Ferme TN Giroux inc. et Mercier |
2012 QCCLP 1743 |
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[1] Le 8 août 2011, Ferme TN Giroux inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 6 juillet 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par sa décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 7 avril 2011 et déclare que monsieur Martin Mercier (le travailleur) a subi une lésion professionnelle le 11 mars 2011 (entorse au genou gauche).
Dossier 452768-03B-1110
[3] Le 28 octobre 2011, l’employeur dépose une autre requête à la Commission des lésions professionnelles où il conteste cette fois la décision rendue le 26 septembre 2011 par la CSST, à la suite d’une nouvelle révision administrative.
[4] Par cette autre décision, la CSST confirme celle rendue le 12 juillet 2011 et déclare que le diagnostic de déchirure méniscale externe au genou gauche du travailleur est en relation avec l’événement survenu le 11 mars 2011.
[5]
Audience tenue le 2 février 2012 en présence de l’employeur et de sa
représentante, M
e
Anne-Marie Vézina. Le travailleur est également
présent pour cette audience. La CSST, après être intervenue dans ces dossiers
le 28 novembre 2011 en application de l’article
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossiers 445999-03B-1108 et 452768-03B-1110
[6] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur ne présente pas de lésion professionnelle le 11 mars 2011.
[7] Au surplus, si le tribunal en venait à l’existence d’une lésion professionnelle le 11 mars 2011, il demande de déclarer que la déchirure méniscale impliquant le genou gauche du travailleur ne découle pas de cet accident.
LES FAITS
[8] Le travailleur, aujourd’hui âgé de 37 ans, exerce la fonction d’ouvrier agricole depuis 24 ans.
[9] Le 28 mars 2011, il remplit une formule « Réclamation du travailleur » concernant un événement survenu le 11 mars 2011, événement qu’il rapporte en ces termes :
Je grattait les animaux et quand j’ai mis le pied sur la rattelette le pied ma virée et c’est dans le genoux que ça mas fait mal. [ sic ]
[10] Le 16 mars 2011, le travailleur consulte le docteur Levasseur qui porte le diagnostic d’entorse au genou gauche, condition pour laquelle il lui prescrit de la glace, une orthèse, des anti-inflammatoires ainsi que du repos.
[11] Lors de la consultation médicale du 28 mars 2011, le docteur Levasseur suspecte une déchirure ligamentaire au niveau du genou gauche du travailleur et demande une résonance magnétique.
[12] Dans le cadre d’un échange téléphonique entre la CSST et l’employeur le 6 avril 2011, ce dernier reconnaît que le travailleur a déclaré l’événement le jour même et est allé consulter un médecin le lundi suivant.
[13] Le 7 avril 2011, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour l’accident survenu le 11 mars 2011 qui lui a causé une entorse au genou gauche, décision que l’employeur porte en révision le 6 mai 2011.
[14] Compte tenu des propos avancés par l’employeur dans sa lettre reçue le 6 mai 2011, il y a lieu de la reproduire dans son intégralité :
Monsieur Mercier a débuté à travailler pour la ferme T et N Giroux à l‘automne 2009. C’est environ 1 à 1 mois et demi après que son ancien employeur l’a appelé sur son cellulaire sur l’heure de la traite pour s’informer comment allait son genou pour savoir si tout était redevenu normal. C’est à ce moment que j’ai appris qu’un incident était survenu chez son ancien employeur soit qu’un porc lui aurait renverser le genou gauche, le même que celui dans mon dossier.
Suite a cet incident, une douleur lui revenait sans cesse de facon assez régulière sans que rien de nouveau arrive sur la ferme. Ce qui le poussa à aller consulter plusieurs “ramancheurs” et masso-thérapeute dont ceux que je me souviens; Mme Ginette Rhéaume au numéro de téléphone [...], au moins 4 à 5 reprises, un monsieur dans bellechasse entre 3 et 5 fois de mémoire. Je sais qu’il est allé en consulter plusieurs autres mais, j’ignore les dates. À chaque endroit il leur a fait mention de l’incident survenu avec le porc chez son ancien employeur.
11 mars 2011 , le soir du dit incident survenu à la ferme, tout le long de la traite, il n’a cessé de répéter qu’il aurait dû aller passer des examens approfondis suite à ce qui c’était passé chez son employeur précèdent. Qu’il avait resté avec une faiblesse à son genou et que ça n’était jamais revenu à 100%. Pour cette raison il a ressentit de la douleur lorsqu’il a marché sur la raclette, ce qui fonctionne à une vitesse lente.
12 mars 2011 , à 4h45 du matin, monsieur Mercier me téléphone de la ferme pour me dire que son genou lui fait mal et qu’il ne peut continuer à travailler et retourne chez lui, Le même soir, il me rappelle et me dit qu’il ne peut travailler et m’offre de m’appeler à 4ham le lendemain pour me dire s’il sera capable de venir travailler. Je lui ai répondu que je préfèrerais qu’il repose son genou et prenne plus de temps afin qu’il règle pour de bon son mal de genou récurrent car ce problème lui revenait de façon régulière.
14 mars 2011 ,vers 19h, monsieur Mercier se présente à la ferme et m’informe que le médecin l’avait arrêté de travailler pour l’instant. Il a avec lui le premier document d’ arrêt de travail signé par son médecin pour la CSST, mais ne veut pas me le donner, car il dit qu’il est un gars droit et que la Ferme T et N Giroux inc. n’est pas responsable de sa condition, que son genou avait déjà une faiblesse antérieur. M. Jérémie Couture, mon autre employé est présent lors de cet échange.
16 mars 2011 ,monsieur Mercier se représente à la ferme, il me remet l’arrêt de travail ainsi qu’un nouveau document de CSST et qu’il n’avait pas le choix de dire que c’était arrivé chez-nous car son arrêt de travail serait long et que ça lui prendrait des revenus pour vivre.
Par la suite , il m’apporte les autres documents pour la CSST au fil des rencontres avec son médecin et qu’il est en attente pour une résonance magnétique. Je raconte l’histoire à mon ancien employé, Stéphane Moreau, qu’on peut rejoindre au [...], un ami à monsieur Mercier et me confirme qu’il était déjà au courant du problème car monsieur Mercier lui avait déjà montrer combien son genou était enflé lors d’une visite.
Le but de cette lettre était de vous expliquer mon point de vue relié à cette situation car, je suis en désaccord avec la requête de csst de monsieur Mercier étant donné qu’il ne m’a jamais parlé de cette blessure antérieur lors de son embauche et que cet incident porte préjudice à la ferme T et N Giroux inc.
Voici des noms et numéro de téléphone de gens à qui monsieur Mercier a parlé de son accident au genou gauche qui serait arrivé chez son ancien employeur selon ses propos.
Jérémie Couture, employé de la ferme [...]
Stéphane Moreau, ancien employé de la ferme [...]
p.s.: Le lundi 25 avril 2011, je me suis rendu à une vente par encan dans bellechasse. En présence de plusieurs témoins j’ai aperçu et ce avant qu’il ne me voit, M. Mercier se tenant debout facilement et marchant sans aucun problème, l’inverse de quand il vient me voir à la ferme. La vente dura plusieurs heures. Ce que j’ai de la difficulté à comprendre, de le voir là, lorsqu’on a une entorse au genou.
En espérant que vous pourrez éclaircir cette situation avec les explications que j’ai fournis. Je demeure disponible pour toute autres questions. [ sic ]
[15] Le 26 avril 2011, le travailleur passe cette résonance magnétique au niveau de son genou gauche, investigation qui permet de mettre en évidence de petits kystes paraméniscaux prédominants devant la corne antérieure du ménisque externe, le tout étant associé à une large déchirure du ménisque externe et une forme légèrement discoïde.
[16] Le 16 mai 2011, le docteur Marc-Miville Deschênes, chirurgien orthopédiste, confirme le diagnostic de déchirure méniscale externe au genou gauche du travailleur et planifie une chirurgie.
[17] Le 6 juillet 2011, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme sa décision rendue le 7 avril 2011 et déclare que le travailleur présente une lésion professionnelle le 11 mars 2011, décision que l’employeur conteste à la Commission des lésions professionnelles le 8 août 2011.
[18] Le 12 juillet 2011, la CSST accepte le nouveau diagnostic de déchirure méniscale externe au genou gauche, puisqu’il est en relation avec l’événement survenu le 11 mars 2011, décision que l’employeur porte en révision le 5 août 2011.
[19] Le 26 septembre 2011, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme sa décision rendue le 12 juillet 2011 et déclare que le diagnostic de déchirure méniscale externe au genou gauche du travailleur est en relation avec l’événement survenu le 11 mars 2011, décision qui donne lieu à la dernière contestation déposée à la Commission des lésions professionnelles par l’employeur le 28 octobre 2011.
[20]
À la demande de l’employeur, le docteur Paul-O. Nadeau, chirurgien
orthopédiste, examine le travailleur le 5 octobre 2011 dans le but d’émettre
son opinion sur les cinq sujets prévus à l’article
[21] Au chapitre des antécédents, le travailleur lui a dit qu’il a déjà eu un coup de patte de vache en 2006. Il a eu une contusion qui aurait nécessité un arrêt de travail de quelques jours.
[22] Il a également eu un autre incident en 2009, lorsqu’un porc l’a frappé à la hauteur des genoux.
[23] Le docteur Nadeau, après avoir procédé à un examen objectif chez le travailleur, confirme le diagnostic de déchirure du ménisque externe gauche, lésion qui n’est pas actuellement consolidée. Comme soins ou traitement, il recommande une intervention chirurgicale et entrevoit une atteinte permanente de 1 % sans limitations fonctionnelles.
[24] Le 29 novembre 2011, le docteur Miville-Deschênes opère le travailleur, opération vécue sous forme de méniscectomie partielle externe au niveau du genou gauche du travailleur.
[25] À la lecture de son protocole opératoire, le docteur Miville-Deschênes décrit une déchirure au niveau de la corne moyenne s’étendant légèrement au niveau de la corne antérieure. Après visualisation, il note que le reste du genou est dans les limites de la normale pour une personne de cet âge.
[26] À l’audience, la preuve est complétée par le témoignage du travailleur, de monsieur Donat Giroux et de monsieur Jérémie Couture.
[27] Du témoignage du travailleur, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il est ouvrier agricole depuis 24 ans. Il travaille chez l’employeur depuis le 1 er janvier 2010.
[28] Il reprend de long en large l’événement survenu le 11 mars 2011.
[29] Ainsi, il était sur deux tuyaux de fer, a sauté et a mis le pied gauche sur une « rattelette » glissante et c’est à ce moment que son genou s’est tordu et qu’il a effectué une chute au sol.
[30] Le travailleur précise que la « rattelette » est un appareil servant à ramasser les excréments des vaches et est souvent glissante.
[31] Il a été en mesure de terminer sa journée de travail.
[32] Il a rapporté cet incident à l’employeur le jour de sa survenance.
[33] Il a essayé de travailler le lendemain, mais a dû cesser après seulement 30 minutes.
[34] Il admet avoir eu, à l’occasion, des douleurs au niveau de son genou gauche.
[35] Il revient sur l’accident survenu au mois d’août ou septembre 2009, lorsqu’un porc l’a frappé à la hauteur des genoux.
[36] Il mentionne toutefois qu’il n’a pas eu à consulter de médecin et qu’il n’avait pas assez mal pour l’empêcher de faire ses 40 heures/semaine.
[37] Appelé à décrire ses tâches d’ouvrier agricole, le travailleur précise qu’il est attitré à l’étable où il s’occupe de 40 des 80 vaches. Ainsi, il doit quotidiennement nettoyer les pies des vaches et installer la trayeuse.
[38] Il peut être appelé à manipuler des poches de moulée d’un poids de 80 livres ou soulever des veaux pesant entre 100 et 150 livres. Il doit également déplacer le foin en forme de grosse balle ronde. Il a travaillé de septembre 2009 à mars 2011 à raison de 40 heures/semaine.
[39] Du témoignage de monsieur Donat Giroux, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il est le propriétaire d’une entreprise laitière depuis juin 2008.
[40] C’est lors de la traite des vaches que le travailleur lui a dit qu’il avait mal aux genoux.
[41] Monsieur Giroux va même jusqu’à dire que le travailleur se plaignait de douleurs aux genoux au moins une ou deux fois par semaine.
[42] Il confirme que le travailleur lui aurait dit avoir mis le pied sur la « rattelette » et s’être tordu le genou gauche. Le travailleur n’a pu compléter sa journée de travail le lendemain.
[43] Au début, le travailleur lui aurait dit que la problématique au genou gauche était attribuable à l’incident survenu chez un autre employeur en 2009.
[44] Le 16 mars 2010, le travailleur le rencontre pour lui dire qu’il devait faire une réclamation pour l’accident, puisqu’il avait besoin d’argent.
[45] Du témoignage de monsieur Jérémie Couture, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il est ouvrier agricole depuis le mois d’août 2010 pour le même employeur.
[46] Du mois d’août 2010 au mois de mars 2011, il a exercé ses fonctions avec le travailleur.
[47] Il mentionne que ce dernier se plaignait souvent de douleurs à son genou gauche.
[48] Il a revu le travailleur un soir et celui-ci lui aurait dit qu’il avait un papier CSST qu’il ne donnerait pas au présent employeur, puisque le problème à son genou gauche relevait de l’accident survenu en 2009.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossiers 445999-03B-1108 et 452768-03B-1110
[49] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter les deux contestations de l’employeur.
[50] Selon eux, la preuve offerte dans ce dossier permet d’établir qu’il y a lieu d’appliquer la présomption de lésion professionnelle tant pour l’entorse au genou gauche vécue par le travailleur le 11 mars 2011 que pour la déchirure méniscale à ce même genou qui en découle.
[51]
En effet, l’entorse ainsi que la déchirure méniscale constituent bel et
bien une blessure au sens de l’article
[52] Il est également en preuve que ces lésions sont survenues alors que le travailleur était à son travail et, par surcroît, sur les lieux de son travail.
[53] Ils estiment que l’employeur n’a pas offert de preuve permettant de renverser l’application de cette présomption de lésion professionnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossiers 445999-03B-1108 et 452768-03B-1110
[54] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur présente une lésion professionnelle le 11 mars 2011. Dans l’affirmative, elle doit déterminer si la déchirure méniscale, diagnostiquée au genou gauche du travailleur, est en relation avec cet événement survenu le 11 mars 2011.
[55] La loi définit, à son article 2, la lésion professionnelle comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[56] Il ressort de cette définition qu’une lésion professionnelle peut avoir comme origine :
- un accident du travail;
- une maladie professionnelle;
- une récidive, rechute ou aggravation.
[57] Compte tenu de la preuve offerte dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que seule la notion d’accident du travail peut faire l’objet d’analyse.
[58] En effet, les diagnostics portés dans ce dossier se réfèrent davantage à une blessure plutôt qu’à une maladie.
[59] Au surplus, en aucun moment le travailleur n’a allégué ou prouvé que sa blessure était relié aux risques particuliers de ce travail d’ouvrier agricole ou était caractéristique de celui-ci.
[60] Il en est de même des notions de récidive, rechute ou aggravation même si, dans les faits, le travailleur alléguait, à l’occasion, avoir des douleurs au niveau de son genou gauche.
[61] La Commission des lésions professionnelles reconnaît d’emblée que l’entorse, de par ce qui la caractérise, nécessite une circonstance particulière pour la générer et qu’il en est habituellement de même pour la déchirure méniscale.
[62] La Commission des lésions professionnelles doute sérieusement que le travailleur ait pu effectuer son travail d’ouvrier agricole de septembre 2009 au 11 mars 2011 sans qu’il ne présente de signes témoignant de cette déchirure méniscale, tels que gonflement du genou, sensation d’enraidissement, craquements, pour ne nommer que ceux-ci.
[63] Rappelons-nous simplement que les tâches d’ouvrier agricole impliquent une flexion répétée des genoux pour nettoyer les pies des vaches et installer la trayeuse.
[64] À ces tâches s’ajoutent les charges manipulées, qui sont non négligeables, de 88 à 150 livres. Le travailleur doit également solliciter ses genoux pour déplacer les grosses balles de foin.
[65] C’est dans ce contexte que la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir les notions de récidive, rechute ou aggravation pour expliquer les lésions au genou gauche du travailleur.
[66] Dès lors, il appartient au travailleur de démontrer, par une preuve prépondérante, qu’il présente une lésion professionnelle vécue sous forme d’accident du travail le 11 mars 2011.
[67]
Afin de faciliter la preuve d’une lésion professionnelle attribuable à
un accident du travail, le législateur a prévu, à l’article
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
[68] Pour donner ouverture à l’application de cette présomption, encore faut-il que le travailleur démontre, par une preuve prépondérante, les trois conditions pour son application :
- présenter une blessure;
- que cette blessure soit survenue sur les lieux du travail;
- alors que le travailleur était à son travail.
[69] À ce titre, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que l’entorse au genou gauche du travailleur, diagnostiquée le 16 mars 2011 par le docteur Levasseur, constitue bel et bien une blessure au sens de l’article 28.
[70] Il en est de même en ce qui a trait à la déchirure méniscale mise en évidence le 26 avril 2011 dans le cadre d’une investigation radiologique sous forme de résonance magnétique, diagnostic confirmé par la suite par le docteur Marc Miville-Deschênes le 16 mai 2011.
[71] La première condition donnant ouverture à l’application de cette présomption étant rencontrée, qu’en est-il maintenant des deux autres conditions?
[72] Sur ce volet, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que le premier diagnostic retenu, soit celui d’entorse au genou gauche, se manifeste pour la première fois alors que le travailleur est sur les lieux de son travail et à son travail.
[73] En effet, c’est en effectuant son travail d’ouvrier agricole que le travailleur est confronté à une torsion de son genou gauche, après avoir mis le pied sur une « rattelette » glissante.
[74] De plus, la dénonciation de cet événement le jour de sa survenance à l’employeur apporte ici une certaine crédibilité à la version qu’en donne le travailleur.
[75] Il est bien évident que le travailleur présentait des douleurs à son genou gauche avant que ne survienne cette lésion le 11 mars 2011. C’est justement en raison de ces douleurs que le tribunal apporte une attention particulière sur l’analyse de la preuve en ce qui a trait à cette déchirure méniscale au niveau du genou gauche du travailleur.
[76] Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles retient que l’événement décrit par le travailleur est survenu en août ou septembre 2009, lorsqu’un porc l’a frappé à la hauteur des genoux. Il n’a pas eu à consulter de médecin à la suite de cet événement et a pu poursuivre son travail.
[77] Il demeure donc difficile d’apprécier, à sa juste valeur, la pathologie qu’a pu présenter le travailleur au mois d’août ou septembre 2009.
[78] Au risque de se répéter, la Commission des lésions professionnelles doute que le travailleur ait pu accomplir l’ensemble de ses tâches d’ouvrier agricole qui impliquent de se fléchir régulièrement les genoux pour laver les pies des vaches et installer la trayeuse, d’août ou septembre 2009 à mars 2011 avec une déchirure méniscale.
[79] Dès lors, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur présente bel et bien une lésion professionnelle le 11 mars 2011 qui lui a causé une entorse au genou gauche ainsi qu’une déchirure méniscale à ce même genou.
[80] Comme cette présomption peut faire l’objet d’un renversement, qu’en est-il de la preuve sur cet aspect?
[81] Sans vouloir remettre en question un quelconque accident, l’employeur soumet simplement que le travailleur avait une problématique au genou gauche avant le 11 mars 2011.
[82] Cet élément de preuve n’est pas contredit par le travailleur, ce dernier admettant même présenter, à l’occasion, une douleur à ce genou.
[83] Cependant, les douleurs occasionnelles ne sont pas, à elles seules, suffisantes pour expliquer tant l’entorse au genou gauche que la déchirure méniscale à ce même genou.
[84] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travail d’ouvrier agricole en constitue un d’exigeant, surtout pour les genoux qui sont régulièrement sollicités tant pour nettoyer les pies des vaches, installer la trayeuse que pour déplacer des charges.
[85] Finalement, l’accident, tel que rapporté par le travailleur, n’a pas été remis en question, si ce n’est qu’il n’y a pas eu de témoin.
[86] L’absence de témoin de cet événement n’est pas une fin de non-recevoir si, dans les faits, la preuve factuelle ainsi que médicale permet de le soutenir.
[87] En prenant en considération les déclarations faites par le travailleur de cet incident, la Commission des lésions professionnelles est à même de constater que celui-ci a toujours été constant dans sa description des faits.
[88] La Commission des lésions professionnelles n’a aucune raison de douter du témoignage du travailleur sur la description de l’événement lorsqu’il rapporte avoir sauté sur une « rattelette » glissante et s’être tordu le genou à cette occasion, suivi d’une chute.
[89] Cet accident implique un mécanisme de production d’une entorse (torsion) et celui d’une déchirure méniscale (torsion et flexion du genou).
[90] De plus, la consultation médicale subséquente à cet événement et de façon contemporaine donne lieu à un diagnostic d’entorse au genou gauche avec suspicion, le 28 mars 2011, d’une déchirure ligamentaire au niveau du genou gauche du travailleur.
[91] Dans son expertise rédigée le 5 octobre 2011, le médecin désigné par l’employeur, le docteur Paul-O. Nadeau, confirme le diagnostic de déchirure méniscale externe au genou gauche, lésion pour laquelle une arthroscopie et une méniscectomie sont recommandées.
[92] Au chapitre de son impression, le docteur Nadeau note qu’à la radiographie, on parle d’un ménisque discoïde, d’où son intérêt à prendre connaissance du protocole opératoire et du rapport histopathologique qui en a suivi.
[93] À la lecture du protocole opératoire du docteur Marc Miville-Deschênes du 29 novembre 2011, ce dernier décrit une déchirure de la corne moyenne s’étendant au niveau de la corne antérieure. Le docteur Miville-Deschênes ne décrit pas comme tel de ménisque discoïde et va même jusqu’à souligner que la visualisation du reste du genou du travailleur est dans les limites de la normale pour une personne de cet âge.
[94] Au surplus, même s’il y avait eu un ménisque discoïde, ceci n’empêcherait pas la survenance d’une déchirure méniscale.
[95] La Commission des lésions professionnelles estime donc que la preuve offerte par l’employeur ne lui permet pas de renverser l’application de cette présomption de lésion professionnelle en regard de l’entorse au genou gauche ainsi que la déchirure méniscale vécues par le travailleur le 11 mars 2011.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossiers 445999-03B-1108 et 452768-03B-1110
REJETTE les contestations introduites à la Commission des lésions professionnelles les 8 août ainsi que 28 octobre 2011 par Ferme TN Giroux inc., l’employeur;
CONFIRME les décisions rendues les 6 juillet et 26 septembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Martin Mercier, le travailleur, présente bel et bien une lésion professionnelle le 11 mars 2011 qui lui a causé une entorse au genou gauche ainsi qu’une déchirure méniscale impliquant ce même genou;
DÉCLARE , finalement, que monsieur Martin Mercier a droit aux avantages et privilèges prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour cette lésion professionnelle.
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Claude Lavigne |
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M e Anne-Marie Vézina |
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ADP SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL |
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Représentante de la partie requérante |
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M e Stéphane Larouche |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON |
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Représentant de la partie intervenante |