HSST Conseil inc. c. 4003152 Canada inc.

2012 QCCQ 2128

COUR DU QUÉBEC

Division des petites créances

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-118278-094

 

DATE :

 Le 27 mars 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN BREAULT, J.C.Q.

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HSST CONSEIL INC.

3465, rue Ridgewood

Bureau 102

Montréal (Québec)

H3V 1B4

Demanderesse

 

c.

4003152 CANADA INC.

-et-

9059-4904 QUÉBEC INC.

-et-

KEVIN SHEMIE

2500, avenue Pierre-Dupuy

Bureau 104

Montréal (Québec)

H3C 4L1

Défendeurs

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JUGEMENT

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[1]            HSST Conseils Inc. ("HSST"), la demanderesse, réclame solidairement 6 722,14$ à 4003152 Canada Inc. ("Canada"), 9059-4904 Québec Inc. ("Québec ") et Kevin Shemie ("Shemie") pour des services professionnels qu'elle allègue avoir rendus au bénéfice des trois défendeurs.

[2]            Ces derniers ne contestent pas la qualité des services rendus, ni le montant qui est réclamé. Leur contestation se limite à soutenir que la seule partie responsable du paiement de la facture est Canada.

LE CONTEXTE

[3]            HSST est une entreprise qui œuvre dans le domaine de l'hygiène industriel et de la santé-sécurité. Elle offre principalement ses services aux industries, hôpitaux et bureaux professionnels.

[4]            Canada, jusqu'en 2009, a exploité sous le nom "Le Domaine Des Trois Pignons" une résidence pour personnes âgées et en perte d'autonomie. Elle occupait en entier un immeuble dont le propriétaire était Québec.

[5]            Québec est le seul actionnaire de Canada et, pour les fins de l'exploitation de l'entreprise "Le Domaine Des Trois Pignons", Shemie était le directeur administratif et principal dirigeant. Shemie est aussi le seul administrateur de Québec et de Canada.

[6]            Le 27 juin 2007, Anne O'Donnel ("O'Donnel"), directrice administrative de HSST, reçoit un appel de Shemie au sujet d'un problème sérieux d'inondation d'eau dans la pharmacie se trouvant dans l'immeuble exploité par Canada. Une intervention rapide est requise en raison des risques d'exposition à la moisissure.

[7]            Le même jour, une soumission est envoyée ou remise à l'attention de Shemie. Le client est identifié comme étant "Domaine Les Trois Pignons". HSST évalue le coût de ses services à 3 665$. L'évaluation est acceptée par Shemie et HSST entreprend en conséquence ses prestations.

[8]            Elle présente un rapport détaillé le 27 juin 2007, exécute ses autres prestations pendant plusieurs jours au cours du mois de septembre et, le 27 septembre 2007, elle envoie sa facture qui totalise 6 722,14$.

[9]            La facture n'est pas acquittée. O'Donnel communique plusieurs fois avec Shemie. Des promesses ou offres de paiement sont faites, mais elles n'aboutissent finalement à rien.

[10]         En 2009, la communication est rompue. En fait, Canada fait face à des difficultés financières, elle doit cesser ses opérations commerciales et Québec vend finalement l'immeuble dans lequel était exploitée la résidence pour personnes âgées.

[11]         Les défendeurs estiment  que seule Canada est responsable du paiement de la facture de HSST. Ils plaident que l'entente est survenue seulement dans le cadre de l'exploitation par Canada de l'entreprise "Le Domaine Des Trois Pignons" et que Shemie agissait uniquement en tant que représentant et directeur administratif de cette entreprise.

[12]         Enfin, les défendeurs précisent que HSST a modifié sa facture longtemps après les faits et orienté sa réclamation pour les englober tous les trois alors qu'elle savait ou devait savoir que seule Canada était la partie prenante au contrat intervenu en juin 2007.

ANALYSE ET MOTIFS

[13]         Les articles 1375 et 1525 C.c.Q. énoncent ce qui suit:

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.

1525. La solidarité entre les débiteurs ne se présume pas; elle n'existe que lorsqu'elle est expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi.

Elle est, au contraire, présumée entre les débiteurs d'une obligation contractée pour le service ou l'exploitation d'une entreprise.

Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services. 

 

[14]         En l'espèce, de toute la preuve présentée, le Tribunal détermine que Canada et Québec doivent être tenus solidairement responsables du paiement de la facture de HSST, mais que la réclamation de cette dernière doit être rejetée contre Shemie.

[15]         Jusqu'en 2001, Québec était le propriétaire de l'immeuble en litige et y exploitait l'entreprise le "Domaine Des Trois Pignons". De la preuve, il ressort que, pour des raisons fiscales, Canada fut alors constituée aux fins de devenir l'entreprise exploitante de la résidence pour personnes âgées. Québec continue  toutefois d'utiliser le nom "Domaine Des Trois Pignons", mais elle cesse de le faire en 2004.

[16]         Shemie affirme que HSST savait ou devait savoir qu'elle traitait avec Canada, le nom "Domaine Des Trois Pignons" étant d'ailleurs employé dans ses premiers documents contractuels. Il ajoute qu'elle devait ou aurait dû faire des recherches plus attentives afin de clarifier le lien contractuel qui unissait les parties.

[17]         Par ailleurs, il propose que toutes les dépenses effectuées dans l'immeuble, que ce soient les dépenses liées aux éléments structurels de l'immeuble ou encore celles se rapportant plus directement à l'exploitation de l'entreprise "Domaine Des Trois Pignons" étaient et doivent toutes être considérées comme des dépenses de Canada.

[18]         Le Tribunal estime que ces représentations doivent être traitées avec plusieurs  réserves.

[19]         D'abord, les moyens que soulèvent maintenant les défendeurs ne l'avaient jamais été avant le procès. Dans leur contestation écrite, leur défense était la même et se limitait à dire: "Les motifs et documents à l'appui de la contestation sont à suivre". Les défendeurs n'ont rien produit et fait connaître avant qu'ils ne présentent leur contestation pendant le procès.

[20]         En deuxième lieu, le Tribunal considère que les exigences de la bonne foi et l'obligation de renseignement obligeaient Shemie à informer correctement HSST de l'identité de la partie prenante au contrat. Une relation contractuelle n'est pas un jeu de cache-cache et il appartenait au débiteur de l'obligation envers HSST de ne pas maintenir une situation d'incertitude ou potentiellement confuse.   

[21]         Enfin, au sujet des diverses dépenses effectuées dans l'immeuble, le Tribunal retient que, de par leur nature, celles qui concernent la conservation des éléments structurels de l'immeuble demeurent normalement sous la responsabilité du propriétaire de l'immeuble.

[22]         La preuve est silencieuse sur le contenu du bail qui devait nécessairement lier Québec et Canada. En conséquence, il n'y a pas lieu de modifier le cours normal des choses et les règles qui s'appliquent habituellement en matière de location commerciale.  Les dépenses relatives aux éléments structurants d'un immeuble en location relèvent par principe de la responsabilité du locateur ou propriétaire (art.  1864   C.c.Q .).

[23]         Dans cette perspective, le Tribunal conclut que les services rendus par HSST ont bénéficié autant à Québec qu'à Canada. Le problème d'inondation d'eau et le risque de moisissures, s'ils n'avaient pas été traités rapidement et de façon hautement professionnelle, auraient pu causer des dommages plus considérables aux éléments structurels de l'immeuble et compromettre ainsi sa valeur marchande.

[24]         Partant, la demande de services dirigée auprès de HSST doit être considérée comme une demande faite par deux personnes légales dans le contexte d'une activité économique organisée. Canada et Québec sont donc solidairement responsables envers HSST du paiement de la facture totalisant 6 722,14$.

[25]         Ceci étant dit, la réclamation dirigée contre Shemie ne peut pas être accueillie. La preuve ne révèle aucun élément suffisant permettant de donner ouverture à sa responsabilité personnelle. La preuve ne fonde pas non plus une demande pour que le voile corporatif soit levé (art. 317 C.c.Q .).

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE en partie la réclamation de la demanderesse;

CONDAMNE les défenderesses 4003152 Canada Inc. et 9059-4904 Québec Inc. à payer solidairement à la demanderesse la somme de 6 722,14$, avec les intérêts au taux de 5% l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619   C.c.Q., à compter de la demeure, le 19 juin 2009, et les frais judiciaires de 204$;

REJETTE la réclamation de la demanderesse contre le défendeur Kevin Shemie, mais sans frais judiciaires eu égard aux circonstances de l'affaire.

 

 

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ALAIN BREAULT, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

Le 20 mars 2012