Tribunal d’arbitrage

 

Canada

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2012-4652

 

Date :

Le 14 mars 2012

 

 

Devant l’arbitre :

M e Diane Fortier

 

 

Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Trois-Rivières

Ci-après « le Syndicat »

 

et

 

Université du Québec à Trois-Rivières

Ci-après « l’Employeur »

 

Plaignant :

Justin Marcotte

 

Grief

du Syndicat n o  :

2005-01

 

Convention collective entre :

Université du Québec à Trois-Rivières et Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université du Québec à Trois-Rivières

25 mars 2003, modifiée le 25 mai 2004

 

 

Pour le Syndicat :

M e Richard McManus

 

Pour l’Employeur :

M e Patrice Boudreau

 

Sentence arbitrale interlocutoire sur le quantum

L.R.Q., c. C-27, article 100

 

 

[1]                  L’audience a été tenue, à Trois-Rivières, le 15 décembre 2010 et le 13 février 2012.  Le Syndicat me demande de me désister de ma compétence au profit de l’arbitre Jean Gauvin en ce qui a trait au quantum découlant de la sentence que je rendais le 18 octobre 2006 ou, à défaut, de suspendre l’arbitrage sur la fixation de ce quantum jusqu’à ce que l’arbitre Gauvin fixe le quantum dans le dossier qui l’occupe.

 

[2]                  Le 12 juillet 2006, j’ai rendu une sentence interlocutoire, dont voici quelques extraits :

 

« [57] Cela étant, si la tutelle était invalide, il va de soi qu’elle ne pouvait suspendre les modes réguliers d’administration et de fonctionnement du département ni empêcher alors l’application des dispositions de la convention collective relatives à cette administration et ce fonctionnement.

 

[58] Les parties m’ont demandé d’être entendues pour faire valoir leurs prétentions sur les correctifs pour donner suite à ma sentence arbitrale. De plus, la partie patronale s’est réservé le droit de faire des représentations sur la question de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail. Au nom du principe audi alteram partem , j’entendrai les parties sur ces sujets.

 

Dispositif

 

[59] Par ces motifs, je déclare que les dispositions de la convention collective auraient dû être appliquées au plaignant concernant le renouvellement ou non de son contrat.

 

[60] J’entendrai les parties sur leurs représentations sur les correctifs à apporter et, s’il y a lieu, sur la question de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail. »

 

[3]                  Le 18 octobre 2006, je rendais une décision sur le grief du Syndicat n o  2005-01, dont voici le dispositif :

 

« [61]          Par ces motifs,

 

-                     j’accueille partiellement le grief.

 

-                     J’annule la décision de l’Employeur du 20 décembre 2004 relative au non-renouvellement du contrat du plaignant.

 

-                     J’ordonne la constitution d’un nouveau comité d’évaluation et la reprise d’évaluation du dossier du plaignant qui a été présenté au comité d’évaluation en 2004.

 

-                     Si, au terme de la procédure prévue à l’article 11, l’Employeur offre un troisième contrat au plaignant, il devra le réintégrer et lui verser la rémunération perdue par ce dernier depuis la fin de son emploi en mai 2005 jusqu’à sa réintégration.

 

-                     Je réserve ma compétence, s’il y a lieu sur tout litige relatif au quantum . »

 

[4]                  Dans cette sentence, je décidais que j’accueillais partiellement le grief, car le Syndicat réclamait le renouvellement du contrat du plaignant.

 

[5]                  Le 3 mai 2007, à la suite d’une requête en révision judiciaire du Syndicat de ma sentence du 18 octobre 2006, le juge Robert Legris, de la Cour supérieure, rejetait ladite requête.  On peut lire ce qui suit dans son jugement :

 

« [19] En somme la décision de l’arbitre, rendue après que les parties aient eu l’opportunité d’être entendues suivant des normes généralement acceptées, est parfaitement raisonnable et les parties devront s’en remettre à la convention collective pour l’appliquer. Il faudra évidemment, à l’occasion, l’interpréter puisque la situation actuelle sort de l’ordinaire. Est enfin parfaitement raisonnable le refus de l’arbitre de décerner le titre de professeur à Monsieur Marcotte avant qu’il ait été évalué à cette fin. »

 

[6]                  Le 19 novembre 2007, la Cour d’appel, sous la plume du juge François Pelletier, refuse la permission de faire appel du jugement de la Cour supérieure.  En voici un extrait :

 

« La reprise du processus prévu par la convention collective, avec les adaptations qui s’imposent, pourrait en effet produire le résultat souhaité par le requérant et ainsi conférer à ces questions un caractère théorique. Je note en terminant que l’arbitre Fortier a réservé sa compétence pour trancher toutes questions relatives au quantum , le cas échéant. » (page 4)

 

[7]                  Le 15 août 2007, M e Jean Gauvin, arbitre, rendait une sentence arbitrale entre les mêmes parties au présent dossier.  Voici ce que l’arbitre écrivait aux pages 128 et 129 de sa sentence :

 

« J’en viens donc à la conclusion, en dépit des tentatives d’explications fournies par les représentants impliqués de l’employeur pour justifier leurs comportements et leurs décisions sur lesquels le présent grief est basé, que la prépondérance de la preuve est à l’effet que les prétentions du plaignant sont bien fondées; que les faits mis en preuve à l’appui de ces prétentions ne laissent aucun doute quant à l’objectif poursuivi par ces comportements et décisions, à savoir discréditer le plaignant, miner son autorité et sa crédibilité, le démoraliser et, ultimement, se débarrasser de lui, soit en obtenant sa démission, soit en obtenant le non renouvellement de son contrat d’engagement; que les témoignages des témoins entendus à l’initiative de la partie patronale en regard des comportements et des décisions concernés ne font pas le poids par rapport à ceux des témoins entendus à l’initiative de la partie syndicale et aux corroborations des prétentions du plaignant qui s’en dégagent; bref, qu’il y a lieu de reconnaître :

 

a)     que ces comportements et décisions constituent réellement du harcèlement psychologique et que le plaignant a donc fait l’objet d’un tel harcèlement depuis janvier 2002 jusqu’au non renouvellement de son contrat d’engagement en janvier 2004;

 

b)     que ce harcèlement psychologique a été l’œuvre de représentants de l’employeur et ce, à la connaissance de sa haute direction;

 

c)     que celle-ci a fait preuve d’inaction et même d’aveuglement volontaire face à ce harcèlement subi par le plaignant et à certains comportements de mauvaise foi par lesquels il s’est manifesté;

 

d)     que la haute direction de l’employeur a donc manqué gravement à son devoir en négligeant ou en omettant de fournir au plaignant un climat de travail empreint de respect et libre de menaces de quelque nature que ce soit, d’une part, et exempt de comportements ou propos tenus de mauvaise foi par ses représentants à son sujet, d’autre part;

 

e)     donc, que le grief doit être accueilli.

 

PAR TOUS CES MOTIFS, j’accueille le grief tel que rédigé et amendé et je conserve ma juridiction au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre, soit sur la nature des remèdes, compensations ou dommages auxquels le plaignant a droit, soit sur leur quantum, ou encore au cas où la mise en application de la présente décision ferait éventuellement l’objet d’un quelconque désaccord. »

 

[8]                  Le 4 octobre 2007, l’Employeur déposait une requête en révision judiciaire de la sentence de l’arbitre Gauvin.  Le 3 février 2011, la juge France Bergeron, de la Cour supérieure, rejetait ladite requête.  Voici quelques extraits de son jugement déposé sous la cote E-13 :

 

« [6] Le Syndicat dépose un grief auprès de l'Université, le 31 janvier 2003.  Le grief concerne Justin Marcotte.  Le Syndicat demande que l'Arbitre:

 

DÉCLARE que l'inaction de l'Université en vue de faire cesser le harcèlement subi par le plaignant constitue un manquement grave au devoir de l'Employeur dans ces circonstances;

 

ORDONNE à l'Université de fournir au plaignant un «climat de travail empreint de respect, libre de toute menace de quelque nature que ce soit»;

 

CONDAMNE l'Université à indemniser le professeur de tout dommage qui pourrait lui être causé, suite et à cause de cette situation, notamment les primes et les dégagements de direction, avec les intérêts et l'indemnité additionnelle prévus à l'article 100.12 c) du Code du travail;

 

RENDE toute autre ordonnance propre à sauvegarder le droit du professeur concernant cette situation et, notamment, réserver sa juridiction sur le quantum découlant de l'ordonnance et de la condamnation qui précèdent.

 

[7] Le grief porte sur le harcèlement qu'aurait subi Justin Marcotte.  Au moment où les faits sont survenus et que le  grief est logé, les dispositions concernant le harcèlement psychologique contenues à la Loi sur les normes du Travail  ne sont pas en vigueur.  Elles l'ont été le 1 er juin 2004.

 

[8] L'Arbitre tient des auditions pendant 18 jours, entre le 27 mai 2004 et le 18 juin 2007.

 

[9] Le grief fait l'objet d'amendements devant l'Arbitre.  À cet effet, le Syndicat demande à l'Arbitre de considérer comme geste ou comportement harcelant, une suspension d'une semaine, cette mesure disciplinaire ayant, par ailleurs, fait l'objet d'un grief daté du 11 mars 2004, et le non-renouvellement du contrat d'engagement, situation ayant fait l'objet d'un grief daté du 21 janvier 2005.

 

[10] Le grief du 11 mars 2004 relatif à la suspension d'une semaine est soumis à l'arbitre Diane Fortier ainsi que le grief du 21 janvier 2005 ayant trait au non renouvellement du contrat d'engagement de Justin Marcotte. 

 

[11] Concernant le grief du 21 janvier 2005, l'arbitre Fortier rend des décisions les 12 juillet et 18 octobre 2006, déclarant, dans un premier temps, que les dispositions de la convention collective auraient dû être appliquées à Justin Marcotte concernant le renouvellement ou non de son contrat, stipulant qu'elle entendra les parties sur les correctifs.  Dans l'autre décision, elle annule la décision de l'Université relative au non renouvellement du contrat de Marcotte et ordonne la constitution d'un nouveau comité d'évaluation et la reprise d'évaluation du dossier de Marcotte présenté au comité d'évaluation en 2004, ajoutant que, si au terme de la procédure prévue à l'article 11, l'Université offre un troisième contrat à Marcotte, elle devra le réintégrer et lui verser la rémunération perdue depuis la fin de son emploi en mai 2005 jusqu'à sa réintégration, réservant sa compétence sur tout litige relatif au quantum.

 

[12] Cette décision de l'arbitre Fortier fait l'objet d'une requête en révision judiciaire logée par le Syndicat.  Monsieur le juge Robert Legris rejette la requête portée et le 19 novembre 2007, la Cour d'appel rejette la requête pour permission d'appeler.

 

[13] Quant au grief du 11 mars 2004, l'Université et le Syndicat ont convenu de reporter l'audition pour procéder d'abord sur le grief de non renouvellement.

 

[…]

 

[15] L'Université soulève que l'Arbitre n'a pas juridiction pour considérer comme comportements harcelants, la suspension et le non renouvellement du contrat puisque chacun de ces événements a fait l'objet d'un grief dont est saisie une autre arbitre.

 

[16] Ainsi, l'Université demande que les paragraphes 16 et 21 de la décision soient annulés et ajoute que l'Arbitre ne peut s'arroger la juridiction de déterminer la nature des remèdes, compensations et conserver sa juridiction au cas où la mise en application de la présente décision ferait éventuellement l'objet d'un quelconque désaccord.

 

[…]

 

[30] L'Arbitre s'est prononcé sur la situation de la suspension et celle du non renouvellement du contrat parce qu'il avait à décider de l'existence ou non de harcèlement et s'il pouvait considérer ces faits dans le continuum, après avoir accepté les demandes d'amendements du Syndicat.

 

[31] Ainsi, la question que doit trancher l'Arbitre est de décider s'il va tenir compte, dans le continuum de gestes, de la suspension et du non renouvellement de contrat, pour établir le harcèlement dont Marcotte aurait été victime, malgré que ces faits soient postérieurs au grief alors qu'une autre arbitre est saisie des griefs relatifs à la suspension et au non renouvellement de contrat.

 

[…]

 

[35] C'est ainsi que l'Arbitre se prononce sur l'événement concernant la suspension d'une durée d'une semaine:

 

16- La suspension d'une durée d'une semaine imposée au plaignant en janvier 2004, dans la foulée d'une entente intervenue en décembre 2003 avec le doyen à la recherche, M. Denis Mayrand, en présence de Me Éric Asselin (sic) et de Me Louis Hénaire, et qu'il a respectée en totalité, constitue une autre mesure de harcèlement envers le plaignant puisque le projet de recherche a été immédiatement interrompu dès que le plaignant en a reçu l'ordre et que si les traitements, eux, ont continué, c'est d'une part afin de respecter le Code de déontologie de l'Ordre des chiropraticiens du Québec et, d'autre part, avec l'assentiment de la directrice de la clinique universitaire de chiropratique, la condition posée par cette dernière, à savoir qu'une source de financement soit trouvée pour que la gratuité des soins soit maintenue, ayant été rencontrée par le plaignant via la FCQ.

 

[36] Il fait de même concernant le non renouvellement du contrat, analysant la preuve ainsi:

 

21- Les délibérations du comité d'évaluation présidé par le délégué à la tutelle n'ont nullement été menées objectivement, dans le respect des règles prévues à ce sujet dans la convention collective et avec un souci d'être juste et équitable envers le plaignant;  elles s'apparentent plutôt à un processus de lynchage télécommandé par le VRER et dont toutes les étapes ont été orientées et manipulées en vue de la réalisation assurée de cet objectif:  le non renouvellement du contrat d'engagement du plaignant.

 

[37] Il est de l'essence même de l'analyse, en matière de harcèlement, d'évaluer dans le temps, un ensemble de faits, gestes et incidents, puisque devant apprécier l'existence d'un continuum.

 

[38] La façon de procéder adoptée par l'Arbitre, alors qu'il se saisit des faits postérieurs et procède à leur analyse, est ce qu'il devait faire.  Malgré que la suspension et le non renouvellement de contrat faisaient chacun l'objet d'un grief dont était saisie une autre arbitre, il devait évaluer ces faits dans le cadre du harcèlement. Sa décision est correcte.  L'Arbitre n'a pas excédé sa compétence.

 

[39] En cette matière particulière qu'est le harcèlement en milieu de travail, le Tribunal est en accord avec l'Arbitre.

 

[…]

 

[48] En fait, il s'agit de mettre en contexte les mots qu'a employés l'Arbitre soit la nature des remèdes, compensation et mise en application de la présente décision si elle fait l'objet d'un quelconque désaccord.

 

[…]

 

[53] Il s'agit de dédommager Marcotte et de prendre certaines mesures selon l'article 100.12 du Code du travail, dans le cadre de la situation particulière qu'est le harcèlement.  Dans ce contexte, l'Arbitre a adapté les remèdes.  Il a prononcé les ordonnances et pris des mesures pour sauvegarder les droits de Marcotte .   Ces ordonnances sont acceptables, se justifiant au regard des faits et du droit.

 

[54] Le Tribunal estime que cet aspect de la décision de l'Arbitre n'est pas déraisonnable étant fondé sur son expérience et son expertise en cette matière.

 

[55] L'Université plaide craindre de devoir payer Marcotte en double étant donné les griefs logés dont le traitement est soumis à une autre arbitre.  Le Tribunal ne peut croire que, dans le système judiciaire actuel, le Syndicat ou l'Université, placé devant le fait où la situation serait susceptible de provoquer une double indemnisation, ne ferait pas valoir leurs arguments, afin qu'il n'y ait pas cette double indemnisation. »

 

 

[9]                  Le 8 février 2012, le procureur syndical adressait au procureur patronal ainsi qu’à moi-même le courriel suivant, déposé sous la cote S-16 :

 

« Outre la question soulevée par la mienne du 24 août, j’ajouterais que le Syndicat a aussi l’intention de demander au tribunal qu’à défaut, qu’il suspende l’exercice de sa compétence pour laisser Me Jean Gauvin exercer la sienne. »

 

 

[10]               Dans sa lettre du 24 août 2011, déposée sous la cote S-9 et dont j’ai reçu copie ainsi que l’arbitre Gauvin, le procureur syndical écrit, entre autres, ce qui suit :

 

« Notre présence devant l’arbitre Fortier et les discussions l’ayant précédée ne s’explique que par le fait que nous attendions toujours le résultat du contrôle judiciaire requis par votre cliente à l’encontre de la décision de l’arbitre Gauvin, dans le contexte du harcèlement dont le professeur Marcotte s’était plaint d’avoir été l’objet, notamment dans le contexte du refus de renouveler son contrat.

 

C’est donc pourquoi je vous informe qu’à défaut par votre cliente de consentir à la saisine de Me Gauvin pour ce qui est de l’ensemble des dommages subis par le professeur Marcotte, notamment suite et à cause du refus par l’Université de renouveler son contrat, j’ai mandat de requérir de l’arbitre Fortier qu’elle se désiste de sa compétence au profit de ce dernier lors de l’audition prévue le 22 septembre prochain. »

 

L’audience prévue pour le 22 septembre 2011 a été reportée au 13 février 2012.

 

[11]               Le 8 février 2012, le procureur patronal m’adressait un courriel, dont le procureur syndical a reçu copie également.  Voici un extrait de ce document déposé sous la cote E-16 :

 

« La présente a pour but de faire suite à votre courriel du 6 février dernier dans l’affaire en titre (Suivi-Quantum-J. Marcotte/UQTR (grief SPPUQTR no. 2005-01).

 

En ce qui nous concerne, l’audience du 13 février 2012 aura lieu.

 

Je comprends par ailleurs que le seul sujet à l’ordre du jour sera le moyen soulevé par Me McManus dans sa lettre du 24 août 2011 adressée au soussigné (et dont copie conforme à vous-même).

 

Or, lundi qui vient, l’Employeur sera prêt à contester la demande syndicale à l’effet que " vous vous désistiez de votre compétence au profit de l’arbitre Jean Gauvin " en ce qui a trait au quantum découlant de votre sentence arbitrale du 18 octobre 2006. »

 

 

[12]               Les pièces S-1 à S-7 ont été déposées à l’audience du 28 juin 2006.  La pièce S-1 est la convention collective et S-2, le grief.  Les pièces E-1, E-2 et E-3 ont été déposées le 28 juin 2006 et E-4 à E-7, le 21 septembre 2006.  Ces pièces ont été soumises dans le cadre des audiences qui ont donné lieu aux sentences arbitrales que j’ai rendues les 12 juillet et 18 octobre 2006.

 

[13]               À l’audience du 13 février 2012, la partie syndicale a déposé les pièces suivantes :

 

-         Sous la cote S-8, le calendrier de l’année 2008;

 

-         Sous S-9, la lettre du procureur syndical du 24 août 2011, dont il est question précédemment, au paragraphe 10;

 

-         Sous S-10, les admissions des parties sur le fait que le témoignage de M e Marc St-Pierre serait le suivant s’il témoignait devant moi.  Elles se lisent comme suit :

 

«  ADMISSIONS - TÉMOIGNAGE MARC ST-PIERRE

 

1.     J’ai représenté l’Université du Québec à Trois-Rivières dans le cadre d’une requête en révision judiciaire de la sentence arbitrale rendue par l’arbitre Jean Gauvin le 15 août 2007;

 

2.     Ce mandat m’a été confié par Me Johanne Panneton qui était alors directrice du Service des relations de travail à l’Université du Québec à Trois-Rivières;

 

3.     Me Panneton a représenté l’Université lors de l’arbitrage devant l’arbitre Gauvin;

 

4.     Me Panneton procédait généralement aux discussions avec le Syndicat et son procureur à propos des suites à donner à cette sentence arbitrale;

 

5.     Mon mandat dans cette affaire s’est limité à rédiger la requête en révision judiciaire, à la présenter devant la Cour supérieure, puis à assister à l’interrogatoire de Me Johanne Panneton;

 

6.     Je n’ai pas été impliqué dans les discussions intervenues par la suite entre l’Université et le Syndicat;

 

7.     Le 11 janvier 2008, Me Johanne Panneton m’a informé d’une possibilité de règlement entre les parties, sans m’informer du contenu;

 

8.     Le 16 janvier 2008, Me Johanne Panneton a laissé un message dans ma boîte vocale à l’effet qu’une entente était intervenue entre les parties me permettant de faire rayer du rôle de la Cour la requête en révision judiciaire de l’Université qui devait procéder le 1 er février 2008;

 

9.     Je n’ai pas été impliqué dans les discussions avec le Syndicat ou leur procureur concernant cette entente et les modalités de cette demande de radiation de l’inscription de la requête en révision judiciaire de l’Université;

 

10.   Je n’ai jamais été informé des termes de cette entente;

 

11.   J’ai par la suite écrit à la Cour supérieure le 18 janvier 2008 pour l’informer que le Syndicat consentait à la demande de radiation du rôle formulée par l’Université, le tout tel qu’il appert de la copie de pièce jointe en annexe;

 

12.   Le 19 juin 2008, j’ai été nommé juge à la Cour supérieure du Québec;

 

13.   J’ai donc dû cesser d’occuper pour l’Université du Québec à Trois-Rivières dans ce dossier;

 

14.   C’est Me Patrice Boudreau qui a pris la relève dans le dossier. »

 

-         Sous la cote S-11, la lettre suivante de M e St-Pierre du 17 janvier 2008 adressée au juge Michel Richard, de la Cour supérieure :

 

« Objet :             Université du Québec à Trois-Rivières c. Me Jean Gauvin et al

Cour no :            400-17-001500-079

Notre dossier :   4434-049

 

Monsieur le juge,

 

La présente est pour confirmer notre demande pour rayer la cause ci-dessus référée inscrite au rôle pour le 1 er février prochain.

 

Les parties sont présentement en pourparlers pour tenter de régler l’ensemble du dossier mettant en cause le professeur concerné, ce qui ferait en sorte qu’il ne serait pas nécessaire de plaider la requête en révision judiciaire dans le dossier ci-dessus mentionné en rubrique. »

 

-         Sous S-12, une lettre du procureur syndical du 21 janvier 2008 adressée à M e  St-Pierre.  Elle se lit ainsi :

 

« Objet :    Report de la présentation de la requête en contrôle judiciaire

N/D :          SPPUQTR 07-3/257 : Harcèlement Marcotte-contrôle judiciaire

Cher confrère,

 

J’accuse réception de votre télécopie du 18 janvier dernier concernant l’affaire mentionnée en rubrique.

 

Pour votre gouverne je joins à la présente copie d’une lettre que je transmets à Me Johanne Panneton résumant le contenu d’une conversation téléphonique qui a permis le report de la présentation de votre requête. »

 

-         Sous la cote S-13, la lettre du 21 janvier 2008 du procureur syndical à M e  Johanne Panneton, directrice du Service des relations de travail chez l’Employeur.  Elle mentionne ce qui suit :

 

« Objet :     Report de la présentation de la requête en contrôle judiciaire

N/D :           SPPUQTR 07-3/257 : Harcèlement Marcotte-contrôle judiciaire et SPPUQTR 05-3/229 : Grief 2005-01 - Congédiement Justin Marcotte

 

Chère consœur,

 

J’accuse réception d’une télécopie de Me Marc St-Pierre concernant le report de la présentation de la requête en contrôle judiciaire de l’Université dans l’affaire mentionnée en rubrique.

 

Cette télécopie m’a étonné car j’avais compris de notre discussion à ce sujet que vous deviez me revenir pour confirmer l’adhésion de l’Université aux conditions que je vous avais soumis pour consentir à ce report.

 

Je comprends donc que l’Université, en autorisant ce report, comprend que la reprise de l’évaluation du dossier du Dr. Justin Marcotte fera d’abord l’objet d’un accord avec le soussigné ou M. Alain Ledoux pour ce qui est du moment où elle aura lieu, la suite du processus étant laissée au résultat des discussions entre ce dernier et Me St-Pierre.

 

De plus, l’Université convient que, dans tous les cas, l’arbitre Gauvin, et seulement ce dernier, disposera de toute question découlant du résultat de ce processus.

 

Veuillez, chère consœur, accepter l’expression de mes sentiments les meilleurs. »

 

À l’audience, M e Panneton a témoigné à savoir qu’elle avait reçu cette lettre.  Elle a ajouté qu’à cette époque, il y avait grève des professeurs et qu’elle ne se souvenait pas si elle y avait répondu.

 

-         Sous S-14, une lettre du procureur syndical du 16 mars 2011 adressée à l’arbitre Gauvin.  Elle se lit ainsi :

 

« Objet :     Dates d’audition

N/D :           SPPUQTR 3-210 : Grief 2003-01 - Harcèlement Marcotte

 

Monsieur le président,

Cher confrère,

 

Vous trouverez ci-jointe la copie du jugement de la Cour supérieure rejetant la demande de contrôle judiciaire de l’Université à l’encontre de votre décision dans l’affaire mentionnée en rubrique.

 

Je compte sur votre collaboration pour communiquer avec les parties afin de fixer des dates d’auditions mutuellement acceptables pour déterminer les ordonnances et le quantum découlant de votre sentence arbitrale. »

 

-         Sous la cote S-15, une lettre du procureur patronal du 8 juin 2011 envoyée par télécopie à l’arbitre Gauvin.  Elle indique ce qui suit :

 

« Objet :     Quantum / décision du 15 août 2007

U.Q.T.R.

et Syndicat des professeur(e)s de l’U.Q.T.R. (Justin Marcotte)

Numéro de grief : SPPUQTR 07-3/257

N/dossier : 26646-4-2

 

Me Gauvin,

 

Comme vous le savez, le soussigné agit à titre de procureur de l’U.Q.T.R. dans l’affaire en titre, et ce, depuis la nomination de monsieur Marc St-Pierre (J.C.S.) à la magistrature à la fin de juin 2008.

 

Or, nous avons été informés par Me Sylvain Gagnon, directeur du Service des relations de travail de l’U.Q.T.R., que la partie syndicale lui a récemment fait la demande que soit fixée(s) devant vous une ou des dates d’audience afin que vous décidiez du quantum découlant du dispositif de votre sentence rendue le 15 août 2007.

 

Nous vous demandons plutôt, avant de ce faire, d’attendre le dénouement du dossier de quantum actuellement devant votre collègue, Me Diane Fortier, des suites de sa sentence arbitrale datée du 18 octobre 2006.

 

En effet, vu que :

 

a)     Me Fortier aura à se prononcer sur le litige relatif au quantum découlant de sa décision sur le fond;

 

et que

 

b)     Vous aurez à trancher le litige relatif au quantum découlant de votre décision du 15 août 2007 sur le fond,

 

nous craignons qu’il puisse y avoir double indemnisation en faveur de monsieur Marcotte.

 

Cette crainte est renforcée du fait que dans le dossier de quantum initié devant Me Fortier le 15 décembre dernier, le procureur syndical a énoncé de nombreux chefs de réclamation qui sont susceptibles de ressembler à ceux qui pourraient découler des suites du dispositif de votre décision du 15 août 2007.

 

Si Me McManus a pour mandat de s’opposer à la présente demande, nous vous proposons de débattre de la question à l’occasion d’une conférence téléphonique, laquelle pourrait avoir lieu à la date que vous voudrez bien fixer.

 

Enfin, le soussigné n’est pas disponible pour audition aux deux premières dates proposées dans la présente affaire (30 septembre et 21 octobre 2011).  Nous vous invitons donc à contacter notre collaboratrice afin de trouver d’autres dates qui puissent convenir aux agendas des parties et au vôtre. »

 

-         Sous la cote S-16, le courriel du procureur syndical du 8 février 2012, dont il est question au paragraphe 11 de la présente.

 

[14]               Pour sa part, la partie patronale a déposé les pièces suivantes :

 

-         Sous la cote E-8, une lettre du procureur syndical du 19 mai 2009 qui m’est adressée et qui se lit ainsi :

 

« Objet :     Rémunération non versée

N/D :           SPPUQTR 05-3/229 : Grief 2005-01 - Congédiement du professeur Justin Marcotte

 

Madame la présidente,

Chère consœur,

 

Suite à votre décision et au processus judiciaire auquel elle a donné lieu, le professeur Marcotte a finalement vu son deuxième contrat renouvelé et a donc acquis sa permanence.

 

Malgré les discussions toujours en cours entre les parties, l’Université n’a toujours pas versé " … la rémunération perdue par ce dernier depuis la fin de son emploi en mai 2005 jusqu’à sa réintégration. "

 

J’ai donc reçu mandat de vous demander de convoquer à nouveau les parties en vertu de la compétence que vous avez conservée relativement au quantum découlant de votre ordonnance. »

 

-         Sous la cote E-9, les prétentions du Syndicat adressées le 24 novembre 2009 au juge Michel Richard, de la Cour supérieure, en réponse à l’inscription au rôle d’audiences de la requête en révision judiciaire de la sentence arbitrale de M e  Gauvin du 15 août 2007.

 

-         Sous E-10, une lettre du procureur syndical adressée au procureur patronal le 29 janvier 2010.  Elle se lit ainsi :

 

« Objet :     Documents fiscaux

N/D :           SPPUQTR 05-3/229 : Grief 2005-01 - Congédiement du professeur Justin Marcotte

 

Cher confrère,

 

Pour faire suite au souhait exprimé par Me Fortier lors de notre conférence téléphonique du 18 janvier dernier, vous trouverez ci-jointes les déclarations fiscales du professeur Marcotte et de Gestion Santé MM inc. pour les années fiscales 2004 à 2008.  Aussi, vous voudrez bien noter qu’il manque, pour les années d’imposition 2004 et 2006, les déclarations fiscales de Gestion MM.  Le professeur Marcotte m’assure qu’il fera les démarches nécessaires pour qu’elles soient retrouvées.

 

J’ai aussi transmis à M. Marcotte la demande de Me Fortier en ce qui concerne les déclarations relatives à l’année fiscale 2003.  Ce dernier m’informe qu’il ne les a pas conservées, le délai de conservation applicable en matière fiscale étant expiré depuis la fin de 2008.

 

Enfin, je souligne que les documents de nature fiscale ou comptable qui vous sont actuellement transmis, ceux qui l’ont déjà été et ceux qui le seront, le sont, l’ont été et le seront sous le couvert de votre secret professionnel puisqu’ils n’ont pas encore été déposés en preuve, ce dans le seul but de faciliter l’avancement de l’affaire mentionnée en rubrique.

 

Je comprends qu’à ce moment, ces documents ou l’information qu’ils contiennent ne seront portés qu’à la connaissance de personnes tenues à la même rigueur que nous le sommes en matière de confidentialité, ce dans le seul but de préparer votre dossier pour l’enquête qui aura lieu dans l’affaire mentionnée en rubrique. »

 

-         Sous la cote E-11, les notes et autorités du Syndicat soumises à la Cour supérieure le 10 février 2009 dans le contexte de l’audition de la requête en révision judiciaire de la sentence arbitrale de M e Gauvin rendue le 15 août 2007.

 

-         Sous la cote E-12, une lettre du procureur syndical du 18 novembre 2010 au procureur patronal.  Elle se lit ainsi :

 

« Objet :     Audition du 15 décembre 2010

N/D :           SPPUQTR 05-3/229 : Grief 2005-01 - Congédiement du professeur Justin Marcotte

 

Cher confrère,

 

Comme vous le savez nous serons entendus le 15 décembre prochain dans cette affaire.

 

Vous vous rappellerez certainement qu’en décembre 2009, j’avais requis la présence de madame Diane Dubois pour qu’elle témoigne de l’état de la rémunération de Dr Marcotte, n’eût été le refus par l’Université de renouveler son contrat, et que cette dernière avait signé une déclaration assermentée en lieu et place de son éventuelle présence pour témoigner à cet effet.

 

Je m’étais déclaré satisfait de cette déclaration, sous réserve que cette dernière précise cette rémunération par période de paye.  Ce qui, à ce jour, n’a pas été le cas.

 

De plus, madame Dubois a ajouté que la somme qu’elle établissait devait être réduite d’un certain nombre de jours de grève à l’époque.

 

Dans ce contexte, nous vous informons qu’à défaut de recevoir les précisions requises dans un délai suffisant pour son analyse avant l’audition prévue dans cette affaire, la présence de cette dernière sera malgré tout requise.

 

Enfin, nous vous informons que la présence de Me Éric Hamelin ou de Me Johanne Panneton sera aussi nécessaire pour obtenir certaines précisions en ce qui concerne les jours de grève allégués comme devant diminuer le versement du salaire dû à Dr Marcotte.

 

Vous voudrez bien nous confirmer la présence de ces personnes dans le plus bref délai. »

 

Le 15 décembre 2010, une audience a été tenue pour le présent arbitrage qui, dans les faits, s’est transformé en conférence préparatoire.

 

-         Sous E-13, la décision du 3 février 2011 de la Cour supérieure rejetant la requête en révision judiciaire de la sentence arbitrale de Me Gauvin présentée par l’Employeur.  Il en est question au paragraphe 8 de la présente.

 

-         En liasse, sous la cote E-14, divers courriels échangés entre la soussignée et les procureurs entre le 14 et le 22 février 2011 pour la fixation de dates d’audience pour le quantum .

 

-         Sous la cote E-15, une lettre du procureur syndical du 13 mai 2011 adressée au procureur patronal.  Elle se lit comme suit :

 

« Objet :     Liste de vos demandes

N/D :           SPPUQTR 05-3/229 : Grief 2005-01 - Congédiement du professeur Justin Marcotte

 

Cher confère,

 

En réponse à votre courriel du 9 mai dernier (copie jointe), mes notes m’indiquent que, considérant leur grand nombre, vous deviez me faire parvenir la liste de vos demandes pour étude et réaction, tel que je l’avais souligné lors de la dernière séance d’enquête.

 

En outre, je n’ai jamais pris l’engagement formel d’y donner suite autrement, y incluant la possibilité de refuser d’y répondre, tout en vous communiquant mes motifs, il va sans dire.

 

Enfin, je vous rappelle que j’ai demandé d’obtenir copie des notes sténographiques de cette séance et de toutes celles qui suivront en contrepartie du partage des coûts de la sténographe et des coûts des copies idoines. »

 

-         Sous E-16, le courriel que le procureur patronal m’adressait le 8 février 2012 et dont il est question au paragraphe 11 de la présente.

 

argumentation

Le Syndicat

[15]               Après avoir dressé l’historique des sentences arbitrales, des jugements de la Cour supérieure et de la décision de la Cour d’appel, le procureur syndical est d’opinion que le débat devant l’arbitre dans le présent dossier est celui qu’a décrit la juge Bergeron dans son jugement sur la requête en révision judiciaire de l’arbitre Gauvin, citée au paragraphe 8 de la présente :

 

« [55] […] Le Tribunal ne peut croire que, dans le système judiciaire actuel, le Syndicat ou l'Université, placé devant le fait où la situation serait susceptible de provoquer une double indemnisation, ne ferait pas valoir leurs arguments, afin qu'il n'y ait pas cette double indemnisation. »

 

[16]               Selon le procureur syndical, sa lettre du 21 janvier 2008 montre qu’il y a eu une entente entre les parties sur le fait que l’arbitre Gauvin, et seul ce dernier, se prononcera sur le quantum .  À cet égard, il cite des extraits de cette lettre :

 

« Je comprends donc que l’Université, en autorisant ce report, comprend que la reprise de l’évaluation du dossier […] fera d’abord l’objet d’un accord […] pour ce qui est du moment où elle aura lieu, la suite du processus étant laissée au résultat des discussions entre ce dernier et Me St-Pierre.

 

De plus, l’Université convient que, dans tous les cas, l’arbitre Gauvin, et seulement ce dernier, disposera de toute question découlant du résultat de ce processus. » (S-13)

 

[17]               Le report était celui de la requête de l’Employeur en révision judiciaire de la sentence de l’arbitre Gauvin.  La reprise de l’évaluation était celle ordonnée par l’arbitre Diane Fortier dans sa décision du 18 octobre 2006.  Tous les cas étaient ceux soumis à M e Gauvin et à M e Fortier, soit, entre autres, la réserve que cette dernière avait faite pour déterminer le quantum s’il y avait litige.

 

[18]               En d’autres termes, si l’Employeur reportait sa requête, seul l’arbitre Gauvin traiterait du quantum .  Telle était l’entente entre les parties en janvier 2008 et, compte tenu de ce fait, l’arbitre au présent dossier devrait se désister de la compétence qu’elle s’était réservée dans sa sentence du 18 octobre 2006.

 

[19]               Dans sa lettre du 24 août 2011, le procureur syndical ouvrait une porte à l’Employeur pour régler toute cette question de quantum .  Au dernier alinéa, le procureur écrivait ce qui suit :

 

« Enfin et puisque vous soulevez une possible confusion des genres, une autre solution serait d’accepter que Me Fortier ne soit saisie que de l’indemnisation relative à la seule rémunération du professeur Marcotte, c’est-à-dire le salaire perdu et la remise en état du RRUQ, laissant ainsi à Me Gauvin mandat de se prononcer sur le reliquat en vertu de la décision précitée. » (S-9)

 

Le procureur syndical dit que l’Employeur ne s’est pas prononcé en faveur de « cette autre solution ».

 

[20]               Selon le procureur syndical, la réserve de compétence contenue dans la sentence du 18 octobre 2006 est moindre et incluse dans celle indiquée dans la sentence de l’arbitre Gauvin du 15 août 2007.  La Cour supérieure, le 3 février 2011, a confirmé la compétence de l’arbitre Gauvin pour se prononcer sur toute situation de harcèlement, y compris le non-renouvellement du contrat qui a fait l’objet d’une sentence de l’arbitre Fortier.

 

[21]               Si l’arbitre Fortier, dans le présent dossier, ne croit pas qu’il y ait eu entente entre les parties à savoir que seul l’arbitre Gauvin devait se prononcer sur le quantum , le procureur syndical demande que je suspende ma compétence sur ce sujet jusqu’à ce que l’arbitre Gauvin exerce la sienne.

 

[22]               Le procureur syndical rappelle qu’il sera question de la minimisation des dommages, sujet qui sera traité devant l’arbitre Gauvin.  Le plaignant avait vu son contrat non-renouvelé en juin 2005.  À la suite de la décision du 18 octobre 2006, il a subi une nouvelle évaluation et a été réintégré en 2008.  Il s’est donc écoulé une période de trois ans.  Il en sera aussi question devant l’arbitre Fortier.  L’Employeur plaidera que le plaignant n’a pas fait d’efforts pour minimiser ses dommages ou qu’il a gagné des revenus ailleurs.

 

[23]               Au soutien de ses prétentions sur sa demande de suspension de ma compétence pour la détermination du quantum , le procureur syndical soumet des autorités, dont celles-ci.  En voici des extraits :

 

·                     Ville de Montréal (Service de police) et Fraternité des policiers et policières de Montréal inc. , M e Jean-Pierre Lussier, arbitre, 30 octobre 2009, AZ-50592030  :

 

« [9] Je ne crois pas utile pour l’instant d’exprimer mon opinion sur cette question de triple identité, car même si j’étais d’avis qu’il n’y a pas triple identité, j’estime qu’une saine administration de la justice ne justifie pas la tenue de deux enquêtes quasi-simultanées portant sur les mêmes faits et dont les résultats pourraient avoir un effet déterminant sur le sort de l’autre.  Je partage en cela le point de vue de la Commissaire Louise Côté-Desbiolles dans une décision rendue en 2008 sur une affaire analogue [ Rajeb et Solutions d’affaires Konica Minolta (Montréal) Inc. , décision de Louise Côté-Desbiolles du 14 avril 2008 ]

 

[…]

 

[11] Je suis du même avis que la Commissaire Côté-Desbiolles.  Particulièrement dans les litiges portant sur le harcèlement psychologique où l’enquête porte sur des faits et remèdes analogues ou connexes et risque fréquemment d’être de longue durée, il m’apparaît qu’une saine administration de la justice justifie que l’un des forums saisis suspende l’audience jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue par l’autre. »

 

 

·                     Syndicat des travailleurs et travailleuses des pâtes et papier de Brompton-CSN c. Kruger inc. et Suzanne Moro, juge François Doyon, Cour d’appel du Québec, 16 mars 2011, AZ-50732070 , 2011 QCCA 480  :

 

« [10] L'arbitre n'a pas refusé d'exercer sa compétence. Elle l'a fait, mais avec un résultat que le requérant conteste. Cela ne signifie pas que la Cour supérieure doive intervenir. S'il est vrai que l'arbitre doit agir avec diligence, cette diligence s'interprète à la lumière des circonstances de l'espèce, ce qui signifie, parfois, qu'il est préférable d'attendre le résultat d'une autre procédure surtout lorsque, comme en l'espèce, l'audition a déjà débuté devant l'autre décideur et que des dates ont déjà été arrêtées pour la continuer.

 

[11] Je suis par ailleurs d'avis que le jugement cité par le requérant [ Le syndicat des débardeurs, syndicat canadien de la fonction publique, section locale 375 c. Claude Lauzon et al , [1994] R.J.Q. 1382 (C.S.) ] n'a pas la portée qu'il veut lui accorder, plus particulièrement quant à l'impossibilité pour un arbitre de surseoir à une procédure d'arbitrage en attendant le sort d'une autre procédure. »

 

[24]               Selon le procureur syndical, devant l’arbitre Gauvin, les parties auront la possibilité de faire trancher tout le dossier du quantum , y compris la question du non-renouvellement du contrat, en décembre 2004.

 

L’Employeur

[25]               Le procureur patronal me reconnaît une compétence complète pour me prononcer sur le quantum à la suite du non-renouvellement de contrat du plaignant.

 

[26]               L’essence du grief 2005-01 est la contestation du non-renouvellement du contrat du plaignant, et la compétence de l’arbitre découle de la convention collective, de la sentence arbitrale du 18 octobre 2006 et du jugement de la Cour d’appel du Québec du 19 novembre 2007.  L’arbitre se voit confirmer la compétence de décider du quantum à la suite du non-renouvellement du contrat du plaignant.  Elle n’a pas la compétence pour décider du quantum dans le dossier de harcèlement psychologique, comme l’arbitre Gauvin n’a pas plus de compétence pour se prononcer sur le quantum sur le non-renouvellement du contrat.

 

[27]               Le procureur patronal cite et souligne les dispositions suivantes de la convention collective :

 

«  24.11 (4 e et 5 e alinéas)

 

Dans tous les cas, l’arbitre doit juger, conformément à la présente convention, qu’il ne peut modifier d’aucune façon.

 

Lorsque l’avis de grief prévu au présent article comporte une réclamation pour le paiement d’une somme d’argent prévue aux présentes, le Syndicat pourra d’abord faire décider par l’arbitre saisi du grief, du droit à cette somme d’argent sans être tenu d’en établir le montant.  S’il est décidé que le grief est bien fondé et si les parties ne s’entendent pas sur le montant à être payé, ce différend sera soumis pour décision au même arbitre, par simple avis écrit adressé à l’arbitre, et dans ce cas. Les autres dispositions du présent article s’appliquent. » (Le procureur patronal souligne)

 

Le texte est clair : le différend sur le quantum sera soumis au même arbitre.

 

[28]               Sur la prétention syndicale voulant que les parties se seraient entendues pour enlever à l’arbitre sa compétence sur le quantum pour la confier à l’arbitre Gauvin, le procureur patronal cite et souligne la lettre du procureur syndical adressée le 19 mai 2009 à l’arbitre (E-8) :

 

« Suite à votre décision et au processus judiciaire auquel elle a donné lieu, le professeur Marcotte a finalement vu son deuxième contrat renouvelé et a donc acquis sa permanence.

 

[…]

 

J’ai donc reçu mandat de vous demander de convoquer à nouveau les parties en vertu de la compétence que vous avez conservée relativement au quantum découlant de votre ordonnance. » (Le procureur patronal souligne)

 

Le procureur patronal fait valoir que, malgré la prétendue entente, le Syndicat est prêt à procéder.

 

[29]               Le procureur, dans les prétentions de la partie syndicale lors de l’inscription au rôle d’audiences de la requête en révision judiciaire de l’arbitre Gauvin, relève celle-ci :

 

« 3. Le défendeur ne s’est pas prononcé sur les deux griefs déposés par le mise-en-cause à l’encontre de la suspension et du non-renouvellement de contrat du professeur Justin Marcotte, sauf pour ce qui était de sa compétence à leur égard, à savoir si les agissements de la demanderesse à cette occasion constituaient du harcèlement à l’endroit de ce professeur; »

 

Le Syndicat lui-même soutient que l’arbitre Gauvin ne peut se prononcer sur le quantum découlant de la décision de l’arbitre Fortier en 2006.  Cette prétention du 24 novembre 2009 est soutenue après plus de deux ans de la décision rendue par l’arbitre Gauvin (15 août 2007).

 

[30]               Le procureur patronal cite également la lettre que lui a envoyée le procureur syndical le 29 janvier 2010 (E-10) à la suite du souhait que je leur exprimais lors d’une conférence téléphonique du 18 janvier 2010 :

 

« Enfin, je souligne que les documents de nature fiscale ou comptable qui vous sont actuellement transmis, ceux qui l’ont déjà été et ceux qui le seront, le sont, l’ont été et le seront sous le couvert de votre secret professionnel puisqu’ils n’ont pas encore été déposés en preuve, ce dans le seul but de faciliter l’avancement de l’affaire mentionnée en rubrique.

 

Je comprends qu’à ce moment, ces documents ou l’information qu’ils contiennent ne seront portés qu’à la connaissance de personnes tenues à la même rigueur que nous le sommes en matière de confidentialité, ce dans le seul but de préparer votre dossier pour l’enquête qui aura lieu dans l’affaire mentionnée en rubrique. »

 

Il est bien question de l’enquête de l’arbitre Fortier pour la détermination du quantum et ce, plus de deux ans après la prétendue entente confiant tout le quantum à l’arbitre Gauvin.

 

[31]               Le procureur patronal conclut que, lorsqu’on lit toute cette correspondance, il n’y a pas eu d’entente pour enlever ma compétence à déterminer le quantum à la suite de sa sentence du 18 octobre 2006.

 

[32]               Lorsque la partie syndicale a soumis ses notes et autorités lors de la requête en révision judiciaire de la sentence de l’arbitre Gauvin (E-11), s’il y avait eu cette prétendue entente, cela aurait été un excellent moyen d’irrecevabilité de la requête en soulevant qu’une entente avait déterminé que tout le quantum devait être plaidé devant l’arbitre Gauvin et non devant l’arbitre Fortier.  Or, dans ses notes et autorités, la partie syndicale circonscrit le mandat de l’arbitre Gauvin :

 

Page 2 de E-11

« Au moment où le tribunal d’arbitrage rend sa décision (15 août 2007), la question du refus de renouveler le contrat du professeur Marcotte (P-6) a été complètement décidée sur la base de l’illégalité de la tutelle du Département de chiropratique en vigueur depuis octobre 2006 par l’arbitre Diane Fortier (cf. par. 7, 8c), 9 et 10, 19 et 20 de la requête et P-9, p. 89 et 102).  Les correctifs découlant de cette décision furent décidés le 18 octobre 2006 (P-10 ou Onglet 22).  Enfin, la Cour d’appel rejettera la requête pour permission d’en appeler du rejet de demande de contrôle judiciaire de cette dernière décision le 19 novembre 2007 (Addenda aux Autorités du Syndicat).  Conséquemment, le paragraphe 21 de la requête de l’Université ainsi que la pièce P-11 ne sont plus pertinents au présent débat.  D’autant plus que le professeur Marcotte a vu depuis son contrat renouvelé en juillet 2008 (Résolution 2008-CX-02.04-R-3150). 1

1 Ce qui, dans les faits, ne laissent plus maintenant à l’arbitre Gauvin que le mandat de déterminer l’ampleur de l’indemnisation monétaire découlant de sa décision.  Ce à propos de quoi il avait manifestement le pouvoir de scinder sa décision en vertu de l’article 100.12 d) du Code du travail. »

 

Page 14 de E-11

« […] Je ne reprendrai pas ici les arguments à ce sujet énoncés à l’introduction de la présente, mais au-delà de ceux-ci, il n’en demeure pas moins qu’actuellement, tout ce qui reste à l’arbitre Gauvin à décider concerne l’indemnisation monétaire découlant de ses conclusions.  Ce à propos de quoi, je le répète, l’article 100.12 d) du Code du travail lui permettait de scinder sa décision. »

 

Le procureur rappelle que ces prétentions syndicales devant la Cour supérieure ont été plaidées en février 2010.

 

[33]               Le procureur patronal cite la lettre que le procureur syndical lui a envoyée le 18 novembre 2010 (E-12).  Il est question de l’audience du 15 décembre 2010 devant moi.  Il relève l’extrait suivant :

 

« Dans ce contexte, nous vous informons qu’à défaut de recevoir les précisions requises dans un délai suffisant pour son analyse avant l’audition prévue dans cette affaire, la présence de cette dernière sera malgré tout requise. »

 

Cette « dernière » est madame Dubois, qui devait témoigner devant moi sur la rémunération du plaignant.

 

[34]               Lors de l’audience du 15 décembre 2010, aucune objection n’a été soulevée par le Syndicat à savoir qu’il y avait eu entente pour retirer à l’arbitre Fortier sa compétence sur le quantum , ou pour l’accorder au complet à l’arbitre Gauvin.  Lors de cette audience, le procureur patronal a demandé au Syndicat d’énumérer ses réclamations : il s’agissait de salaire, d’avantages sociaux et aussi de dommages-intérêts.  Le procureur syndical avait même demandé de faire entendre un témoin le 15 décembre 2010.  Selon le procureur patronal, nous sommes loin d’une prétendue entente qui aurait eu lieu plus de deux ans auparavant.

 

[35]               Le procureur patronal cite le paragraphe suivant du jugement de la Cour supérieure du 3 février 2011 (E-13) :

 

« [55] L'Université plaide craindre de devoir payer Marcotte en double étant donné les griefs logés dont le traitement est soumis à une autre arbitre.  Le Tribunal ne peut croire que, dans le système judiciaire actuel, le Syndicat ou l'Université, placé devant le fait où la situation serait susceptible de provoquer une double indemnisation, ne ferait pas valoir leurs arguments, afin qu'il n'y ait pas cette double indemnisation. »

 

S’il y avait eu entente, les prétentions soumises par le Syndicat, comme on l’a vu dans E-12, et ce paragraphe 55 sont complètement incompatibles avec cette prétendue entente.  La Cour illustre bien que chaque arbitre a sa compétence.

 

[36]               Après ce jugement, il y a eu échanges de courriels entre les procureurs et l’arbitre Fortier entre le 14 et le 22 février 2011.  L’objet est le quantum .  Il n’est pas question de la compétence de l’arbitre Gauvin sur ce quantum , même après le jugement de la Cour supérieure du 3 février 2011.

 

[37]               Dans sa lettre du 13 mai 2011 (E-15), le procureur syndical a demandé copie des notes sténographiques qui seront prises pendant les séances d’arbitrage pour le quantum devant l’arbitre Fortier.

 

[38]               Dans sa lettre du 24 août 2011 (S-9), le procureur syndical met en chiffres les dommages du plaignant et se montre surpris que le procureur patronal ne puisse « connaître la nature des dommages pouvant découler du grief dont est saisie l’arbitre Fortier. »  Dans sa lettre, le procureur syndical ajoute, après avoir énuméré et chiffré les dommages :

 

« Dommages pécuniaires auxquels nous demanderons à l’arbitre toute somme qu’elle croira pouvoir accorder pour l’indemnisation des troubles et inconvénients découlant de sa décision. »

 

Selon le procureur patronal, il s’agit là d’un aveu très clair de la compétence de l’arbitre Fortier sur le quantum à déterminer.

 

[39]               À la fin de sa lettre S-9, le procureur syndical annonce qu’il demandera que l’arbitre Fortier se désiste de sa compétence.  Or, seule une entente entre les parties, comme celle qui aurait eu lieu en janvier 2008, selon les prétentions syndicales, aurait pu permettre ce désistement.  Or, il n’y a pas eu d’entente.

 

[40]               L’arbitre, dans le présent dossier, n’a aucun document écrit des parties lui signifiant qu’elle est dessaisie de son mandat.  Le procureur patronal cite les auteurs Blouin et Morin qui écrivent ce qui suit à ce sujet :

 

«  X.37 - S’il a réservé quelques points à trancher il n’est dessaisi du dossier qu’à l’arrivée de l’une ou l’autre de ces trois situations : à l’expiration du délai accordé aux parties pour intervenir; dès qu’il est informé que la question réservée est réglée; et par sa décision sur le point demeuré en suspens. » [1]

 

[41]               Le procureur patronal souligne que le procureur syndical n’a jamais plaidé devant la Cour supérieure que la compétence de l’arbitre Fortier était moindre et incluse dans celle de l’arbitre Gauvin.  La sentence arbitrale du 18 octobre 2006 de l’arbitre Fortier n’a pas été mise en cause par le jugement de la Cour lors de la révision judiciaire de la sentence de l’arbitre Gauvin.  L’article 24.11 de la convention collective n’a pas été modifié par la Cour.  En vertu de cet article, c’est l’arbitre qui a décidé de la cause qui détermine le quantum .

 

[42]               En ce qui a trait aux décisions soumises par la partie syndicale relatives à la demande de suspendre l’audience, le procureur patronal souligne que, dans ces affaires, la question au mérite était la même qui se posait pour diverses instances : CRT, CLP, par exemple.  Dans notre dossier, les questions étaient différentes.  L’arbitre Gauvin devait se prononcer sur le harcèlement psychologique alors que l’arbitre Fortier devait se demander si les dispositions de la convention collective avaient été respectées avant d’en arriver à un non-renouvellement de contrat.

 

[43]               La demande de suspension de l’enquête sur le quantum dans le présent dossier jusqu’à ce que l’arbitre Gauvin se prononce sur le quantum découlant de sa sentence arbitrale va à l’encontre de l’article 24.01 de la convention collective :

 

« Il est de l’intention des parties d’en arriver à une solution équitable de tout conflit qui survient entre elles et ce, dans les plus brefs délais. »

 

[44]               Dans notre affaire, le dossier a commencé le 15 décembre 2010 et des dates ont déjà été fixées (15, 26 et 29 juin 2012) alors que, devant l’arbitre Gauvin, aucune date n’a été prévue pour entendre les parties sur le quantum .

 

Le Syndicat réplique

[45]               La question de fond qui se pose aux deux arbitres est maintenant la suivante : quel est le quantum qui doit être déterminé à la suite de l’annulation du non-renouvellement du contrat du plaignant.  L’arbitre Gauvin s’est prononcé sur la plainte de harcèlement et l’arbitre Fortier a tranché sur l’application des dispositions de la convention collective lors du non-renouvellement.  Donc, pour la période de 2005 à 2008, les deux arbitres se poseront la même question à savoir quelle est la somme qui devra être versée au plaignant entre le non-renouvellement de son contrat et sa réintégration.

 

[46]               Le procureur syndical rappelle que je n’ai pas entendu le grief de la suspension du 9 mars 2004.  Par ailleurs, tous les faits reliés à cette suspension ont été soumis à l’arbitre Gauvin, qui a conclu que cette suspension était une manifestation de harcèlement psychologique.  Il revient donc à M e Gauvin d’exercer les pouvoirs qui lui sont attribués par l’article 123.15 de la Loi sur les normes du travail  :

 

«  123.15. Si la Commission des relations du travail juge que le salarié a été victime de harcèlement psychologique et que l'employeur a fait défaut de respecter ses obligations prévues à l'article 81.19, elle peut rendre toute décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, notamment :

 

1°    ordonner à l'employeur de réintégrer le salarié;

 

2°    ordonner à l'employeur de payer au salarié une indemnité jusqu'à un maximum équivalant au salaire perdu;

 

3°    ordonner à l'employeur de prendre les moyens raisonnables pour faire cesser le harcèlement;

 

4°    ordonner à l'employeur de verser au salarié des dommages et intérêts punitifs et moraux;

 

5°    ordonner à l'employeur de verser au salarié une indemnité pour perte d'emploi;

 

6°    ordonner à l'employeur de financer le soutien psychologique requis par le salarié, pour une période raisonnable qu'elle détermine;

 

7° ordonner la modification du dossier disciplinaire du salarié victime de harcèlement psychologique. »

 

[47]               Le procureur patronal a répété qu’il n’y avait pas eu d’entente sur le fait de remettre tout le quantum à l’arbitre Gauvin.  Cependant, si on lit la lettre S-9 en conjonction avec le témoignage de M e St-Pierre, ce dernier, dans la pièce S-10, indique qu’une entente est intervenue, plaide le procureur syndical.

 

motifs et dispositif de la décision

[48]               L’article 24.11 de la convention collective, à son cinquième alinéa, stipule ce qui suit :

 

« S’il est décidé que le grief est bien fondé et si les parties ne s’entendent pas sur le montant à être payé, ce différend sera soumis pour décision au même arbitre, par simple avis écrit adressé à l’arbitre, […] »

 

[49]               Le 18 octobre 2006, je rendais une sentence arbitrale et, à la fin du dispositif, j’écrivais ce qui suit :

 

« - Si, au terme de la procédure prévue à l’article 11, l’Employeur offre un troisième contrat au plaignant, il devra le réintégrer et lui verser la rémunération perdue par ce dernier depuis la fin de son emploi en mai 2005 jusqu’à sa réintégration.

 

- Je réserve ma compétence, s’il y a lieu sur tout litige relatif au quantum . »

 

[50]               Le 19 mai 2009, le procureur syndical me faisait parvenir une lettre (E-8), et je me permets d’en souligner certains termes révélateurs :

 

« Suite à votre décision et au processus judiciaire auquel elle a donné lieu, le professeur Marcotte a finalement vu son deuxième contrat renouvelé et a donc acquis sa permanence.

 

Malgré les discussions toujours en cours entre les parties , l’Université n’a toujours pas versé " … la rémunération perdue par ce dernier depuis la fin de son emploi en mai 2005 jusqu’à sa réintégration. "

 

J’ai donc reçu mandat de vous demander de convoquer à nouveau les parties en vertu de la compétence que vous avez conservée relativement au quantum découlant de votre ordonnance . » (mes soulignements)

 

[51]               La jonction du contenu de ces trois paragraphes précédents me convainc que j’ai l’obligation et la compétence pour déterminer le quantum découlant de ma sentence arbitrale du 18 octobre 2006.

 

[52]               La partie syndicale me demande de me désister de ma compétence au profit de celle de l’arbitre Gauvin pour la détermination de ce quantum .  Cette demande apparaît dans la lettre du procureur syndical du 24 août 2011 (S-9).

 

[53]               Essentiellement, la partie syndicale plaide qu’il y a eu entente entre les parties le 16 janvier 2008, à savoir que l’arbitre Gauvin établirait la somme à payer au plaignant pour le harcèlement psychologique dont il a été victime, incluant les dommages subis en raison du non-renouvellement de son contrat.

 

[54]               D’entrée de jeu, il saute aux yeux que cette prétention syndicale ne transparaît pas dans la lettre E-8, rapportée dans la présente (par. 50).  Pourquoi m’écrire, en mai 2009, que j’ai conservé ma compétence sur le quantum alors qu’il y aurait eu, en janvier 2008, une entente entre les parties me dessaisissant de cette compétence au profit de celle de l’arbitre Gauvin? C’est à tout le moins contradictoire.

 

[55]               Ce n’est pas la seule interrogation qu’on peut se poser au sujet de cette prétendue entente de janvier 2008.  En voici quelques autres :

 

·         Même si M e Marc St-Pierre a été informé, le 16 janvier 2008, par un message téléphonique de M e Johanne Panneton voulant qu’une entente soit intervenue (S-10), pourquoi, le lendemain 17 janvier, écrit-il au juge Michel Richard de la Cour supérieure ce qui suit (S-11) :

 

« Les parties sont présentement en pourparlers pour tenter de régler l’ensemble du dossier mettant en cause le professeur concerné, […] »

 

Est-ce une entente ou une tentative d’entente?

 

·         Quelle est la teneur de cette entente?  M e St-Pierre n’a pas été impliqué dans les discussions avec le Syndicat ou son procureur concernant cette entente et les modalités de cette demande de radiation de l’inscription de la requête en révision judiciaire de l’Université (par. 9 de S-10).  Il n’a jamais été informé des termes de cette entente (par. 10 de S-10).

 

·         Y a-t-il eu vraiment entente? Le procureur syndical, dans sa lettre du 21 janvier 2008, écrit à M e Panneton (S-13) ce qui suit :

 

« Cette télécopie (de Me St-Pierre) m’a étonné car j’avais compris de notre discussion à ce sujet que vous deviez me revenir pour confirmer l’adhésion de l’Université aux conditions que je vous avais soumis pour consentir à ce report . » (mes soulignements)

 

Il n’y a eu aucune manifestation d’adhésion à la suite de cette lettre.

 

·         S’il y a eu entente, pourquoi la sentence arbitrale de M e Gauvin s’est-elle retrouvée devant la Cour supérieure?  Pourquoi le procureur syndical n’a-t-il pas invoqué cette entente pour contrer l’argumentation de l’Employeur?  Selon la lettre S-13 et le procureur syndical, à l’audience du 13 février 2012, l’entente était la suivante : que l’Employeur consente à ce que l’arbitre Gauvin ait la saisine de la détermination de tout le quantum , y compris celui pour la période couverte par ma sentence (mai 2005 à juin 2008) et le Syndicat consentira au report.  Je peux simplement constater que l’entente ne s’est pas matérialisée et que l’Employeur n’y a pas adhéré.

 

·         Pour dessaisir un arbitre de sa compétence et pour modifier l’article 24.11, cinquième alinéa, de la convention collective, il m’apparaît que cela nécessiterait à tout le moins un écrit signé par les parties.

 

·         Les événements après janvier 2008 montrent-ils qu’il y a eu entente pour me dessaisir de ma compétence?  Je partage la position de la partie patronale à savoir que, après janvier 2008, ce qui s’est passé est incompatible avec le fait qu’une entente à cet effet existait :

 

Ø   La lettre du 19 mai 2009 (E-8) concernant le maintien de ma compétence (par. 50 de la présente);

 

Ø   La lettre du 29 janvier 2010 (E-10) au sujet de la transmission des données fiscales du plaignant et ce, à ma demande (par. 14 de la présente);

 

Ø   La lettre du 18 novembre 2010 (E-12) relative à la présence de madame Diane Dubois comme témoin à l’audience  du 15 décembre 2010 que je présidais;

 

Ø   L’audience du 15 décembre 2010, qui s’est transformée en conférence préparatoire pour la suite de l’arbitrage;

 

Ø   Les échanges de courriels entre les procureurs et moi-même pour fixer des dates d’audience (E-14);

 

Ø   La lettre du 13 mai 2011 (E-15) que le procureur syndical adressait au procureur patronal.  En voici un extrait :

 

« Enfin, je vous rappelle que j’ai demandé d’obtenir copie des notes sténographiques de cette séance et de toutes celles qui suivront en contrepartie du partage des coûts de la sténographe et des coûts des copies idoines. » (mon soulignement)

 

[56]               Considérant ce qui précède, je refuse la requête du Syndicat voulant que je me désiste de ma compétence au profit de celle de l’arbitre Gauvin.  Ce dernier aura à déterminer les dommages causés au plaignant par le harcèlement psychologique dont il a été victime tandis que, moi, j’aurai à remettre en état les parties à partir du jour où le plaignant a vu son contrat non renouvelé jusqu’à sa réintégration.

 

[57]               Si je rends une sentence sur le quantum avant l’arbitre Gauvin, ce dernier conservera toujours sa compétence, comme il l’exprime dans sa décision du 15 août 2007 :

 

« […] je conserve ma juridiction au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre, soit sur la nature des remèdes, compensations ou dommages auxquels le plaignant a droit, soit sur leur quantum, ou encore au cas où la mise en application de la présente décision ferait éventuellement l’objet d’un quelconque désaccord. »

 

[58]               Comme le soulignait la juge France Bergeron, de la Cour supérieure, dans son jugement portant sur la révision judiciaire de la sentence arbitrale de l’arbitre Gauvin :

 

« [53] Il s'agit de dédommager Marcotte et de prendre certaines mesures selon l'article 100.12 du Code du travail, dans le cadre de la situation particulière qu'est le harcèlement.  Dans ce contexte, l'Arbitre a adapté les remèdes. […] » (mon soulignement)

 

[59]               Ainsi, si je rends une sentence sur le quantum en vertu de ma compétence, l’arbitre Gauvin adaptera les remèdes en tenant compte de cette circonstance dans le cadre et le contexte du harcèlement psychologique.

 

[60]               Si l’arbitre Gauvin rend sa décision avant la mienne, j’aurai à tenir compte, le cas échéant, de ce qu’il a prévu comme nature et quantum des dommages et compensations visant la période de juin 2005 à juin 2008.

 

[61]               Je dispose maintenant de la demande de la partie syndicale de surseoir à l’audience sur le quantum jusqu’à ce que l’arbitre Gauvin rende sa décision sur les sommes à accorder au plaignant à la suite du harcèlement psychologique dont ce dernier a été victime.

 

[62]               L’article 24.01 de la convention collective prévoit ce qui suit :

 

« Il est de l’intention des parties d’en arriver à une solution équitable de tout conflit qui survient entre elles et ce dans les plus brefs délais. »

 

Ma décision sur la requête syndicale de surseoir doit refléter cette intention des parties.

 

[63]               L’article 100.2 du Code du travail indique que l’arbitre doit procéder en toute diligence à l’instruction du grief.  Je dois retenir aussi cette obligation dans la prise de ma décision sur la requête.

 

[64]               Dans le présent arbitrage, le processus est enclenché, des dates ont été fixées, ce qui n’est pas le cas pour celui de l’arbitrage présidé par l’arbitre Gauvin.

 

[65]               Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’administration de la justice serait mal servie si je devais reporter l’audience du présent arbitrage après la décision de l’arbitre Gauvin et entraîner des délais additionnels.  Ma sentence a été rendue depuis plus de cinq ans, et le quantum qui couvre une période de trois ans n’est toujours pas déterminé, ce qui peut représenter des sommes considérables.  Il est plus que temps de mettre un terme à ce délai.

 

Dispositif

[66]               Par ces motifs :

 

Je rejette la requête du Syndicat me demandant de me désister de ma compétence pour la fixation du quantum à la suite de ma sentence arbitrale du 18 octobre 2006;

 

Je rejette la requête du Syndicat me demandant de suspendre l’arbitrage sur la fixation de ce quantum jusqu’à ce que l’arbitre Gauvin fixe le quantum dans le dossier qui l’occupe;

 

Je convoque les parties pour les audiences fixées aux dates suivantes : les 15 juin, 26 juin et 29 juin 2012.

 

 

Longueuil,

le 14 mars 2012

 

 

(S) Diane Fortier

M e Diane Fortier, arbitre de grief

 

 

Copie conforme

 

 

Diane Fortier



[1]     Rodrigue Blouin et Fernand Morin, Droit de l’arbitrage de grief , 5 e édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2000.