Thibeault |
2012 QCCLP 1779 |
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[1] Le 25 octobre 2011, monsieur Alain Thibeault (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une contestation à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 22 septembre 2011, suite à une révision administrative du dossier.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 25 juillet 2011 et déclare que la réclamation déposée par le travailleur concernant un événement survenu le 7 juin 2011 n’est pas recevable puisqu’il ne serait pas un travailleur ni un travailleur autonome inscrit au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi).
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Québec, le 9 mars 2012. Le travailleur était présent et représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision contestée et de déclarer qu’il est un travailleur au sens de la loi. Il demande, de plus, de déclarer qu’il fut victime d’une lésion professionnelle sous la forme d’un accident du travail, le 7 juin 2011.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs de même que la membre issue des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir la contestation déposée par le travailleur et de déclarer que ce dernier, conformément à la prépondérance de preuve, est un travailleur au sens de la loi et qu’en conséquence il est admissible aux indemnisations prévues par cette législation.
[6]
De plus, les membres ajoutent, conformément à la prépondérance de
preuve, que le travailleur doit bénéficier de la présomption prévue à l’article
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider, dans un premier temps, si le requérant est un travailleur au sens des dispositions de la loi.
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« travailleur » : une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de travail ou d'apprentissage, à l'exclusion:
1° du domestique;
2° de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier;
3° de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus;
4° du dirigeant d’une personne morale quel que soit le travail qu’il exécute pour cette personne morale;
5° de la personne physique lorsqu’elle agit à titre de ressource de type familial ou de ressource intermédiaire;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[8] Des documents au dossier ainsi que de la preuve administrée lors de l’audience, la Commission des lésions professionnelles résumera les éléments pertinents à ce premier litige.
[9] Le travailleur est un bénéficiaire de l’aide sociale qui, au moment des événements, résidait au 7355, [...], Québec.
[10] Le travailleur rappelle qu’il connaissait monsieur Frédérick Gagnon, ayant déjà demeuré dans un bloc administré par cette personne et ayant déjà effectué de menus travaux pour ce dernier et particulièrement pour Gestion IB2 S.A.
[11] Or, suite à son installation au 7355, le travailleur rencontre monsieur Gagnon pour lui faire une offre de services, à titre de concierge, pour une période limitée de travail mensuel.
[12] Le témoin, à l’audience, rappelle que sur le site, Gestion IB2 S.A. possède deux blocs, aux 7355 et 7345,[...], Québec. Il y avait déjà en poste un concierge qui ne pouvait fournir à la tâche.
[13] En conséquence, lors de cette rencontre, il est entendu entre les parties que le travailleur pourra fournir une prestation de travail, à un taux horaire de 10 $/heure, concernant l’entretien des blocs.
[14] Généralement, le travailleur devait effectuer des travaux pour un montant approximatif de 100 $ par mois, montant qui pouvait être dépassé si on requérait ses services pour des heures supplémentaires.
[15] Le travailleur était payé par chèque ou par une déduction sur son loyer à payer à titre de locataire.
[16] Au niveau de l’entretien, le travailleur devait s’assurer, chaque matin, sauf le dimanche, de l’état de propreté des lieux, particulièrement des portiques et corridors. Il devait sortir les vidanges, ramasser les déchets aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, passer la balayeuse aux deux semaines, pour un supplément de trois heures de travail.
[17] À l’extérieur, l’été, il passait la tondeuse et en hiver, il effectuait le déneigement des portiques avant et arrière.
[18] Tout l’équipement était fourni par Gestion IB2 S.A., aussi bien dans les produits que les équipements mécaniques ou électriques.
[19] Le tribunal constate que les déclarations du travailleur offertes au tribunal ainsi que les notes évolutives sont corroborées lors d’un appel téléphonique avec monsieur Frédérick Gagnon, aux notes de l’agent d’indemnisation du 11 juillet 2011.
[20] En effet, monsieur Gagnon reconnaît qu’il a une entente avec le travailleur pour le faire travailler 10 heures par mois à un taux horaire de 10 $/heure.
[21] Les tâches sont prédéterminées. Il doit faire l’entretien quotidien (laver les vitres, les poignées de porte, ramasser les déchets qui traînent, passer la balayeuse aux deux semaines) pour garder l’endroit propre. Il est même ajouté que le travailleur doit faire aussi la collecte des loyers et possède les clés de l’édifice.
[22] Tous ces travaux se font directement sous l’autorisation et la supervision de monsieur Gagnon. Il est même confirmé que monsieur Gagnon paie ses concierges en chèque ou en rabais sur leur loyer.
[23] Ces éléments sont d’ailleurs confirmés, par écrit, dans une lettre écrite par monsieur Gagnon et qui est reçue à la CSST, vers le 9 décembre 2010. Il est vrai qu’à cette lettre monsieur Gagnon prétend que le travailleur n’est pas un de ses employés, mais reconnaît que des sommes lui sont versées en contrepartie de certains menus travaux.
[24] Ajoutons que lors de l’audience, le travailleur déclare qu’il ne fait pas de tels travaux pour d’autres personnes, qu’il ne possède pas d’entreprise ou de commerce oeuvrant dans un tel domaine de la conciergerie, son orientation étant plutôt vers le domaine de la construction.
[25] Le travailleur complète une réclamation concernant un événement survenu le 7 juin 2011 à l’occasion duquel le travailleur s’est blessé.
[26] Plus spécifiquement, alors qu’il tente de désobstruer la balayeuse qu’il passait, dans le cadre de l’exécution de ses fonctions, il a dû utiliser un couteau pour couper un fil qui obstruait l’aspirateur. Suite à un faux mouvement, il s’est occasionné une coupure, une lacération de l’artère radiale gauche.
[27] Ces faits sont non contestés et le travailleur a reçu des traitements subséquents, tel qu’il appert des rapports médicaux au dossier.
[28] Voilà donc l’essentiel de la preuve offerte à la Commission des lésions professionnelles.
[29] Bien qu’il n’existe pas de contrat écrit, le tribunal tient à rappeler qu’une entente orale est intervenue entre le travailleur et monsieur Gagnon, de la nature d’un pur contrat de travail, en ce que le travailleur exécutait pour monsieur Gagnon, et son entreprise, à titre de personne physique, un travail moyennant rémunération.
[30] Dans les circonstances, le tribunal tient à souligner qu’il ne s’agit pas d’un travailleur autonome, mais d’un travailleur au sens strict de ce terme puisque le travailleur ne fait pas affaires, pour son propre compte, dans ce secteur d’activités.
[31] Il en résulte que la décision rendue par la CSST est erronée.
[32] En second lieu, conformément à la preuve non contredite, il est clairement établi que le travailleur fut victime d’une blessure sur les lieux du travail alors qu’il était dans l’exécution de son travail.
[33]
Le tribunal rappelle que l’article
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 28.
[34] Le travailleur bénéficiant de la présomption, il doit donc être présumé victime d’une lésion professionnelle. Cette présomption ne fut pas renversée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la contestation déposée par monsieur Alain Thibeault, le 25 octobre 2011;
INFIRME la décision émise par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 22 septembre 2011;
DÉCLARE que monsieur Alain Thibeault est un travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ;
DÉCLARE que monsieur Alain Thibeault fut victime d’une lésion professionnelle, le 7 juin 2011, lui donnant le droit de recevoir les prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles .
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PIERRE SIMARD |
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M e Marie-Christine Gagnon |
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LALIBERTÉ, GOBEIL & ASSOCIÉS |
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Représentante de la partie requérante |
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