Gagné et John F. Wickenden & Cie ltée |
2012 QCCLP 2271 |
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[1] Le 20 juillet 2011, monsieur Michel Gagné (le travailleur) dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 14 juillet 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST conclut que la demande de révision déposée par le travailleur le 21 avril 2011 l’a été à l’extérieur du délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi).
[3] De plus, elle conclut qu’aucun motif raisonnable n’a été démontré permettant au travailleur d’être relevé des conséquences de son défaut d’avoir déposé sa demande de révision à l’intérieur du délai prévu à la loi. Elle déclare donc irrecevable sa demande de révision du 21 avril 2011.
[4] Fait à noter, la décision du 13 avril 2010 dont le travailleur a demandé la révision à l’extérieur du délai prévu à la loi porte sur sa capacité à exercer l’emploi de conseiller à la vente de véhicules automobiles à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007, de la lésion subie lors de l’événement initial du 15 juin 1970.
[5] Le travailleur est présent et représenté à l’audience qui a lieu devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Lévis le 15 février 2012. John F. Wickenden & Cie ltée (l'employeur) est absent bien que dûment convoqué. La CSST est représentée. La cause est mise en délibéré le jour de l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Dans un premier temps, par l’intermédiaire de son procureur, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de le relever des conséquences de son défaut d’avoir produit sa demande de révision à l’intérieur du délai prévu à la loi.
[7] Comme principaux arguments au soutien de cette demande, il invoque le fait qu’il a, dès le départ, manifesté son intention de contester la décision rendue par la CSST portant sur sa capacité de travail. À cette fin, il a demandé à la CSST de transmettre ladite décision à son procureur, ce qu’elle a omis de faire. Le travailleur prétend ne pas avoir manqué de diligence et demande donc d’être relevé des conséquences de son défaut.
[8] Sur le fond du litige, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’annuler la décision rendue par la CSST statuant sur sa capacité de travail. Selon lui, la CSST a considéré, à tort, qu’elle était liée par les limitations fonctionnelles émises par le docteur Lépine qui, selon les prétentions du travailleur, n’a jamais agi à titre de médecin qui a charge et ne doit donc pas lier la CSST. Il demande donc au tribunal de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle procède à l’analyse de sa capacité de travail sur la base des limitations fonctionnelles émises par le docteur Brault dans sa note de consultation du 11 mai 2009.
[9] Subsidiairement, le travailleur affirme que si le tribunal se considère lié par les limitations fonctionnelles émises par le docteur Brault, il doit conclure qu’il ne peut refaire l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles puisqu’il n’a pas la capacité physique requise pour exercer un tel travail.
L’AVIS DES MEMBRES
[10] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.
[11] Relativement à la recevabilité de la demande de révision déposée le 21 avril 2011 à l’encontre de la décision initiale de la CSST du 13 avril 2010, sur la base de la preuve offerte, ils concluent que le travailleur a satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait en ce qu’il a démontré qu’il a fait preuve de diligence.
[12] Plus précisément, les membres s’appuient sur les notes évolutives de la CSST qui corroborent le témoignage du travailleur selon lequel il a clairement manifesté son intention de contester cette décision dès qu’il en a été informé et qu’il a, à cette fin, spécifiquement requis de l’agente d’indemnisation qu’elle la transmette à son procureur.
[13] De plus, les membres accordent foi au témoignage du travailleur selon lequel il a validé avec le cabinet où œuvre son procureur pour s’assurer que la demande de révision avait bel et bien été produite. Il s’est fié à la secrétaire du procureur qui le lui a confirmé. Le travailleur a ainsi démontré sa diligence.
[14] De même, les membres retiennent de la preuve que dès que le procureur du travailleur a été mis au courant de l’existence de la décision du 13 avril 2010, il l’a contestée sans délai.
[15] Les membres sont donc d’avis de déclarer recevable la demande de révision du 21 avril 2011 déposée par le procureur du travailleur à l’encontre de la décision du 13 avril 2010.
[16] Quant au fond du litige, les membres sont d’avis que le travailleur a la capacité d’occuper l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles depuis le 9 avril 2010.
[17]
Pour en venir à cette conclusion, ils retiennent de la preuve que cet
emploi respecte la définition d’emploi convenable apparaissant à l’article
[18] Par conséquent, les membres sont d’avis d’accueillir en partie la requête déposée par le travailleur le 20 juillet 2011 et d’infirmer la décision rendue par la CSST le 14 juillet 2011 à la suite d’une révision administrative.
LES FAITS ET LES MOTIFS
La recevabilité de la demande de révision du 21 avril 2011
[19] Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles doit se prononcer à l’égard de la recevabilité de la demande de révision déposée le 21 avril 2011 à l’encontre de la décision de la CSST du 13 avril 2010.
[20]
L’article
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification , en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .
Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article 315.2 .
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
[notre soulignement]
[21] En l’espèce, il est clair que la demande de révision déposée le 21 avril 2011 l’a été à l’extérieur du délai de 30 jours prévu à la loi.
[22]
Dans un tel cas, l’article
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable .
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1997, c. 27, a. 15.
[notre soulignement]
[23] Le concept de motif raisonnable est large et peut englober des situations variées. La jurisprudence du tribunal a permis de définir ce qui constitue un motif raisonnable, soit un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir de faits, de démarches, de comportements si une personne présente un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion [2] . Cette notion s’apprécie en fonction de la diligence démontrée par la partie qui l’invoque par opposition à une négligence qui lui est imputable.
[24] Avant de se prononcer spécifiquement sur la question de la recevabilité de la demande de révision, le tribunal croit utile, à ce stade-ci, de décrire les faits qui apparaissent les plus pertinents à l’issue du litige.
[25] Le travailleur occupe un emploi d’opérateur et de manœuvre chez l'employeur au moment où il subit une lésion professionnelle le 15 juin 1970, soit une entorse cervicodorsale.
[26] L’accident du travail survient alors que le travailleur manipule une charge relativement lourde. La CSST accepte cette réclamation et indemnise le travailleur.
[27] Le 17 mars 1971, le travailleur se blesse à la région lombosacrée alors qu’il œuvre chez l'employeur Domtar.
[28] Le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion le 19 juillet 1974, soit une hernie discale L5-S1 gauche, laquelle est reconnue par la CSST.
[29] Le 3 avril 1975, le travailleur est opéré par le docteur Francoeur qui procède à une laminectomie et à une discoïdectomie radicale au niveau L5-S1 du côté gauche. À la suite de cette lésion, le travailleur conserve des séquelles, soit une incapacité partielle permanente de 8 %.
[30] Le 2 décembre 1996 [3] , le travailleur subit une entorse lombaire alors qu’il exerce un emploi de plombier au pénitencier de Donnacona pour la compagnie Tecksol. L’accident survient au moment où il soulève un coffre à outils. Cette réclamation est acceptée par la CSST et la lésion est consolidée le 1 er mai 1997.
[31] Cependant, puisque le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles consécutives à cette lésion professionnelle, il bénéficie du processus de réadaptation prévu à la loi au terme duquel un emploi convenable de représentant de quincaillerie est déterminé.
[32] Le 16 août 2005, alors que le travailleur occupe l’emploi de préposé au terrain de golf La Tempête, il se blesse à nouveau au dos. La CSST accepte cette réclamation en relation avec le diagnostic de lombosciatalgie gauche. Elle ne retient cependant pas celui de hernie discale L4-L5 posé par le médecin du travailleur. Cette lésion professionnelle est consolidée le 12 juin 2006 et le travailleur ne conserve pas d’atteinte permanente additionnelle. Cependant, le docteur Francoeur qui évalue les séquelles permanentes du travailleur est d’opinion qu’il conserve des limitations fonctionnelles additionnelles. Le médecin traitant du travailleur, soit le docteur Couture, se dit en accord avec les conclusions du docteur Francoeur. Le travailleur bénéficie donc à nouveau d’un processus de réadaptation au terme duquel l'emploi convenable de conseiller-vendeur d’automobiles est retenu. Cet emploi convenable n’est pas remis en cause par le travailleur.
[33] Le 12 juin 2007, le travailleur réclame à nouveau pour une récidive, rechute ou aggravation. Il est alors suivi par le docteur Yves Brault, physiatre. Ce dernier pose le diagnostic d’aggravation d’un status post-laminectomie et discoïdectomie radicale au niveau L5-S1 gauche. La CSST refuse cette réclamation, refus qui est confirmé par la révision administrative. Néanmoins, le 28 août 2009, la Commission des lésions professionnelles rend une décision en vertu de laquelle elle infirme la décision du 13 février 2008 rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 12 juin 2007, soit une aggravation d’un status post-laminectomie et discoïdectomie radicale au niveau L5-S1 gauche issus de son accident du travail du 15 juin 1970 et de son opération du 3 avril 1975.
[34] Il appert du dossier que le suivi médical de cette récidive, rechute ou aggravation est assuré par le docteur Brault que le travailleur consulte notamment les 5 mai, 18 juillet et 6 octobre 2006; 12 juin et 2 octobre 2007; 15 janvier, 20 février, 29 avril, 17 juin et 19 novembre 2008 et, finalement, le 11 mai 2009.
[35] Au cours de cette période, le travailleur consulte également le docteur Francoeur, neurochirurgien, le 9 août 2007.
[36] Il appert des notes de consultation du docteur Brault que dès le 20 février 2008, il émet l’opinion que le travailleur ne pourra pas reprendre son travail régulier de préposé à l’entretien d’un terrain de golf, puisqu’il n’a pas une capacité fonctionnelle suffisante au niveau lombaire ou au membre inférieur gauche pour vaquer à de telles tâches nécessitant effort, long déplacement sur sol inégal et autres tâches comportant des mouvements répétés de flexion-extension du tronc. Le docteur Brault conclut en mentionnant : « nous attendrons événement médico-légal ».
[37] Par ailleurs, lors de la consultation du 29 avril 2008, le docteur Brault fait référence au fait que le travailleur est en litige actuellement avec la CSST et en attente d’une audition devant la Commission des lésions professionnelles et il écrit ce qui suit :
Nonobstant ce côté administratif, il est certain que monsieur ne peut reprendre le travail actuellement : il y aura nécessité d’une évaluation médicale afin de bien déterminer les limitations fonctionnelles qui seront certes :
- éviter de soulever des poids de plus de 10 kilogrammes surtout s’il s’agit d’efforts répétitifs;
- éviter des mouvements en position extrême flexion, extension, rotation du tronc, éviter les vibrations de basses fréquences, éviter les postures statiques au-delà de 30-45 minutes sans qu’il y ait possibilité de modifier sa position.
[notre soulignement]
[38] Lors de la consultation du 19 novembre 2008, le docteur Brault note que le travailleur lui apporte l’expertise du docteur Lépine qui lui octroie des limitations fonctionnelles de classe II selon l’IRSST. Le docteur Brault conclut ses notes de consultation comme suit :
RECOMMANDATIONS :
En ce qui nous concerne, nous n’avons pas de traitement à suggérer. Il s’agit de douleurs chroniques. Monsieur Gagné m’informe que le docteur Jean-Marc Lépine lui a demandé d’apporter les films de sa résonance magnétique de mars 2007 : II voudrait comparer ses films avec ceux qui ont été faits tout récemment en octobre 2008. Il pourrait y avoir possibilité d’une correction chirurgicale ???
En ce qui me concerne, invalidité à tout emploi.
Nous réévaluerons en février 2009.
[39] Le 11 mai 2009, le travailleur revoit le docteur Brault qui émet les recommandations suivantes au terme de son examen :
Recommandations :
En ce qui me concerne, j’ai déjà statué que monsieur ne pouvait accomplir aucun emploi. En effet, nombreuses limitations fonctionnelles quant aux efforts à déployer à partir du segment lombaire, posture stationnaire limite d’à peine 30 minutes que ce soit en position assise ou debout, aucune possibilité d’accomplissement de travail avec demi-flexion antérieure du tronc. Mais à tout événement, nous sommes toujours en attente de ce jugement [...]
Nous renouvelons l’Oxycocet et le Tylenol 500 mg.
Nous réévaluerons.
[40] Interrogé à ce sujet dans le cadre du témoignage qu’il livre à l’audience, le travailleur confirme qu’il n’a pas bénéficié de traitements après 2006, puisqu’il ne pouvait plus tolérer la physiothérapie. Il prend cependant des narcotiques depuis juin 2007 et revoit le docteur Brault aux 3 ou 4 mois. Ce dernier n’a cependant pas d’autres alternatives à lui proposer au plan thérapeutique.
[41] Tel que mentionné plus haut, le 3 octobre 2008, le travailleur est évalué par le docteur Jean-Marc Lépine, chirurgien orthopédiste, à la demande de sa procureure de l’époque, M e Marie-Noëlle Shedleur. Le médecin s’exprime comme suit dans le cadre du rapport d'évaluation médicale qu’il transmet à M e Shedleur :
Maître Shedleur,
Il nous a fait plaisir de rencontrer à votre demande, en date du 3 octobre 2008, Monsieur Michel Gagné, patient de 57 ans, afin d’évaluer les séquelles anatomiques et fonctionnelles qu’il présente à la suite de l’accident de travail dont il a été victime le 16 août 2005. Pour ce faire, nous avons procédé au questionnaire et à l’examen physique du patient ainsi qu’à l’étude du dossier qui nous a été fourni pour la présente expertise. Inclus dans ce dossier: l’expertise médicale du docteur Francoeur du 12 juin 2006, les différents rapports de consultation médicale du docteur Yves Brault et trois rapports de résonance magnétique lombaire, datés du 13 octobre 2005, du 12 juin 2006 et du 15 septembre 2008.
Dans la présente expertise, nous avons déterminé aussi si ce patient a subi une récidive, rechute et aggravation pour un diagnostic de hernie discale L4-L5 gauche, le 12 juin 2007, en lieu avec l’accident de travail du 16 août 2005.
[42] Le tribunal comprend du mandat confié au docteur Lépine par la procureure du travailleur qu’il vise plutôt à évaluer les séquelles que conserve ce dernier à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007 que celles reliées à la lésion professionnelle du 16 août 2005 puisque ces dernières ont déjà été établies par le docteur Francoeur le 12 juin 2006 et que le médecin du travailleur y a adhéré.
[43] D’ailleurs, dans l’historique de son rapport, le docteur Lépine réfère à l’expertise du docteur Francoeur du 12 juin 2006.
[44] De même, sous la rubrique Situation actuelle, il écrit ce qui suit :
À noter que la CSST, même si elle n’a pas reconnu de DAP en rapport avec l’événement du 16 août 2005, a accepté de le diriger en réadaptation professionnelle. Le 12 février 2007, la CSST déclarait le travailleur apte à exercer l’emploi de conseiller à la vente de véhicules automobiles pour un revenu annuel de 16 163$. Cette décision n’a pas été contestée par le travailleur.
[45] Il appert de l’expertise du docteur Lépine que, dans un premier temps, il effectue un examen physique complet de la condition du travailleur. Puis, dans un deuxième temps, il se prononce à l’égard de la consolidation de la lésion professionnelle du 12 juin 2007. Il s’exprime comme suit :
Le patient a atteint un plateau de récupération, de telle sorte que la lésion est consolidée .
[…]
Compte tenu de la détérioration clinique importante suggérant clairement une radiculopathie avec trouble moteur et sensitif dans le territoire L5 gauche, le tout en corrélation avec la résonance magnétique du 5 mars 2007, nous croyons que la date du 12 juin 2007 devrait être retenue comme véritable récidive, rechute et aggravation, au sens légal du terme, le tout en rapport avec l’événement du 16 août 2005, puisqu’il y a continuité et même progression dans le temps de la symptomatologie à partir de cette date.
[nos soulignements]
[46] Le docteur Lépine dresse ensuite le bilan des séquelles que conserve le travailleur à la suite de la lésion professionnelle du 12 juin 2007. Ce bilan se lit comme suit :
Séquelles actuelles
Code Description DAP %
204219 Discoïdectomie lombaire L5-S1 gauche 3 %
207591 Antéflexion du tronc 60° 5 %
207635 Extension du tronc 10° 2 %
207680 Flexion latérale droite 20° 1 %
207724 Flexion latérale gauche 20° 1 %
207760 Rotation droite 25° 3 %
207797 Rotation gauche 10° 1 %
224377 Cicatrice non vicieuse à la région lombaire 0 %
Séquelles antérieures
Code Description DAP %
203997 Entorse dorsolombaire
sans séquelle fonctionnelle objectivée 0 %
204219 Discoïdectomie L5-S1 gauche en 1974 3 %
207608 Antéflexion 70° 3 %
207644 Extension 20° 1 %
207680 Flexion latérale droite 20° 1 %
207724 Flexion latérale gauche 20° 1 %
207779 Rotation droite normale 0 %
207813 Rotation gauche normale 0 %
[47] De même, le docteur Lépine est d’avis que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de classe II selon l’IRSST. Il les décrit comme suit :
- Éviter de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kilogrammes;
- Éviter les mouvements répétitifs ou fréquents en flexion, extension ou torsion du rachis lombaire;
- Éviter de circuler fréquemment dans les escaliers ou marcher sur un terrain accidenté ou glissant;
- Éviter l’immobilisation fixe prolongée, les mauvaises postures et les contrecoups au niveau du rachis;
- Éviter les vibrations de basses fréquences.
[48] À la suite de cette énumération, le docteur Lépine conclut que ces limitations fonctionnelles sont incompatibles avec le travail qu’effectuait le travailleur au moment de son accident du 16 août 2005, soit celui de préposé à l’entretien d’un terrain de golf.
[49] Puis, en réponse à des questions spécifiques posées par la procureure du travailleur, il répond comme suit :
Opinion sur la conduite thérapeutique et/ou l’investigation à venir : nous suggérons un suivi médical. Nous suggérons de revoir le patient avec ses films de résonance magnétique de 2007 et 2008. L’option chirurgicale sera considérée en fonction de l’évolution clinique et des trouvailles radiologiques.
Nous considérons le patent actuellement inapte à effectuer de façon efficace et rentable le travail de conseiller à la vente de véhicules automobiles et ce, depuis le 12 juin 2007, le tout en rapport avec les limitations fonctionnelles décrites dans la présente expertise.
[notre soulignement]
[50] Cette conclusion du docteur Lépine ne laisse aucun doute sur le fait qu’il se prononce, dans le cadre de son expertise, sur la consolidation et les séquelles permanentes que conserve le travailleur à la suite de la lésion professionnelle du 12 juin 2007.
[51] Sur la base de cette expertise de même que le témoignage du docteur Lépine entendu lors de l’audience ayant eu lieu devant la Commission des lésions professionnelles le 22 janvier 2009, le tribunal accueille la requête du travailleur, infime la décision du 13 février 2008 rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 12 juin 2007, soit une aggravation d’un status post-laminectomie et discoïdectomie radicale au niveau L5-S1 gauche issue de son accident du travail du 15 juin 1970 et de son opération du 3 avril 1975 et déclare que le travailleur a droit aux prestations en lien avec cette lésion professionnelle.
[52] Il appert également de cette décision que le docteur Lépine a témoigné sur l’ensemble des séquelles que conserve le travailleur à la suite de cette lésion professionnelle. Il a notamment affirmé qu’elle était consolidée puisque la radiculopathie L5 gauche s’est estompée d’elle-même. C’est ce qui appert notamment du paragraphe 96 de la décision qui se lit comme suit :
[96] Par ailleurs, le tribunal constate, selon le docteur Lépine, que, malgré les soins et/ou les traitements qu’a reçus le travailleur, cette lésion (RRA du 12 juin 2007) est consolidée, puisque la radiculopathie L5 gauche s’est estompée d’elle-même , même si le travailleur continue de présenter un tableau clinique de souffrance vertébrale qu’il considère comme étant un problème mécanique et inflammatoire au niveau lombaire, le tout chez un patient qui a subi une discoïdectomie à L5-S1 à gauche, pour laquelle les lésions d’arthrose décrites de L3 jusqu’à S1 sont relativement discrètes pour une personne de cet âge, quoique l’arthrose au niveau de L5-S1 serait plus importante, soit le site opéré. D’ailleurs, le docteur Lépine constate qu’en plus du problème lombaire, l’engourdissement qu’il présente se situe davantage dans le territoire de S1 bilatéralement et non de L5 comme auparavant.
[notre soulignement]
[53] À la suite de cette décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 28 août 2009, madame Danielle Dufour, agente d’indemnisation à la CSST, rédige une note d’intervention le 24 septembre 2009. Elle y fait état des conclusions de la Commission des lésions professionnelles à l’égard de la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007 et écrit ce qui suit après avoir communiqué avec le travailleur :
Contacter le travailleur, il ne travaillait pas au moment de sa RRA en juin 2007. il n’a pas travaillé au cours des 12 mois précédant la RRA de juin 2007. Il n’a pas retravaillé depuis sa lésion de juin 2005.
C’est donc les dispositions transitoires de la LATMP sur les articles 555 et 556 qui s’appliquent. La base salariale retenue pour établir les IRRR est donc celle du salaire minimum.
Le travailleur recevait des IRR réduites dans le dossier 128861259 depuis le 10 février 2008. Nous avons annulé les IRR à compter de cette date, déclaré le surpayé recouvrable, pris une modalité à 100 % à réautoriser les IRR dans ce dossier.
Nous avons annulé les IRRR reçues entre le 12 juin 2007 et le 9 février 2008 et déclarer ce surpayé non recouvrable puisque si nous avions réautorisé les IRR à compter du 12 juin 2007 dans ce dossier, le travailleur aurait été pénalisé puisque la base salariale est moindre dans ce dossier.
Nous avons créé un sdf fictif puisque nous ne parvenions pas à retracer le sdf de l'employeur de l’événement d’origine.
Le travailleur nous a fait parvenir par l’entremise de son procureur une copie de l’expertise faite par le docteur Lépine et produite lors de l’audience à la CLP. Le travailleur désigne cette expertise comme REM.
Le travailleur n’est pas d’accord avec la base salariale retenue. Il allègue qu’il gagnait un gros salaire lors de l’événement de 1970 et que c’est cette base revalorisée qui devrait être retenue. Il me dit que son procureur va me rappeler.
Dans son expertise, le docteur Lépine consolide la lésion lors de son examen, soit le 3 octobre 2008. La lésion est consolidée avec APIPP et LF.
[nos soulignements]
[54] Il appert des notes évolutives que le 15 octobre 2009, la docteure Maryse Jutras du bureau médical de la CSST déclare que le rapport d'évaluation médicale complété par le docteur Lépine est conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels [4] .
[55] Sur cette base, le 21 octobre 2009, la CSST rend une décision en vertu de laquelle elle reconnaît que le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de l’ordre de 8,85 %, telle qu’évaluée par le docteur Lépine, lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 4 768,91 $ plus intérêts. Le travailleur demande la révision administrative de cette décision. La CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur à l’égard de l’évaluation médicale faite par son médecin et déclare que le bilan des séquelles est conforme. Elle confirme donc la décision du 21 octobre 2009, déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 8,85 % et qu’il a donc droit à une indemnité pour préjudice corporel de 4 768,91 $ plus intérêts. Bien que le travailleur ait d’abord contesté cette décision devant la Commission des lésions professionnelles, il s’est par la suite désisté de cette contestation. Elle a donc acquis un caractère final et irrévocable.
[56] Le 22 février 2010, madame Nicole Bergeron, conseillère en réadaptation, responsable du dossier du travailleur, communique avec ce dernier. Il l’informe alors que son médecin traitant est le docteur Brault et non le docteur Lépine. Elle le confronte à l’information qu’il avait donnée le 24 septembre 2009 à une agente d’indemnisation selon laquelle l’expertise du docteur Lépine constituait le rapport d'évaluation médicale. Compte tenu des informations avancées par le travailleur, madame Bergeron rencontre le service juridique de la CSST. Au terme de cette rencontre, il est convenu que l’expertise du docteur Lépine constitue le rapport d'évaluation médicale qui lie la CSST à l’égard de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles consécutives à la lésion professionnelle du 12 juin 2007. C’est donc sur la base de ce rapport que le processus de réadaptation est enclenché.
[57] Le 11 mars 2010, madame Bergeron préside une première rencontre à laquelle participe le travailleur, accompagné de monsieur Yvon Asselin, un témoin. L’objectif de cette rencontre est d’apprendre à mieux le connaître. Il revient à la charge relativement au docteur Lépine en indiquant qu’il ne comprend pas pourquoi la CSST considère qu’il est le médecin qui a charge alors que c’est le docteur Brault qui le suit depuis plusieurs années. Dans le cadre de la conversation, le travailleur affirme qu’il est inapte à tout travail, car il prend une médication forte. Il mentionne qu’il a contesté le déficit anatomo-physiologique qui lui a été octroyé, car il considère qu’il est insuffisant et que ce n’est pas son médecin traitant qui l’a déterminé. Il affirme que le docteur Lépine est un médecin indépendant, neutre à son dossier, qui a été mandaté seulement pour effectuer une expertise pour déposer à la Commission des lésions professionnelles.
[58] Le 11 mars 2010, madame Bergeron discute avec sa chef d’équipe. Elle conclut que l’expertise médicale du docteur Lépine constitue le rapport d'évaluation médicale liant la CSST puisque la Commission des lésions professionnelles a accepté cette réclamation sur la base de cette expertise et déterminé que la lésion du travailleur est consolidée. La chef d’équipe est donc d’opinion que la CSST doit poursuivre le traitement en respectant ce rapport d'évaluation médicale. Il est donc convenu que madame Bergeron analysera l’emploi convenable de vendeur d’automobiles déterminé dans le dossier 128861259 en fonction de ces limitations fonctionnelles.
[59] Le 8 avril 2010, madame Bergeron analyse la capacité du travailleur à refaire l’emploi convenable. En vue d’établir cette capacité, madame Bergeron rappelle que le travailleur est sans emploi au moment de la récidive, rechute ou aggravation et que, de ce fait, l’emploi de référence est l’emploi convenable déterminé dans le dossier 128861259, soit celui de conseiller à la vente de véhicules automobiles. Elle mentionne que le travailleur n’a pas contesté cet emploi convenable au moment où il a été déterminé, qu’il possède une expérience dans la vente automobile et qu’il désirait, à nouveau, œuvrer dans ce domaine au moment où il a été déterminé.
[60] Prenant en considération les limitations fonctionnelles émises par le docteur Lépine qui sont de classe II, madame Bergeron les juxtapose aux exigences de l’emploi convenable de conseiller à la vente de véhicules automobiles et conclut que cet emploi permet de respecter les limitations fonctionnelles du travailleur, considérant que ce dernier travaillera à l’intérieur ou un peu dans la cour extérieure du concessionnaire au garage, mais n’aura pas à circuler fréquemment dans les escaliers ou marcher sur des terrains accidentés ou glissants.
[61] Par conséquent, le 13 avril 2010, la CSST rend une décision en vertu de laquelle elle conclut que le travailleur est capable, à compter du 9 avril 2010, d’exercer l’emploi convenable qui avait déjà été retenu, soit celui de conseiller à la vente de véhicules.
[62] À l’audience, le travailleur apporte d’abord des précisions sur les circonstances entourant l’émission de la décision de la CSST du 13 avril 2010 afin de permettre au tribunal de se prononcer sur la recevabilité ou non de sa demande de révision.
[63] Il affirme que lorsqu’il a reçu cette décision, il a communiqué avec madame Bergeron afin de lui faire part de son insatisfaction en lui réitérant qu’il n’avait pas la capacité d’exercer l’emploi de vendeur de véhicules automobiles et que le docteur Lépine n’était pas son médecin traitant. Lors de cette conversation téléphonique, il aurait exigé de madame Bergeron qu’elle transmette cette décision à son procureur, M e Marc Bellemare. Selon le témoignage du travailleur, elle se serait engagée à le faire. C’est d’ailleurs ce qui ressort des notes évolutives du 9 avril 2010. On peut y lire ce qui suit :
2010-04-09 14:15:14, NICOLE BERGERON, NOTE D’INTERVENTION
Titre : Aviser le T de la décision de sa capacité
- ASPECT PROFESSIONNEL:
J’ai téléphoné le T pour l’aviser que légalement, je dois rendre une décision de sa capacité car nous déterminons que nous sommes liés par le Rapport du Dr Lépine qui est considéré comme REM car ce document a servi à la CLP pour rendre une décision d’admissibilité pour la RRA du 2007-06-12.
Le T. m’informe que le Dr Lépine n’est pas son médecin traitant. Je lui dis que nous considérons que nous sommes liés par le rapport du Dr Lépine et qu’il a déjà contesté auprès de la CLP son DAP et par le fait même cette notion.
T est très insatisfait des informations que je lui donne. Il me mentionne que je dois mal dormir pour rendre une décision comme celle-là. J’avise le T que je rends une décision en fonction de la LATMP. Je dis au T que je comprends tout ce qu’il me dit par contre la CSST est lié par les documents qui ont été déposés à la CLP et que je dois rendre une décision avec les éléments médicaux au dossier. Le T me dit qu’il ne peut conduire car il prend trop de médicament.
Je l’informe que je considère qu’il est capable d’être conseiller à la vente de véhicules automobiles. T est en désaccord avec cette décision et il me mentionne qu’il va contester cette décision. Il me demande de faire parvenir la lettre de décision à Me Bellemare.
[notre soulignement]
[64] Le travailleur poursuit son témoignage en indiquant qu’il a reçu, quelques jours plus tard, la décision de la CSST. Sur réception, il a communiqué avec M e Bellemare. Puisqu’il était absent, il a discuté avec madame Lépine, sa secrétaire, qui lui a affirmé que tous les documents qu’ils reçoivent sont contestés et qu’il n’avait donc pas à s’en faire.
[65] Le travailleur précise que M e Bellemare agit à titre de procureur dans son dossier depuis 2006. Avant, il était représenté par M e Shedleur qui a quitté la profession.
[66] Par la suite, le travailleur n’a pas fait d’autres démarches considérant que M e Bellemare gérait son dossier comme il l’a fait pour toutes les autres contestations antérieures.
[67] Entre avril et décembre 2010, le travailleur admet qu’il n’a pas eu d’autres discussions avec M e Bellemare à l’égard de cette contestation, considérant que tout était sous contrôle et étant conscient des longs délais entre le dépôt d’une contestation et une audience devant le tribunal. Il précise cependant qu’au cours de cette période, un accord est intervenu à l’égard du revenu brut annuel retenu pour le paiement rétroactif de l’indemnité de remplacement du revenu au 12 juin 2007.
[68] En septembre 2010, en lien avec cet accord, le travailleur a communiqué de nouveau avec M e Bellemare, mais ils n’ont pas spécifiquement abordé la question de la capacité du travailleur, leurs efforts étant alors concentrés sur cet accord à venir.
[69] En décembre 2010, il reçoit un avis de paiement de la CSST l’informant que son indemnité de remplacement du revenu est réduite et l’apporte au bureau de M e Bellemare afin qu’il le conteste.
[70] Pour sa part, M e Bellemare apporte également des précisions en lien avec le traitement du dossier. Il confirme qu’en décembre 2010, le travailleur lui a transmis un avis de paiement selon lequel son indemnité de remplacement du revenu était réduite. Il avait alors de la difficulté à concilier cet avis de paiement avec l’accord intervenu en septembre 2010 relativement à la base salariale. Il a donc transmis des documents à M e Rondeau le 20 décembre 2010, tel qu’il appert du bordereau de transmission sur lequel apparaît une note où il l’enjoint à communiquer avec lui concernant le dossier du travailleur.
[71] Le 22 décembre 2010, M e Rondeau répond à M e Bellemare en confirmant que le travailleur a reçu tous les paiements auxquels il avait droit. Pour le reste, elle le réfère à madame Solène Pigeon-Asselin qui s’occupe des dossiers inactifs à la CSST, ce que confirme M e Rondeau à l’audience, et ce, bien qu’aucune note évolutive de la CSST ne le mentionne.
[72] Le 29 mars 2011, M e Bellemare écrit à madame Pigeon-Asselin ce qui suit :
Madame,
Il me semble qu’une erreur se soit glissée dans le traitement de ce dossier. La base de salaire a été majorée à 36 120,55 $ alors que notre client ne reçoit que 609,44 $ aux deux semaines.
Pourriez-vous me fournir des calculs qui permettent à la CSST d’en arriver à un tel résultat?
Bien à vous.
M e Marc Bellemare
[73] Madame Pigeon-Asselin communique avec M e Bellemare par téléphone et fait alors référence à la décision de capacité rendue le 13 avril 2010 dont il ignorait l’existence. Il lui demande de lui fournir copie de cette décision, ce qu’elle fait le 20 avril 2011, tel qu’il appert du bordereau de transmission. Dès sa réception, M e Bellemare la conteste immédiatement, soit le 21 avril 2011.
[74]
Le procureur du travailleur soutient que les circonstances particulières
entourant le traitement du dossier font en sorte que le travailleur a soumis un
motif raisonnable lui permettant d’être relevé des conséquences de son défaut
d’avoir produit sa demande de révision à l’intérieur du délai de 30 jours prévu
à l’article
[75] En effet, le procureur du travailleur s’appuie sur les notes évolutives de la CSST qui corroborent le témoignage du travailleur selon lequel, dès qu’il a été informé par la conseillère en réadaptation de la décision de capacité que s’apprêtait à rendre la CSST, il lui a spécifiquement demandé de la transmettre à M e Bellemare.
[76] De plus, le procureur du travailleur plaide que le travailleur a fait preuve de diligence en communiquant avec sa secrétaire concernant la réception de cette décision. Compte tenu de la relation professionnelle qui existait déjà avec son procureur, le travailleur s’attendait à ce que cette décision soit contestée et a donc fait preuve de diligence dans les circonstances.
[77]
Le tribunal doit déterminer si le travailleur a soumis un motif
raisonnable lui permettant d’être relevé des conséquences de son défaut d’avoir
produit sa demande de révision à l’extérieur du délai prévu à l’article
[78] À la lumière de la preuve offerte, le tribunal conclut par l’affirmative à cette question.
[79] Plus précisément, le tribunal retient le témoignage du travailleur selon lequel il a clairement manifesté son intention de demander la révision de la décision du 13 avril 2010 dès qu’il a été informé de la teneur de celle-ci par l’agente d’indemnisation, tel qu’il appert des notes évolutives.
[80] De plus, il a fait preuve de diligence en demandant, dans un premier temps, à la conseillère en réadaptation de la CSST, de transmettre copie de cette décision à son procureur, M e Bellemare, et, dans un deuxième temps, en communiquant avec le bureau de M e Bellemare pour s’assurer que le tout avait bel et bien été contesté.
[81] Sur la base des représentations faites par la secrétaire de M e Bellemare, il était raisonnablement en mesure de s’attendre à ce que cette contestation suive son cours. Dès lors, il est normal que le travailleur n’ait pas relancé, à court terme, M e Bellemare, étant conscient des délais habituels de traitement de ce type de contestation.
[82] Par ailleurs, la correspondance produite permet d’établir qu’une confusion s’est installée au dossier et que ce n’est qu’après avoir reçu l’avis de paiement en décembre 2010 que M e Bellemare a été sensibilisé, pour la première fois, à l’existence de cette décision de capacité. Les démarches documentées au dossier démontrent que dès qu’il a été informé de l’existence de cette décision, M e Bellemare l’a contestée avec diligence et sans délai.
[83] Dans ces circonstances, le tribunal conclut que la demande de révision déposée par le travailleur le 21 avril 2011 à l’encontre de la décision de la CSST du 13 avril 2010 est recevable.
La capacité du travailleur à occuper l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles
[84] Qu’en est-il du fond du litige?
[85] Le procureur du travailleur soulève préliminairement une question liée au statut du docteur Lépine. Il rappelle que la CSST s’est considérée liée par son expertise médicale du 3 octobre 2008 et que c’est sur la base des limitations fonctionnelles qu’il y détermine, qu’elle statue sur la capacité du travailleur. Il prétend qu’elle a erré en procédant ainsi.
[86] Au soutien de ses prétentions, le procureur du travailleur insiste sur le fait que la CSST s’est ainsi considérée liée par l’évaluation du docteur Lépine à la suite de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 28 août 2009. Or, il argue que le litige qu’elle avait alors à trancher portait uniquement sur la relation causale entre la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007 et l’événement initial du 15 juin 1970 et non sur des questions d’ordre médical.
[87] Néanmoins, il concède qu’il est possible que lors de son témoignage à l’audience, le docteur Lépine ait abordé d’autres aspects tels que la consolidation de la lésion, mais affirme que cela n’en fait pas pour autant le médecin qui a charge du dossier du travailleur au sens de la loi à l’égard de la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007. Il soutient que c’est plutôt le docteur Brault qui agit à ce titre, car il assure le suivi de la condition du travailleur depuis 2006.
[88]
Dans ce contexte, le procureur du travailleur soutient que la CSST a commis une erreur en concluant que le docteur Lépine était le médecin qui a charge et
que, par conséquent, elle était liée par ses conclusions conformément à
l’article
[89] À ce sujet, il réfère aux notes évolutives de la CSST qui révèlent que le travailleur a fait connaître son désaccord à l’égard du statut de médecin qui a charge octroyé au docteur Lépine et l’a manifesté spontanément lors de certaines conversations téléphoniques, notamment celles avec madame Bergeron.
[90] Selon le procureur du travailleur, la CSST aurait dû intervenir auprès du docteur Brault pour obtenir un rapport médical final et un rapport d'évaluation médicale tel que le prévoit la loi, ce qu’elle n’a pas fait.
[91] Par conséquent, selon lui, la décision rendue le 13 avril 2010 doit être annulée et le dossier doit être retourné à la CSST afin qu’elle obtienne de la part du docteur Brault un rapport final et un rapport d’évaluation médicale, puis qu’elle reprenne le processus de réadaptation qui a été bâclé et fait prématurément, selon ses prétentions, en se basant sur de mauvaises données.
[92] De plus, le procureur du travailleur insiste sur le fait que le processus de réadaptation exige la collaboration du travailleur alors qu’en l’espèce, la décision a été prise le 8 avril 2010 et le travailleur en a été avisé le 9 avril 2010. En aucun temps, on a requis sa collaboration ou a-t-il été impliqué dans le processus. Pourtant, le procureur du travailleur rappelle qu’il s’agit de dispositions impératives de la loi. Il est d’avis que même si l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles avait déjà été retenu par la CSST, la situation a évolué et justifiait une démarche plus complète.
[93] Subsidiairement, si jamais le tribunal en venait à la conclusion que la CSST était liée par l’évaluation du docteur Lépine, il affirme que le travailleur ne peut exercer l’emploi de vendeur de véhicules automobiles puisqu’il s’agit d’un emploi qui demande d’être debout et/ou assis plus de 30 minutes et de conduire une automobile; ce qu’il ne peut faire en raison de la prise de narcotiques. De plus, il doit être courtois, ce qui est difficile pour lui, considérant la lourde médication qu’il doit prendre pour alléger ses douleurs.
[94] À ce sujet, dans le cadre de son témoignage, le travailleur affirme qu’il n’est pas capable d’être vendeur de véhicules automobiles puisqu’il doit prendre des narcotiques, soit du Supeudol, 120 mg, 6 fois par jour aux 4 heures, accompagné de Tylenol en entre-doses, 650 mg, 4 fois par jour. Il affirme que ces médicaments affectent sa mémoire et l’empêchent de conduire.
[95] De plus, le travailleur se plaint de troubles de sommeil en raison de la douleur qu’il ressent la nuit et pour laquelle il doit également prendre des médicaments.
[96] De même, il se dit incapable de rester en position debout ou assise longtemps et ne se sent pas capable de faire des essais routiers en raison des effets des médicaments. Il admet cependant qu’au plan personnel, il fait entre 100 à 150 kilomètres par semaine au volant de sa voiture, principalement entre Charny et Lévis, pour effectuer ses emplettes et autres déplacements.
[97] Le travailleur termine son témoignage en affirmant qu’il est incapable de faire quelque travail rémunérateur que ce soit puisqu’il n’a plus de concentration, rappelant qu’il aura bientôt 62 ans.
[98] À l’égard de la capacité du travailleur, la procureure de la CSST ne partage pas la position défendue par le procureur du travailleur selon laquelle elle n’est pas liée par l’évaluation médicale du docteur Lépine.
[99] Elle rappelle que rien n’empêche le travailleur de continuer d’être suivi par le docteur Brault, mais il ne peut à la fois bénéficier de l’évaluation médicale du docteur Lépine lorsqu’elle est avantageuse pour lui et s’en dissocier lorsqu’elle ne l’est plus. Elle comprend difficilement comment le travailleur peut affirmer que le docteur Lépine n’a pas procédé à une évaluation médicale de la lésion professionnelle du 12 juin 2007, compte tenu de l’entrée en matière apparaissant à son rapport et de la forme de cette expertise, soit celle d’un rapport d'évaluation médicale.
[100] De plus, la procureure de la CSST constate, à la lecture de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 28 août 2009, que le docteur Lépine s’est prononcé à l’égard des conclusions médicales relatives à la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007 dont notamment la consolidation de celle-ci et les séquelles permanentes qu’en conserve le travailleur.
[101] Relativement à la capacité du travailleur d’exercer l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles, en se basant sur les limitations fonctionnelles émises par le docteur Lépine, la procureure de la CSST croit qu’il faut nuancer les affirmations du travailleur lorsqu’il dit qu’il n’a pas de concentration. Elle rappelle que ce dernier a admis, lors de son témoignage, que le jour de l’audience, il a pris de la médication à 5 h et à 9 h, soit juste avant son témoignage devant le tribunal. Pourtant, elle signale qu’il a témoigné longuement et ses propos étaient très clairs, précis et cohérents. Son niveau de fonctionnement était très adéquat et elle a remarqué sa courtoisie pendant toute la durée de l’audience.
[102] À l’égard des postures que le travailleur doit adopter dans le cadre de l’exercice de l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles, elle rappelle qu’il ne s’agit pas de postures statiques. Quant aux essais routiers, elle rappelle que c’est le client qui conduit l’automobile et non le conseiller en vente.
[103] Selon la procureure de la CSST, la preuve est prépondérante et démontre que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles.
[104]
À la
lumière de l’ensemble de la preuve offerte, le tribunal conclut que la CSST était liée par l’évaluation médicale du docteur Lépine le 3 octobre 2008, conformément à
l’article
[105] Pour en venir à cette conclusion, le tribunal se base sur l’ensemble de la preuve offerte et plus particulièrement sur le cheminement du dossier. Il appert de celui-ci que le docteur Brault a assuré le suivi médical de la condition du travailleur à compter du 5 mai 2006.
[106] Cependant, dès la consultation du 20 février 2008, le docteur Brault s’est positionné en mentionnant que le travailleur conserverait des limitations fonctionnelles importantes mettant en péril sa capacité à exercer tout emploi. Il prévoyait que le travailleur soit évalué, mais n’a jamais cru utile de le faire personnellement.
[107] La loi consacre le droit du travailleur de consulter le médecin de son choix. C’est ce que prévoit l’article 192 en ces termes :
192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
__________
1985, c. 6, a. 192.
[108]
Par
ailleurs, les articles
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
__________
1985, c. 6, a. 199.
200. Dans le cas prévu par le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 199, le médecin qui a charge du travailleur doit de plus expédier à la Commission, dans les six jours de son premier examen, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport sommaire comportant notamment :
1° la date de l'accident du travail;
2° le diagnostic principal et les renseignements complémentaires pertinents;
3° la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle;
4° le fait que le travailleur est en attente de traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou en attente d'hospitalisation ou le fait qu'il reçoit de tels traitements ou qu'il est hospitalisé;
5° dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent.
Il en est de même pour tout médecin qui en aura charge subséquemment.
__________
1985, c. 6, a. 200.
201. Si l'évolution de la pathologie du travailleur modifie de façon significative la nature ou la durée des soins ou des traitements prescrits ou administrés, le médecin qui a charge du travailleur en informe la Commission immédiatement, sur le formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
__________
1985, c. 6, a. 201.
202. Dans les 10 jours de la réception d'une demande de la Commission à cet effet, le médecin qui a charge du travailleur doit fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport qui comporte les précisions qu'elle requiert sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
__________
1985, c. 6, a. 202; 1992, c. 11, a. 12.
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
__________
1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[nos soulignements]
[109] En l’espèce, la première attestation médicale destinée à la CSST a été remplie par le docteur Brault le 12 juin 2007. Par la suite, c’est le docteur Francoeur qui rédige deux rapports médicaux destinés à la CSST respectivement les 9 août et 13 décembre 2007. Puis, sur le rapport médical qu’il rédige le 15 janvier 2008, le docteur Brault indique que le travailleur a été vu par le docteur Francoeur et qu’il ne sera pas opéré. Il mentionne qu’il est en attente d’une résonance magnétique au genou gauche (nerf péroné G) et il inscrit : « …puis procèderons à une évaluation. »
[110] Sur le rapport qu’il complète le 20 février 2008, le docteur Brault inscrit :
Invalidité en cours→ à poursuivre. Cas en contestation→ audition attendue à la CLP.
[111] Par ailleurs, il appert de ses notes de consultation qu’il se positionne sur l’incapacité du travailleur à refaire son emploi prélésionnel de préposé à l’entretien d’un terrain de golf. Il complète ses notes comme suit :
Nous convenons du handicap. Nous attendrons événement médico-légal.
[112] Sur les rapports médicaux subséquents que remplit le docteur Brault, il mentionne que le travailleur est en attente d’une décision de la Commission des lésions professionnelles.
[113] Il appert de ses notes de consultation du 29 avril 2008 ce qui suit :
[…]
Nonobstant ce côté administratif, il est certain que monsieur ne peut reprendre le travail actuellement : il y aura nécessité d’une évaluation médicale afin de bien déterminer les limitations fonctionnelles qui seront certes : éviter de soulever des poids de plus de 10 kg surtout s’il s’agit d’efforts répétitifs, éviter les mouvements en position extrême, flexion, extension, rotation du tronc, éviter les vibrations de basse fréquence, éviter les postures statiques au-delà de 30-45 minutes sans qu’il y ait de possibilité de modifier sa position.
[…]
[notre soulignement]
[114] Bien que dès avril 2008, le docteur Brault recommande une évaluation médicale afin de déterminer les limitations fonctionnelles, il ne complète pas de rapport médical final et ne procède pas formellement à une telle évaluation médicale des séquelles permanentes que conserve le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle.
[115] Le tribunal constate du dossier que c’est la procureure dûment mandatée par le travailleur, M e Shedleur, qui confie un mandat d’évaluation au docteur Lépine.
[116] Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal constate qu’il ne s’agissait pas uniquement, tel que le soutient le procureur du travailleur, d’un avis permettant d’obtenir l’opinion du médecin sur la relation causale entre la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007 et l’événement initial, mais bel et bien d’un rapport d'évaluation médicale en bonne et due forme.
[117] Le tribunal retient de la preuve que les séquelles permanentes que conservait le travailleur à la suite de la lésion professionnelle du 16 août 2005 avaient déjà fait l’objet d’une évaluation de la part du docteur Francoeur le 12 juin 2006, évaluation avec laquelle le médecin du travailleur s’était dit en accord. Dans ce contexte, il est clair que l’évaluation des séquelles faite par le docteur Lépine le 3 octobre 2008 visait celles consécutives à la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007.
[118] Dans le cadre de son évaluation, le docteur Lépine se prononce à l’égard de la consolidation de la lésion professionnelle du 12 juin 2007 de même que sur l’existence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles. De plus, il répond aux questions de la procureure à l’égard de la conduite thérapeutique et de l’investigation à venir en lui suggérant un suivi médical.
[119] Il appert également du dossier que subséquemment à cette évaluation faite par le docteur Lépine le 19 novembre 2008, le docteur Brault rédige un rapport médical destiné à la CSST sur lequel il inscrit qu’il réfère le travailleur au docteur Lépine.
[120] De plus, ses notes de consultation font référence à l’expertise du docteur Lépine du 3 octobre 2008 et au fait que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de classe II selon l’IRSST. Rien dans les notes du docteur Brault ne permet de croire qu’il est en désaccord avec les conclusions du docteur Lépine à ce sujet.
[121] De même, le tribunal constate que, sur la base de cette évaluation, et après que le travailleur ait affirmé à l’agente d’indemnisation qu’il s’agissait du rapport d’évaluation médicale, tel qu’il appert de la note d’intervention du 24 septembre 2009, la CSST a conclu qu’il conservait une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 8,85 % lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 4 768,91 $ plus intérêts.
[122] Bien que le travailleur ait contesté cette décision, invoquant notamment que l’évaluation médicale du docteur Lépine ne lui était pas suffisamment favorable, il s’est désisté de sa contestation et la décision a donc acquis un caractère final et irrévocable.
[123] Ce n’est qu’au moment où la CSST a dû statuer sur la capacité de travail du travailleur qu’il a manifesté, pour la première fois, son opinion selon laquelle la CSST ne devait pas être liée par le docteur Lépine. Le tribunal trouve pour le moins surprenant que ce rapport, que le travailleur qualifiait de rapport d'évaluation médicale en septembre 2009, n’en soit plus un au moment de déterminer sa capacité de travail en avril 2010.
[124] De plus, le tribunal constate que contrairement à ce qu’a affirmé le travailleur à l’audience, il a revu le docteur Lépine à deux occasions après l’évaluation du 3 octobre 2008, soit les 8 et 20 janvier 2009. Cet état de fait affaiblit son affirmation selon laquelle le docteur Lépine est un médecin qu’il n’a vu qu’à une occasion pour une audience à la Commission des lésions professionnelles, sans plus.
[125] La Commission des lésions professionnelles a eu à se positionner à l’égard de la notion de « médecin qui a charge » et a, à maintes occasions, rappelé qu’il est possible que celui qui procède à l’évaluation des séquelles permanentes ne soit pas le médecin qui a suivi le travailleur depuis la survenance de la lésion professionnelle.
[126] De même, elle reconnaît qu’il peut y avoir plus d’un médecin qui a charge au sens de la loi en fonction d’un aspect particulier du dossier sur lequel il peut être appelé à se prononcer [5] .
[127] Il ressort également de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles portant sur le sujet que l’un des éléments importants à considérer, notamment lorsqu’il est question de l’évaluation des séquelles permanentes, est de s’assurer que le médecin qui a procédé à cette évaluation provient d’un choix librement consenti par le travailleur.
[128] En l’espèce, la preuve révèle que le travailleur a consenti à être évalué par le docteur Lépine et qu’il a été informé des résultats de cette évaluation, que ce soit par sa procureure de l’époque, M e Shedleur, par le docteur Brault ou par le témoignage du docteur Lépine à l’audience devant la Commission des lésions professionnelles portant sur l’admissibilité de sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 12 juin 2007.
[129] De plus, par l’intermédiaire de son procureur, le travailleur a transmis cette évaluation à la CSST et lui a demandé de la considérer à titre de rapport d’évaluation médicale des séquelles de la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007.
[130] Plus encore, il s’est vu reconnaître une atteinte permanente à l’intégrité physique pour laquelle la CSST lui a versé une indemnité pour préjudice corporel sur la foi de cette évaluation. Pour le tribunal, ces éléments de faits démontrent qu’il a librement consenti à être évalué par le docteur Lépine.
[131]
Pour les
motifs exprimés plus haut, le tribunal conclut que le travailleur a librement
consenti à ce que le docteur Lépine évalue sa condition en relation avec la
récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007 et cette évaluation lie la CSST conformément à l’article
[132] Dans ce contexte, la CSST était liée par les conclusions médicales du docteur Lépine et c’est sur la base des limitations fonctionnelles que ce médecin a émis qu’elle devait évaluer la capacité de travail du travailleur.
[133] C’est ce qu’elle a fait en se référant à la description du poste apparaissant au système de classification REPÈRES. Il appert de cette description que le travailleur doit avoir les capacités physiques suivantes :
Capacité physique : vision : être capable de voir de près.
Perception sensorielle : être capable de distinguer les couleurs, être capable de communiquer verbalement.
Position corporelle : être capable de travailler en position assise et debout ou en marche.
Coordination des membres : être capable de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs.
Force physique : être capable de soulever un poids d’environ 5 à 10 kilogrammes.
[134] Le tribunal partage l’analyse de la CSST quant à la capacité physique requise pour effectuer cet emploi. Elle considère qu’elle respecte les limitations fonctionnelles émises par le docteur Lépine bien que cet emploi exige du travailleur qu’il ait à travailler en position assise, debout ou en marche.
[135] Or, l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles exige une alternance entre la position assise, debout ou en marche plutôt que des positions statiques, ce qui correspond à la capacité résiduelle du travailleur.
[136] Le tribunal retient du témoignage du travailleur qu’il prétend que son principal problème en est un de concentration en raison de la forte médication qu’il doit prendre.
[137] À ce sujet, le tribunal signale qu’il ne dispose d’aucune indication d’ordre médical à l’effet que le travailleur serait limité en lien avec sa concentration. Ni le docteur Brault, ni le docteur Lépine, ni le docteur Francoeur n’y font référence.
[138] Au surplus, le tribunal a constaté que le travailleur était très cohérent, fonctionnel et articulé lors du témoignage qu’il a livré à l’audience, et ce, bien qu’il avait pris des médicaments à deux occasions avant le début de son témoignage, soit à 5 h et 9 h du matin. Le tribunal accorde donc peu de valeur probante à cette affirmation du travailleur qui n’est aucunement documentée au dossier.
[139] Quant à sa capacité à conduire un véhicule automobile, le travailleur affirme qu’il a de la difficulté en raison de sa médication. Pourtant, il admet qu’il fait entre 100 et 150 kilomètres par semaine au volant de son véhicule personnel, principalement entre Charny et Lévis pour effectuer des emplettes et autres déplacements.
[140] De plus, tel que l’a souligné la procureure de la CSST, dans le cadre d’essais routiers, ce n’est pas le conseiller en ventes qui doit conduire le véhicule mais bien le client potentiel. Ceci ne cause donc pas de problème, et ce, bien que le tribunal rappelle qu’il n’a pas d’information d’ordre médical selon laquelle le travailleur serait limité au niveau de la conduite automobile.
[141] Par conséquent, le tribunal conclut que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi de conseiller en vente de véhicules automobiles à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 12 juin 2007, et ce, à compter du 9 avril 2010.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête déposée par monsieur Michel Gagné, le travailleur, le 20 juillet 2011;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 14 juillet 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE recevable la demande de révision déposée par monsieur Michel Gagné le 21 avril 2011;
DÉCLARE que monsieur Michel Gagné a la capacité d’exercer l’emploi de conseiller à la vente de véhicules automobiles à compter du 9 avril 2010;
DÉCLARE que monsieur Michel Gagné a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 8 avril 2011.
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Ann Quigley |
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M e Marc Bellemare |
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BELLEMARE, AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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M e Lucie Rondeau |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2]
Roy
et
CUM
, 1991, C.A.L.P. 916;
Duchesne
et
Jules Millette inc
., C.L.P.
[3] Dossier CSST 112510904.
[4] A-3.001, r. 2.
[5]
Blais
et
Michel Leblanc Construction,
C.L.P.