Dion-Lyna et Groupe Nokamic inc. (Débroussaillage) |
2012 QCCLP 1733 |
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[1] Le 21 février 2011, madame Jeannette Dion-Lyna (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 janvier 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 5 octobre 2010, déclarant que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 31 juillet 2003 et n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi).
[3] L’audience s’est tenue le 19 janvier 2012 à Roberval en présence de la travailleuse et de son procureur. Groupe Nokamic inc. (Débroussaillage) (l’employeur) n’était pas représentée, la Commission des lésions professionnelles en ayant été préalablement avisée. Pour sa part, la CSST était représentée par un procureur. La travailleuse et la CSST ayant demandé un délai supplémentaire pour produire des documents et commentaires, la cause a été mise en délibéré lorsque le dossier a été complété, soit le 22 février 2012.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a subi une lésion professionnelle, le 30 août 2010, dont le diagnostic est une recrudescence de la lombalgie irradiant à la jambe droite, laquelle serait une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 31 juillet 2003.
LES FAITS
[5] De la preuve documentaire et testimoniale au dossier, le tribunal retient principalement ce qui suit.
[6] La travailleuse, aujourd’hui âgée de 60 ans, pratiquait le métier de débroussailleuse chez l’employeur. Le 31 juillet 2003, alors qu’elle est en équilibre sur un tronc d’arbre tombé au sol pour atteindre les branches en hauteur, la scie qu’elle manie s’emballe, la faisant chuter sur le dos. La travailleuse atterrit sur des souches et des branches.
[7] Le même jour, la travailleuse se rend à l’hôpital et rencontre le docteur Martin De La Boissière qui diagnostique une entorse dorsolombaire (illisible) à l’omoplate droite et recommande un arrêt de travail pour cinq jours. À la demande du médecin, diverses radiographies sont effectuées par le docteur Michel Petitclerc, intéressant l’hémitorax droit, les poumons, la colonne cervicale, l’omoplate droite, lesquelles s’avèrent normales. Seule celle de la colonne dorsolombaire révèle un début d’arthrose dégénérative touchant le segment dorsal inférieur et principalement à D10-D11.
[8] Le 4 août 2003, la travailleuse consulte le docteur Denis Dubé qui diagnostique une contusion / hématome dorsale et une entorse lombaire. Le médecin recommande un arrêt de travail.
[9] Par la suite, la travailleuse consulte la docteure Hélène Savard à deux reprises, soit le 11 août et le 27 août 2003, laquelle diagnostique une entorse lombaire aiguë ainsi qu’une contusion dorsale et thoracique.
[10] À compter du 25 août 2003, la travailleuse débute des traitements de physiothérapie, à raison de cinq jours par semaine, comprenant l’application de chaleur, des ultrasons, l’utilisation d’un neurostimulateur ainsi que des exercices.
[11] Le 16 septembre et le 30 septembre 2003, la travailleuse consulte le docteur André Poisson qui diagnostique une contusion dorsale et une entorse lombaire accompagnées d’une dorsalgie et d’une lombalgie. Le médecin note que l’examen de la travailleuse est normal, mais la dirige néanmoins en orthopédie.
[12] La travailleuse consulte de nouveau, le 15 octobre 2003, et rencontre le docteur Éric Séguin. Le médecin diagnostique une douleur dorsolombaire droite.
[13] À la demande de l’employeur, la travailleuse est examinée par le docteur Paul-O. Nadeau, le 29 octobre 2003. Rapportant l’état subjectif de la travailleuse, le docteur Nadeau indique qu’elle ressent des douleurs dorsolombaires constantes. De plus, ces douleurs irradient au niveau de la fesse, de la cuisse et du pied droits.
[14] Le docteur Nadeau procède à un examen clinique qui révèle que la démarche est normale. Les amplitudes de la colonne lombaire et cervicale sont normales, de même que les réflexes rotuliens et achilléens. Le Lasègue et le tripode s’avèrent négatifs, et ce, bilatéralement. Par ailleurs, les mensurations des membres inférieurs sont les mêmes des deux côtés. Aucun spasme musculaire n’est noté.
[15] Toutefois, le docteur Nadeau note une pression du vertex douloureuse en lombaire ainsi qu’une douleur diffuse au niveau du rachis lombaire avec une faiblesse musculaire diffuse aux membres inférieurs. Il s’agit, selon le médecin, de trois signes de non-organicité.
[16] La conclusion du docteur Nadeau est donc à l’effet que les examens clinique et neurologique sont strictement normaux et que la lésion, pour laquelle il retient un diagnostic de contusion dorsolombaire et thoracique droite, doit être consolidée le 29 octobre 2003, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Le médecin considère par ailleurs qu’il n’y a pas lieu d’administrer d’autres traitements.
[17] La travailleuse rencontre le docteur Réal Dallaire, le 4 novembre 2003, qui diagnostique une contusion lombaire ainsi qu’une douleur à la cheville gauche et une fasciite plantaire.
[18] À la suite de ce rapport du docteur Dallaire, contredisant celui du docteur Nadeau sur les aspects du diagnostic, de la date de consolidation et des traitements, la CSST soumet une demande d’examen au Bureau d'évaluation médicale, le 11 décembre 2003, à la demande de l’employeur.
[19] La travailleuse revoit ensuite le docteur Poisson le 18 novembre 2003. Lors de cette visite, le médecin retient un diagnostic de dorsalgie, note l’absence d’amélioration de la lombalgie et recommande une tomographie axiale lombaire.
[20] Quelques semaines plus tard, soit le 9 décembre 2003, la travailleuse consulte de nouveau le docteur Poisson. Les diagnostics alors posés sont ceux d’entorse et de contusion dorsale ainsi que de lombalgie. Le médecin s’interroge sur la présence d’arthrose.
[21] Une tomodensitométrie du rachis lombaire est effectuée le 8 janvier 2004, par le docteur Paul Lemire, à la demande du docteur Poisson. Le radiologiste constate la présence de sclérose facettaire avec probablement un peu d’arthrose marginale peu significative en L2-L3. Au niveau L4-L5, le médecin constate la présence de sclérose facettaire accompagnée d’un début d’arthrose apophysaire. Finalement, une mimine arthrose apophysaire est observée en L5-S1.
[22] Lorsqu’il revoit la travailleuse, le 13 janvier 2004, le docteur Poisson constate que la dorsalgie secondaire à l’entorse est améliorée de 75 %, alors qu’il n’y a pas d’amélioration de la lombalgie.
[23] Le 22 janvier 2004, la travailleuse est examinée par le docteur Jean-Pierre Lacoursière, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale, en regard du diagnostic, de la date de consolidation et de la suffisance ou de la nécessité des soins et traitements.
[24] Le docteur Lacoursière mentionne que la travailleuse se plaint de douleurs dorsales et lombaires, ces dernières irradiant quelques fois au niveau des membres inférieurs jusqu’à la face externe des jambes.
[25] À l’examen de la colonne cervicale, le docteur Lacoursière note que les mouvements sont complets. De plus, les réflexes achilléens et rotuliens sont normaux et symétriques. Le signe du tripode est négatif, et ce, bilatéralement. Il n’y a aucune diminution de la sensibilité des membres inférieurs. La force de contraction des muscles quadriceps et ischio-jambiers est symétrique et normale. Le médecin note une faiblesse à la dorsiflexion ainsi qu’à la flexion plantaire de la cheville gauche, qu’il considère cependant intentionnelle de la part de la travailleuse, compte tenu de la normalité de ses observations quant aux membres inférieurs.
[26] Poursuivant son examen, le docteur Lacoursière note que la palpation de la musculature lombaire est souple et non-douloureuse et qu’il en va de même pour la palpation des sacro-iliaques. De plus, la contraction des muscles fessiers est normale et symétrique.
[27] Au titre de la discussion, le docteur Lacoursière, s’appuyant notamment sur la tomodensitométrie lombaire du 8 janvier 2004, indique qu’il y a présence de signes indirects de dégénérescence discale en L4-L5 et L5-S1. Il affirme que son « examen objectif est complètement dans les limites de la normale, sauf pour ce qui est des douleurs subjectives alléguées ».
[28] Les conclusions du docteur Lacoursière sont à l’effet que la travailleuse a présenté une contusion dorsolombaire et thoracique droite, laquelle est consolidée en date du 24 janvier 2004, ne requérant aucun traitement additionnel.
[29] Le 30 janvier 2004, la physiothérapeute Daisy Fradet indique qu’après 98 traitements reçus, la condition de la travailleuse est stable depuis plusieurs semaines, sans aucune amélioration. La travailleuse conserve une raideur à la région lombaire. La consolidation par le docteur Lacoursière marque la fin de cette série de traitements.
[30] À la suite de cet avis du Bureau d'évaluation médicale, la CSST rend une décision, le 2 février 2004, déclarant que le diagnostic de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 31 juillet 2003 est une contusion dorsolombaire et thoracique droite, laquelle est consolidée le 22 janvier 2004, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date. Cette décision a fait l’objet d’une demande de révision par la travailleuse, laquelle est confirmée le 11 mars 2004, à la suite d'une révision administrative.
[31] Les 17 et 20 février 2004, le docteur Poisson revoit la travailleuse et aux deux occasions, constate l’amélioration de la dorsalgie, mais la stagnation de la lombalgie de la travailleuse, qu’il qualifie de sévère.
[32] La CSST requiert une expertise de la travailleuse auprès du docteur Jean-François Fradet, lequel rencontre cette dernière le 19 avril 2004. La travailleuse lui rapporte des douleurs lombaires basses constantes. Elle se plaint également d’une symptomatologie douloureuse, à la région postérieure des cuisses et des fesses ainsi que du côté latéral des membres inférieurs, jusqu’aux talons.
[33] À l’examen physique, le docteur Fradet note une disproportion lorsqu’il prend une première mesure en flexion du tronc à 75 degrés et une seconde à 50 degrés. Il fait le même constat lorsqu’il mesure l’extension du tronc d’abord à 20 degrés et ensuite à 10 degrés. Le médecin remarque aussi que la travailleuse mentionne une douleur à la palpation de L3 à S2, ainsi que de D5 à D10 alors qu’il n’y a aucun spasme musculaire.
[34] Le docteur Fradet conclut à l’absence d’atteinte neurologique chez la travailleuse ainsi qu’à un examen normal au niveau de la colonne dorsolombaire. S’appuyant sur ses observations et celles de ses confrères Nadeau et Lacoursière, le médecin conclut que : « il n’y a donc plus d’évidence de lésion évolutive dans ce dossier ». Dans un rapport complémentaire du 26 mai 2004, le docteur Fradet indique ne retenir aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de la travailleuse.
[35] À la suite de ce rapport, la CSST demande au docteur Patrice Drouin, neurologue, de procéder à une évaluation médicale, laquelle sera faite le 19 avril 2004. Rapportant les propos de la travailleuse sur les instants et les jours qui ont suivi l’accident du 31 juillet 2003, le médecin écrit :
Les douleurs étaient non seulement dorsales à la région scapulaire mais aussi à la région lombo-sacrée et graduellement, (même dans les premiers jours elle dit qu’elle a eu de la douleur dans la jambe droite), tout le long de la jambe et de la cuisse allant jusqu’en lombo-sacrée. Les douleurs sont devenues plus manifestes avec les traitements de physiothérapie. Un peu plus tard c’est la jambe gauche qui a commencé à avoir les mêmes malaises sous forme d’engourdissements et de douleurs. Ceux-ci se situaient surtout sur la face latérale postérieure de la jambe, allaient jusqu’au talon, remontaient aussi à la cuisse et à la fesse. Par après, ce sont les douleurs aux talons des 2 côtés qui sont devenues plus importantes au point qu’à une certaine époque elle dit qu’elle marchait avec 2 cannes dans la maison. Depuis 1 mois, les douleurs seraient un peu atténuées mais seraient toujours présentes.
[ sic ]
[36] Le docteur Drouin introduit ses notes d’examen physique avec une mise en garde :
Je dois dire pour débuter qu’on est en présence d’une personne chez qui les gémissements seront l’élément dominant pendant tout l’examen y compris dans toutes les manœuvres qui ne sont pas susceptibles de provoquer de la douleur.
[ sic ]
[37] La travailleuse refuse d’exécuter plusieurs manœuvres suggérées par le docteur Drouin, sous prétexte qu’elles provoquent des douleurs lombaires. Par exemple, elle refuse de marcher vite, de marcher sur la pointe des pieds, de lever le bout des pieds sans marcher. Elle refuse aussi de s’accroupir de plus de quelques degrés, alléguant des douleurs lombaires.
[38] À l’examen objectif, le docteur Drouin note avec surprise des faiblesses musculaires aux membres supérieurs, alors que les blessures se situent aux niveaux lombaire et dorsale. Toutefois, la force musculaire de la travailleuse s’améliore lorsque le médecin requiert une meilleure collaboration.
[39] Poursuivant son examen, le docteur Drouin écrit :
Au niveau des petits muscles des mains, on retrouve un des signes non organiques les plus fréquents à savoir lorsqu’on demande d’écarter les doigts et de résister à la fermeture des doigts en appliquant une pression latérale sur l’index et le 5 e doigt. On voit alors une faiblesse très importante qui s’installe très rapidement par saccades bien sûr. Plus tard après quelques manœuvres de diversion, lorsqu’on vérifie isolément le 1 e interosseux dorsal et l’abducteur du 5 e doigt, la force de ces 2 muscles est tout à fait normale.
Il n’y a aucune atrophie dans les membre supérieurs aucune fasciculation.
Au niveau des membres inférieurs, lorsqu’elle est examinée en position assise, elle se dit incapable de faire la flexion de la cuisse comme si elle avait une parésie très sévère du psoas, ce qui ne se retrouvera pas à la même intensité lorsqu’elle est examinée en position dorsale. On retrouve aussi une faiblesse toujours par saccades au niveau du quadriceps, des ischio-jambiers et au niveau des muscles dorsi-fléchisseurs et de la flexion plantaire des 2 pieds. Alors qu’elle n’était pas capable de faire l’extension de la jambe sur la cuisse présumément à cause d’une faiblesse importante des quadriceps, j’ai placé sa jambe en extension et j’ai vérifié les muscles dorsi-fléchisseurs du pied. À la première tentative, on a cette faiblesse pas saccades qui est très importante comme si le pied était totalement paralysé ou presque. En insistant, on obtient une bonne contraction des dorsi-fléchisseurs et au cours de la même manœuvre, j’appuyais une forte pression sur le pied qui en fait n’était pas sur les dorsi-fléchisseurs du pied mais sur la jambe et elle pouvait maintenir l’extension de la jambe de façon parfaite.
En position couchée, tous les muscles sont très faibles dans les membres inférieurs par saccades mais toujours en fluctuant. Si ces signes de faiblesse avaient été authentiques, elle aurait été incapable de marcher. Avec stimulation verbale, on obtient toujours des contractions nettement supérieures.
Lorsque les 2 jambes sont allongées, que je mets ma main sous le talon gauche et que je lui demande de lever la jambe droite contre résistance, je sens une forte pression du talon gauche sur ma main mais elle ne lève pas la jambe gauche si ce n’est pour quelques centimètres. À la manœuvre inverse avec la main sous le talon droit, on a encore cette forte pression du talon sur la main sans qu’elle réussisse à élever la jambe de l’autre côté. En fait, on pourrait penser qu’il s’agit d’un signe organique mais il y a une nette contradiction lorsque par après je lui demande de peser avec son talon sur ma main, il devient alors très facile de faire l’élévation de la jambe contre résistance alors que ce n’était pas possible dans l’autre manœuvre.
Tous les réflexes ostéotendineux des 4 membres sont tout à fait normaux et symétriques. Les cutanés plantaires sont en flexion franche. Ceci contraste avec le fait qu’elle n’avait pas pu faire au début la flexion des orteils lorsque je lui avais demandé.
L’examen ses sensibilités est normal.
[…]
Il n’y a pas d’atrophie dans les membres inférieurs. Les cuisses ont la même circonférence à 52 cm et les jambes ont des circonférences de 35.
[ sic ]
[40] La seule conclusion tirée par le docteur Drouin est que cet examen neurologique objectif n’a pas de valeur diagnostique, puisque tous les signes observés sont des signes de non-organicité.
[41] Eu égard à cette conclusion, le docteur Drouin ne retient pas d’atteinte permanente non plus que de limitation fonctionnelle, puisque cet examen ne démontre aucun signe de pathologie neurologique. Il ajoute par ailleurs que les déficits allégués sous forme de faiblesses, d’engourdissements et de douleurs ne sont supportés par aucun signe objectif.
[42] Le docteur Drouin conclut que la travailleuse a eu des contusions au niveau de la région scapulaire droite et lombosacrée et qu’il n’y a plus de signe clinique de cette pathologie. Il confirme la date de consolidation du 24 janvier 2004, émise par le Bureau d'évaluation médicale.
[43] Relativement à la nécessité d’autres traitements ou investigations, le docteur Drouin est d’opinion qu’en l’absence de tout signe clinique valable, toute investigation additionnelle ne parviendra pas à démontrer une pathologie qui pourrait supporter les symptômes allégués par la travailleuse. Quant aux traitements, le médecin écrit que : « le vrai traitement est l’absence de traitement », expliquant que toute prolongation de traitements serait de nature à favoriser la prolongation des symptômes subjectifs.
[44] Un rapport complémentaire est émis par le docteur Poisson, le 21 mai 2004, à la suite du rapport du docteur Drouin. Le médecin retient comme diagnostics une entorse et une contusion dorsales ainsi qu’une lombalgie probablement associée à une entorse. Le médecin indique que la lésion n’est pas consolidée et dit ne pas pouvoir se prononcer sur le sujet. Quant aux traitements, il constate que la physiothérapie a apporté peu d’amélioration. Le docteur Poisson confirme l'absence d’atteinte permanente. Finalement, il n’émet pas de limitations fonctionnelles proprement dites, mais écrit que la travailleuse conserve des limites dans ses déplacements, a peu de tolérance à l’effort et est « peu mobile ». Le médecin termine en questionnant la relation entre ces constats et l’accident du travail du 31 juillet 2003.
[45] La travailleuse débute des travaux légers, le 31 mai 2004.
[46] Dès le 4 juin 2004, la travailleuse consulte le docteur Réal Dallaire, lequel diagnostique une lombalgie sévère entraînant une flexion pénible et incomplète, s’accompagnant d’une tension douloureuse et d’une légère radiculopathie L4 droite ainsi que d’une sciatalgie droite. Le médecin recommande un arrêt de travail et prescrit des anti-inflammatoires et des analgésiques. Ces constats sont reconduits par le médecin à l’occasion d’une autre visite, le 18 juin suivant.
[47] Un second rapport complémentaire est rédigé par le docteur Poisson, le 17 juin 2004, faisant suite à l’expertise du docteur Fradet. Le docteur Poisson écrit être en accord avec l’expertise de son confrère. Plus particulièrement, le médecin traitant de la travailleuse écrit :
Je crois que cette patiente présente un autre problème que celui relié à l’accident de travail : arthrose?? Fibromyalgie ?? Arthrite ?? Je crois que l’accident (illisible) fait d’avoir été secondaire à á le problème de base.
Quant à savoir une date de consolidation précise je ne peux me prononcer car ceci demeure très complexe. Cette patiente demeure limité présentement. Est-ce secondaire à l’accident ou aux autres problèmes?
[ sic ]
[48] Le 12 juillet 2004, eu égard aux questionnements soulevés par le docteur Poisson, la CSST soumet une nouvelle demande au Bureau d'évaluation médicale, à qui elle transmet les rapports du docteur Poisson du 17 juin 2004 et du docteur Fradet du 26 mai 2004. Le Bureau d'évaluation médicale doit se prononcer sur l’existence et/ou l’évaluation des limitations fonctionnelles de la travailleuse.
[49] Ce même 12 juillet 2004, la travailleuse consulte la docteure Sylvie Robitaille, qui pose un diagnostic d’entorse de grade II de la cheville droite. À l’audience, la travailleuse relate s’être infligée une entorse à la cheville droite, qui selon elle, ne l’a pas aidée en regard de ses maux de dos. Sa cheville est par ailleurs toujours symptomatique. La travailleuse ne relie pas cette entorse à l’accident du travail du 31 juillet 2003.
[50] La travailleuse est examinée par le docteur René Landry, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale, le 17 août 2004. Le médecin rapporte que la travailleuse mentionne que l’état de sa colonne dorsolombaire est stable depuis le mois de janvier 2004. La douleur est constante, bien que d’intensité variable. Les mouvements de flexion et d’extension lui sont douloureux.
[51] Le docteur Landry procède à l’examen objectif de la travailleuse. Compte tenu de l’accident à la cheville survenu quelques semaines plus tôt, il est impossible pour la travailleuse de marcher sur la pointe des pieds. Le médecin note que la palpation de la colonne dorsolombaire est douloureuse, de manière diffuse de la région dorsolombaire vers D12, jusqu’à la région lombosacrée droite. Il ne peut vérifier la présence de spasme au niveau des masses musculaires paravertébrales.
[52] Le docteur Landry observe notamment que tous les mouvements sont limités dans la région lombosacrée. Le Lasègue est négatif. En décubitus dorsal, l’élévation des membres inférieurs alternativement à 90 degrés provoque une lombosacralgie à prédominance droite. Les réflexes rotuliens et achilléens sont normaux et symétriques. Aucun clonus n’est mis en évidence.
[53] Les conclusions du docteur Landry, considérant notamment la persistance des limitations fonctionnelles au niveau de la colonne dorsolombaire, sans avoir toutefois constaté de déficit neurologique aux membres inférieurs, sont à l’effet que la lésion professionnelle du 31 juillet 2003 a entraîné des limitations fonctionnelles correspondant à des restrictions de classe II pour le rachis dorsolombaire.
[54] Un second avis du Bureau d'évaluation médicale est requis en neurologie. La travailleuse est examinée par le docteur Richard R. Delisle, le 29 octobre 2004, pour déterminer si la lésion professionnelle du 31 juillet 2003 a entraîné des limitations fonctionnelles neurologiques.
[55] À la suite de son examen objectif, le docteur Delisle écrit :
Au niveau du rachis lombaire, il existe une légère limitation avec douleur dans tous les plans de l’espace avec flexion antérieure mesurée à 80°, extension 20°, flexion latérale droite et gauche 20°, rotation latérale droite et gauche 20°. Il n’y a aucun spasme paravertébral à la palpation du rachis cervical, dorsal ou lombo-sacré. Le signe de Lasègue est négatif. Le signe du tripode est également négatif.
D’autres manœuvres qui n’entraînent pas la mise en tension du nerf sciatique ou des racines lombo-sacrées génèrent de la douleur chez la patiente, comme par exemple la flexion des genoux ou même l’abaissement des membres inférieurs à plat sur la table d’examen. Les réflexes aux membres supérieurs et inférieurs sont à 2+. Il n’y a aucune atrophie musculaire ni fasciculation visible au niveau des membres supérieurs ou inférieurs. Les forces sont normales à 5/5 autant au niveau des deux membres supérieurs que des deux membres inférieurs en proximal et en distal. Parfois la patiente a tendance à céder, à notre avis à cause de la douleur particulièrement au niveau de la dorsiflexion et de la flexion plantaire du pied droit, mais la force en encourageant la patiente est tout à fait normale. Il n’y a aucun déficit sensitif de type radiculaire au niveau des deux membres supérieurs ou inférieurs. Tout au long de l’examen, la patiente semble souffrante et émet des gémissements.
Plusieurs manœuvres qui n’entraînent aucune sollicitation du rachis lombo-sacré ni mise en tension du nerf sciatique, tel qu’évoqué ci-dessus, entraînent une exacerbation des douleurs de la patiente.
[ sic ]
[56] Rappelant qu’on lui demande de se prononcer sur l’existence de limitations fonctionnelles chez la travailleuse, le docteur Delisle écrit :
À cet effet, suite à notre évaluation, cette patiente a subjectivement un tableau douloureux, mais l’examen objectif de la patiente ne montre aucune évidence de souffrance radiculaire ou de signe objectif de sciatalgie. Nous avons uniquement noté une limitation partielle antalgique des mouvements du rachis dorsolombaire que nous ne pouvons expliquer et nous avons noté de nombreuses discordances à l’examen objectif de cette patiente, en particulier que plusieurs manœuvres qui ne sollicitent nullement le rachis dorsolombaire ou qui ne mettent pas en tension les racines lombo-sacrées ou le nerf sciatique et qui néanmoins déclenchent chez cette patiente une nette exacerbation de sa symptomatologie.
[ sic ]
[57] Étant donné que son examen objectif ne démontre aucun signe de souffrance tant radiculaire que du rachis, mais révèle par ailleurs plusieurs signes discordants, le docteur Delisle conclut que la travailleuse n’a pas de limitation fonctionnelle en rapport avec l’accident du travail du 31 juillet 2003. Il ajoute que les signes purement subjectifs observés, sans aucun élément objectif pour les appuyer, de même que les nombreuses discordances constatées à l’examen, ne permettent pas d’expliquer, au plan organique, la persistance de ce tableau douloureux.
[58]
À la suite des avis du Bureau d'évaluation médicale en orthopédie et en
neurologie, concernant l’établissement des limitations fonctionnelles, la CSST rend une décision, le 6 décembre 2004, dans laquelle elle indique d’abord qu’étant donné
que l’avis du docteur Landry n’a pas été rendu à l’intérieur du délai prévu à
l’article
[59] Entre le 2 décembre 2004 et le 3 juillet 2007 , la travailleuse consulte le docteur Dallaire à 22 reprises, en raison de ses douleurs lombaires, lequel diagnostique soit une lombalgie chronique, soit des séquelles d’entorse lombaire, soit une sciatalgie. Toutefois, le médecin ne prévoit aucun traitement, à l’exception de la prise d’anti-inflammatoires et d’exercices. Il recommande à la travailleuse de ne pas faire de travail physique pendant toute cette période.
[60] Dans une décision de la Commission des lésions professionnelles [2] rendue le 13 juillet 2007, notre tribunal déclare que le diagnostic de la lésion professionnelle du 31 juillet 2003 est une contusion dorsolombaire et thoracique droite, laquelle lésion est consolidée en date du 29 octobre 2003, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date. Également saisi du litige eu égard aux limitations fonctionnelles, le juge administratif déclare que la lésion professionnelle n’a pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles et que la travailleuse est capable d’exercer son emploi prélésionnel à compter du 29 octobre 2003.
[61] Le 23 novembre 2009, la travailleuse consulte un médecin à la clinique de la douleur de Dolbeau-Mistassini. Dans les notes de consultation du médecin dont le nom est illisible, il est écrit que la travailleuse souffre de lombalgie depuis son accident du travail en 2003 et que cette douleur est constante bien que variable. À l’examen objectif des membres inférieurs, le médecin constate que la force et la sensibilité sont normales et symétriques. Il conclut à une lombalgie chronique.
[62] C’est lors de sa visite du 30 août 2010, que le docteur Dallaire diagnostique chez la travailleuse, une recrudescence de la lombalgie irradiant à la jambe droite qu’il relie à l’événement du 31 juillet 2003. Il recommande un arrêt de travail et prescrit des anti-inflammatoires.
[63] Le 5 octobre 2010, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse au motif qu’il n’y a pas de détérioration objective de son état de santé, d’où le présent litige.
[64] La travailleuse a de nouveau consulté le docteur Dallaire, les 31 octobre 2011 et 24 janvier 2012, lequel diagnostique une lombosciatalgie droite, en lien avec l’événement du 31 juillet 2003.
[65] La travailleuse témoigne à l’audience. Depuis son accident du travail de juillet 2003, elle a toujours éprouvé de la douleur au dos, laquelle irradiait à sa jambe droite. Toutefois, bien que constante, la douleur lui laissait parfois un peu de répit.
[66] Cependant, la travailleuse explique que depuis le mois d’août 2010, la douleur est plus présente à la jambe droite, au point d’entraîner des difficultés à la marche. Son sommeil s’en trouve perturbé, la prise de somnifères étant parfois nécessaire. C’est cette augmentation de la douleur qui l’amène à consulter le 30 août 2010.
[67] Au sujet de son suivi médical, la travailleuse précise que pour la période comprise entre 2007 et 2010, elle a continué de voir son médecin traitant, le docteur Dallaire. Toutefois, ce dernier n’émettait pas d’attestation médicale.
L’AVIS DES MEMBRES
[68] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête de la travailleuse. Ils considèrent que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure à une détérioration de l’état de santé de la travailleuse depuis la date de consolidation du 29 octobre 2003.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[69] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si, le 30 août 2010, la travailleuse a subi une lésion professionnelle.
[70]
L’article
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[71] Dans le présent dossier, il n’est aucunement allégué, ni soutenu par la preuve que la travailleuse a subi, le 30 août 2010, un nouvel accident du travail ou une maladie professionnelle. Le tribunal analyse donc la réclamation de la travailleuse uniquement sous l’aspect de la récidive, rechute ou aggravation.
[72]
Par ailleurs, en l’absence d’une procédure d’évaluation médicale
contestée, le tribunal est lié par le diagnostic de recrudescence de la
lombalgie irradiant à la jambe droite, posé par le docteur Dallaire, en
conformité avec l’article
[73] La loi ne définit pas la notion de récidive, rechute ou aggravation. La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles enseigne que l’on doit donner à ces termes leur sens commun [3] :
[11] La notion de rechute, récidive ou aggravation n’est pas définie à la loi. Suivant la jurisprudence bien établie en la matière, il y a lieu de s’en remettre au sens commun de ces termes. La rechute est une reprise évolutive, la récidive est une réapparition , alors que l’aggravation est la recrudescence de la lésion ou de ses symptômes y incluant la complication de la lésion initiale 1 .
1
Lapointe
et
Cie Minière Québec
Cartier
,
[74] Pour convaincre le tribunal qu’elle est victime d’une récidive, rechute ou aggravation, la travailleuse doit démontrer par une preuve prépondérante :
· une modification négative, référant à une détérioration de son état de santé [4] en comparaison de sa situation au moment de la consolidation de la lésion initiale, le 29 octobre 2003;
· l’existence d’un lien de causalité entre cette modification et la lésion professionnelle initiale [5] .
[75] La Commission des lésions professionnelles reconnaît que l’expression « modification de l’état de santé » constitue un terme générique applicable tant à la rechute, qu’à la récidive ou à l’aggravation [6] .
[76] À ce propos, la travailleuse qui allègue un changement dans son état de santé par rapport à ce qui prévalait lors de la consolidation de sa lésion, doit en faire la démonstration par une preuve prépondérante, tant factuelle que médicale [7] . Elle doit également démontrer par une preuve prépondérante factuelle et médicale l’existence d’un lien de causalité entre cette modification et la lésion professionnelle initiale [8] .
[77] De plus, la jurisprudence a développé certains critères afin d’établir la présence ou non d’une récidive, rechute ou aggravation. Ils ont été énoncés dans l’affaire Boisvert et Halco [9] et ont été à maintes reprises utilisés par la suite [10] . Ces critères sont :
· la gravité de la lésion initiale;
· la continuité de la symptomatologie;
· l’existence ou non d’un suivi médical;
· le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles;
· la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;
· la présence ou l’absence de conditions personnelles;
· la compatibilité entre la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;
· le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale;
· la similitude du site des lésions.
[78] L’on considère qu’aucun de ces critères n’est décisif par lui-même, mais étudiés dans leur ensemble, ils permettent d’établir le bien-fondé de la réclamation [11] .
[79] En l’espèce, l’analyse de la preuve ne convainc pas le tribunal que l’état de santé de la travailleuse s’est détérioré. L’ensemble des expertises constituant le dossier du tribunal démontre que la lombalgie diagnostiquée par le docteur Dallaire en août 2010 est déjà présente au moment de la consolidation du 29 octobre 2003.
[80] La première expertise effectuée, soit celle du docteur Nadeau, datée du 29 octobre 2003, démontre qu’à cette époque, la travailleuse ressent déjà des douleurs dorsolombaires constantes qui irradient au niveau du membre inférieur droit. Cependant, la conclusion du médecin est à l’effet que les examens clinique et neurologique sont strictement normaux et que la contusion dorsolombaire et thoracique droite subie par la travailleuse est consolidée, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[81] Le docteur Poisson revoit la travailleuse en novembre et décembre 2003 et s’interroge sur la possibilité que cette dernière souffre d’arthrose. Aux fins de vérifier cette éventualité, une tomodensitométrie est effectuée le 8 janvier 2004, laquelle révèle de la sclérose facettaire avec probablement un peu d’arthrose marginale peu significative en L2-L3. De plus, au niveau L4-L5, l’examen démontre la présence de sclérose facettaire accompagnée d’un début d’arthrose apophysaire ainsi qu’une mimine arthrose apophysaire L5-S1. La preuve ne démontre pas que cette dégénérescence est liée à l’événement du 31 juillet 2003.
[82] Une seconde expertise est réalisée dès le 24 janvier 2004, par le docteur Lacoursière, membre du Bureau d'évaluation médicale. Encore une fois, la travailleuse rapporte des douleurs dorsales et lombaires irradiant quelques fois au niveau des membres inférieurs jusqu’à la face externe des jambes. Soulignant la présence de signes indirects de dégénérescence discale en L4-L5 et L5-S1 apparaissant à la tomodensitométrie lombaire du 8 janvier 2004, le médecin affirme que son examen objectif est complètement dans les limites de la normale. Il conclut donc que la travailleuse a présenté une contusion dorsolombaire et thoracique droite, laquelle est consolidée en date du 24 janvier 2004, ne requérant aucun traitement additionnel.
[83] Les notes de la physiothérapeute Fradet démontre également qu’au 30 janvier 2004, après 98 traitements reçus, la condition de la travailleuse est stable depuis plusieurs semaines, sans aucune amélioration et qu’elle conserve une raideur à la région lombaire.
[84] En février 2004, le docteur Poisson constate une amélioration de la dorsalgie de la travailleuse au contraire de la lombalgie qu’il qualifie maintenant de sévère.
[85] Une troisième expertise, celle du docteur Fradet datée du 19 avril 2004, démontre que la travailleuse souffrait alors de douleurs lombaires basses et rapportait une symptomatologie douloureuse à la région postérieure des cuisses, des fesses ainsi que du côté latéral des membres inférieurs. Le docteur Fradet conclut à l’absence d’atteinte neurologique chez la travailleuse ainsi qu’à un examen normal au niveau de la colonne dorsolombaire.
[86] Le docteur Fradet est par ailleurs d’avis qu’il n’y a plus d’évidence de lésion évolutive dans ce dossier. De l’avis du tribunal, cet élément est prépondérant pour démontrer que la lésion du 31 juillet 2003 ne peut par conséquent apparaître sous forme de recrudescence, près de sept ans plus tard.
[87] Mais il y a encore des expertises, dont celles du docteur Drouin, neurologue, qui démontrent que l’état de la travailleuse ne s’est pas détérioré depuis la consolidation du 29 octobre 2003. En effet, le docteur Drouin mentionne que la travailleuse lui rapporte que dans les instants et les jours qui ont suivi la lésion du 31 juillet 2003, elle ressentait de la douleur non seulement au dos, mais aussi à la région lombo-sacrée et graduellement tout le long de la jambe et de la cuisse.
[88] Les conclusions du docteur Drouin sont pour le moins déroutantes en ce qu’il conclut que son examen n’a aucune valeur diagnostique, puisque l’ensemble de ses observations correspond à des signes de non-organicité. Il remarque par ailleurs que les faiblesses, engourdissements et douleurs alléguées par la travailleuse ne sont étayés par aucun signe objectif. Dès lors, l’unique conclusion que le médecin tire de cet examen est qu’il n’existe plus aucun signe clinique des contusions dont a souffert la travailleuse.
[89] Le tribunal considère aussi significatives les interrogations que le médecin traitant de la travailleuse, le docteur Poisson, formule dans son rapport complémentaire du 21 mai 2004, questionnant la relation entre la lésion du 31 juillet 2003 et les limites que la travailleuse conserve dans ses déplacements, le fait qu’elle ait peu de tolérance à l’effort et qu’elle soit peu mobile. Ces questionnements ne plaident certes pas en faveur de l’établissement d’un lien entre les douleurs alléguées par la travailleuse et la lésion initiale.
[90] Dès juin 2004, le docteur Dallaire diagnostique une lombalgie sévère entraînant une flexion pénible et incomplète, s’accompagnant d’une légère radiculopathie L4 droite et d’une sciatalgie droite.
[91] Un second rapport complémentaire est rédigé par le docteur Poisson, le 17 juin 2004, faisant suite à l’expertise du docteur Fradet. Plus particulièrement, le médecin traitant de la travailleuse souligne la possibilité d’un problème sous-jacent, supposant soit de l’arthrose, de la fibromyalgie ou de l’arthrite. Encore une fois, le tribunal estime que cela tend plutôt à démontrer que le diagnostic de recrudescence d’une lombalgie ne saurait constituer une récidive, rechute ou aggravation de l’événement du 31 juillet 2003.
[92] Une autre expertise est effectuée par le Bureau d'évaluation médicale, pour laquelle le docteur Landry examine la travailleuse le 17 août 2004. Bien que la CSST ne retienne pas cet avis du Bureau d'évaluation médicale qui n’a pas été produit dans les délais, le tribunal constate que la travailleuse rapportait au médecin que l’état de sa colonne dorsolombaire est stable depuis le mois de janvier 2004 et que la douleur est constante mais variable. C’est la situation qui prévaut depuis l’accident du 31 juillet 2003.
[93] Une dernière expertise est réalisée le 29 octobre 2004, par le docteur Delisle, neurologue, qui conclut de son évaluation que la travailleuse présente subjectivement un tableau douloureux qui n’est pas corroboré par l’examen objectif, lequel ne montre aucune évidence de souffrance radiculaire ou de signe objectif de sciatalgie. Le médecin n’ajoute que les signes purement subjectifs observés, sans aucun élément objectif pour les appuyer, de même que les nombreuses discordances constatées à l’examen, ne permettent pas d’expliquer au plan organique la persistance de ce tableau douloureux.
[94] Le tribunal conclut donc de l’analyse de ces diverses expertises, lesquelles présentent par ailleurs plusieurs similitudes, que la lésion professionnelle subie le 31 juillet 2003 était complètement résorbée en octobre 2003, puisqu’il n’existait alors aucun signe clinique de la pathologie initiale, laquelle était une contusion dorsolombaire et thoracique droite.
[95] Le tribunal ne nie pas le fait que la travailleuse éprouve des douleurs importantes au niveau lombaire, pour lesquelles elle a d’ailleurs consulté à maintes reprises entre le 2 décembre 2004 et le mois d’août 2010, jusqu’au diagnostic de recrudescence de la lombalgie irradiant à la jambe droite.
[96] Néanmoins, le tribunal ne peut conclure à la détérioration objective de l’état de la travailleuse. Bien que la lombalgie diagnostiquée le 30 août 2010 ait porté plusieurs appellations telles que séquelles de douleurs lombaires, lombalgie chronique, séquelles d’entorse lombaire, sciatalgie et bien d’autres encore, il n’en demeure pas moins que l’état de la travailleuse constaté à cette date est le même que celui décrit par les médecins et experts consultés depuis la date de consolidation du 29 octobre 2003. Tous s’entendent pour dire que l’état de la travailleuse est stable.
[97] Par ailleurs, l’examen plus récent du médecin de la clinique de la douleur de Dolbeau-Mistassini, daté du 23 novembre 2009, démontre que la force et la sensibilité des membres inférieurs de la travailleuse sont symétriques et normales.
[98] Et finalement, le témoignage même de la travailleuse révèle qu’elle souffre de douleurs lombaires irradiant à la jambe depuis son accident du travail du 31 juillet 2003. Ce témoignage a semblé crédible et sincère au tribunal.
[99] En d’autres mots, la preuve prépondérante, tant médicale que factuelle, démontre en effet que la situation qui prévaut depuis la date de consolidation du 29 octobre 2003, voire même depuis l’événement initial est stable. Il n’y a pas de preuve d’une détérioration objective de l’état de santé de la travailleuse.
[100] La travailleuse n’ayant pas démontré de détérioration objective de son état de santé, le tribunal conclut qu’elle n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 31 juillet 2003.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Jeannette Dion-Lyna, la travailleuse;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 janvier 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle le 30 août 2010.
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Valérie Lajoie |
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M e Caroline Simard |
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AIDE JURIDIQUE DOLBEAU |
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Représentante de la partie requérante |
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M e Zoé Boudreault |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2]
Groupe Nokamic inc. (Débroussaillage)
et
Dion-Lyna
,
C.L.P.
[3]
Dubé
et
Entreprises du Jalaumé enr
., C.L.P.
[4] Id.
[5] Id .
[6]
Daraiche
et
Restaurant Motel Pigalle 2000 inc.
, C.L.P.
[7]
Renaud
et
Construction N. Guimond
,
[8]
Rivest
et
Star
Appetizing Products inc.
, C.L.P.,
[9]
[10] Précitée, note 7.
[11] Renaud et Construction N. Guimond ; Aspamill inc. et Cloutier , précitées, note 7; Dubé et Entreprises du Jalaumé enr. , précitée, note 3 .