2007-13, 2007-18, 2007-31
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2012-3872 |
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Date : |
16 février 2012 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Nathalie Faucher |
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Fraternité des policiers de Lévis Inc.
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Ci-après appelé(e) « le syndicat »
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Et
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Ville de Lévis
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Ci-après appelé(e) « l’employeur » |
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Plaignant(e) : |
Mme Marie-Claude Fortin et M. Éric Laliberté |
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Grief(s) : |
n o du syndicat |
2007-13, 2007-18, 2007-31 |
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Convention collective : |
15 mars 2004 au 31 décembre 2006 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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(Article
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[1] La soussignée a été nommée le 4 décembre 2007 pour entendre et disposer des présents griefs. Le grief 2007-13 conteste le refus de l'employeur d'accorder le poste d'agent communautaire / relationniste à Mme Marie-Claude Fortin. Le grief 2007-18 conteste la mention apparaissant à l'avis de nomination de l'agent Éric Laliberté au poste d'agent communautaire / relationniste comme quoi ce dernier se désistera de cette affectation advenant le règlement du grief en faveur de Mme Fortin et réclame la reconnaissance de la création d'un nouveau poste d'agent communautaire /relationniste et son octroi à M. Laliberté. Finalement, le grief 2007-31 conteste la décision de l'employeur de retourner M. Laliberté à la gendarmerie.
[2] Les parties ont convenu que la procédure de grief a été suivie, que l'arbitre est valablement saisie du présent litige et qu'elle a juridiction pour trancher la question qui lui est soumise.
[3] Le syndicat a fait entendre M. Marc Allard sergent de patrouille et président de la Fraternité et M. Éric Laliberté agent communautaire / relationniste.
[4] L'employeur a fait entendre M. Claude Pelletier directeur par intérim du service.
[5] En mai 2007, l'employeur affiche un poste d'agent communautaire / relationniste (+ Liste d'éligibilité) au sein de la division Relations communautaires et affaires publiques, formation, recherche et développement. La période d'affichage prévue est du 29 mai au 12 juin 2007. Il s'agit d'une affectation particulière à durée prédéterminée (48 mois). Ce type d'affectation est prévu à la clause 10.24 de la convention collective.
[6] Les tâches de cet agent consistent pour l'essentiel à faire de la prévention dans les écoles ainsi qu'au sein des organismes communautaires. Un second volet consiste à agir à titre de porte-parole du service auprès des médias. L'horaire de travail est fixe, du lundi au vendredi, de huit heures à seize heures. Cet horaire se distingue donc de celui des policiers affectés à la gendarmerie qui, eux, travaillent sur des quarts rotatifs (jour-soir-nuit) sept jours sur sept. L'agent communautaire effectue peu de temps supplémentaire contrairement à ses collègues de la gendarmerie et il ne fait pas répression sauf de façon exceptionnelle.
[7] L'employeur explique que, suite à un grief déposé par la Fraternité, une entente était intervenue selon laquelle la Ville acceptait de créer un nouveau poste d'agent communautaire / relationniste en affectation à durée prédéterminée. Une résolution du conseil municipal avait été adoptée à cet effet. C'est donc dans ce cadre que l'affichage du poste ci-haut mentionné eut lieu.
[8] Antérieurement, il y avait trois postes d'agent communautaire / relationniste. Deux d'entre eux étaient permanents et étaient occupés par M.M. Gelly et Cantin. Le troisième poste était une affectation particulière et était détenu par M. Bisson.
[9] Suite à l'affichage, trois candidats ont posé leur candidature soit Mme Marie-Claude Fortin, M. Éric Lefrançois et M. François Bisson.
[10] Les postes à affectation temporaire sont attribués à la suite d'un processus d'entrevues. Le comité d'entrevue se compose de deux personnes du service de police choisies par la direction et un observateur syndical. Cette procédure a été suivie en l'espèce. Il s'agissait d'entrevues structurées avec mises en situation.
[11] M. Pelletier, qui occupait à l'époque le poste d'inspecteur Relations communautaires et affaires publiques, formation, recherche et développement, mentionne que les trois candidats ont réussi l'entrevue. Selon lui, la convention collective ne prévoit pas de façon claire comment combler un poste en affectation particulière. Cette opinion n'est pas partagée par M. Allard qui estime qu'une fois l'entrevue réussie, c'est le critère de l'ancienneté qui doit être pris en compte.
[12] Lors de son contre-interrogatoire, M. Pelletier reconnait cependant qu'en pratique, l'octroi est fait sur la base de l'ancienneté et des qualifications. Il reconnaît également que l'affichage des postes ici concernés indique que l'affectation sera attribuée par ancienneté parmi les policiers s'étant qualifiés.
[13] Quoiqu'il en soit, M. Pelletier témoigne que le poste n'a pas été attribué à Mme Fortin même si celle-ci est la candidate possédant la plus longue ancienneté. Il explique qu'il a participé à une rencontre avec le directeur du service et l'inspecteur à la gendarmerie au cours de laquelle il fut question du fait que Mme Fortin se trouvait alors en supervision. Plus spécifiquement, la direction se questionnait sur son contrôle du stress, sur ses capacités décisionnelles et sur ses habiletés de base à titre de policière. Ces motifs sont le fondement de la décision de refuser de la nommer à titre d'agent communautaire / relationniste.
[14] Le 20 juin 2007, une lettre de M. Claude Pelletier informe Mme Fortin de son résultat à l'entrevue mais aussi que la direction du Service ne la recommande pas pour la fonction postulée. Les extraits pertinents de cette lettre se lisent comme suit:
"La présente est pour vous transmettre le résultat relativement au poste mentionné en rubrique.
À la suite de l'entrevue, vous avez obtenu la note de 75%. Par contre, considérant l'état actuel de votre dossier, la direction du Service de police ne vous recommande pas pour la fonction postulée."
[15] M. Allard reçoit également une copie de cette lettre en tant qu'officier syndical.
[16] Le 22 juin 2007, M. Claude Pelletier transmet une lettre à M. Marc Allard concernant l'affectation au poste d'agent communautaire / relationniste. Cette lettre se lit comme suit (extraits pertinents):
"
Objet:
Affectation au poste d'agent communautaire / relationniste
________________________________________________________________
Monsieur Allard,
À la suite de l'affichage pour le poste mentionné en titre, nous vous communiquons les résultats du concours.
Les rangs sont attribués par ancienneté et non par résultat à l'entrevue car les trois candidats ont réussi l'entrevue.
1
er
rang: Marie-Claude Fortin
(# […]) Non recommandée par la Direction
2
e
rang: Éric Lefrançois (# […]) S'est désisté
pour occuper le poste d'agent
d'intervention jeunesse
3
e
rang: François Bisson (#[…]) Occupera la
fonction à compter du 25
juin 2007 et ce, jusqu'au 25 juin 2011.
Compte tenu que l'agent Bisson a démissionné de sa première affectation, la laissant ainsi vacante, nous avons dû procéder à l'attribution du poste qu'il occupait par ancienneté en attendant un affichage ultérieur, C'est la constable Marie-France Bédard (#[…]) qui assurera le remplacement à partir du 25 juin 2007, le temps de combler définitivement le poste.
(…)"
[17] M. Allard estime que l'employeur ne pouvait pas refuser d'octroyer le poste à Mme Fortin compte tenu des dispositions de la convention collective. Il mentionne que si l'employeur avait des doutes quant aux habiletés de la personne à occuper la fonction, il devait néanmoins la nommer dans le poste, lui offrir de l'aide et du support et ensuite l'évaluer. Si le processus d'évaluation s'avérait négatif malgré l'aide fournie, il pourrait alors lui retirer le poste.
[18] À la suite de la réception de la lettre du 20 juin, M. Allard a discuté avec M. Pelletier ainsi qu'avec M. Lefebvre par téléphone et il a rencontré M. Pelletier à deux reprises. Selon lui, la direction ne voulait pas affecter Mme Fortin dans ce poste car cette dernière était en absence maladie. Il estime que si tel était le motif de la décision patronale, il aurait dû bloquer sa candidature dès le départ et non une fois que le concours était terminé.
[19] Devant ce refus, il dépose le grief 2007-13.
[20] Le second candidat ayant réussi l'examen, l'agent Lefrançois, avait la possibilité d'opter pour le poste en cause ou celui d'agent d'intervention jeunesse et il a choisi la seconde option. Ne restait donc que l'agent Bisson qui fut donc nommé à titre d'agent communautaire / relationniste pour 48 mois.
[21] L'employeur explique que ce dernier était déjà détenteur d'un poste communautaire / relationniste en affectation particulière mais il avait déjà une année écoulée à sa propre affectation. Ayant obtenu le nouveau poste, il s'est désisté de son ancienne affectation. La position de l'employeur est que ce poste était alors devenu vacant.
[22] M. Pelletier témoigne qu'il devait donc combler ce quatrième poste. Il estimait qu'il n'y avait plus personne sur la liste d'éligibilité. En effet, M. Lefrançois s'était désisté pour occuper une autre fonction, M. Bisson avait obtenu le poste et la candidature de Mme Fortin avait été refusée. Dans ce contexte, il a décidé d'ouvrir un nouveau concours. Il a avisé M. Allard de cette décision. Ce dernier précise qu'on lui avait mentionné que ce concours avait pour but de procéder au remplacement de Mme Fortin dans l'attente qu'une décision soit prise à son égard.
[23] Le syndicat ne voyait pas les choses du même œil. Selon lui, Mme Fortin aurait dû avoir le poste. D'autre part, comme elle ne l'avait pas eu, le syndicat estimait qu'elle se trouvait à faire partie de la liste d'éligibilité. Il était donc inexact de prétendre qu'il n'y avait pas de liste d'éligibilité. C'est pourquoi, M. Allard a signifié à l'employeur qu'il contesterait cette façon de faire.
[24] Selon M. Allard, l'employeur aurait dû combler le poste par remplacement dans l'attente qu'une décision soit prise à l'égard du premier grief (contestant le refus de l'employeur de nommer Mme Fortin) et non ouvrir un nouveau concours. Ainsi, le remplacement aurait dû être confié à M. Bédard conformément à l'article 10.08 de la convention collective. En agissant par concours, il estime que l'employeur se trouvait à créer un nouveau poste puisque l'affichage était clair ce poste était d'une durée de 48 mois. C'est donc dans ce contexte qu'il a transmis à M. Pelletier une lettre datée du 27 juin 2007. Cette lettre se lit comme suit (extraits pertinents):
"Monsieur,
Pour référence future, je désire confirmer la teneur de notre conversation à votre bureau, le 22 juin 2007, à l'effet que la lettre ayant pour objet le poste d'agent communautaire / relationniste, attribué à monsieur François Bisson, signée par monsieur Jean-François Roy et moi-même ne préjudicie en rien aux droits de madame Marie-Claude Fortin, en regard de la décision de l'employeur de lui refuser un poste d'agent communautaire / relationniste, pour laquelle un grief sera déposé incessamment.
Il va sans dire que nous n'acceptons pas qu'un nouveau concours soit initié alors que Madame Fortin est sur la liste d'éligibilité.
(…)"
[25] Le syndicat était d'avis, selon le témoignage de M. Allard, que l'affichage d'un nouveau poste avait pour effet de créer un cinquième poste d'agent / relationniste. Il en a informé la direction. M. Pelletier admet que le syndicat lui avait fait part de son interprétation lors du contre-interrogatoire. Ce dernier reconnaît également que si le poste avait été octroyé à Mme Fortin, il n'y aurait pas eu de poste vacant. Tout au plus lui aurait-il fallu la remplacer durant son absence maladie.
[26] Le 4 juillet 2007, l'employeur procédait à l'affichage d'un poste d'agent communautaire / relationniste (+ liste d'éligibilité). La durée de l'affectation est spécifiée comme étant de 48 mois. L'affichage ne fut pas contesté par le syndicat.
[27] Cinq personnes ont posé leur candidature. Seules deux d'entre elles ont réussi l'entrevue. Le poste fut offert à M. Éric Laliberté. Ce dernier témoigne avoir été informé lors de l'entrevue que ce poste pourrait lui être retiré advenant que le grief de Mme Fortin se règle en sa faveur. Cette information n'apparaissait pas sur l'affichage.
[28] Le 16 août 2007, l'employeur faisait parvenir une lettre à M. Éric Laliberté l'informant de son résultat lors de l'entrevue et que le poste lui était attribué. Cette lettre se lit comme suit (extraits pertinents):
"Monsieur,
Par la présente, j'aimerais vous faire part de votre résultat suite à votre mise en candidature pour le poste mentionné en rubrique.
La note de passage étant fixée à 60% vous avez obtenu un résultat de 72% pour l'entrevue et les mises en situation. Le poste étant attribué par ancienneté parmi les candidats ayant réussi l'entrevue tout en respectant les différentes clauses prévues à la Convention collective, vous terminez donc au 1er rang. Il me fait plaisir de vous annoncer que ce poste vous est attribué pour une période de 48 mois. Nous vous rappelons que vous devrez vous désister de cette fonction advenant le règlement du grief déposé sur l'attribution de cette affectation .
(…)"
[29] À la même date, l'employeur transmettait une lettre à M. Allard concernant les résultats du 2e concours. Les extraits pertinents de cette lettre se lisent comme suit (extraits pertinents):
"
Objet:
Affectation au poste d'agent communautaire / relationniste
________________________________________________________________
Monsieur Allard,
À la suite de l'affichage pour le poste mentionné en titre, nous cous communiquons les résultats du concours.
Les rangs représentent la note des candidats et est également conforme à leur ancienneté. Sachez que les policiers Marie-France Bédard (mat. […]), Danny Villeneuve (mat […]) et Yann Lévesque (mat […]) n'ont pas atteint la note de passage, fixée à 60%.
1er rang: Éric Laliberté (mat […]) occupera la fonction 2e rang: Hugues Gagnon (mat […]) Figurera sur la liste d'éligibilité |
Nous désirons tout de même vous spécifier qu'advenant le règlement du grief en faveur de madame Marie-Claude Fortin, Monsieur Laliberté se désistera de cette affectation temporaire .
(…)"
[30] Le syndicat a contesté cette lettre par le grief 2007-18 dont la section «DESCRIPTION» se lit comme suit:
"Nous contestons la décision de l'employeur, le 16 août 2007, d'imposer une condition sur un poste d'agent communautaire, à savoir:
«(…) advenant le règlement du grief en faveur de madame Marie-Claude Fortin, Monsieur Laliberté se désistera de cette affectation temporaire . »
Ceci est contraire à la convention collective, particulièrement l'article 10.
De plus, cette attribution, dans la mesure prévue à l'article 10.07, a pour effet de créer un nouveau poste."
[31] M. Pelletier mentionne qu'il n'était pas d'accord avec le syndicat puisque toute création de poste doit faire l'objet d'une résolution du Conseil municipal. D'autre part, l'exception prévue à la clause 10.07 de la convention collective ne s'appliquait pas étant entendu que le syndicat n'avait pas donné le préavis requis. Il reconnaît en contre-interrogatoire que le comblement d'un poste vacant ne requiert habituellement pas de résolution.
[32] Le 10 octobre, M. Pelletier écrit à M. Allard une lettre au sujet de l'affectation de M. Laliberté. Cette lettre se lit comme suit:
"
Objet: Affectation
d'Éric Laliberté
________________________________________________________________
Monsieur,
La présente consiste à apporter un correctif à la correspondance que je vous ai fait parvenir le 16 août dernier relativement à l'affectation au poste d'agent communautaire / relationniste de l'agent Éric Laliberté.
En effet, à la fin de ladite correspondance, vous auriez dû lire « affectation particulière à durée prédéterminée » tel que spécifié dans l'affichage au lieu de « affectation temporaire ». Il s'agit d'une erreur d'inattention de ma part. (…)"
[33] M. Pelletier témoigne que l'employeur a décidé de faire droit aux représentations du syndicat selon lesquelles l'employeur aurait dû nommer Mme Fortin dans le poste d'agent communautaire / relationniste qui avait été affiché 29 mai 2007.
[34] Le 17 octobre 2007, le directeur du service transmettait donc une lettre à Mme Fortin lui confirmant que la direction avait révisé sa décision et qu'à son retour au travail, elle sera affectée au poste d'agent communautaire / relationniste à la division relations communautaires, affaires publiques, formation, recherche et développement. Cette lettre se lit comme suit (extraits pertinents):
"Madame,
La présente à pour but de vous confirmer notre conversation de ce jour, à savoir que la Direction de service de police a révisé sa position de ne pas vous recommander à titre d'agent communautaire et relationniste.
En effet, suite au dépôt du grief 2007-13 revendiquant votre affectation à ce poste, une révision fut faite des motifs qui supportaient notre décision, notamment sur le processus d'encadrement auquel vous étiez soumise dans le cadre de vos fonctions de policière à la patrouille et par conséquent, je vous confirme que vous pourrez dès votre retour, être affectée pour une durée prédéterminée de 48 mois à titre d'agent communautaire relationniste à la division relations communautaires, affaires publiques, formation, recherche et développement.
(…)"
[35] Une copie de cette lettre est transmise à M. Allard. Ce dernier témoigne être allé voir le directeur Roy afin d'en discuter. Selon lui, M. Roy lui a alors demandé de retirer le grief 2007-13 et d'oublier le deuxième concours. Il lui a alors répondu qu'il n'était pas question de retirer le grief et qu'il n'était pas possible d'oublier le 2e concours car celui-ci était valable et que ce nouveau poste avait été attribué à M. Laliberté. M. Roy lui aurait répondu que M. Laliberté était un grand garçon et qu'il comprendrait. M. Allard a alors mentionné que ce n'était pas à M. Laliberté d'accepter car cette décision appartenait au syndicat. Aucun avis officiel d'annulation du concours n'est parvenu au syndicat.
[36] Le 25 octobre 2007, le directeur du service écrivait une lettre à M. Laliberté l'informant de l'attribution du poste à Mme Fortin et que cette dernière y sera affectée à son retour de congé de maladie. Les extraits pertinents de cette lettre se lisent comme suit:
Monsieur,
La présente a pour but de vous confirmer notre conversation du 17 octobre 2007 en regard de votre affectation à la division relations communautaires, affaires publiques, formation, recherche et développement.
Comme je vous l'ai mentionné, la direction du service, suite à un grief déposé par la Fraternité des policiers, a revu sa position en regard de la non recommandation de madame Marie-Claude Fortin à titre d'agent préventeur et relationniste. En effet, une analyse approfondie de ce dossier nous amène à croire qu'un arbitre pourrait donner raison à la Fraternité et demander d'affecter madame Fortin au poste de préventeur relationniste. Conséquemment, dès qu'elle sera de retour de son absence pour maladie, elle se verra affectée à ce poste et de ce fait vous devrez retourner sur votre équipe à la division de la gendarmerie.
Dès que nous serons informés d'une date potentielle de retour de madame Fortin, nous vous tiendrons informé et de plus soyez assuré que vous disposerez du temps nécessaire afin de compléter vos dossiers déjà amorcés à la division relations communautaires, affaires publiques, formation, recherche et développement.
(…)"
[37] Cette lettre fait l'objet du troisième grief (2007-31).
[38] Mme Fortin est revenue au travail en novembre 2007. Tel que prévu, le directeur du service a alors avisé M. Laliberté qu'il devait retourner à son équipe de la gendarmerie ce qui impliquait qu'il devait retourner à un horaire de travail rotatif échelonné sur sept jours. Ce dernier témoigne avoir été déçu car il se plaisait dans ses nouvelles fonctions.
[39] Mme Fortin s'est à nouveau absentée du travail en août 2008. L'employeur a alors remis M. Laliberté dans le poste en remplacement de Mme Fortin. Selon M. Laliberté, M. Allard lui aurait dit que le concours sur lequel il avait postulé n'était plus bon.
[40] À compter du mois d'août 2008, l'équipe se composait de quatre personnes soit, deux employés permanents (M.M. Gelly et Cantin) et deux employés en affectation particulière (M. M. Bisson et Laliberté). En juin 2011, M. Bisson est allé travailler sur une autre affectation et un nouveau concours a été ouvert. M. Laliberté y a postulé et a obtenu le poste.
[41] Finalement, un nouveau poste à été affiché récemment et c'est M. Laliberté qui l'a obtenu.
[42] Le syndicat soumet qu'il y a admission de la part de l'employeur à l'effet que le poste affiché en mai 2007 aurait dû être octroyé à Mme Fortin tel qu'il appert de la correspondance déposée en preuve. Cependant, la décision de l'employeur n'étant pas rétroactive, il demande à l'arbitre de se prononcer sur cette question. Il a été prouvé que selon la pratique, l'employeur attribuait le poste à l'agent ayant réussi l'examen et possédant la plus longue ancienneté. Donc Mme Fortin aurait dû être nommée par l'employeur.
[43] Selon le syndicat, l'employeur n'aurait pas dû procéder à l'ouverture d'un concours à la suite du litige ayant trait à la nomination de Mme Fortin car le poste n'était pas vacant. Dans l'attente du règlement du grief, l'employeur pouvait procéder à un remplacement temporaire en assignant un autre policier. En affichant un nouveau poste, il se trouve à en avoir créé un. L'article 10.03 de la convention collective s'applique et l'arbitre doit y donner effet.
[44] Le syndicat souligne qu'il n'a jamais consenti à ce que l'agent ayant été nommé dans le nouveau poste soit tenu de s'en désister advenant que le grief de Mme Fortin soit tranché en sa faveur. L'avis donné à M. Laliberté lors de l'entrevue est contraire à l'avis affiché et va à l'encontre de la clause 10.03 de la convention. Le syndicat est en effet d'avis que M. Laliberté n'a pas postulé sur un poste en remplacement de Mme Fortin mais bien sur un poste d'affectation particulière à durée prédéterminée.
[45] En persistant dans son erreur, malgré l'avis donné par le syndicat, l'employeur s'est trouvé à créer un nouveau poste et il ne pouvait demander à M. Laliberté de se désister du poste qu'il avait valablement obtenu.
[46] Le syndicat demande donc à l'arbitre de faire droit aux griefs.
[47] L'employeur estime que les trois griefs devraient être rejetés car la preuve ne démontre pas qu'un cinquième poste a été créé. Selon lui, M. Laliberté a certes occupé le poste en question d'août à novembre 2007, puis du mois d'août 2008 jusqu'au jour de l'audience. Pendant la période allant de novembre 2007 à août 2008, le poste était occupé par sa titulaire, Mme Fortin.
[48] Selon lui, les faits sont simples. Un premier concours a été tenu à la suite duquel trois personnes ont réussi l'entrevue. Le poste n'a pas été octroyé à Mme Fortin même si cette dernière était celle qui possédait le plus d'ancienneté. Cette dernière n'a pas été recommandée par la direction. Le poste est attribué à M. Bisson lequel abandonne sa propre assignation laissant ainsi vacant son poste d'où le second affichage et son remplacement par l'agent Bédard. L'employeur soumet qu'il n'avait pas le choix d'agir de la sorte étant donné qu'il n'y avait plus personne sur la liste d'éligibilité. Ce poste est alors attribué à M. Laliberté avec mention qu'il devra se désister advenant que le grief 2007-13 se règle en faveur de Mme Fortin.
[49] Selon lui, le syndicat comprenait bien qu'aucun nouveau poste n'avait été créé.
[50] Suite aux représentations du syndicat, il a décidé de faire droit au grief de Mme Fortin et lui attribue le poste. L'effet de cette décision est que la personne qui occupe ledit poste doit retourner à son ancien poste selon la jurisprudence majoritaire. L'employeur soumet qu'il n'avait donc pas le choix de retourner M. Laliberté à la patrouille. Il faut replacer les parties dans l'état devant être le leur n'eut été de la décision initiale.
[51] Toute cette histoire n'aurait pas eu lieu si Mme Fortin avait été nommée lors de l'affichage du poste. Il n'y aurait pas eu de litige non plus si M. Lefrançois avait accepté le poste. Le litige découle du fait que le 1 er poste a été attribué à M. Bisson qui était déjà détenteur d'un poste d'agent communautaire / relationniste. Ce dernier s'étant désisté de son affectation, il fallait alors le remplacer. Aucun nouveau poste n'a été créé et il n'y a d'ailleurs aucune résolution de la Ville à cet effet. Partant, il ne peut s'agir d'un nouveau poste permanent.
[52] Selon l'employeur, si l'arbitre devait accueillir le grief 2007-31, il en résulterait un enrichissement sans cause pour M. Laliberté ce dernier ayant été rémunéré pendant qu'il était assigné à la gendarmerie et ayant même eu plus de chances d'effectuer du temps supplémentaire que s'il était demeuré agent communautaire / relationniste. Le remède proposé par le syndicat (i.e. d'ordonner à l'employeur d'indemniser le policier Laliberté en rémunérant toutes les heures de travail effectuées en dehors de l'horaire d'agent communautaire relationniste au taux de temps supplémentaire) n'est pas approprié.
[53] Il demande le rejet des griefs.
[54] Contrairement à l'employeur, le syndicat estime que le paiement des heures en temps supplémentaire constitue un remède approprié. En effet, quel serait l'effet d'un grief si aucune compensation n'était payable? L'agent Laliberté a subi un préjudice. Il était en droit de s'attendre d'occuper un poste qui l'intéressait pour une période de 48 mois et il en a été privé et a été retourné à la patrouille. Il a droit de recevoir une indemnisation pour ce préjudice.
[55] Quant au fond du grief, le syndicat rappelle que c'est l'agent Bédard qui a été appelé à remplacer Mme Fortin conformément à l'article 10.08 de la convention collective. Deux autres personnes ont été nommées à la suite des concours i.e. M. Bisson et M. Laliberté. Ce dernier était devenu détenteur d'un poste en bonne et due forme puisqu'une fois qu'un poste est affiché, l'employeur doit l'adjuger. En l'espèce, l'employeur a agi en toute connaissance de cause, il ne peut donc pas invoquer sa propre turpitude.
[56] L'employeur soumet que l'agent Bédard ne remplaçait pas Mme Fortin mais plutôt l'agent Bisson après que celui-ci ait libéré son poste.
[57] Il s'agit donc d'évaluer si les différents mouvements de personnel faisant suite à l'affichage du poste d'agent communautaire et préventionniste en mai 2007 contreviennent à la convention collective.
[58] Suite à une entente avec le syndicat, l'employeur a consenti à ouvrir un nouveau poste d'agent communautaire / relationniste. Cet ajout de poste a été autorisé par une résolution du Conseil municipal. L'affichage de ce poste a eu lieu en mai 2007. Il s'agissait d'une affectation particulière à durée prédéterminée. Ce type d'affectation fait l'objet d'une disposition spécifique au sein de la convention collective laquelle se lit comme suit:
" 10.24 Affectation particulière à durée prédéterminée
A) L'affectation à durée prédéterminée d'un employé est la désignation sur une base temporaire, à une fonction prévue au présent article.
B) Les fonctions suivantes constituent une affectation à durée prédéterminée dont la durée est ci-après indiquée :
Fonction Durée
Agent motocycliste 60 mois
Agent à la division relations avec la communauté et 48 mois
affaires publiques (1 poste, lettre d'entente no. (« 4 »)
Agent de formation à la division formation, recherche 48 mois
et développement
Agent enquêteur jeunesse à la division enquêtes 48 mois
criminelles (2 postes, dont un conditionnel au niveau
2, lettre d'entente no. «2 »)
C) Toute affectation visée par la présente clause doit être affichée dans les locaux du Service de police durant une période d’au moins quatre (4) semaines consécutives. La direction avise tout employé absent au moment de l’affichage conformément à la clause 10.04, dans la semaine qui suit le début de l’affichage. Cependant, l’avis d’affectation et l’affectation ne seront toutefois pas invalides si, par la suite de son omission d’informer la direction de l’adresse actuelle de son domicile, un employé ne reçoit pas l’avis auquel il a droit.
D) Dans tous les cas d’affectation, la priorité est accordée au candidat qui n’a pas déjà été affecté à la fonction visée à l’exception d’un remplacement temporaire pour combler l’absence d’un titulaire.
E) Seul l’employé ayant au moins quatre (4) ans d’ancienneté est admissible à une affectation visée par la présente clause.
F) Une liste d’éligibilité sur laquelle apparaît le nom du ou des candidats qui se sont qualifiés est dressée après chaque affichage. Elle est transmise au Syndicat dans les trois (3) jours ouvrables après sa constitution. L’employé qui refuse une affectation en vertu de la liste voit son nom rayé de celle-ci.
G) L’employé en invalidité de courte durée (moins de dix-sept (17) semaines) suite à une maladie ou à un accident de travail étant dans l’incapacité d’assumer une fonction visée par la présente clause accède à son affectation particulière dès son rétablissement et ce, jusqu’à la fin de la période d’affectation prévue. Lorsqu’une telle situation se présente, c’est le titulaire précédent qui voit sa période d’affectation prolongée afin de combler l’absence du nouveau titulaire jusqu’à la date de son retour au travail, mais sans excéder dix-sept (17) semaines.
H) Si une vacance survient, l’Employeur utilise la dernière liste d’éligibilité en vigueur pour combler ladite vacance. Toutefois, si la durée de cette vacance est supérieure à douze (12) mois, la période d’affectation du remplaçant sera considérée dans le cas où ce dernier pourrait être affecté à cette même fonction ultérieurement."
[59] Trois personnes ont posé leur candidature et ont toutes réussi l'entrevue. Malgré qu'elle fut la personne ayant le plus d'ancienneté, la candidature de Mme Fortin ne fut pas retenue par l'employeur au motif qu'elle faisait l'objet d'une supervision.
[60] Le poste fut en conséquence attribué à M. Bisson lequel a par ailleurs démissionné du poste qu'il détenait le même jour que sa nomination. Il faut souligner que ce dernier occupait déjà une affectation particulière d'agent communautaire / relationniste et que le fait d'obtenir le nouveau poste faisait simplement en sorte qu'il conserverait cette fonction pour une période plus longue.
[61] Le grief 2007-13 fut donc déposé contestant cette décision. Le syndicat estimait en effet que celle-ci ne respectait pas les règles d'attribution des postes. En effet, il prétendait qu'une fois l'entrevue réussie, l'employeur devait obligatoirement nommer la personne s'étant qualifiée et possédant la plus longue ancienneté. Par conséquent, le poste aurait dû être attribué à Mme Fortin et non à M. Bisson. L'employeur, de son côté, estimait que l'encadrement dont Mme Fortin faisait l'objet constituait une raison valable pour ne pas la nommer au poste d'agent communautaire / relationniste. Il était également d'avis que la clause 10.24 ne comportait pas de précision au sujet de la nomination du candidat et ce, contrairement aux autres sections de l'article 10 de la convention collective.
[62] S'il est vrai que la procédure décrite au sein de la clause 10.24 de la convention collective ne précise pas expressément comment l'employeur doit procéder pour désigner un employé à une fonction constituant une affectation particulière, il n'en reste pas moins que dans la réalité la Ville a toujours affecté les employés en tenant compte de l'ancienneté et de la capacité à remplir les exigences normales de la tâche. C'est du moins ce qui ressort du témoignage de M. Pelletier. C'est également ce qui est inscrit sur l'affichage de l'affectation tel qu'il appert de l'extrait suivant tiré de l'affichage du mois de mai 2007:
" PROCESSUS DE SÉLECTION
La sélection se fera parmi les policiers ayant posé leur candidature. Une entrevue structurée à différents volets (connaissances générales, mises en situation, motivation du candidat) sera faite pour les candidats. Pour se qualifier, la note de passage est de 60%. L'affectation sera attribuée par ancienneté parmi les policiers s'étant qualifiés ."
(soulignés ajoutés)
[63] Considérant les évènements survenus subséquemment, la soussignée n'a pas à décider si l'employeur avait eu raison de tenir compte d'un autre critère aux fins d'écarter la candidature de Mme Fortin. En effet, à la suite du grief déposé par le syndicat, l'employeur a ultérieurement révisé sa décision de ne pas la recommander et lui a confirmé, en date du 17 octobre 2007 qu'elle pourra être affectée au poste en question lors de son retour d'absence maladie. Ce faisant, il faisait droit aux prétentions du syndicat.
[64] Aux yeux du tribunal, le grief 2007-13 n'avait dès lors plus sa raison d'être et devenait sans objet, du moins quant à son objet principal.
[65] Le syndicat a néanmoins soulevé le fait que la décision patronale n'était pas rétroactive et que le litige portait sur cet aspect. Avec égard, la soussignée estime que le syndicat a raison d'exiger que cette décision ait une portée rétroactive. En effet, si la nomination de M. Bisson était incorrecte, celle-ci était nulle ab initio et les parties devaient alors être remises dans l'état où elles étaient au moment du choix du candidat.
[66] À première vue, la lettre du 17 octobre semble avoir cet effet mais est-ce bien le cas? L'analyse de cette lettre témoigne du fait que l'employeur a révisé sa position et confirme que Mme Fortin sera affectée à titre d'agent communautaire / relationniste à son retour au travail. Aucune précision n'est apportée quant à la date de nomination. seule la date d'entrée en fonction est précisée i.e. elle s'effectuera au terme du congé de maladie de Mme Fortin. Spécifions immédiatement qu'il y a lieu de distinguer la nomination de quelqu'un dans une affectation et son entrée en fonction. En l'espèce, l'entrée en fonction de Mme Fortin ne pouvait pas avoir lieu le 22 juin 2007 puisque cette dernière était en congé de maladie et qu'elle n'a été apte à reprendre ses fonctions qu'à compter de novembre 2007. Donc le fait que l'employeur l'informe qu'elle sera affectée à titre d'agent communautaire / relationniste à son retour au travail n'est pas en soit indicatif.
[67] Il faut donc voir si dans les faits, l'employeur a donné une portée rétroactive à sa décision. Ainsi, si Mme Fortin avait été nommée au 22 juin 2007, elle aurait nécessairement dû être remplacée par un agent en affectation temporaire compte tenu de son congé de maladie. Le nom de l'agent Bisson aurait quant à lui été inscrit à la liste d'éligibilité.
[68] Suite à la lettre du 17 octobre 2007, l'employeur aurait donc dû procéder au remplacement de Mme Fortin comme cela aurait dû être le cas n'eut été des évènements que l'on sait. La preuve n'établit pas qui était l'agent ayant normalement dû obtenir ce remplacement. L'on sait toutefois que l'employeur avait initialement confié le remplacement temporaire de l'agent Bisson à l'agent Bédard. Cette même personne aurait-elle obtenu le remplacement de Mme Fortin? On ne peut pas le certifier compte tenu de l'absence de preuve à cet égard mais on peut à tout le moins suspecter que cela aurait dû être le cas.
[69] Par ailleurs, suite à la nomination de Mme Fortin, il aurait normalement fallu replacer M. Bisson dans son poste. Toutefois, la preuve révèle que ce dernier avait démissionné de celui-ci parce qu'il avait obtenu la présente affectation:
"Par la présente, je vous certifie que je démissionne de mon poste d'agent communautaire/relationniste que j'occupais depuis le 1 er mai 2006 pour m'enquérir du poste d'agent communautaire/relationniste (le second) à partir du 25 juin 2007. Ce mandat, conformément à l'affichage et à la lettre d'entente, me sera confié jusqu'au 25 juin 2011."
[70] Il n'est pas nécessaire de déterminer si cette démission se trouvait à être automatiquement révoquée suite à la nomination de Mme Fortin puisque de toute façon ce dernier était la personne qui devait se voir attribuer le poste laissé vacant suite à sa démission. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, ce dernier devait désormais se trouver sur la liste d'éligibilité suite à la réussite de son entrevue et de la décision patronale de nommer Mme Fortin. Étant la seule personne sur cette liste, le poste lui aurait forcément été confié.
[71] En somme, le premier poste aurait dû être confié à un agent en remplacement temporaire de Mme Fortin absente pour cause de maladie et le second devait être confié à M. Bisson.
[72] Cela n'est pas ce qui s'est passé. L'on sait que l'employeur a demandé à M. Laliberté d'effectuer le remplacement de Mme Fortin. Il faut donc se demander si ce remplacement est conforme aux règles de la convention collective. Tel que mentionné antérieurement, la soussignée ne peut répondre avec certitude à cette question car aucune preuve ne lui a été faite à cet égard. Néanmoins, le fait que l'agent Bisson ait été remplacé par l'agent Bédard est de nature à laisser croire que c'est cette dernière qui aurait dû effectuer ce remplacement et non M. Laliberté. D'autre part, l'employeur n'a jamais informé M. Bisson des conséquences de sa décision i.e. que ce dernier faisait désormais parti de la liste d'éligibilité et qu'à ce titre, il obtenait la seconde affectation d'agent communautaire / relationniste. En ce sens, il y a lieu de faire droit au premier grief et rétablir les parties dans la situation qui aurait dû être la leur dès le départ.
[73] Le second grief conteste le fait que l'employeur a imposé une exigence non prévue dans l'affichage lors de la nomination de M. Laliberté à savoir que ce dernier devait se désister de ce poste advenant que le grief de Mme Fortin soit accueilli. De plus, le syndicat prétend que l'affichage a pour effet de créer un nouveau poste. Le grief se lit en effet comme suit (extraits pertinents):
" DESCRIPTION: Nous contestons la décision de l'employeur, le 16 août 2007, d'imposer une condition sur un poste d'agent communautaire, à savoir:
« (…) advenant le règlement du grief en faveur de madame Marie-Claude Fortin, Monsieur Laliberté se désistera de cette affectation temporaire .»
Ceci est contraire à la convention collective, particulièrement l'article 10.
De plus, cette attribution, dans la mesure prévue à l'article 10.07, a pour effet de créer un nouveau poste.
RÈGLEMENT DEMANDÉ: DÉCLARER que la condition ci-haut mentionnée est illégale et nulle.
DÉCLARER que l'affectation du policier Éric Laliberté crée un nouveau poste permanent d'agent communautaire / relationniste conformément à l'article 10.07 de la convention collective et que ce dernier est titulaire de ce poste de façon permanente.
ou Subsidiairement;
DÉCLARER qu'un nouveau poste d'agent à la division relations avec la communauté et affaires publiques, à durée pré-déterminée, est créé et que le policier Éric Laliberté en est le titulaire en vertu de l'article 10.24 de la convention collective."
[74] La prétention syndicale selon laquelle l'employeur avait créé un cinquième poste d'agent communautaire / relationniste s'appuie sur le texte de l'article 10.03 de la convention collective lequel se lit comme suit:
"10.03 Une fois enclenchée, l’Employeur ne peut interrompre la procédure d’affichage et doit adjuger le poste affiché.
Le candidat choisi pour le poste doit en être avisé dans les trente (30) jours de la fin du processus de sélection et son entrée en fonction intervient normalement dans les soixante (60) jours de la fin de ce processus."
[75] Selon le syndicat, une fois affiché, un poste doit être comblé et se trouve à être créé.
[76] Avec égard, cet argument ne peut être retenu et ce pour plusieurs motifs.
[77] En premier lieu, il faut distinguer l'affichage d'un poste de sa création. La création d'un poste relève indéniablement des droits de gérance de l'employeur c'est-à-dire de la Ville de Lévis. Il ressort du témoignage de M. Pelletier que tout ajout de poste doit faire l'objet d'une résolution du Conseil municipal et que le service de police ne possède pas le pouvoir de créer un poste en l'absence d'une telle résolution. Ce pouvoir ne lui a pas été délégué. Or, aucune résolution de cette sorte n'a été adoptée par la Ville permettant au service de créer un cinquième poste d'agent communautaire / relationniste.
[78] Ce principe souffre toutefois d'une exception laquelle est prévue à la clause 10.07 de la convention collective:
"10.07 Cependant, si un policier est ainsi affecté temporairement à un grade, fonction ou nouvelle fonction pour plus de quatre-vingt-dix (90) jours dans une même année, un poste est réputé nouvellement créé et l'Employeur doit le combler de façon permanente suivant les dispositions de la convention collective, et ceci à la condition expresse que le Syndicat ait donné à la direction ainsi qu’à la direction des ressources humaines, un préavis écrit de quinze (15) jours avant la fin de la période de quatre-vingt-dix (90) jours mentionnée ci-dessus.
La présente clause ne s’applique pas dans le cas d’une affectation temporaire en relation avec un remplacement."
[79] Or, cette disposition ne s'applique pas en l'espèce. Tout d'abord, l'agent Laliberté n'a pas été affecté dans la fonction pour plus de 90 jours. Également, aucun avis n'a été donné par le syndicat à la direction ainsi qu'à la direction des ressources humaines, tel que le requiert cette disposition.
[80] Par conséquent, il n'existe pas de cinquième poste d'agent communautaire / relationniste.
[81] Il est cependant vrai d'affirmer que pour être affiché, un poste doit nécessairement exister. Il a été établi que le service de police n'a pas à obtenir une résolution pour combler un poste qui existe déjà au sein du service et qui est laissé vacant. C'est précisément ce que l'employeur a voulu faire en l'espèce.
[82] Il faut se rappeler qu'au départ, l'employeur croyait, à tort, avoir pris une bonne décision en nommant M. Bisson et en écartant la candidature de Mme Fortin. Aucun élément dans la preuve ne permet de dire qu'il a agi de mauvaise foi. Il a donc commis une erreur de bonne foi.
[83] En raison de sa nomination, M. Bisson a démissionné de son poste d'agent communautaire / relationniste laissant ainsi ce poste vacant. La convention collective oblige l'employeur à afficher «toute vacance à un grade, fonction ou nouvelle fonction couverte par le certificat d'accréditation» (paragraphe 10.01 de la convention collective).
[84] Dans l'hypothèse où ce poste avait véritablement été vacant, l'employeur se devait de le combler sauf s'il désirait l'abolir auquel cas, il aurait alors dû suivre la procédure prévue au paragraphe 10.02 de la convention. Évidemment, l'abolition n'était pas une option puisqu'au contraire l'employeur cherchait à augmenter le nombre d'agents communautaires / relationnistes.
[85] Or, l'employeur croyait que puisque la candidature de Mme Fortin avait été non recommandée, cette dernière ne se trouvait pas sur la liste d'éligibilité. Sa croyance était qu'il n'y avait en fait personne sur la liste d'éligibilité puisque l'agent Lefrançois avait refusé l'affectation et que l'agent Bisson était le détenteur du poste. Il estimait donc qu'il n'avait pas d'autres choix que d'afficher le poste vacant, ce qu'il a fait. Cette décision était évidemment erronée compte tenu des faits survenus ultérieurement et du règlement du grief de Mme Fortin.
[86] Le règlement du grief de Mme Fortin a eu des conséquences au niveau de l'attribution des postes d'agent communautaire / relationniste comme nous l'avons vu antérieurement. Ainsi, en replaçant les parties dans l'état où elles devaient être n'eut été de l'erreur, le premier poste affiché se trouvait à être attribué à Mme Fortin alors que le second devait être attribué à M. Bisson. Dans un tel cas, il n'y aurait alors pas eu de poste vacant et, partant, aucun affichage n'aurait été fait. En d'autres termes, l'employeur s'est trouvé à afficher par erreur un poste n'étant pas vacant.
[87] Comme le soulignait l'arbitre Pierre Jasmin dans l'affaire Ville de Pointe-Claire [1] , l'erreur n'est pas source de droit. Ce dernier écrivait en effet ce qui suit:
" Dans ma sentence arbitrale du 3 novembre 1986, j'en suis venu à la conclusion que la Ville avait erré et que c'est monsieur Gilles Brunet plutôt que le plaignant Gosselin qui aurait dû obtenir le poste de lieutenant. La conséquence juridique logique de ma décision a été l'annulation de la nomination du plaignant au rang de lieutenant.
Il est reconnu que l'erreur ne peut être source de droit et le plaignant n'avait donc aucun droit, tant sur le plan juridique qu'en vertu de la convention collective, de demeurer à son poste de lieutenant.
En effet, la conséquence de ma décision a été que la décision de la Ville d'accorder le poste de lieutenant au plaignant devait être considérée comme étant nulle "ab initio" puisqu'elle résultait d'une erreur administrative. C'est d'ailleurs ce qu'a soutenu l'Association tout au long de l'audition du grief de monsieur Gilles Brunet. La promotion et la nomination du plaignant étant nulles dès le départ, elles ne pouvaient produire d'effet juridique pour l'avenir et conséquemment, le plaignant ne pouvait être confirmé automatiquement dans sa promotion après une période de six (6) mois comme le stipule la clause 24.07.
(emphase ajoutée)
[88] Au même effet, l'arbitre Denis Laberge écrivait ce qui suit dans l'affaire du Centre de Jeunesse Batshaw [2] :
"Quant à la décision de l'employeur de faire droit au grief de madame Athanasopoulos, l'arbitre considère qu'il n'avait pas vraiment le choix puisqu'il avait fait une erreur dont il était responsable et il se devait de la corriger. Cette erreur sur la substance même de l'acte ne pouvait de plus donner des droits nouveaux ou plus de droits à d'autres salariés, en permettant par exemple à un salarié de bénéficier de cette erreur pour obtenir un poste au lieu d'un autre. L'erreur en effet n'est pas génératrice de droit et lorsqu'un tribunal civil le constate, il remet généralement les parties dans l'état où elles étaient au moment où l'erreur a été commise . La décision de l'employeur est conforme à ce principe.
(emphase ajoutée)
[89] Dans l'affaire Réseau de la santé et des services sociaux des Aurores Boréales [3] , l'arbitre Diane Sabourin reprenait le même principe. Elle écrivait ce qui suit:
"[20] On aura beau dire, on aura beau faire : L’erreur n’est pas génératrice de droit, comme mon collègue Denis Laberge a déjà eu l’occasion de le rappeler dans sa récente sentence arbitrale à l’égard du Centre de jeunesse Batshaw, soit l’unique autorité patronale qui m’a été soumise en l’espèce et que j’ai longuement commentée dans la section B) de l’annexe jointe à la présente sentence arbitrale :
20.1. D’abord : La plaignante Clémence Laforce ne peut réclamer que le poste en litige lui soit accordé puisque, erreur ou pas de l’employeur, elle n’y aurait pas eu droit de toute façon, Mmes Brochu et Bourget ayant toutes deux plus d’ancienneté qu’elle, selon la liste S-8 susmentionnée ;
20.2. Ensuite : Le syndicat ne peut davantage réclamer d’annuler la nomination de Mme France Brochu, puisque c’est effectivement conformément aux dispositions de la Convention collective S-2, notamment la clause 15.05 précitée, que ce poste revenait de plein droit à Mme Brochu ;
20.3. Enfin : L’autre plaignante, Mme Johanne Bourget, ne peut enfin réclamer que le poste en litige lui soit attribué de nouveau, étant donné que c'est à la suite d’une erreur de l’employeur que Mme Bourget avait été initialement nommée à ce poste ;
[21] La doctrine et la jurisprudence applicables en la matière, nous enseignent ceci :
21.1. D’une part, un(e) salarié(e) ne peut bénéficier d’une erreur pour obtenir un poste auquel il (elle) n’aurait pas eu droit autrement, comme je viens tout juste de l’expliciter en regard du présent cas;
21.2. D’autre part, l’arbitre de griefs se doit de remettre les parties dans l’état où elles étaient au moment où l’erreur a été commise, c’est-à-dire lorsque l’employeur a « oublié » de considérer la candidature de Mme Brochu lors du processus de comblement du poste en litige: (…)"
[90] Même si le contexte de ces affaires est quelque peu différent de l'espèce, il n'en reste pas moins qu'il s'agissait de salariés nommés dans un poste alors qu'ils n'y avaient pas droit. Ici, nous sommes en présence d'un salarié nommé dans un poste alors que celui-ci n'était pas vacant. Un salarié ne saurait bénéficier d'une telle erreur pour obtenir un poste déjà occupé par un autre employé ou inexistant. Le fait de replacer les parties dans l'état où elles le devaient suite au règlement du grief de Mme Fortin ne peut être créateur de droit pour M. Laliberté.
[91] En fait, la vacance de poste a été annulée suite au règlement du grief. Celle-ci est censée n'avoir jamais existé. Il va donc de soit que l'affichage devient nul ab initio compte tenu du principe de l'accessoire suivant le principal. Cet affichage n'est pas synonyme de création de poste. Cet aspect du grief est rejeté.
[92] Ce grief conteste aussi le fait que l'employeur ait exigé que le policier Laliberté se désiste de l'affectation advenant que le grief de Mme Fortin se règle en faveur de cette dernière. Le syndicat estime qu'une telle condition est contraire à l'affichage et à l'article 10 de la convention collective et qu'il n'a jamais consenti à l'ajout d'une telle condition.
[93] En temps normal, la soussignée serait d'accord avec le syndicat pour dire que l'employeur ne pouvait pas exiger d'un salarié qu'il se désiste d'une assignation valablement faite. Cependant, la présente assignation n'était pas valable puisque basée sur une erreur de l'employeur i.e. l'affichage d'un poste non vacant. Que cette mention ait été faite ou pas, le résultat aurait été le même, M. Laliberté aurait été retourné à la gendarmerie en raison du règlement du grief de Mme Fortin. Que le syndicat ait consenti ou pas n'y changerait rien non plus.
[94] Le troisième grief conteste la décision de l'employeur de retourner M. Laliberté dans ses fonctions de patrouilleur car ce dernier se trouvait à avoir obtenu un cinquième poste d'agent communautaire / relationniste. Pour les motifs énoncés précédemment, il y a lieu de rejeter ce grief. En effet, le tribunal a conclu qu'aucun nouveau poste n'avait été créé suite à l'affichage du poste du mois de juillet 2007.
[95] Le syndicat a soutenu que M. Laliberté a subi un préjudice du fait qu'il n'a pu bénéficier de l'horaire de travail de l'agent communautaire / relationniste après être retourné à son poste au sein de la gendarmerie. Avec égard, la soussignée est d'avis que cela n'est pas le cas étant entendu que n'eut été de l'erreur de la Ville, il n'aurait jamais obtenu ce poste. Le plaignant et le syndicat connaissaient l'existence du grief de Mme Fortin et de ses répercussions possibles advenant qu'un arbitre fasse droit à celui-ci ou qu'une entente intervienne entre les parties.
[96] Pour tous ces motifs, le service de police n'avait pas d'autres choix que de constater la nullité de l'affichage du poste d'agent communautaire / relationniste du mois de juillet et de retourner M. Laliberté à la gendarmerie une fois le grief de Mme Fortin réglé.
[97] En conséquence de ce qui précède, le tribunal rend la décision suivante:
ACCUEILLE le grief 2007-13
DÉCLARE que le poste d'agent communautaire / relationniste aurait dû être octroyé à Mme Marie-Claude Fortin et ce, rétroactivement au 22 juin 2007 avec toutes les conséquences s'y rattachant;
REJETTE le grief 2007-18;
REJETTE le grief 2007-31.
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________________________________ __ Me Nathalie Faucher |
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Pour le syndicat : |
Me Serge Gagné |
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Pour l’employeur : |
Me Annie Parent |
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Date(s) d’audience : |
20 novembre 2011 |
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Autorités additionnelles: |
23 novembre 2011 |
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[1]
Ville de Pointe-Claire
et
L'Association des pompiers de
Pointe-Claire
,
[2]
Centre
de jeunesse Batshaw
et
Syndicat canadien de la fonction publique,
section locale 2718
,
[3]
Syndicat des infirmières et infirmiers du Centre local de services
communautaires des Aurores boréales (F.I.I.Q.)
et
Réseau de la santé et
des services sociaux des Aurores boréales
,