. L’autorisation d’interroger ces personnes employées de Revenu Québec n’élimine pas la possibilité d’objections subséquentes de la part de Revenu Québec sur le contenu des questions qui leur seront posées.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la requête pour communication d’engagement et permission d’interroger;
ORDONNE à l’Agence du Revenu du Québec de fournir à Claude Beaulieu :
1. le nom de la personne qui a transmis l’information au chef d’équipe du Bureau de lutte à l’évasion fiscale ainsi que les fonctions qu’elle occupe au sein de l’Agence du Revenu du Québec;
2. le nom du chef d’équipe du Bureau de lutte à l’évasion fiscale qui a remis le dossier à la vérificatrice;
AUTORISE les interrogatoires de ces personnes sur l’existence d’une directive à la vérificatrice, madame Andrée Deslongchamps de procéder selon une méthode particulière de travail et le cas échéant, la justification de cette directive eu égard au dossier du demandeur, Claude Beaulieu;
LE TOUT frais à suivre l’issue.
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__________________________________ JACQUES TREMBLAY, J.C.Q. |
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M e Bernard Roy 2580, rue Ménard Québec (Québec) G1W 1C6 |
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Procureur du demandeur |
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M e Daniel Cantin (casier 16) Larivière Meunier |
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Procureurs de la défenderesse |
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Date d’audition : 30 septembre 2011 |