Doucet Machinerie inc. c. KWP inc. (9155-9658 Québec inc.) |
2012 QCCS 1319 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT D'ARTHABASKA |
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N° : |
415-17-000753-107 |
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DATE : |
8 mars 2012 |
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EN PRÉSENCE DE : L’HONORABLE ÉTIENNE PARENT, J.C.S. |
(JP1892) |
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DOUCET MACHINERIE INC. |
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Demanderesse Défenderesse reconventionnelle
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c.
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KWP INC. (anciennement 9155-9658 Québec inc.) |
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Défenderesse Demanderesse reconventionnelle |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse (Doucet) conçoit et fabrique des équipements destinés à la transformation du bois ayant déjà subi une première transformation.
[2] À la suite de discussions s'étant échelonnées pendant près d'un an, la défenderesse (KWP) convient d'acquérir de Doucet une série d'équipements.
[3] Doucet réclame de KWP le solde dû à la suite de la vente et de la livraison des équipements.
[4] KWP nie devoir à Doucet le solde réclamé, alléguant le mauvais fonctionnement de l'un des équipements vendus, décrit par les parties sous le terme « embosseuse ». KWP formule une demande reconventionnelle par laquelle elle réclame une indemnité pour l'entreposage de l’ embosseuse qui n'aurait jamais été utilisée et pour compenser les pertes qu'elle aurait subies par la nécessité de s'approvisionner auprès de tiers pour les produits qu'aurait dû transformer l'équipement défectueux.
Contexte
[5] En 2005, KWP, alors connue sous la dénomination Revêtement St-Laurent, forme le projet de se procurer des équipements de production de revêtements extérieurs. Dans son projet, KWP veut elle-même produire des lamelles devant servir au revêtement extérieur de bâtiments. Ces lamelles sont découpées à partir de panneaux de fibres de bois de plus grande dimension.
[6] KWP négocie avec Doucet l'acquisition des équipements requis. Dans ce contexte, un contrat de vente intervient entre les parties le 13 février 2006, pour un montant avant taxes de 530 400 $ [1] .
[7] KWP doit verser à Doucet un acompte au début de la production des équipements, le solde étant payable au moment de la livraison.
[8] Le contrat est modifié par l'ajout de deux autres équipements, dont l'un est pertinent aux fins du présent litige. Il s’agit d’une embosseuse , qui fait l'objet d'un bon de commande signé par le président de KWP à l'époque, Jacques St-Laurent [2] .
[9] Le prix de cette machinerie est de 36 808 $, en incluant les taxes.
[10] Au cours des jours précédant la livraison des équipements, Doucet transmet sa facturation à KWP ainsi qu'à la Banque Royale du Canada (la Banque), qui finance l'acquisition des équipements [3] .
[11] Le solde dû de 576 968,15 $ est versé directement par la Banque à Doucet.
[12] Avant la livraison, des essais sont effectués à l’usine de Doucet. La livraison est ensuite effectuée entre le 30 mai 2006 et le 20 juin 2006 à l'usine de KWP [4] .
[13] Le 26 juillet 2006, les parties se rencontrent chez KWP afin de faire le point sur le fonctionnement des équipements.
[14] Une liste de problèmes et de déficiences est alors dressée.
[15] Vu l’importance des éléments listés, les parties conviennent du dépôt d'une somme en fiducie représentant environ 5 % du contrat total [5] .
[16] Il y a lieu de reproduire certains extraits de cette entente:
ATTENDU QUE, dans le cadre de l'installation de l'équipement et de la machinerie, les parties se sont entendues sur une liste de modifications et d'ajustements à être effectués par le Vendeur et lesquels sont décrites à l'annexe 1;
ATTENDU QUE dans l'attente que les modifications et ajustements soient effectués, les parties ont convenu, à la demande expresse de l'Acheteur, que le Vendeur dépose en fidéicommis une somme représentant un pourcentage du montant de la vente d'équipement et de machinerie, laquelle somme devant être remise au Vendeur dès les modifications et ajustements effectués .
[…]
1.03 L'Acheteur et le Vendeur s'engagent, de bonne foi, à aviser par écrit Me Diane Prudhomme de la réalisation des ajustements et modifications le jour même où ceux-ci sont terminés.
1.04 Me Diane Prudhomme s'engage à remettre au Vendeur la somme totale mentionnée à 1.01, en plus des intérêts, dès que les parties lui notifient par écrit que les ajustements et les modifications sont effectués ou dès qu'elle lui donne tout simplement ordre de remettre ladite somme au Vendeur.
(Soulignements du Tribunal)
[17] Le 1 er août 2006, Doucet émet un chèque à l'ordre de Me Diane Prudhomme au montant de 36 808 $ [6] .
[18] Selon le président de Doucet, monsieur Gilles Doucet, au courant du mois d'août 2006, tous les correctifs nécessaires sont apportés aux problèmes et déficiences notés par les parties le 26 juillet 2006.
[19] Ne recevant pas le remboursement de la somme versée en fiducie, Gilles Doucet se rend à quelques occasions à l'usine de KWP à l'automne 2006.
[20] Selon son témoignage, il est informé que l' embosseuse n'est plus utile à KWP, laquelle lui demande de présenter une soumission pour la fourniture d’un convoyeur devant être installé en remplacement de l' embosseuse dans la ligne de production des lamelles de revêtements extérieurs.
[21] Selon Gilles Doucet, il ne reçoit aucune explication supplémentaire. Il présume simplement que cette pièce d’équipement n'est plus utile à KWP.
[22] Doucet présente une soumission pour le convoyeur, mais ne reçoit aucune réponse de KWP. Gilles Doucet apprend quelques semaines plus tard que KWP s'est procuré un convoyeur auprès d'une autre entreprise et que l' embosseuse n'est plus utilisée.
[23] Il apprend également que KWP s'approvisionne de panneaux pré embossés au lieu de les fabriquer elle-même.
[24] Le représentant de KWP, Léo Sabourin, corrobore pour l'essentiel les faits rapportés par Gilles Doucet sauf pour un élément important.
[25] En effet, monsieur Sabourin affirme que KWP n'a jamais été en mesure d'utiliser l' embosseuse . Monsieur Doucet en aurait été informé verbalement.
[26] Il explique que cet appareil, conçu et développé par Doucet, n'a jamais pu produire des lamelles de bois embossées, imitant un grain de bois de façon à obtenir un produit fini pouvant être vendu aux consommateurs.
[27] Pour mieux comprendre la problématique soulevée par KWP, une description sommaire de l’ embosseuse s’impose.
[28] Une partie des revêtements extérieurs vendus par KWP est constituée de lamelles tirées de panneaux de fibres de bois de plus grande dimension.
[29] Afin de donner un aspect naturel au revêtement, on y imprime un relief imitant le grain de bois.
[30] Les fabricants de revêtements extérieurs travaillent généralement à partir de grands panneaux de fibres de bois qui sont découpés en lamelles. Ces panneaux sont acquis déjà embossés d’un relief imitant le grain de bois sur l'ensemble du panneau, lequel est par la suite découpé.
[31] Comme ces panneaux sont beaucoup plus coûteux à l'achat que des panneaux réguliers sans embossage, KWP discute avec Doucet de la possibilité de mettre au point un équipement qui produirait des panneaux de fibres de bois possédant un aspect naturel du même type que les panneaux embossés achetés auprès des fabricants spécialisés.
[32] Gilles Doucet propose aux représentants de KWP de développer un équipement qui pourrait donner un résultat s'apparentant aux échantillons que KWP lui remet.
[33] Gilles Doucet met au point un équipement qui fonctionne, non pas à partir d'une presse, mais plutôt grâce à des couteaux actionnés par des cames, qui produisent sur les lamelles des rainures imitant le grain du bois.
[34] Les résultats présentés à KWP par Doucet la convainquent d'aller de l'avant avec la fabrication de l’ embosseuse .
[35] L’ajout de l’ embosseuse entraîne la modification du contrat de février 2006 et l'émission d'un bon de commande.
[36] Selon le témoignage de Léo Sabourin, l' embosseuse ne produit pas les résultats escomptés dans un contexte normal de fabrication où une certaine cadence de production doit être respectée.
[37] Dans ces circonstances, les lamelles seraient « déchirées » par les couteaux de l'embosseuse , créant des crevasses profondes dans les lamelles et non des rainures superficielles.
[38] Or, selon le témoignage de Sabourin, il ne serait plus possible d'appliquer par la suite la peinture requise afin de rendre étanches les lamelles. La peinture ne parviendrait pas à adhérer adéquatement sur toute la profondeur des crevasses, créant ainsi un effet de bulles. Monsieur Sabourin ajoute que dans ces circonstances, le fabricant de la peinture, Akzo Nobel, avise KWP de son refus d'offrir sa garantie habituellement applicable aux produits de KWP.
[39] Selon monsieur Sabourin, l' embosseuse de Doucet n'a jamais pu être utilisée pour la production. Il aurait avisé Gilles Doucet de ces difficultés et de l'impossibilité de trouver une solution au problème.
[40] KWP déclare être disposée à payer le solde contractuel si l' embosseuse peut donner un résultat adéquat selon ses besoins.
[41] Pour KWP, il était clair au départ qu'elle ne paierait cet équipement que s'il donnait le résultat escompté. À défaut, Doucet devait la reprendre, sans frais pour elle.
Analyse
[42] En demande principale, Doucet doit démontrer qu'elle a vendu et livré à KWP les équipements convenus entre les parties.
[43] Vu l'entente intervenue concernant la correction des déficiences constatées le 26 juillet 2006, Doucet doit également démontrer qu'elle a respecté son obligation de corriger les problèmes et déficiences.
[44] Or, de l'aveu même du représentant de KWP, Léo Sabourin, non seulement les équipements ont été livrés à son entreprise, mais les correctifs aux déficiences énoncées à l'annexe 1 de l'entente du mois d'août 2006 [7] ont été apportés.
[45] Partant de ce constat, il appartient à KWP de démontrer que l' embosseuse acquise de Doucet présente des déficiences qui justifient son non-paiement.
[46] Or, force est de constater qu'au moment où Gilles Doucet présente à KWP les échantillons qu'il est en mesure de fabriquer avec l'équipement qu'il a conçu, les représentants de cette dernière se déclarent satisfaits des résultats et transmettent un bon de commande pour l'acquisition de l' embosseuse .
[47] Le bon de commande [8] ne comporte aucune mesure de performance exigée concernant l'équipement, qu'il s'agisse de la profondeur de la rainure imitant le grain de bois, de la capacité d'adhérence de la peinture ou de la vitesse concernant la cadence de production des lamelles.
[48] Si, à première vue, cette absence d'exigences concernant les spécifications de l' embosseuse peut paraître étonnante, il n'en est rien.
[49] En effet, la preuve démontre qu'un équipement standard d'embossage, tel qu'utilisé par les fournisseurs de panneaux de fibres embossés, vaut environ 400 000 $.
[50] Or, KWP peut se porter acquéreur d'un équipement qui semble donner des résultats équivalents pour moins du dixième de ce montant.
[51] À cette époque, comme l'explique monsieur Sabourin, KWP n'avait pas envisagé d'ajouter cet équipement à la ligne de production de découpe des panneaux pré embossés. Comme la soumission de Doucet pour ces équipements était inférieure au financement obtenu par KWP auprès de la Banque, il a été possible, avec le solde disponible, d'acquérir l' embosseuse .
[52] Doucet, pour sa part, ne possède aucune expertise concernant les exigences liées à l’embossage des panneaux de fibre de bois, notamment en regard de la profondeur des rainures et de l'adhérence du scellant (peinture) appliqué.
[53] De l'avis du Tribunal, il incombait à KWP de préciser ses exigences, de manière quantitative et qualitative, si elles étaient déterminantes dans sa décision d'acquérir l' embosseuse .
[54] En aucun temps le représentant de KWP monsieur Sabourin n'a affirmé que l' embosseuse ne produisait pas des résultats semblables aux échantillons soumis par Gilles Doucet avant la vente de l'équipement. Il apparaît plutôt qu’à l'usage, les résultats se sont avérés insatisfaisants selon la cadence de production adoptée et après application de la peinture.
[55] KWP ne peut ajouter à l'entente des parties des conditions qui n'ont pas été stipulées. Elle ne peut, après réception de l’équipement, imposer à Doucet des exigences qu'elle n'a pas formulées au moment de sa commande.
[56] Mais il y a plus.
[57] La preuve démontre qu'en aucun temps après la livraison des équipements, KWP n'a dénoncé par écrit quelque problème de fonctionnement que ce soit concernant l' embosseuse .
[58] Au procès, elle ne fait entendre aucun représentant de la compagnie Akzo Nobel ni ne dépose aucun document émanant de cette entreprise qui confirmerait que le produit généré par l' embosseuse de Doucet ne peut recevoir le scellant qu'elle fabrique.
[59] En somme, la preuve de KWP concernant les problèmes de fonctionnement de l' embosseuse se limite au témoignage de son représentant Sabourin.
[60] Cela apparaît clairement insuffisant en regard du fardeau de preuve qui incombe à KWP.
[61] Le Tribunal conclut sur la demande principale que Doucet a livré à KWP l'ensemble des équipements pour lesquels elle s'était contractuellement engagée.
[62] KWP n'a pas démontré que Doucet ne s'est pas conformée à ses obligations contractuelles en regard de la vente et de la livraison des équipements ni n'a démontré que leur fonctionnement différait de ce qui lui avait été représenté par Doucet.
[63] Elle doit donc verser à Doucet la somme de 32 000 $ plus les taxes formant un montant total de 36 800 $, laquelle somme est actuellement détenue en fiducie par le procureur de KWP.
[64] Doucet demande que KWP soit condamnée à payer les intérêts sur cette somme puisque, malgré l'entente P-5, le montant n'a pas été détenu dans un compte en fiducie spécial par l'avocate Prudhomme, et n'a donc rapporté aucun intérêt, ce qui est admis par KWP.
[65] KWP rétorque cependant que l'avocate Prudhomme n'est pas intervenue à l'entente P-5, ne l'ayant pas signé.
[66] De l'avis du Tribunal, Doucet a droit de recevoir l'intérêt et l'indemnité additionnelle sur les sommes qui lui sont dues et ce, à compter de la mise en demeure, laquelle a été transmise plusieurs mois après que la somme soit exigible à la suite de l'exécution des correctifs des problèmes et déficiences notés le 26 juillet 2006.
Demande reconventionnelle
[67] Vu les conclusions auxquelles le Tribunal en vient concernant la demande principale, il y a lieu de rejeter la demande reconventionnelle de KWP.
[68] Au surplus, même si la demande principale avait été rejetée, le Tribunal aurait de toute manière rejeté la demande reconventionnelle.
[69] D'une part, aucune preuve sérieuse n'a été présentée concernant le montant de 7 200 $ réclamé par KWP à titre d'entreposage de l' embosseuse .
[70] Le montant de 300 $ par mois déterminé arbitrairement par KWP ne repose sur aucune donnée mise en preuve devant le Tribunal.
[71] En outre, la réclamation de 350 000 $ en dommages n'a fait l'objet d'aucune preuve, comme l’avait annoncé, dès le début de l'audience, le procureur de KWP.
[72] Cette réclamation aurait donc été rejetée, même si l'action principale l'avait été également.
Demande suivant l'article
[73] Lors des plaidoiries, le procureur de Doucet a requis que KWP soit condamnée à rembourser à Doucet l'ensemble de ses honoraires et déboursés extra judiciaires, au motif que tant la défense que la demande reconventionnelle s'avèrent abusives et sans fondement.
[74] Il est vrai que la demande reconventionnelle de KWP ne repose sur aucun fondement sérieux.
[75] Toutefois, l'analyse du dossier démontre que les principaux efforts des parties se sont articulés autour de la demande principale.
[76] Bien que le Tribunal ne retienne pas les arguments de KWP, cela ne signifie pas que la position qu'elle a adoptée en contestant la demande principale était abusive.
[77] Les conclusions du Tribunal reposent sur le fait qu'aucune condition contractuelle expresse n'imposait d’obligation de rendement concernant l' embosseuse , et sur l'absence de preuve prépondérante concernant son rendement déficient.
[78] Il s'agit de questions qui pouvaient faire l'objet de débats. Les moyens soulevés par KWP ne sauraient être qualifiés d'abusifs ou de purement vexatoires.
[79]
La demande de condamnation en vertu de l'article
[80] Doucet réclame également un montant de 4 996,72 $ pour de l'outillage (couteaux) installé sur l' embosseuse , à la demande de KWP.
[81] À l'audience, le représentant de KWP convient que le prix de cet outillage doit être ajouté à la valeur convenue pour l' embosseuse , tout comme, du reste, il en a été convenu pour l'outillage requis pour tous les autres équipements composant la ligne de découpe.
[82] La réclamation de Doucet doit être accueillie à cet égard pour l'entier montant.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[83] CONDAMNE la défenderesse KWP inc. à verser à la demanderesse Doucet Machinerie inc. la somme de 41 794,72 $, avec intérêt légal ainsi que l'indemnité additionnelle et ce, à compter du 17 avril 2009.
[84] REJETTE la demande reconventionnelle de la défenderesse.
[85] LE TOUT , avec dépens contre la défenderesse, limités à la valeur de la réclamation sur l'action principale.
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__________________________________ ÉTIENNE PARENT, j.c.s. |
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Me Alain Pard |
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Procureur de la demanderesse- défenderesse reconventionnelle |
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Me Gilles Poliquin |
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Poliquin, avocats |
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Procureurs de la défenderesse- demanderesse reconventionnelle |
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Date d’audience : |
18 janvier 2012 |
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