Demers c. Breton

2012 QCCQ 2019

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

DRUMMOND

LOCALITÉ DE

Drummondville

« Chambre civile »

N° :

405-32-006243-111

 

 

 

DATE :

7 mars 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GILLES LAFRENIÈRE J.C.Q.

 

 

 

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LOUIS DEMERS, faisant affaires sous la raison sociale de

Kheops Concept enr.

Demandeur

c.

SYLVAIN BRETON

-et-

DIANE COUTURE

Défendeurs

 

 

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JUGEMENT

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CONTEXTE

[1]            Le demandeur, un technicien en construction architecturale, réclame des défendeurs le montant de ses honoraires pour la préparation de plans de rénovation de leur résidence.

 

[2]            Les défendeurs refusent de payer au motif que le demandeur a commis une erreur dans la confection de ses plans, en ne tenant pas compte de la réglementation municipale et de l'existence d'une servitude de limitation publique (fils électriques).

QUESTION EN LITIGE

[3]            Le demandeur avait-il l'obligation de fournir des plans conformes respectant la réglementation municipale et les servitudes d'utilités publiques?

LES FAITS PERTINENTS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[4]            Le demandeur est technicien en conception architecturale et fait affaires sous la raison sociale de «Kheops Concept Atelier d'architecture».

[5]            Les défendeurs sont propriétaires d'une résidence située en la municipalité de Sainte-Brigitte-des-Saults.

[6]            À l'été 2009, les défendeurs envisagent de rénover leur résidence et font appel aux services du demandeur.

[7]            Lors de la rencontre initiale, les défendeurs exposent sommairement au demandeur leur projet de rénovation et lui remettent le certificat de localisation de leur immeuble existant.  Le demandeur leur donne alors un aperçu de ses honoraires et se rend chez eux pour prendre connaissance des lieux.

[8]            Au cours des semaines suivantes, le demandeur leur présente successivement deux esquisses à partir desquelles les défendeurs se lancent à la recherche d'un entrepreneur en construction.

[9]            Dès leur première rencontre avec un entrepreneur en construction, ils sont informés que la rénovation projetée est illusoire, parce qu'elle empiète dans une servitude d'utilité publique et qu'elle ne respecte pas certaines dispositions réglementaires de la municipalité.

[10]         Ils en informent aussitôt le demandeur, qui nie toute responsabilité.  Pour lui, c'est au client de vérifier la conformité de son projet avec les limitations d'utilités publiques et les dispositions réglementaires.

[11]         Il fait valoir qu'il a fait un travail impeccable qui mérite d'être payé.

ANALYSE

[12]         L'entente intervenue entre les parties est un contrat de service sujet à l'application de l'article 2100 du Code civil du Québec qui se lit comme suit:

 

«Art. 2100:  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence.  Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.»

[13]         À cet égard, la Cour supérieure dans la cause La Société d'architecture Landry Inc. c. Ville de Gatineau [1] écrit:

«[…] l'obligation de l'architecte qui exécute un mandat de confection de plans et devis en est une de résultat; aussi, ces plans et devis doivent être exécutés en conformité avec les normes et règlements en vigueur pour que la prestation exigée soit adéquate; le respect des diverses exigences réglementaires est une composante essentielle de cette obligation de résultat qui caractérise le mandat d'un architecte. Conclure autrement conduirait à la situation absurde que le prestataire de ces services professionnels devrait se satisfaire des plans et devis inutiles pour lui, parce que rejetés par les autorités administratives.»

[14]         Cet enseignement à l'égard des architectes est aussi applicable à l'égard d'un technicien en conception architecturale.

[15]         Conséquemment, il appartenait au demandeur de s'assurer des limitations d'utilités publiques et des dispositions réglementaires municipales.

[16]         Considérant la nature de ce manquement, les plans qu'il a conçus deviennent inutiles pour les défendeurs, puisqu'ils ne peuvent pas les utiliser pour rénover leur résidence.

[17]         En les présentes circonstances, le travail mal fait s'assimile à un travail non fait.

[18]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[19]         REJETTE la demande;

 

 

[20]         LE TOUT , avec dépens.

 

 

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GILLES LAFRENIÈRE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

7 février 2012

 

 

Retrait et destruction des pièces

 

Les parties doivent reprendre possession des pièces qu’elles ont produites, une fois l’instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l’acte mettant fin à l’instance, à moins que le juge en chef n’en décide autrement.

 

 

 

 

 



[1] La Société d'architecture Landry inc. c. Ville de Gatineau , AZ-97003626 0 (21 mars 1997).