Entreprises DF |
2012 QCCLP 1991 |
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[1] Le 3 octobre 2011, l’employeur, Entreprises D.F., dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 20 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare que le travailleur, monsieur Gaétan Lajoie, était déjà handicapé au moment de la lésion professionnelle survenue le 16 octobre 2007. En conséquence, la CSST accorde à l’employeur un partage des coûts dus en raison de cette lésion professionnelle de l’ordre de 5% à son dossier et de 95% aux employeurs de toutes les unités.
[3] À l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 7 mars 2012, l’employeur est représenté par son procureur. L’affaire est prise en délibéré ce même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de modifier le pourcentage de partage de coûts accordé par la CSST et de reconnaître que seulement 1% des coûts doit être imputé à son dossier.
LA PREUVE
[5] Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles, le tribunal retient les éléments suivants.
[6] À l’époque pertinente le travailleur occupe un emploi d’apprenti peintre chez l’employeur. Il est âgé de 44 ans.
[7] Le 16 octobre 2007, au travail, il fait une chute d’environ deux à trois pieds en descendant d’une plateforme et tombe sur le dos. Le travailleur consulte un médecin le jour même et un diagnostic de lombalgie traumatique est posé. Un arrêt de travail d’une semaine est prescrit.
[8] Le 21 octobre 2007, le docteur Boucher diagnostique une lombosciatalgie bilatérale et un syndrome de la queue de cheval. Il réfère le travailleur en neurochirurgie, avec mention d’antécédents de discoïdectomie et demande une tomodensitométrie. L’arrêt de travail est prolongé.
[9] Le 8 novembre 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît que le travailleur a subi un accident du travail qui lui a causé une lombalgie traumatique. Cette décision sera confirmée le 22 février 2008, à la suite d’une révision administrative.
[10] Le 20 novembre 2007, le docteur Bilocq, neurochirurgien, retient le diagnostic de récidive de lombosciatalgie à investiguer. Il demande une résonance magnétique. Le travailleur revoit le docteur Bilocq après avoir passé cet examen. Il retient alors un diagnostic de pachyméningite épidurale L5 S1 droite et minime hernie discale non chirurgicale. Il prescrit un traitement par infiltration neuro foraminale L5 S1 droite.
[11] Le 11 décembre 2007, l’employeur présente une demande de partage de coûts à la CSST, alléguant que le travailleur était déjà handicapé au moment de la lésion professionnelle.
[12] Le 3 avril 2008, le docteur Bilocq pose le diagnostic de séquelles de contusion radiculaire S1 droite sur pachyméningite. L’arrêt de travail se poursuit. Il demande un avis pour la mise en place d’un neurostimulateur.
[13] Le 16 avril 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît que le nouveau diagnostic de séquelles de contusion radiculaire S1 droite sur pachyméningite est en lien avec l’événement. Cette décision sera confirmée le 17 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative.
[14] Le 10 juillet 2008, le travailleur est examiné par le docteur Giroux, chirurgien orthopédiste. Le travailleur se plaint qu’à la suite de l’accident du 16 octobre 2007, il a subi une augmentation de ses limitations et une diminution de ses capacités fonctionnelles. Il souffre de lombalgie avec irradiation au membre inférieur droit. L’infiltration péridurale n’a pas eu d’effet. Le travailleur est en attente d’une consultation auprès de la docteure Jacques, neurochirurgienne, pour la mise en place d’un neurostimulateur.
[15] Dans son rapport d’expertise, le docteur Giroux fait état des antécédents du travailleur au niveau lombaire, à savoir deux discoïdectomies L5-S1, pratiquées en 1998 par le docteur Goulet, neurochirurgie et une chirurgie lombaire pratiquée par le docteur Bilocq en 2002.
[16] Le docteur Giroux retient un diagnostic de contusion lombaire associée à une condition personnelle de pachyméningite. Il note que le travailleur présentait une fragilité lombaire importante. La contusion a entraîné un syndrome de douleur chronique au niveau lombaire sans signe radiologique ou clinique de compression radiculaire. Il y a un peu de tissu cicatriciel au pourtour de la racine, ce qui est normal, selon le docteur Giroux, après trois chirurgies.
[17] Le docteur Giroux est d’avis que la lésion est consolidée, sans nécessité de soins ou de traitements supplémentaires. Il reconnaît au travailleur des limitations fonctionnelles.
[18] Concernant les antécédents du travailleur, soulignons que la Commission des lésions professionnelles a rendu le 11 décembre 2001 une décision [1] par laquelle elle reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 16 février 2000. Dans cette décision, la Commission des lésions professionnelles analyse le dossier médical antérieur du travailleur. Elle confirme que le travailleur a subi en 1998 une discoïdectomie L5-S1 droite et une seconde discoïdectomie et lyse de pachyméningite en raison d’une hernie discale récidivante L5-S1 droite. Le docteur Goulet a, malgré qu’il ne s’agissait pas d’une lésion professionnelle, évalué le déficit anatomophysiologique à 7%.
[19] Le tribunal conclut qu’il est clair que monsieur Lajoie est porteur d’une condition préexistante au niveau lombaire et que cette condition a été aggravée par l’accident du travail du 16 février 2000, qui a mené à un diagnostic de lombalgie et sciatalgie droite greffée sur une pachyméningite. Au moment de cet accident, le travailleur est à l’emploi d’un autre employeur.
[20] Le docteur Bilocq répond à l’expertise du docteur Giroux. Il retient comme diagnostics ceux de status post chirurgies discales lombaires X 3, de pachyméningite lombaire postopératoire et de contusion radiculaire post chute surajoutée. Étant donné que le syndrome douloureux est persistant et non contrôlé, il estime que la lésion n’est pas consolidée. Le docteur Bilocq est en attente de l’avis de la docteure Jacques concernant le neurostimulateur.
[21] Le dossier de monsieur Lajoie est transmis au Bureau d'évaluation médicale et le 9 décembre 2008, le travailleur est examiné par le docteur Bouvier, neurochirurgien.
[22] Le docteur Bouvier fait état dans son avis des antécédents du travailleur. À ce sujet, il écrit :
«Cependant à la suite de la chute survenue le 16 octobre 2007, il y a eu réapparition des douleurs lombaires et des douleurs dans le membre inférieur droit. Cette chute a rendu symptomatique la pachyméningite qui était une condition préexistante et que depuis cette chute où il y a eu vraisemblablement un certain degré de contusion, tel qu’exprimé par le docteur Giroux, il y a eu réapparition d’un tableau de lombo-sciatalgie droite qui perdure malgré le traitement conservateur.»
[23] Le membre du Bureau d'évaluation médicale retient les diagnostics de status post trois interventions au niveau du rachis lombaire, pachyméningite lombaire et contusion des racines L5 et S1 droites à la suite de la chute. Il est d’avis que la lésion n’est pas consolidée et suggère une évaluation en neuropsychologie et la suppression des narcotiques avant la mise en place éventuelle d’un neurostimulateur.
[24] Le 16 décembre 2008, la CSST rend une décision en conséquence de cet avis du Bureau d'évaluation médicale.
[25] Le 7 mai 2009, le travailleur consulte la docteure Jacques. Elle retient le diagnostic de failed back surgery syndrome et considère que monsieur Lajoie est un bon candidat pour l’implantation d’un neurostimulateur.
[26] La docteure Jacques prescrit un lit d’hôpital basculant mécanisé et un triporteur pour usage à long terme, vu les séquelles permanentes. Le 5 février 2010, le docteur Bilocq reprend les mêmes prescriptions et ajoute l’usage quotidien d’une ceinture de soutien abdominal.
[27] Le 7 novembre 2009, la CSST accepte de rembourser au travailleur les frais de déneigement des voies d’accès à son domicile.
[28] Le 29 janvier 2010, la CSST accepte de payer pour la location d’un lit d’hôpital articulé électrique. De plus, l’évaluation des besoins du travailleur d’aide technique à domicile seront évalués par un ergothérapeute.
[29] Le 9 avril 2010, le docteur Bilocq produit un rapport médical final. Il consolide la lésion avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il réfère le travailleur à un autre médecin pour l’évaluation des séquelles. Il précise que les séquelles de la lésion entraînent une invalidité totale permanente.
[30] Le 12 avril 2010, la CSST accepte de payer les frais de location d’un fauteuil roulant motorisé. Le 13 avril, elle accepte de payer pour certaines aides techniques à domicile.
[31] Le 5 juillet 2010, le travailleur est examiné par le docteur Francoeur, neurochirurgien, à la demande de la CSST. Aux fins de compléter le rapport d’évaluation médicale, il retient les diagnostics de status post trois interventions au niveau du rachis lombaire, de pachyméningite lombaire et de contusion des racines L5 et S1 droites à la suite de la chute, consolidés le 9 avril 2010.
[32] Le docteur Francoeur évalue le déficit anatomophysiologique comme suit :
Séquelles actuelles :
204157 : Discoïdectomie à l’espace L5-S1 droite : DAP : 3 %
204585 : Pachyméningite ou fibrose périneurale
objectivée par tests spécifiques : DAP : 2 %
207591 : Flexion antérieure 50° : DAP : 5 %
207626 : Extension 0° : DAP : 3 %
207680 : Flexion latérale droite 20° : DAP : 1 %
207724 : Flexion latérale gauche 20° : DAP : 1 %
207760 : Rotation droite 20° : DAP : 1 %
207804 : Rotation gauche 20° DAP : 1 %
112425 : Déficit sensitif L5 droit : DAP : 1 %
112434 : Déficit sensitif S1 droit : DAP : 1 %
Préjudice esthétique :
224304 : Modification de la forme et de la symétrie,
quadrant inféro-externe moyen de l’abdomen : DAP : 3 %
[33] La CSST procède à certaines corrections du bilan des séquelles, à savoir que le déficit anatomophysiologique actuel retenu pour la flexion antérieure doit être de 7%, pour un total de 24%. Considérant les séquelles antérieures, la CSST évalue que la lésion entraîne pour le travailleur un déficit anatomophysiologique de 4%.
[34] En ce qui concerne les limitations fonctionnelles, le docteur Francoeur retient que le travailleur a été opéré à trois reprises au niveau lombaire L5-S1. Il a par la suite présenté une récidive de lombosciatalgie droite qui a nécessité la mise en place d’un neurostimulateur. Cependant, ce traitement n’a pas amélioré considérablement sa condition. Le travailleur utilise une canne, une marchette et un quadriporteur pour ses activités quotidiennes.
[35] Le docteur Francoeur conclut que le travailleur présente des restrictions de classe IV selon la description de l’IRSST :
Le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et la capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier. On peut toutefois envisager une activité dont l’individu peut contrôler lui-même le rythme et l’horaire.
[36] Le 28 juillet 2010, le docteur Bilocq se dit d’accord avec l’évaluation du docteur Francoeur, telle que corrigée par la CSST.
[37] Le 30 août 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît que la lésion professionnelle entraîne pour le travailleur une atteinte permanente de 5,55%, soit un déficit anatomophysiologique de 4% auquel doit être ajouté un pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie. Cette décision sera confirmée le 1 er décembre 2010, à la suite d’une révision administrative.
[38] Le 16 septembre 2010, la CSST accepte de payer pour certains frais d’entretien courant du domicile.
[39] Le 14 octobre 2010, la docteure Jacques prescrit au travailleur de l’aide ménagère. Elle procède à l’ajustement du neurostimulateur.
[40] Le 17 janvier 2011, la CSST accepte de payer pour un fauteuil roulant manuel.
[41] Le 3 juin 2011, l’employeur présente à la CSST une demande de partage de coûts amendée, référant à sa demande présentée le 11 décembre 2007. Il allègue que le travailleur était déjà handicapé au moment de la lésion professionnelle et demande que seulement 2% des coûts dus en raison de la lésion professionnelle soit imputé à son dossier.
[42] Le 14 juin 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît que le travailleur était déjà handicapé au moment de la lésion professionnelle. En conséquence, elle accorde à l’employeur un partage de coûts de l’ordre de 5% à son dossier et de 95% aux employeurs de toutes les unités. L’employeur demande la révision de cette décision.
[43] Le 20 septembre 2011, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative par laquelle elle confirme la décision rendue initialement le 14 juin 2011. La CSST reconnaît que le travailleur était déjà handicapé au moment de la lésion professionnelle survenue le 16 octobre 2007. Elle reconnaît que la condition préexistante a prolongé la période de consolidation, laquelle est de 906 jours alors que la durée moyenne de consolidation reconnue pour une telle lésion est de 35 jours. C’est en fonction de cette prolongation de la consolidation que la CSST accorde un partage de coûts à l’employeur de l’ordre de 5% à son dossier et de 95% aux employeurs de toutes les unités.
[44] Le 14 novembre 2011, la Commission des lésions professionnelles rend une décision [2] par laquelle elle déclare, d’une part, que le travailleur n’a pas droit à l’adaptation du véhicule pour l’installation d’une plateforme pour un quadriporteur, et, d’autre part, qu’il a droit à une allocation pour de l’aide personnelle à domicile.
[45] L’employeur conteste maintenant la décision rendue par la CSST le 20 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative, portant sur le partage de coûts. Il ne remet pas en question la partie de la décision par laquelle la CSST reconnaît que le travailleur était déjà handicapé. Il conteste uniquement le pourcentage de partage de coûts accordé par la CSST.
[46] L’employeur soumet qu’aux fins d’établir le pourcentage de partage de coûts, la CSST a considéré uniquement la prolongation de la période de consolidation, alors que la jurisprudence nous enseigne que l’effet du handicap sur la survenance de la lésion et sur l’ensemble de ses conséquences doit être analysé.
[47] L’employeur reconnaît que la condition préexistante présente chez le travailleur, tant personnelle que professionnelle, n’a pas contribué à la survenance de l’événement du 16 octobre 2007. Il soumet cependant que cette condition préexistante n’a pas eu d’effet uniquement sur la période de consolidation. En effet, il appert de la preuve que la déficience préexistante a eu un effet sur l’importance des traitements et des séquelles permanentes.
[48] Vu l’importance des séquelles, l’employeur demande au tribunal de lui accorder un partage de coûts de l’ordre de 1% à son dossier et de 99% aux employeurs de toutes les unités.
[49] L’employeur dépose de la jurisprudence au soutien de son argumentation.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[50] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de modifier le pourcentage de partage de coûts accordé par la CSST.
[51]
L’employeur ne conteste pas la partie de la décision par laquelle la CSST reconnaît la présence d’un handicap, au sens de l’article
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[52] Compte tenu de la preuve médicale, il n’est pas de l’intention du tribunal de remettre en question la reconnaissance d’un handicap.
[53] En effet, les antécédents du travailleur au niveau lombaire sont bien documentés. Il apparaît que les deux discoïdectomies pratiquées en 1998 par le docteur Goulet et la pachyméningite qui en a résulté sont des conditions personnelles. Quant à l’accident du travail de février 2000. il est survenu chez un autre employeur. Les séquelles permanentes antérieures ont été évaluées à 20%.
[54] Ainsi, considérant l’importance de la condition préexistante et compte tenu de l’âge du travailleur, le tribunal juge que le travailleur est porteur, au moment de l’accident du travail du 16 octobre 2007, d’une déficience qui dévie de la norme biomédicale.
[55] À l’instar de la CSST, le tribunal est d’avis que cette condition préexistante a eu un effet sur la période de consolidation. N’eût été de cette condition préexistante, la lombalgie traumatique et la contusion radiculaire seraient vraisemblablement rentrées dans l’ordre plus rapidement.
[56] Aux fins d’établir le pourcentage de partage de coûts, la CSST retient que la lésion professionnelle se consolide habituellement en 5 semaines, alors que la consolidation est en l’espèce de 906 jours. Sur cette seule base, elle accorde à l’employeur un partage de coûts de l’ordre de 5% à son dossier et de 95% aux employeurs de toutes les unités.
[57] L’employeur conteste ce pourcentage de partage de coûts accordé par la CSST. Il lui reproche d’établir ce pourcentage en tenant compte uniquement de l’effet du handicap sur la période de consolidation.
[58] Or, la jurisprudence [4] unanime de ce tribunal nous enseigne qu’aux fins d’établir le pourcentage d’un partage de coûts, il faut tenir compte non seulement de la prolongation de la période de consolidation, mais aussi de l’impact qu’a eu le handicap sur la survenance même de la lésion et sur ses conséquences, telles l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. L’importance de ces conséquences, considérant la nature et la gravité de l’événement, peut également être considérée.
[59] Il s’agit donc de déterminer si la modification du pourcentage de partage de coûts demandée par l’employeur en l’espèce est justifiée.
[60] Dans l’affaire Groupe Prodem [5] , la commissaire fait une revue de la jurisprudence concernant la détermination du pourcentage de partage de coûts et retient ce qui suit :
De cette lecture, se dégagent les tendances jurisprudentielles suivantes :
lorsque le handicap entraîne une prolongation de la période de consolidation, un partage proportionnel est accordé jusqu’à concurrence de 10% - 90%;
lorsque d’autres conséquences s’ajoutent à la prolongation de la période de consolidation, un partage de l’ordre de 5% - 95% est accordé;
lorsque le handicap est très sérieux et/ou les conséquences très importantes, un partage de 1% - 99% est accordé;
lorsque l’apparition de la lésion professionnelle relève entièrement du handicap, un partage total de 0% - 100% est accordé.
[61] Le présent tribunal n’a pas de raisons de ne pas tenir compte de ces tendances jurisprudentielles.
[62] D’entrée de jeu, le tribunal estime qu’il ne peut accorder un partage de 0%-100% puisque, comme le reconnaît l’employeur, la lésion professionnelle ne relève pas entièrement du handicap. La chute survenue au travail a causé la lombalgie traumatique.
[63] Par ailleurs, tous les médecins reconnaissent que la lésion professionnelle du 16 octobre 2007 est survenue chez un travailleur porteur d’une condition préexistante importante. Le docteur Bouvier, membre du Bureau d'évaluation médicale, affirme que la chute d’octobre 2007 a rendu symptomatique la pachyméningite, condition personnelle préexistante chez le travailleur. Le docteur Bilocq parle de diagnostics de status post chirurgies lombaires X 3, de pachyméningite et de contusion radiculaire qui s’est produite sur ces deux conditions.
[64] D’ailleurs, la CSST reconnaît en lien avec l’événement les diagnostics de lombalgie traumatique et de séquelles de contusion radiculaire S1 sur pachyméningite . Cette dernière condition était présente bien avant l’accident du travail du 16 octobre 2007 et a été aggravée et rendue symptomatique par la chute survenue au travail, ce qui a eu pour effet d’aggraver la lésion professionnelle et de prolonger la période de consolidation.
[65] Compte tenu de cette preuve médicale, le tribunal juge que le handicap a eu un effet sur la gravité de la lésion professionnelle.
[66] De plus, la condition préexistante est en l’espèce importante. Le travailleur, âgé de 44 ans au moment de l’accident qui nous occupe, avait déjà subi trois chirurgies lombaires, avec pachyméningite. Le docteur Giroux parle d’ailleurs d’une fragilité lombaire importante. Des séquelles importantes avaient aussi été évaluées.
[67] Les conséquences de la lésion de 2007 sont aussi très importantes.
[68] Le travailleur n’a pas repris le travail depuis l’accident. Des limitations fonctionnelles de classe IV ont été reconnues, ce qui équivaut pratiquement à une incapacité de travailler. D’ailleurs, au moment de consolider la lésion, le docteur Bilocq parle d’une invalidité totale permanente.
[69] La CSST a payé au travailleur divers frais reliés à sa réadaptation. Monsieur Lajoie doit utiliser une canne, un fauteuil roulant et un quadriporteur. Il a utilisé un neurostimulateur.
[70] Les séquelles de l’accident survenu le 16 octobre 2007 sont très importantes, d’autant plus si l’on considère le premier diagnostic de lombalgie traumatique posé à la suite de la chute, qui, rappelons-le, est d’environ deux pieds.
[71] Dans le cas particulier de la présente affaire, le tribunal retient que le handicap est très sérieux et les conséquences de la lésion très importantes.
[72] Considérant que sur la seule base de la prolongation de la période de consolidation la CSST accorde un partage de coûts de l’ordre de 95%-5%, et considérant l’effet de la condition préexistante tant sur la gravité de la lésion que sur l’importance des séquelles et des conséquences pour le travailleur, le tribunal estime que le partage de coûts tel que demandé par l’employeur est justifié.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de l’employeur, Entreprises D.F.;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 20 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur a droit à un partage des coûts dus en raison de la lésion professionnelle subie par le travailleur, monsieur Gaétan Lajoie, le 16 octobre 2007, de l’ordre de 1% à son dossier et de 99% aux employeurs de toutes les unités.
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Diane Lajoie |
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Pierre Méthot |
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LEBLANC LAMONTAGNE ET ASSOCIÉS |
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Représentant de la partie requérante |
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[1]
Transport Asselin Ltée
et
Lajoie
, C.L.P.,
[2]
Lajoie
et
Entreprises D.F.
, C.L.P.,
[3] L.R.Q., c. A-3.001
[4]
Voir
Meubles Canadel inc
., C.L.P.,
EBC inc
., C.L.P.,
[5] 2011 QCCLP 743